Rupture conventionnelle du contrat de travail : informations pratiques

Auteur(s)
Bertrand Vorms
Contenu

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 a introduit, en droit social, une innovation en autorisant désormais la rupture du contrat « d’un commun accord » entre les parties.
Cette nouvelle voie, dite « rupture conventionnelle », obéit à un régime autonome dont l’objectif est, en particulier, de s’assurer que le salarié ne sera pas lésé, d’une part, et que, d’autre part, sa volonté d’interrompre la relation contractuelle n’a pas été viciée. Il est donc prudent de rappeler par écrit au salarié qu’il a la faculté de recueillir des informations et avis nécessaires à sa décision, notamment en contactant le service public de l’emploi.
Cette rupture obéit à une procédure qu’il convient de respecter :
Bien que, la plupart du temps, précédée de discussions informelles, la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail ne débute qu’à compter d’un premier entretien, qui peut être provoqué par l’employeur ou par le salarié, mais qui doit faire l’objet d’une lettre d’invitation à discuter de cette éventualité. Le salarié doit recevoir l’information qu’il a la faculté de se faire assister, à cette occasion, dans les mêmes conditions que lors d’un entretien préalable au licenciement. L’employeur ne peut être assisté par un représentant de son organisation patronale (à l’exclusion de qui que ce soit d’autre, notamment avocat, expert-comptable, etc.), qu’à la condition que le salarié le soit. La loi ne fixe pas de délai entre la date de la convocation et celle de l’entretien, mais il est recommandé de respecter plusieurs jours (pour mémoire, en cas de licenciement : cinq jours ouvrables minimum).
Ce rendez-vous a pour objectif d’engager des pourparlers et d’aborder les conditions, la procédure et les conséquences, en particulier pécuniaires, de cette rupture. Doit notamment être exposé au salarié :
- qu’il bénéficiera d’une indemnité au moins égale à l’indemnité de licenciement résultant de l’application de la convention collective (si celle-ci est supérieure à l’indemnité légale prévue par les articles L. 1234-9 et R. 1234-9 du code du travail),
- que la rupture conventionnelle lui ouvre droit à une couverture d’assurance chômage, dans les conditions de droit commun, et il est prudent de lui expliquer le mécanisme du délai de carence qui retarde sa prise en charge, compte tenu de la perception d’une indemnité de rupture conventionnelle.
En fonction de sa situation, il est également nécessaire d’aborder, le sort du droit individuel à la formation, l’instauration possible d’un délai de préavis, le devenir de l’éventuelle clause de non concurrence, des régimes complémentaires d’assurance maladie ou de prévoyance, celui des avantages en nature, etc.
Il est important, pour l’employeur, de conserver une trace des informations données, et il est souhaitable de remettre au salarié contre décharge, un document abordant ces différents points.
Ces questions peuvent également faire l’objet d’entretiens intermédiaires, dont l’employeur devra se ménager la preuve de l’existence et du contenu, avant que les parties ne constatent, à l’occasion d’un rendez-vous ultime, la persistance de leur accord pour mettre un terme au contrat, entériné par la signature d’une convention de rupture.
Aucun délai n’est fixé entre le premier et le dernier entretien, mais si les parties ne se rencontrent que deux fois, il est recommandé de prévoir un temps de réflexion minimum de huit jours, pour permettre au salarié, éventuellement, de se renseigner par lui-même.
La convention de rupture résulte obligatoirement de la signature d’un formulaire Cerfa (téléchargeable), qu’il convient de renseigner de manière exhaustive. Il doit être établi en trois exemplaires, chaque partie en conservant au moins un. A compter de la date de signature de ce document, s’ouvre un délai de rétractation de quinze jours calendaires (tous les jours comptent), ce dont le salarié doit avoir été informé, offrant la faculté à chacune des parties de renoncer à la rupture, sans avoir à invoquer de motif, sous réserve d’en aviser l’autre par lettre recommandée AR ou remise en mains propres contre décharge.
Passé ce délai de quinze jours, une demande d’homologation au Directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle doit être adressée par la partie la plus diligente par courrier RAR, auquel est annexé un exemplaire du formulaire de convention de rupture.
L’administration en accusera réception aux deux parties, précisant la date à laquelle le délai d’instruction de la demande d’homologation expirera. Elle dispose, en effet, de quinze jours ouvrables pour vérifier le respect des conditions légales et s’assurer de la liberté du consentement des deux parties. Le défaut de réponse vaut homologation implicite (sauf pour les salariés « protégés »). Au plus tôt le lendemain de cette homologation (expresse ou tacite), la convention de rupture est définitive et le contrat peut être résilié.
L’employeur doit remettre au salarié, au moment de son départ de l’entreprise :
- un certificat de travail,
- une attestation pôle emploi (ex attestation Assedic),
- un reçu pour solde de tout compte,
- le dernier bulletin de paie, accompagné du règlement correspondant à son salaire, augmenté de l’indemnité conventionnelle de rupture.
Dernière innovation : douze mois après l’homologation de la rupture conventionnelle, celle-ci devient incontestable puisque le délai de recours contentieux devant le Conseil de prud’hommes, seule juridiction compétente, est alors expiré.
Ce nouveau mode de rupture du contrat de travail connaît un succès certain puisque, selon les statistiques de la DARES, plus de 130 000 demandes ont été homologuées entre juin 2008 et juillet 2009, le taux de refus se situant aux alentours de 15 %.
Reste que la rupture conventionnelle n’est pas possible dans un certain nombre de situations (salarié dont le contrat de travail est suspendu pour motif lié à la maladie ou à la maternité, contrat à durée déterminée, existence d’un contentieux entre les parties, licenciement économique…), de sorte qu’elle doit être maniée avec prudence : l’annulation de l’homologation, par le Conseil de prud’hommes, permet au salarié d’obtenir la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, accompagné de l’allocation d’indemnités conséquentes.

Source
La Lettre du Cabinet - Janvier 2010