T2A : une tendance au règlement amiable suivie d’un encouragement au procès

Auteur(s)
Jonathan Quadéri
Contenu

Comme dit le proverbe, « un mauvais accommodement vaut mieux qu'un bon procès » et, au regard de l’évolution donnée par la Cour de cassation au contentieux de la tarification à l’activité (T2A) des établissements de santé, il apparait salvateur, dans la résolution d’un nombre non négligeable de litiges, de suivre le conseil exprimé par cette formule.

On rappellera principalement, ici et pour mémoire, les termes d’un arrêt du 13 octobre 2011 (n° de pourvoi 10-24118), certes longs mais confirmés depuis, ayant bouleversé l’approche de la matière et résumant bien les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés les prétendus débiteurs de l’Assurance Maladie pour défendre leurs droits. Dans cette espèce, la Haute juridiction de l’ordre judiciaire a retenu que la décision attaquée (Cour d'appel d'Agen, 29 juin 2010) ayant relevé que « le tableau annexé à la mise en demeure fournit les précisions nécessaires […] quant à la date d'entrée et de sortie des patients […], l'identification […], le numéro de facture […], la date du mandatement […], le montant initial et […] retenu après le contrôle pour [et concernés par] chaque séjour mentionné, le montant de l'indu pris dossier par dossier, la nature du GHS refusé », que « […] ni le fait que le professionnel […] ait réalisé un acte médical au sein d'une structure hospitalière en utilisant, le cas échéant, les moyens techniques à sa disposition (plateau technique, appareils, conditions d'asepsie particulières, personnel paramédical), ni l'accueil de patients dans le secteur opératoire de la structure d'anesthésie ou de chirurgie ambulatoire permettant l'appel à un anesthésiste présent au bloc opératoire en cas d'accident ne suffisent à justifier la cotation d'un GHS », que « l'utilisation de boxes ou de chambres de la structure hospitalière pour le repos des patients doit se traduire par la mention, par l'établissement, dans le dossier médical d'une surveillance du patient conformément aux dispositions des articles R. 1112-2 et R. 1112-3 du code de la santé publique, ce qui […] n'est pas ressorti des dossiers contrôlés, de sorte que l'absence de traces écrites, de ce chef, empêche de retenir l'accomplissement d'un GHS » et, enfin, que « c'est à partir des données médico-administratives issues du contrôle que l'indu a pu être déterminé, dossier par dossier, pour des séjours clairement identifiés […] », c’est à bon droit et « sans inverser la charge de la preuve » que la Cour d’appel a déduit, d’une part, que « ces informations étaient de nature à permettre à la clinique de connaître le principe et les bases de calcul ayant permis de chiffrer l'indu en cause et de présenter utilement ses observations », d’autre part, que « la cotation GHS ne pouvait être appliquée aux actes litigieux » et conclu que « l'action en répétition de l'indu exercée par la caisse était justifiée ». Autrement dit, et bien que demeure encore à plaider, au cas par cas, un éventail significatif de moyens d’annulation des demandes de reversement d’indus (cf., par exemples, pour les décisions récentes obtenues par le Cabinet : CA Pau, 5 avril 2012, n° 10/02879 ; CA Agen, 27 mars 2012, n° 11/01400 ; CA Rouen, 31 janvier 2012, n° 11/01045 ; TASS de Gironde, 15 décembre 2011, n° 2011/2512), l’opportunité d’ester en justice s’apprécie aujourd’hui davantage au regard de la qualité des dossiers médicaux que, contrairement à avant, au constat d’une mise en œuvre effective, par l’établissement, d’une prise en charge spécifique au bénéfice du patient, le jour de la réalisation de l’acte médical (celui-ci ne suffisant plus si cette réalité n’a pas été retracée).

La probabilité que la production de ces dossiers soit rendue nécessaire en cours d’instance est donc devenue grande et, comme mentionné ci-dessus, les chances de succès devant le juge, substantiellement liées à leur contenu. Si le procès prend cette tournure, incontestablement les parties s’exposent à une expertise judiciaire, mesure qui à elle seule est susceptible d’engendrer un coût parfois égal ou supérieur au montant de la créance contestée. C’est bien là où le bât blesse !

En effet, et étant observé qu’au titre d’un même séjour hospitalier il n’est plus rare de constater une divergence persistante de positions entre l’établissement, les médecins-conseils et l’expert technique (ATIH) et/ou judiciaire (reflétant ainsi toute la complexité d’interprétation des textes et du codage T2A), l’aléa important que constitue de ce chef une condamnation de la structure de soins à l’endroit des organismes sociaux, outre d’une mise à sa charge des honoraires de l’expert et frais de procédure y afférents, invite et nous a conduits, s’agissant de litiges anciens ou dont l’objet pécuniaire est modeste, à recourir à la transaction, évitant pour le professionnel l’engagement de frais de défense disproportionnés. Mais attention, l’art de la négociation est fin et suppose, non seulement, une solide connaissance du dossier critiqué mais, aussi, une parfaite maîtrise de l’environnement et des règles juridiques applicables à l’espèce, l’objectif étant bien entendu de conclure un meilleur accord que le remboursement sec du montant majoré de l’indu réclamé.

Dans son Rapport Général du 17 novembre 2011, au nom de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2012, Madame Nicole Bricq, Sénatrice, rappelait que « le coût d’accès à la justice […] demeure un sujet d’importance car il commande le principe d’égalité ». Au vu de ce qui précède, le contentieux de la T2A semble parfaitement rendre compte des obstacles et atteintes au respect de cette pierre angulaire de notre système judiciaire.

Ceci est d’ailleurs encore plus vrai à la lecture du nouvel et dernier alinéa de l’article R. 162-42-13 du code de la sécurité sociale, expliquant que, « lorsqu'une décision juridictionnelle exécutoire aboutit à un montant d'indu inférieur à celui notifié initialement à l'établissement […], le Directeur général de [l’ARS] procède au réexamen du montant de la sanction [financière y afférente] en fonction du montant d'indu résultant de la décision juridictionnelle ». En d’autres termes et puisqu’indus T2A et sanction financière sont corrélatifs quant à leur montant, c’est désormais le pouvoir réglementaire qui encourage le justiciable à saisir le juge judiciaire, nonobstant le coût et les risques évoqués supra, pour espérer pouvoir être déchargé de la sanction infligée consécutivement au contrôle de la tarification de son activité. Mais il convient de faire entendre aux autorités de tutelle que l’intervention d’un règlement amiable, alternative au procès, doit également emporter diminution de la sanction précitée.

Source
La lettre du Cabinet - Septembre 2012
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