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Cession de contrat de médecin entre établissements de santé non acceptée par le praticien : résiliation imputable à la Clinique d’origine
(Cour d’appel Angers, 1ère ch. A, arrêt du 5 juillet 2011)
Isabelle Lucas-Baloup

La « restructuration de l’offre de soins » conduit certains acteurs, propriétaires de cliniques privées, à s’en débarrasser en les cédant à diverses autres structures, groupements de coopération sanitaire voire hôpitaux publics. La présente affaire montre, s’il en était besoin, que ces solutions n’exonèrent pas les cliniques privées de leurs obligations à l’égard de ceux des médecins libéraux titulaires de contrats d’exercice n’ayant pas expressément accepté le transfert :

Une Clinique avait concédé à un anesthésiste un contrat d’exercice privilégié à durée indéterminée, sans indemnité en cas de rupture, mais avec obligation de respecter un délai de préavis dont la durée variait en fonction de celle d’exécution du contrat. La clinique vend ses biens, ses équipements, plateaux techniques et autorisations ainsi que « son activité médicale » à un centre hospitalier intercommunal. L’acte de cession comporte une clause précisant : « Contrat des praticiens : l’acquéreur fera son affaire personnelle de l’ensemble des contrats conclus entre les praticiens et le vendeur. L’acquéreur s’engage à prendre en charge les conséquences, y compris financières, de l’éventuel refus de l’un des praticiens ». En exécution de cette clause, l’hôpital propose à l’anesthésiste un « contrat d’autorisation à intervenir dans les structures d’hospitalisation spécifiques », offre de contracter que l’anesthésiste refuse, considérant que les règles qui lui étaient imposées n’étaient pas acceptables. Aucune conciliation n’étant intervenue, l’anesthésiste assigne la Clinique en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et obtient un jugement condamnant cette dernière pour rupture par son fait exclusif du contrat d’exercice privilégié à lui payer environ 500 000 €, l’hôpital public étant tenu au paiement en application de la stipulation pour autrui contenue dans le contrat de cession.

Une contestation de la compétence des tribunaux judiciaires est élevée par l’hôpital, qui se termine par un arrêt du Tribunal des conflits qui juge que la convention de cession était un contrat de droit privé, relevant de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. L’affaire revient en conséquence devant la Cour d’appel d’Angers dont l’arrêt mérite d’être cité par extraits :

« I) Sur l’imputabilité de la rupture du contrat d’exercice privilégié « Attendu que le contrat d’exercice privilégié qui liait le médecin à la Clinique depuis 1977 s’est trouvé automatiquement résilié en 1997, date à laquelle le centre hospitalier intercommunal, structure publique, a repris, à titre exclusif, l’activité médicale de cet établissement de santé privé ; que le centre hospitalier soutient que cette rupture serait imputable au praticien qui aurait refusé de conclure le contrat d’autorisation à intervenir dans les structures d’hospitalisation spécifiques […] alors que ce contrat lui laissait la faculté d’exercer librement son art au sein d’une clinique ouverte, et dans le strict respect des conditions de son contrat d’exercice privilégié ; qu’il admet que la valeur nominale des redevances perçues sur les honoraires des médecins était plus élevée que dans le cadre du contrat d’exercice libéral, mais affirme que ce désavantage aurait été compensé par la disparition de certaines dépenses (frais de secrétariat, de formation, de déplacement, d’aides opératoires, d’achat de matériel) qui, dans le secteur privé, restent à la charge du praticien ; […] ,

« Mais attendu que, au-delà de la question des redevances perçues sur les honoraires du praticien lesquelles passaient de 10 % à un minimum de 20 %, pouvant aller jusqu’à 60 % selon le barème prévu par l’article R. 714-37 du code de la santé publique alors applicable, et dont l’augmentation se trouvait partiellement compensée par le transfert de certaines charges de fonctionnement vers l’établissement de santé public, force est de constater qu’aucune disposition légale ou conventionnelle ne contraignait l’anesthésiste à exercer son art dans une structure de clinique ouverte qui, bien que préservant la liberté de choix du patient et la liberté d’exercice des praticiens qui acceptent d’y intervenir, reste soumise aux contraintes de gestion du service public hospitalier ;

« Que, dès lors, chacun des praticiens libéraux exerçant au sein de la Clinique demeurait libre de ne pas accepter le contrat de collaboration qui lui était proposé par le centre hospitalier et que l’anesthésiste ne peut se voir imputer comme une faute d’avoir décliner l’offre de contracter, ni celle plus avantageuse, annoncée par l’ARH ; […] Attendu que le jugement ne peut donc qu’être confirmé en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat d’exercice privilégié de l’anesthésiste incombait exclusivement non pas au centre hospitalier au sein duquel ce praticien n’a jamais exercé son art, mais à la clinique qui, en vendant l’ensemble de ses biens immobiliers, des matériels, équipements et plateaux techniques servant à son exploitation ainsi que l’exclusivité de son activité médicale, s’est placée dans l’impossibilité absolue de poursuivre l’exécution de ses engagements envers son co-contractant ;

« II) Sur la sanction du non respect du délai de préavis

« Attendu qu’aucune des parties ne conteste que cette rupture unilatérale n’a pas été précédée du délai de préavis de deux ans auquel l’anesthésiste pouvait prétendre en application de l’article 10 de son contrat d’exercice privilégié ; que, d’ailleurs, les négociations sur la cession de la clinique sont demeurées confidentielles jusqu’au 1er juillet 1997, date à laquelle une réunion d’information a été tenue avec l’ensemble des médecins libéraux et a permis d’évoquer toutes les possibilités de rapprochement entre la clinique et l’hôpital […]

« Qu’il s’ensuit que le délai de préavis n’a pu, au mieux, courir qu’à compter du 2 septembre 1997, date à laquelle l’anesthésiste a reçu le projet de contrat d’intervention dans la clinique ouverte que l’hôpital avait reçu l’autorisation de créer et a pu opter, en connaissance de cause, sur sa collaboration avec cette structure de santé ; que le praticien a donc disposé d’un préavis effectif d’un mois au lieu des 24 mois auxquels les avantages acquis de son contrat d’exercice privilégié lui permettaient de prétendre ;

« Attendu que ce contrat ne stipulant pas les modalités de calcul de l’indemnité compensatrice de préavis, il appartient au juge d’en chiffrer le montant, en considération du préjudice qui en a résulté pour l’anesthésiste ;

« Que, pour fixer cette indemnité compensatrice à la somme de 499 136,22 €, les premiers juges ont retenu qu’elle devait réparer la perte de revenus des deux années d’activités supplémentaires que l’anesthésiste aurait été en droit d’exercer au sein de la clinique, perte calculée d’après les recettes déclarées fiscalement par l’intéressé au titre des années 1995 et 1996 ; qu’il convient en outre de rappeler que la cession de la clinique a permis à l’hôpital de reprendre, sans régler de droit de présentation, la patientèle d’un praticien anesthésiste qui exerçait depuis plus de vingt ans dans une structure chirurgicale et gynéco-obstétricale qui, constituant la seule maternité privée de la Mayenne, générait en 1996 un chiffre d’affaires de 30 MF ; qu’en outre l’anesthésiste justifie avoir été contraint, pour reprendre son activité de médecin anesthésiste au sein d’une nouvelle clinique après trois mois d’interruption, de conclure un contrat de succession emportant le versement d’un droit de présentation au praticien auquel il succédait, ainsi qu’un nouveau contrat d’exercice libéral qui ne reprenait pas les avantages acquis de son précédent contrat ; qu’il en a nécessairement résulté, pour lui, un préjudice financier dont le Tribunal a justement estimé la réparation ;

« Que le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a chiffré l’indemnité réparatrice de la rupture abusive du contrat d’exercice privilégié de l’anesthésiste à la somme de 499 136,22 € ;

« III) Sur le débiteur de cette indemnité

« Attendu qu’aux termes de la clause intitulée « contrats des praticiens » figurant dans l’acte de cession conclu entre la clinique et le centre hospitalier intercommunal, il était convenu que : "A compter du 1er octobre 1997, l’acquéreur fera son affaire personnelle de l’ensemble des contrats conclus entre les praticiens et le vendeur. […] L’acquéreur s’engage à prendre en charge les conséquences, y compris financières, de l’éventuel refus de l’un des praticiens." […]

« Qu’il ressort clairement que le cessionnaire, personne morale de droit public, s’engageait à tout mettre en œuvre pour assurer la pérennité de l’entité cédée et pour faciliter la "reprise" des contrats d’exercice liant la clinique aux praticiens, en créant à cette fin une clinique ouverte ; […]. »

La Cour d’Angers condamne en conséquence l’hôpital à payer l’indemnité compensatrice de rupture sans préavis, outre 8 000 € au titre des frais judiciaires exposés par l’anesthésiste pour faire valoir ses droits.

Un arrêt à faire lire à un certain nombre de gestionnaires d’établissements tentés d’imposer, à faible coût, actuellement présentées comme « inéluctables » ou « incontournables » des cessions de contrat d’exercice libéral à des structures publiques qui modifient substantiellement les conditions initiales acceptées par les praticiens, non tenus d’accepter, malgré certaines affirmations contraires, ce changement d’encadrement contractuel qui s’accompagne, en raison des nouvelles dispositions de la loi HPST, d’une disparition du paiement à l’acte des honoraires, l’hôpital public ou le GCS optant pour l’échelle tarifaire dite publique conformément aux dispositions de l’article L. 6133-8 du code de la santé publique, règle lui-même les honoraires des médecins libéraux, le plus souvent en réduisant leur capacité à facturer des honoraires complémentaires s’ils sont inscrits en secteur 2…

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Cession Contrat Résiliation

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Contrat libéral entre clinique et médecin : respecter la clause de préférence avant de vendre l’établissement !
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 15 novembre 2010, Polyclinique La Pergola)
Isabelle Lucas-Baloup

Les contrats-types entre cliniques et spécialistes contiennent souvent des clauses de préférence, s’exprimant par une obligation des gestionnaires de l’établissement qui envisagent de le vendre de le proposer d’abord aux médecins bénéficiaires d’une telle clause. Au moment de la négociation, cette obligation est souvent purement et simplement oubliée, avec ou sans mauvaise foi des parties, et les actions judiciaires s’avèrent fréquentes sur ce fondement.


Une fois de plus, l’arrêt signalé rappelle la contrainte d’analyser et respecter une telle clause, en sanctionnant la Cour de Riom qui l’a écartée sans apporter une suffisante rigueur aux conséquences du « transfert effectif des autorisations de lits et du matériel » caractérisant la cession des éléments essentiels du fonds de commerce.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010


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Clause de préférence Clinique Contrat

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Contrat médecin/clinique : faute grave ou préavis
(arrêt du 14 novembre 2018, Cour de cassation, 1ère ch., n° 17-23135)
Isabelle Lucas-Baloup

   Arrêt extrêmement intéressant dans le cadre de la gestion des contrats d’exercice libéral entre médecins et établissements de santé privés : la Clinique a rompu le contrat d’exercice d’un radiologue, cédé avec accord écrit de l’établissement à une SELAS, pour l’exploitation d’un scanner. Le contrat prévoyait que chacune des parties pourrait y mettre fin en respectant un préavis de 6 mois et que la résiliation du contrat par la Clinique entraînerait au bénéfice du praticien le paiement d’une indemnité correspondant à une année de chiffre d’affaires, sauf si le praticien commettait une faute grave, privative de préavis et d’indemnité. La lettre de résiliation de la Clinique énonce un certain nombre de griefs à l’égard du radiologue et refuse de payer l’indemnité de résiliation prévue.

   La Cour d’appel de Paris avait écarté l’existence d’une faute grave et condamné la Clinique, auteur du pourvoi, à payer l’indemnité de résiliation (371 037 €).

   L’arrêt commenté confirme sur ce point la décision de la Cour d’appel au motif « qu’une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d’un contrat d’exercice conclu entre un professionnel de santé ou une société professionnelle et un établissement de santé pendant la durée même limitée du préavis ; elle ne peut dès lors être retenue que si la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat. La Cour d’appel a relevé que la Clinique avait résilié le contrat en accordant à la SELAS de radiologie un préavis de six mois ; il en résulte que la qualification de faute grave ne pouvait qu’être écartée.» L’arrêt est en revanche cassé sur les modalités de calcul de l’indemnité.

   Il convient en conséquence de se poser la question au moment de la notification de la décision de rompre un tel contrat, avec les conséquences de droit y attachées, donc prudemment celle de l’affirmation de l’existence d’une faute grave rendant impossible le maintien du contrat d’exercice libéral pendant la durée du préavis.

   La Cour de cassation juge que la Clinique ne peut, dans le même temps, laisser travailler le médecin pendant la durée du préavis et refuser de payer l’indemnité de fin de contrat dès lors qu’une clause mentionnait que son règlement était écarté en cas de faute grave. Ce qui est souvent le cas dans les contrats entre médecins et établissements de santé privés.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2019


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Contrat Faute grave Préavis

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Contrats entre spécialistes : SCM, exercice en site distinct, contrat spécifique sans société de fait
(Cour d’appel de Nîmes, 1ère ch. civ., arrêt du 14 juin 2011, n° 1000/01356)
Isabelle Lucas-Baloup

Deux angiologues, associés au sein de la SCM des Maladies Vasculaires, obtiennent une autorisation d’exercice en site distinct et s’y font remplacer, pendant deux ans, par une troisième consoeur qui signe avec les deux premiers un « contrat de communication de technique et de savoir-faire » en vertu duquel elle règle à chacun d’entre eux un peu plus de 30 000 €. Elle acquiert également 20 parts de la SCM.
Quelques années plus tard, la remplaçante associée de la SCM part s’installer ailleurs et demande l’annulation des contrats initiaux, souhaitant se voir rembourser son paiement primitif.
La Cour rejette sa demande en retenant que l’objet de ces contrats n’était ni inexistant ni illicite et que la demanderesse ne démontrait pas qu’ils étaient dépourvus de cause ou fondés sur une fausse cause pas plus qu’elle aurait manqué de l’assistance de ses confrères dans sa pratique quotidienne ; elle est donc déboutée de son action en nullité.
Elle soutenait également qu’aucune clientèle ne lui avait été cédée sur le site distinct, mais la Cour relève qu’aucun acte transférant de la patientèle n’avait été signé entre les trois médecins et que la demanderesse ne démontrait pas non plus l’existence d’une société de fait alors que les contrats avaient été passés dans le cadre de la Société civile de moyens des Maladies Vasculaires.
La remplaçante est donc entièrement déboutée par la Cour de Nîmes, comme elle l’avait été précédemment par le Tribunal de grande instance d’Avignon.
Conclusion : il faut lire les contrats et réfléchir, avant de signer, et de payer.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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Contrat SCM

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Crédit non adapté aux capacités financières du médecin emprunteur
(Cour de cassation, ch. comm., arrêt du 12 juillet 2011, radiologue c/ HSBC)
Isabelle Lucas-Baloup

Pour financer une augmentation du capital de sa SCM d’imagerie médicale, un radiologue souscrit un prêt in fine de 2 MF remboursable en 10 ans, au TEG de 6,94 % en 1994, prêt adossé à un contrat d’assurance vie-décès dit « Brevent » en unités de compte pour 250 000 F, à des SICAV obligataires de 250 000 F, à un PEA et un PEP chacun du même montant. Un avenant au prêt modifie les garanties (contrat dit « Vivarais »). Le radiologue ne rembourse pas le prêt et la banque l’assigne en paiement. Il invoque la nullité de la stipulation d’intérêts et le manquement de la banque à son obligation de conseil, d’information et de mise en garde lors de la souscription des placements garantissant le prêt. La Cour de cassation confirme la condamnation du radiologue décidée par la Cour de Grenoble, dans les termes ci-après :
« Attendu que l’arrêt retient que le banquier ne peut s’immiscer dans les affaires de son client et que M. B., qui a choisi de financer pour partie son apport en capital à la SCM A. ne peut reprocher à la banque de lui avoir fait souscrire un prêt inutile dont au demeurant il a tiré profit pendant la durée du prêt caractérisée par la déductibilité des intérêts de l’emprunt contracté ; qu’il retient encore que le banquier n’est pas tenu à une obligation de mise en garde lorsque l’opération sur des produits financiers n’a pas de caractère spéculatif, que M. B. se plaint seulement d’avoir souscrit des placements à rentabilité réduite et que la banque justifie que lors de l’ouverture du PEA elle a informé son client de ce que les investissements proposés étaient soumis aux aléas de la conjoncture boursière et qu’aucune garantie ne pouvait être donnée sur la plus-value à en attendre ; qu’ayant ainsi fait ressortir que la banque avait satisfait à son obligation d’information et de conseil sur les produits financiers souscrits en garantie du prêt consenti, et qu’elle n’était pas tenue à une obligation de mise en garde, la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »
Rejet du pourvoi du radiologue.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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Contrat Emprunt Médecins Prêt

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Faut-il signer les nouveaux contrats avant ou après le 1er octobre 2016 ?
Isabelle Lucas-Baloup

    Les médecins et autres professionnels de santé ou pas, les établissements de santé doivent-ils se précipiter pour une signature des nouveaux contrats et/ou d’éventuels avenants aux contrats anciens avant le 1er octobre prochain, ou au contraire prolonger la négociation pour différer l’adoption des nouveaux contrats après cette date ? Les parties le décideront en prenant en considération les forces et les faiblesses de leur position au regard du droit nouveau.

    Le 1er octobre 2016 entre en vigueur l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. De nombreux colloques, formations et publications ont expliqué aux professionnels du droit les dispositions du nouveau Livre III du code civil, qui succède à celui de 1804, qui avait peu évolué depuis les remarquables travaux de Cambacérès, Tronchet, Bigot de Préameneu, Maleville et Portalis et la loi du 30 ventôse an XII. Le format de la présente Lettre du Cabinet ne permet pas une analyse exhaustive de la réforme, dont l’apport est majeur tant pour la négociation (article 1112) et la conclusion du contrat (article 1113), que son exécution et sa résiliation (articles 1224 et suivants), ou encore la cession du contrat (article 1216), la force majeure (article 1218) et tant de dispositions nouvelles souvent issues de la jurisprudence de la Cour de cassation.
   L’urgence est de décider si, en septembre, il convient ou non de signer des contrats qui ne seront pas soumis à la loi nouvelle, ou au contraire de se hâter de ne rien faire. Pour vous aider dans l’éventuelle procrastination contractuelle sur laquelle vous hésitez, voici quelques points de repère sur les dispositions transitoires de l’article 9 de l’ordonnance, qui, c’est maintenant une tradition que le Gouvernement français s’attache à respecter, n’a pas tout prévu :
 
Ø Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 demeurent soumis à la loi ancienne, sauf certaines dispositions relatives à l’action interrogatoire en matière :
 
-   de pacte de préférence (article 1123), qui peut être bien utile en cas de cession de parts dans un cabinet de groupe ou de cessions d’actions d’établissements de santé lorsque les conventions actuelles le prévoient et qu’existe une incertitude sur la volonté des titulaires du droit ;
 
-   d’habilitation du représentant d’une partie au contrat en cours de conclusion (article 1158) : la signature du directeur régional d’un groupe de cliniques engage-t-elle un établissement dans lequel il n’a aucun pouvoir publié au RCS ?
 
-   de purge du contrat de ses vices potentiels (article 1183) : une partie peut demander à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat, soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion, par exemple la nullité pour vice du consentement d’un contrat signé avec un médecin qui s’avère non titulaire de la spécialité pour laquelle le contrat a été adopté.
 
Ø Les contrats signés à compter du 1er octobre 2016 seront soumis au droit nouveau. Il est fréquent que les professionnels de santé signent des contrats qu’ils ne datent pas en même temps, laissant au dernier des cocontractants le soin de mentionner la date opposable. Bien évidemment, il faudra oublier ce genre de pratiques aux alentours du 1er octobre 2016, aux fins d’éviter un débat sur les dispositions applicables. Ne pas hésiter à enregistrer le contrat pour lui donner date certaine, particulièrement si les parties veulent le soumettre au droit antérieur au 1er octobre.
 
Ø L’article 9, qui gouverne l’application dans le temps de l’ordonnance, ne prévoit rien sur le sort des contrats conclus avant le 1er octobre 2016 mais qui feront l’objet d’avenants postérieurs, contenant des modifications du contrat principal, substantielles ou non. Les avenants seront-ils soumis au droit ancien qui régit le contrat principal, ou seront-ils considérés comme des contrats nouveaux conclus postérieurement et de ce chef soumis au code civil réformé, ce qui conduirait à la situation confuse d’avoir deux régimes juridiques pour une situation contractuelle unique ? Attendons la jurisprudence, les commentateurs n’étant pas unanimes.
 
Ø Les dispositions nouvelles sur la fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre et les prestations de service (articles 1164 et 1165 nouveaux), à charge d’en motiver le montant en cas de contestation, contribueront à la modification du paysage contractuel notamment dans la relation médecins libéraux/cliniques lorsqu’il s’agit de définir la juste redevance.
 
Ø En ce qui concerne le renouvellement, après le 1er octobre 2016, de contrats signés avant cette date, il emportera application du droit nouveau, que le renouvellement soit tacite ou exprès, dès lors que le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat.
 
A ce titre, les parties peuvent conclure, avant le 1er octobre 2016, un nouveau contrat sans attendre la date de renouvellement si elle est postérieure au 1er octobre, afin d’éviter, si elles le souhaitent, l’application du droit nouveau qui les expose beaucoup plus qu’avant aux pouvoirs du juge qui, en vertu de l’article 1195 nouveau peut, en cas de changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l’exécution excessivement onéreuse pour une partie « procéder à son adaptation » et, à défaut d’accord dans un délai raisonnable, « réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe » : c’est tout le droit actuel de la redevance payée par les médecins aux cliniques privées qui sera modifié par la réforme, qui met à néant la célèbre jurisprudence Canal de Craponne (arrêt du 6 mars 1876) écartant la théorie de l’imprévision et contraignant une Clinique ayant signé un contrat d’exercice libéral prévoyant 2 % de redevance en servant des prestations de services pour un coût réel d’environ 25 % des recettes du médecin (instrumentiste + secrétaire + locaux de consultation par exemple) à continuer l’exécution « excessivement onéreuse » du contrat sans pouvoir le modifier pendant la durée contractuelle.
 
Ø D’après une partie de la doctrine, en cas de cession après le 1er octobre 2016 d’un contrat signé antérieurement, l’acte de cession est soumis à la réforme alors que le contrat initial demeure soumis au droit ancien : ainsi l’exclusivité consentie à l’origine à la faveur d’un chirurgien perdure lorsque la Clinique agrée son successeur si le contrat était cessible.
 
Ø Il en irait de même pour la prorogation de la durée d’un contrat, dont le terme est reporté mais qui demeure soumis au droit en vigueur à la date de sa conclusion initiale : ainsi les contrats prévus jusqu’à l’âge de 65 ans du praticien, mais prorogés lorsque la Clinique et le professionnel libéral s’accordent sur un exercice prolongé d’année en année par exemple.
 
   Le 6 juillet 2016, le Premier ministre a déposé, sur le bureau de l’Assemblée Nationale, un projet de Loi ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016 pour lui donner valeur législative. A défaut d’être ratifiée, l’ordonnance dégénèrera en un acte administratif réglementaire présentant une valeur inférieure à la loi et pouvant être soumis à un recours pour excès de pouvoir. A la date de publication de la présente Lettre du Cabinet, le projet de loi de ratification n’était pas encore inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale. Le Parlement peut modifier le texte de l’ordonnance à l’occasion du débat sur sa ratification. Wait and see.
 

 

La Lettre du Cabinet - Août 2016


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Contrat Médecins Réforme

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Indemnité de résiliation d’un contrat d’exercice : impôt au titre des plus-values professionnelles
(Cour administrative d’appel de Douai, 3è ch., arrêt du 7 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est fréquent que l’administration fiscale tente de soumettre à l’impôt sur le revenu l’indemnité de rupture d’un contrat libéral d’exercice de la chirurgie entre un praticien et une clinique privée. Une fois de plus, la juridiction administrative saisie sanctionne cette position dans un alinéa qu’il est utile de reproduire intégralement : « Attendu que M. X a conclu avec la clinique Ste I. une convention en vue de lui permettre d’exercer dans cette clinique sa profession de chirurgien ; qu’aux termes de cette convention, si la clinique met fin au contrat elle devra verser au praticien une somme égale au montant de la moyenne des honoraires réalisés par le praticien dans le cadre de son activité à la clinique pendant les trois années civiles précédant celle au cours de laquelle l’avis de rupture aura été envoyé au praticien ; que la clinique Ste I. a rompu le contrat et le conseil d’administration fixé le montant de l’indemnité à (...) ; que l’administration a regardé cette indemnité comme compensatrice de perte de recettes professionnelles et l’a imposée à l’impôt sur le revenu ; (...) que les requérants précisent que la décision de rompre le contrat par anticipation a été inspirée par la crainte que le renom de la clinique soit affecté par les démêlés judiciaires du chirurgien ; (...) considérant toutefois que le chirurgien, par la convention lui permettant d’exercer sa profession dans le cadre de la clinique Ste I. et de soigner la clientèle de cet établissement, a acquis un droit constituant, sur le plan fiscal, un actif professionnel qui, en vertu de cette même convention, aurait pu être cédé ; que la résiliation du contrat à l’initiative de la société Ste I. a fait disparaître ce droit d’exercice ; que cette indemnité doit donc être regardée comme destinée à compenser cette perte d’actif et doit être imposable selon le régime des plus-values et non, comme le soutient l’administration, comme recettes professionnelles ».
Jurisprudence classique : taxation à 16 % + prélèvements sociaux = 27 %.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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La clause de tentative de conciliation est obligatoire quand elle est prévue
(arrêt Cass. civ. 1ère ch., 30 octobre 2007, LexisNexis)
Isabelle Lucas-Baloup

Cà n’est pas nouveau mais souvent les parties (et/ou leurs avocats) oubliant de respecter ce préalable, la jurisprudence continue à le répéter : une procédure amiable de tentative de conciliation, prévue dans un contrat d’exercice libéral entre un établissement de santé et des médecins, s’impose avant d’engager une procédure judiciaire et doit être observée dans toutes ses dispositions. S’il est prévu qu’elle est confiée à deux membres du conseil de l’ordre des médecins c’est ainsi qu’elle doit être conduite et non autrement, sauf à ce que les deux parties modifient d’un commun accord, impérativement explicite sur ce point, leurs relations contractuelles.
Dans l’arrêt visé, deux médecins avaient tenté une « médiation » sous l’égide d’un tiers, qui ne correspondait pas à ce que le contrat entre eux prévoyait. La transaction proposée n’avait finalement pas été adoptée et les juges ont été saisis. La cour d’appel de Versailles rendit un arrêt considérant que la tentative de conciliation avait eu lieu. Cet arrêt est cassé par la Cour suprême qui s’attache au respect du contrat (article 1134, code civil) pour en déduire une fin de non recevoir, la procédure de conciliation n’ayant pas été diligentée dans les termes précis du contrat.
Ainsi, en matière de clauses de tentative de conciliation :

? dans un contrat entre un établissement de santé et un médecin : elle n’est pas obligatoire. Mais, si elle est prévue, elle doit être impérativement respectée, sinon les juges ne peuvent être saisis utilement. Si les parties sont d’accord pour ne pas recourir à ce préalable, elles doivent constater, par un avenant ou toute autre convention écrite, qu’elles se dispensent expressément de la procédure de tentative de conciliation, ce qui constituera entre elles un nouvel accord contractuel faisant « la loi des parties ». L’une ou l’autre pourra ensuite avoir recours à la justice. Elles peuvent également décider de substituer à la clause initiale une autre, prévoyant un collège différent de conciliateurs, mais là encore elles devront l’écrire clairement entre elles, et signer, en précisant pour éviter tout différend ultérieur, que « le présent accord modifie en tant que de besoin la clause de tentative de conciliation contractuelle» en mentionnant la date du contrat et l’article modifié. Lorsque ce formalisme n’est pas respecté, une des parties y ayant intérêt (dilatoire) peut soulever comme fin de non recevoir l’absence de tentative de conciliation diligentée dans les termes du contrat. Dans un contrat d’exercice libéral entre médecin et clinique, il est conseillé de ne pas mentionner la qualité des conciliateurs, afin de laisser à chacun une totale liberté de choix, en fonction de l’objet du litige (pour une interprétation d’un contrat d’exercice libéral, un membre du conseil de l’ordre est parfois moins efficace qu’un professionnel rompu à la rédaction et au contentieux entre cliniques et médecins, ou un expert comptable pour une conflit portant sur la redevance, etc.). Il arrive que les conseillers ordinaux, souvent débordés par diverses autres activités relevant directement de leurs missions, refusent d’intervenir lorsqu’il ne s’agit pas d’un litige médecin/médecin.

? dans un contrat entre médecins : c’est une obligation déontologique (article R. 4127-56 du csp) que de rechercher la conciliation préalablement au contentieux judiciaire. Néanmoins, dans le contrat d’exercice en commun, de société civile de moyens ou toutes autres conventions entre praticiens, on peut librement choisir les conciliateurs, sauf dispositions impératives introduites dans le contrat, ainsi que l’illustre l’arrêt commenté.
Pour d’autres commentaires et jurisprudence sur cette question : "Médecins/Cliniques, Le contrat d’exercice", I. Lucas-Baloup, B. Vorms, Ed. Scrof, pages 553 à 562.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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La faible activité d’un chirurgien ne peut fonder la résiliation du contrat par la Clinique(Cour d’appel de Paris, pôle 2, chambre 2, 11 mars 2016, n° 2016-004553)
Claire Périllaud

    Un chirurgien orthopédique et traumatologique s’est vu résilier son contrat d’exercice à durée indéterminée par la Clinique dans laquelle il exerçait sans indemnité en lui reprochant une insuffisance d’activité. Le praticien a alors saisi le Tribunal qui a condamné la Clinique au versement de l’indemnité de résiliation prévue contractuellement dans la mesure où le seul motif contractuel permettant une rupture sans indemnité était l’hypothèse d’une sanction ordinale d’interdiction d’un minimum de trois ans d’exercice qui n’était pas le cas en l’espèce. La Clinique a interjeté appel. La Cour d’appel ne fait pas droit à la demande de la Clinique et confirme le jugement du Tribunal de grande instance en ce qu’il retient que l’établissement ne peut reprocher au médecin sa faible activité alors qu’il n’était tenu contractuellement à aucun minimum d’activité chirurgicale ni à la réalisation d’un chiffre d’affaires équivalent au praticien avec lequel il partageait sa co-exclusivité. La Cour ne manque pas de relever que la Clinique ne pouvait d’ailleurs exiger du praticien le respect d’un minimum d’activité chirurgicale au sein de sa spécialité une telle clause violant l’article R. 4127-83 du code de santé qui prévoit qu’un « médecin ne peut accepter un contrat qui comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa rémunération ou la durée de son engagement de critères de rendement ».

La Lettre du Cabinet - Août 2016


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Le microbe : une res nullius ?
Le microbe : une res nullius cause étrangère ?
Isabelle Lucas-Baloup

Depuis 3,5 milliards d'années, notre planète est occupée par des bactéries. L'homme a beau réfléchir sur l'ordre souverain de la nature et la théorie des équilibres ponctués, développer la génétique et la biologie moléculaire, le débat n'est pas près de s'épuiser, chez les scientifiques, les microbiologistes et les paléontologistes, sur le pouvoir et l'évolution des microbes .
A l'hôpital, public ou privé, les hygiénistes analysent l'eau, l'air, les surfaces, prélèvent sans répit, traquent, de l'endoscope au syphon des éviers de blocs opératoires, ces micro-organismes qui contaminent les patients, et parfois les soignants .
En droit, la loi du 1er juillet 1998 oblige tous les établissements de santé à organiser en leur sein " la lutte contre les infections nosocomiales et autres infections iatrogènes ", comme avant elle divers textes réglementaires et recommandations d'origines variées qu'il n'est pas utile ici de rappeler. Mais, singulièrement, jamais les bactéries, virus et champignons ne font l'objet d'une définition juridique autonome. En droit de l'infection, les microbes n'existent pas. Ils évoluent dans une discrétion juridique absolue. Les complications qu'ils génèrent s'apprécient au regard des responsabilités encourues, par présomption d'une faute de l'homme, d'un dysfonctionnement dans le service, d'une défaillance, d'une incompétence, d'une négligence, ou encore d'un manquement à une obligation de sécurité de résultat dont sont rendus débiteurs tout à la fois les soignants et les établissements de santé, tant par la Cour de cassation que par le Conseil d'Etat .
Pourtant, les choses ne vont pas de soi. Ou plus exactement ces choses-là, puisque c'en sont, posent, en droit, quelques problèmes de définitions.


I - Le microbe, une res nullius

Si les travaux de Pasteur avaient précédé ceux de Sieyès, peut-être la discussion eût-elle été engagée plus rapidement sur la place des microbes dans notre ordonnancement juridique.


Le microbe, animal ou chose ?

Ces bactéries, virus et champignons, c'est-à-dire les éléments les plus nombreux de notre environnement, souffrent singulièrement d'une crise d'identité qui perdure plus d'un siècle après la rédaction du code civil. Dans la summa divisio, ce sont des " biens meubles ", des corps qui, par leur nature, peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, décrits à l'article 528 du code civil, que le législateur vient de modifier après qu'il ait été reproché à la définition initiale de ne distinguer l'animal des autres meubles que par le critère de mobilité autonome , d'une part, et d'occulter sa qualité d' " être vivant " , " doté de sensibilité ", d'autre part. Les avocats de tout poil de la cause animale s'en étaient d'autant plus émus qu'une première loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature affirmait que tout animal est " un être sensible " , avant que la Déclaration des Droits de l'Animal ne lui reconnaisse, à l'Unesco, le 15 octobre 1978, " des droits particuliers ". Il était en conséquence dans l'ordre logique des choses (ou plutôt des animaux ?) que la loi du 6 janvier 1999 réformât l'article 528.
Malheureusement, et bien que fréquentant chaque jour des millions de micro-organismes, l'auteur de ces lignes n'a aucune opinion scientifiquement sérieuse sur la définition de la sensibilité des choses et, par voie de conséquence, sur la pertinence d'une distinction animal/microbe/chose fondée sur les critères qui ont présidé à la récente réforme de l'article 528 (distinction animal/chose). L'étymologie, empruntée au Dictionnaire Historique de la Langue Française (animal : " du latin animalis, être vivant mobile, doté du souffle vital [ …] opposé à " homo ", homme, mais normalement il inclut l'espèce humaine et exclut toujours les plantes.[…] L'évolution des connaissances, s'agissant des êtres vivants moins évolués, compromet l'opposition conceptuelle animal/végétal "), n'aide guère à la décision. La trilogie classique homme/animal/chose s'est vue promue depuis quelques années au cœur de problématiques passionnantes pour la résolution desquelles on ne peut limiter le débat à des considérations strictement juridiques. La Cour Suprême des Etats Unis n'a rejeté que par une courte majorité de quatre juges contre trois une action engagée au nom de séquoias centenaires que la société Walt Disney voulait remplacer par une station de sports d'hiver, dans la Mineral King Valley. Chaque jour se posent, dans le monde, des questions éthiques, sociologiques, philosophiques, techniques et par voie de conséquence juridiques sur les implications de l'intervention humaine dans la nature, jusques et y compris sur le corps humain, conduisant à envisager les conditions de brevetabilité de la matière biologique de celui-ci ou encourageant à légiférer régulièrement en droit de la santé, en bioéthique et biotechnologies , ce que dénoncent avec un talent qu'ils qualifient " impertinence " certains de nos plus éminents médecins et juristes .

Si on exclut du débat toute préoccupation d'ordre moral, affectif ou syndical sur la relation de l'homme à l'animal, aucun argument dirimant ne contraint à écarter " par nature ", en tout cas par une stricte application du code civil, certains microbes du règne animal. A tout le moins peut-on convenir qu'ils s'en rapprochent dans la mesure où, par exemple, les bactéries et les champignons sont des êtres vivants considérés par l'homme de l'art comme ayant une existence autonome : les bactéries se construisent et se multiplient grâce à l'utilisation de substances naturelles inertes et de l'énergie solaire ; beaucoup d'entre elles jouissent d'un système de locomotion qui leur permet d'évoluer dans leur environnement proche, tel le mucus digestif ou le mucus pharyngonasal, et de se déplacer de cellule en cellule ou d'une zone à l'autre ; aux fins de survivre et proliférer, les bactéries disposent d'un ensemble de moyens pour s'adapter vite et pratiquement à toutes les situations (par ex. résister à la méticiline ou à d'autres antibiotiques) ; cette adaptabilité leur tiendrait lieu de ce que nous appelons " intelligence " dans une mesure infiniment plus performante que la plupart des hommes et des animaux ; enfin, il existerait un continuum entre les différentes espèces bactériennes, dont certaines échangeraient du matériel génétique au cours de phénomènes qui pourraient ressembler à la sexualité des animaux (et donc des hommes) si bien que, lorsqu'un juriste confère avec un bactériologiste des qualités d'autonomie et d'intelligence qui président à la distinction entre un animal et un autre bien meuble, le classement des bactéries dans la deuxième catégorie ne va pas de soi en s'en tenant strictement aux définitions du droit. Il est subséquemment tentant de se demander si le microbe est ou non dangereux, dans les termes du code rural modifié par la loi du 6 janvier 1999 attribuant au maire des responsabilités dans la prévention du danger. A l'instar d'un animal, domestique ou sauvage, un micro-organisme peut s'avérer, on le sait, selon les circonstances et l'environnement, utile ou nuisible et seulement une très faible minorité des bactéries (environ 3%) provoquerait des maladies chez l'homme .
Mais ce débat présente-t-il un intérêt pratique, en l'état du droit positif français, dès lors que les animaux, distingués aujourd'hui d'autres " corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre ", restent des biens meubles, par leur nature, tous ensemble soumis aux dispositions du chapitre II " Des meubles " du Titre I " De la distinction des biens " du Livre Deuxième de notre code civil, c'est-à-dire notamment à celles concernant l'exercice du droit de propriété sur les choses ? Quel peut-être le fondement de cet ostracisme récurrent et encombrant qui conduit à refuser au staphylocoque doré l'intégralité du bénéfice de son statut ? Qui est son propriétaire, puisque toute chose est l'objet d'un droit de propriété ? et bien sûr d'évoquer sans désemparer les rapports du droit de propriété et de la garde de la chose : qui est le maître du staphylocoque doré ? qui en est le gardien ? qui est gardien de la chose ? voire de l'animal, entendez du staphylocoque, pas de l'infection, pas du bloc opératoire, ce qui relève d'une autre question !
La réponse est certainement plurielle, comme pour les autres choses au statut desquelles le juriste s'est intéressé.

"Microbes en liberté naturelle
cherchent propriétaires"

Le " bon père de famille " au comportement raisonnable, celui qui se reconnaît volontiers maître de mille choses, n'a jamais songé à s'affirmer propriétaire de microbes qu'il ne connaît pas, qu'il ne voit pas, qu'il ne maîtrise pas, contrairement à son pitbull, et dont il bénéficie de l'action utile sans en prendre réellement conscience dans son environnement personnel, souvent intime (sauf lorsque son gastro-entérologue lui recommande de consommer des yaourts pour " reconstituer sa flore intestinale "). Point d'usus, d'abusus ni de fructus dans cette relation là !
Les bactéries et les virus "en liberté naturelle", faute de propriétaires, entrent manifestement dans la catégorie des res nullius, des choses qui n'ont jamais eu de maître, qui s'avèrent vierges d'appropriation, avec toutes conséquences de droit, notamment l'application de l'article 539 du code civil : " Tous les biens vacants et sans maître […] appartiennent au domaine public." et 713 du même code : " Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat ". On cherche vainement en effet en vertu de quel argument ces dispositions ne s'appliqueraient qu'à certaines catégories (plus " nobles " ?) de biens meubles ou immeubles, là où le code ne distingue pas. Il incombe à l'Etat de prendre la mesure de sa responsabilité encourue du chef de ces res nullius qui peuvent contaminer plusieurs victimes, comme l'inondation peut noyer ou l'invasion d'insectes détruire un champ de maïs.
Le fait que le microbe soit, dans la vie quotidienne, le plus souvent invisible ne modifie en rien son statut sur ce point ; dans le droit positif des biens meubles " la matérialité des choses ne cesse pas aux frontières de l'invisible, de l'inaudible et de l'impalpable " , ce qui permet la condamnation pénale du voleur d'électricité, considérée comme une chose, au titre des articles 311-1 et suivants du code pénal.
En revanche, la question se pose de savoir si le microbe relève de la catégorie des " choses communes " visées à l'article 714 du code civil, comme l'air, la lumière du soleil ou l'eau de mer, ce qui autoriserait l'homme à en jouir " conformément aux lois de police ", et par voie de conséquence en évaluant lui-même - et sous sa seule responsabilité ? - le bénéfice/risque de cet usage… L'Etat, on y revient, devrait alors, en application du code civil, entrer en voie de réglementation, comme il en a l'obligation, pour organiser les rapports de l'homme et des bactéries, virus et autres champignons qui " appartiendraient à la communauté humaine " .
En tout état de cause, notre droit actuel fait obligation à l'Etat de ne pas s'intéresser qu'au risque sériel , aux catastrophes nationales qui concernent un grand nombre de personnes, mais également au préjudice individuel causé par cette chose sans maître : le microbe en liberté naturelle, qui relève de son domaine aux termes des articles 539, 713, voire 714.
L'application stricte du code civil n'ayant jamais eu lieu en cette matière, l'évoquer provoque habituellement des ricanements de ceux qui préféreraient, à défaut de propriétaires, trouver implicitement à chaque microbe, particulièrement s'il s'avère potentiellement dangereux en raison de son environnement, un gardien.


" Germes pathogènes cherchent gardiens "

Res nullius dans l'absolu du droit positif, le microbe perd-il sa nature juridique à proximité d'un patient, en même temps qu'il change de dénomination et devient un " germe ", brutalement caractérisé par son action nuisible uniquement ? Chaque étudiant en médecine apprend que l'homme est un réservoir de micro-organismes potentiellement pathogènes dans certaines circonstances et l'infection endogène se définit comme celle acquise à partir de la propre flore du patient. On observe que la " flore " en microbiologie (à distinguer de la liste des espèces végétales de l'ordre botanique) est constituée de " l'ensemble des micro-organismes vivant, à l'état normal ou pathologique, sur les tissus ou dans les cavités naturelles de l'organisme ", ce qui implique immédiatement de la considérer collectivement, et non plus bactérie par bactérie, virus par virus, etc.
Le microbe devient " risque infectieux ", notion qui apparaît alors dans un certain nombre de textes réglementaires comme une somme de " micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu'en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l'homme ou chez d'autres organismes vivants ", ainsi que définit ce risque l'article R.44-1 du code de la santé publique relatif aux déchets d'activités de soins. Le " micro-organisme " lui-même n'a pas fait l'objet de nombreuses définitions et on remarque celle de la directive n° 98-81/CE du Conseil du 26 octobre 1998 : " toute entité microbiologique, cellulaire ou non, capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique, y compris les virus, les viroïdes et les cultures de cellules végétales et animales ".
Si le virus (plus facilement que la bactérie) peut être contesté comme " être vivant " à part entière, dans la phase d'éclipse de sa vie à l'intérieur d'une cellule du corps humain pendant laquelle il n'est plus visible au microscope que par les altérations qu'il peut engendrer, on se demande s'il ne constitue pas alors une partie intégrante de la cellule. Notre corps renferme d'ailleurs dix fois plus de bactéries que de cellules humaines, soit cent mille milliards de microbes dits commensaux, parfaitement adaptés à l'individu, qui l'utilisent comme source d'alimentation et de chaleur sans lui nuire, parfois en produisant des vitamines : les micro-organismes présents dans le tube digestif sont la seule source de vitamine K indispensable à l'homme puisque intervenant dans la synthèse de certains facteurs impliqués dans la coagulation, etc.
Puisqu'il y remplit " une fonction nécessaire à la vie " , le microbe ne devient-il pas lui-même un " élément du corps humain ", voire " une personne par destination ", ce que les magistrats reconnaissent à d'autres éléments, par une fiction juridique qui tient compte, de plus en plus, que le corps humain comprend des choses d'origine et de nature diverses ? On y intègre des tissus, des greffons, des prothèses devenant des organes artificiels, qui relèveront, une fois implantés, du statut particulier du corps de l'homme défini aux articles 16 et suivants du code civil et L. 665-10 et suivants du code de la santé publique (une juridiction a refusé sur ce fondement à un chirurgien-dentiste la récupération d'un dentier resté impayé par le patient).
L'homme est-il le gardien de ce que contient son corps ? Est-il responsable des micro-organismes installés dans ses propres cellules, ce qui impliquerait qu'il exerce sur la chose un pouvoir de surveillance et de contrôle ? Doit-on condamner sur le fondement de l'article 1384 1er alinéa le visiteur qui éternue, dans la chambre d'un ami hospitalisé, en expulsant des microbes susceptibles de le contaminer ? Faut-il aussi condamner la maman de l'enfant qui postillonne sur son voisin dans le salon d'attente du cabinet du médecin, et le clown qui, en faisant sourire de chambre en chambre dans le service d'oncologie pédiatrique, manuporte sans le savoir, sans le vouloir, des centaines de bactéries, certaines pathogènes ? La réponse est encore plurielle !
Le microbe est une chose que son porteur ne garde pas facilement, dans tous les sens de l'acception du verbe " garder ", et particulièrement dans sa définition juridique. Il y a peu de corpus et d'animus domini dans cette relation-là et manifestement le " bon père de famille " n'en est ni le propriétaire, ni le gardien. A l'impossible, nul n'est tenu. Sauf les médecins ! puisqu'au travers de cette obligation de sécurité de résultat dont ils sont débiteurs depuis les arrêts de la Cour de cassation du 29 juin 1999 op. cit. (qui a jugé des interventions ayant eu lieu dix ans plus tôt, à une époque où la traçabilité des actes n'était pas ce qu'elle est devenue), les soignants et les établissements de santé sont présumés capables de maîtriser totalement le risque infectieux, sinon de l'indemniser, en dehors désormais de toute recherche d'une faute, puisque ce n'est plus l'objet du débat en droit.
Seule une cause étrangère serait alors susceptible d'intervenir à leur décharge, ce qui conduit à se demander si, justement, la res nullius ne serait pas elle-même une cause extérieure au contrat médical, dont elle vient compliquer l'exécution.


II- Le microbe, une cause étrangère

Le développement du droit prétorien de l'obligation de sécurité de résultat dans les contrats verbaux, inauguré en 1911 pour faciliter l'indemnisation du voyageur victime d'un accident de transport, interpelle et il est singulier que son irruption dans le contrat de soins ne motive pas plus de protestations chez les médecins, parmi les patients, qui en seront immanquablement les victimes à très court terme, et chez les parlementaires, tellement défaillants il est vrai dans le vote de la loi sur la réparation des accidents sanitaires d'origine non fautive ! D'excellentes plumes ont décrit dans le passé combien cette jurisprudence est artificielle et injuste . Mise en œuvre dans le cadre du risque infectieux elle méprise la réalité scientifique, elle dénature l'objet du contrat et conduira à une sélection des malades, guidée par les assureurs de responsabilité professionnelle des soignants et des établissements de santé. Mais surtout cette jurisprudence omet de considérer que le microbe, res nullius, souvent insurmontable, parfois produit par le patient lui-même, peut constituer une cause étrangère à l'objet du contrat.
L'impossible limite

" Tout s'emmêle. Je ne sais plus où est la limite. J'y pense constamment. Où est-elle ? La devancer, l'accepter, la renier, la comprendre. A la limite on vit, à la limite on meurt, à la limite on n'existe pas". Dans ses Carnets d'un chirurgien , le professeur Maurice Mimoun a planté le décor.
Dans leurs rapports annuels, publications, recommandations, les sociétés savantes en hygiène hospitalière, les organismes techniques et spécifiques, le Comité Technique National de Lutte contre les Infections Nosocomiales (le C.T.I.N.), les structures inter-régionales (les C-C.L.I.N.) et bien d'autres organisations et associations, notamment de spécialistes, développent les outils épidémiologiques qui permettront l'identification et la mise en œuvre des protocoles de prévention. Pourtant si staphylocoques, klebsielles, Acinetobacter, Pseudomonas et autres, sont solidement implantés à l'hôpital, une étude américaine de grande envergure (senic project) a montré que 30% des infections nosocomiales sont théoriquement évitables, 10% d'entre elles le seraient effectivement aux Etats-Unis . Pas un congrès d'hygiène n'a lieu aujourd'hui sans qu'il soit répété que si " l'infection n'est pas une fatalité, pour autant le risque zéro n'existe pas " et que toute contamination, favorisée par des techniques plus invasives, dans le cadre de nouvelles stratégies thérapeutiques sur des malades plus jeunes, plus âgés, plus vulnérables, parfois immunodéprimés, qu'on ne soignait pas tous autrefois, ne relève pas, par nature, d'une origine fautive.
Les protocoles de bonnes pratiques, les normes et recommandations de toute nature, les formations ad hoc, les publications mieux accessibles , les structures de vigilances internes aux établissements, la traçabilité des actes, les contrôles de qualité, l'émergence de nouveaux métiers en hygiène, comme les procédures d'évaluation en vue de l'accréditation, conduisent évidemment les acteurs de soins à une prise de conscience généralisée du risque infectieux, qui n'est pas nouvelle pour tout le monde , mais aussi à une meilleure connaissance des limites de l'efficacité de la prévention du risque.
Sur quel fondement, dès lors, imposer juridiquement une obligation de sécurité de résultat, en présence d'un état de l'art scientifique, médical, hospitalier qui ne permet que de réduire le risque sans jamais garantir une évitabilité totale de l'infection, dite nosocomiale ? L'absence de définition juridique de celle-ci a sans doute favorisé l'installation jurisprudentielle de cette impossible obligation.


Une nosocomialité à géométrie variable

Le débiteur d'une obligation de sécurité de résultat doit au moins savoir sur quoi elle porte. La Cour de cassation, pas encore à ce jour saisie de la question, n'a pas précisé ce qu'elle entend par " infection nosocomiale ". On peut s'interroger sur le point de savoir s'il s'agit d'ailleurs d'une définition qui relève de la compétence des magistrats ou de celle des experts que les juges du premier degré désignent systématiquement dans les affaires de responsabilité médicale, ou bien des sociétés savantes, ou encore qui devrait émaner du domaine réglementaire, des autorités de tutelle ou des agence de sécurité sanitaire et institut de veille récemment créés pour orienter les démarches de santé publique. Le problème devient brutalement d'actualité, il l'était moins avant le revirement de jurisprudence de la première chambre, au temps des arrêts Pougheon, Matsoukis, Clinique Bouchard ou Clinique Belledonne .

L'infection " nosocomiale ", du latin nosocomium (hôpital) et du grec nosos, (maladie) et komein (soigner), est couramment définie comme " toute infection contractée à l'hôpital ", ce qui révèle un critère géographique prédominant. La
Recommandation n° R (84) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention des infections hospitalières, adoptée le 25 octobre 1984, donne, dans son Annexe " Stratégie pour la prévention ", les indications suivantes :
" Définitions :
a. Infection hospitalière : toute maladie contractée à l'hôpital, due à des micro-organismes, cliniquement et/ou microbiologiquement reconnaissables, qui affecte soit le malade du fait de son admission à l'hôpital ou des soins qu'il y a reçus, en tant que patient hospitalisé ou en traitement ambulatoire, soit le personnel hospitalier, du fait de son activité, que les symptômes de la maladie apparaissent ou non pendant que l'intéressé se trouve à l'hôpital.
b. Infection : multiplication de micro-organismes avec :
- sur le plan local : envahissement des structures saines d'emblée ou en cours d'évolution ;
- sur le plan régional : présence de lymphangites et d'adénopathies ;
- sur le plan général : existence de bactériémies ou d'une septicémie avec ou sans métastases septiques.
Afin d'éviter toute ambiguïté linguistique, les définitions retenues sont les suivantes :
c. Contamination : processus entraînant la présence de micro-organismes pathogènes ou potentiellement nocifs sur le matériel ou la personne.
d. Inoculation : introduction de micro-organismes susceptibles de se multiplier dans les tissus, notion microbiologique et non clinique.
e. Colonisation : multiplication localisée de germes qui peut dériver d'une contamination ou d'une inoculation, sans la réaction tissulaire et qui devient partie de la flore du sujet. "

Dans sa circulaire n° 263 du 13 octobre 1988 " relative à l'organisation de la surveillance et de la prévention des infections nosocomiales ", Claude Evin, ministre de la Santé, reprend la définition donnée par l'Organisation Mondiale de la Santé, en 1978, dans les termes suivants :
" Par infection nosocomiale, on entend :
- toute maladie provoquée par des micro-organismes,
- contractée dans un établissement de soins par tout patient après son admission, soit pour hospitalisation, soit pour y recevoir des soins ambulatoires,
- que les symptômes apparaissent lors du séjour à l'hôpital ou après,
- que l'infection soit reconnaissable aux plans clinique ou microbiologique, données sérologiques comprises, ou encore les deux à la fois.
Ces caractéristiques concernent aussi les personnels hospitaliers en raison de leurs activités. "

Le docteur Jean Carlet, président du C.T.I.N., en introduisant un ouvrage collectif de référence intitulé " Les infections nosocomiales et leur prévention " , souligne qu'il est " important de bien distinguer deux catégories d'infections nosocomiales : d'une part les infections exogènes qui sont dues à des germes transmis aux malades, parfois par voie aérienne, mais plus souvent par les mains et qui peuvent ainsi coloniser un site initialement stérile (site opératoire), et d'autre part, les infections endogènes où le malade s'infecte avec ses propres bactéries, modifiées ou non par une antibiothérapie. Certaines infections sont secondairement endogènes des bactéries transmises par voie exogène (souvent manuportées) pouvant s'installer silencieusement dans la flore du patient receveur. Tout doit être mis en œuvre pour éviter la survenue des unes comme des autres. C'est cependant vers les infections exogènes que porte essentiellement la stratégie préventive visant à éviter la transmission des germes, en particulier multirésistants. La prévention des infections endogènes doit certes être recherchée, mais son efficacité est plus aléatoire. De nombreux micro-organismes différents peuvent entraîner une infection nosocomiale, en dehors des bactéries. C'est le cas des champignons et des virus. L'infection nosocomiale virale risque d'être un problème important dans le futur proche. "
Le Conseil Supérieur d'Hygiène de France a publié Cent Recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales et en donne une définition qui tient compte d'un délai d'acquisition, chez le patient hospitalisé, de 48 heures après l'admission, que reprendra le ministère de la Santé sur son site internet (www.sante.gouv.fr).

Il est néanmoins certain que la définition - qui devra être juridiquement opposable - ne peut se limiter à une considération aussi simple, voire simpliste, compte tenu du cadre imposé par la Cour de cassation d'une obligation de sécurité de résultat à la charge des établissements et des soignants ! Quelques exemples illustrent cette incomplétude : dans le Guide de définition des Infections nosocomiales , le professeur Gilles Brücker annonce " L'infection est extraordinairement protéiforme dans ses aspects cliniques et microbiologiques et le caractère nosocomial peut être également difficile à retenir suivant les périodes de latence ou d'incubation. Ainsi, pour chaque localisation, plusieurs définitions sont nécessaires pour rendre compte de cette diversité ", avant d'en proposer 75 pages retenues au niveau international par les C.D.C. (Centers for Disease Control), au niveau national par le C.S.H.P.F. (Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France) et par une conférence de consensus de Toronto pour les patients en moyen et long séjour ! En ce qui concerne les infections nosocomiales virales, le professeur B. Pozzetto expose le caractère particulier de la définition en soulignant que l'infection peut se déclarer après la sortie du sujet de l'hôpital ou être asymptomatique, étant observé que certains virus peuvent persister dans le milieu extérieur pendant des durées extrêmement variables, de quelques minutes à plusieurs années. Le professeur Gilles Beaucaire recommande d'apprécier la possibilité du lien causal entre hospitalisation et infection en tenant compte d'un délai de 30 jours pour les infections de plaie opératoire et d'une année s'il y a mise en place d'un matériel étranger (une prothèse par ex.), de leur côté P. Veyssier et Y. Domart, dans leur ouvrage " Infections nosocomiales " visent des délais de plusieurs années après une transplantation tissulaire ou une injection d'hormone de croissance d'origine humaine avant la survenue d'une maladie de Creutzfeld-Jakob " à l'évidence nosocomiale ".

Les choses ne vont pas de soi, disions-nous plus haut, les définitions de la nosocomialité non plus. Peut-on fonder un droit jurisprudentiel qui implique la condamnation automatique de l'établissement et des soignants en cas d'infection nosocomiale, sans s'entendre préalablement sur une définition opposable à tous de celle-ci ? En l'état de l'obligation de sécurité de résultat affirmée sans encadrement du contenu du risque infectieux concerné, il est à craindre un développement important de précautions juridiques tendant à limiter l'objet du contrat médical.
Le microbe hors contrat


Le contrat verbal présente le danger, en cas de conflit, de l'indétermination de son contenu, qui permettra à chacune des parties d'y introduire les éléments " substantiels " qui auront prétendument conduit à son consentement. Dans un établissement de santé, la mission de soin est complexe et relève de compétences multiples : le chirurgien orthopédique qui prescrit puis implante une prothèse de hanche agit avec le concours d'un anesthésiste-réanimateur (lui-même souvent assisté d'un infirmier spécialisé en anesthésie), d'aide-opératoires, mais aussi, en décalage avec l'intervention elle-même, d'un chef de bloc qui a organisé l'opération et vérifié la disponibilité des implants, d'un infirmier spécialisé dans la stérilisation du matériel ancillaire, d'un pharmacien responsable des dispositifs médicaux, d'aide-soignants et agents qui ont nettoyé la salle entre deux interventions, selon des protocoles validés par le comité de lutte contre l'infection nosocomiale, un laboratoire surveillant par prélèvements réguliers l'air, l'eau et les surfaces de celle-ci, un ingénieur procédant à la maintenance du flux laminaire, du scialitique etc. Si le patient entretient un rapport privilégié avec le chirurgien qu'il a rencontré dans le colloque singulier de son cabinet, c'est toute une équipe pluridisciplinaire qui prend en charge, directement ou indirectement, l'environnement favorable à une intervention réussie, chacun étant responsable personnellement - et pénalement - de l'accomplissement des tâches qui lui incombent, selon une distribution abondamment commentée .
Il entre incontestablement dans les obligations du médecin de prendre toutes mesures pour éviter une complication infectieuse, tant en raison des dispositions de l'article 71 du code de déontologie , que de son obligation de moyens de dispenser des soins consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données actuelles ou acquises de la science, dans sa spécialité. De même, le malade hospitalisé dans un service de cancérologie ou de réanimation, dans lequel le taux de prévalence des infections est traditionnellement élevé, y séjournera après une évaluation du bénéfice/risque conduite avec la mise en œuvre du principe de la " raison proportionnée " favorisée par une information du médecin dans les conditions de l'article 35 du code de déontologie .
Le contrat qui se forme ainsi entre le patient, le médecin et l'établissement de soins, relève du droit commun des conventions, défini à l'article 1108 du code civil, qui exige notamment un consentement réciproque et un objet certain. Les meilleurs efforts diligentés par le personnel médical et paramédical conduiront à un résultat qui ne peut exclure l'aléa thérapeutique, c'est-à-dire une complication, un effet indésirable, non produit directement par une faute des soignants, éventuellement une infection post-opératoire. Introduire dans ce contrat une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne le défaut de complication infectieuse ajoute à la volonté des parties qui n'ont pas - sauf hypothèses exceptionnelles - contracté spécifiquement et automatiquement sur la prise en charge de ce risque. Lorsque, dans un service dans lequel les patients sont exposés particulièrement, tel un service de grands brûlés, de réanimation, d'oncologie, la contamination constitue statistiquement un risque prévisible et non exceptionnel. Quand le patient en est informé, ou sa famille s'il est inconscient, et qu'un accord intervient néanmoins pour l'hospitalisation dans le service concerné, l'obligation de sécurité de résultat ne doit-elle pas être écartée au profit d'une obligation de moyens mieux indiquée et en tout cas plus conforme au contenu du contrat conclu avant l'admission du patient ?
A défaut par la Cour de cassation d'atténuer dans de prochains arrêts la rigueur de sa jurisprudence inaugurée le 29 juin 1999, on imagine facilement le développement d'une contractualisation écrite, redoutée déjà après les arrêts récents sur la preuve de l'information, formalisme qui serait encouragé par les principales compagnies d'assurance de la responsabilité des soignants et des établissements, aux fins d'exclure expressément du contrat médical le risque nosocomial dans l'hypothèse où l'infection n'a pas été produite par une faute du personnel médical ou paramédical, ladite faute conduisant sinon à leur condamnation en application de l'article 1147 du code civil. En présence d'un contrat écrit excluant la garantie du risque nosocomial d'origine non fautive, qui tiendra lieu de loi entre les parties, aucun texte d'ordre public actuellement en vigueur ne permettrait au juge d'opposer aux soignants une telle obligation de sécurité de résultat.
Des exclusions formelles de cette nature existent déjà : l'arrêté du 24 juillet 1996 , qui précise la nature des examens à réaliser avant une greffe d'organe pour la détection des marqueurs biologiques de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH 1 et VIH 2) et celui de l'hépatite C, autorise des dérogations à ce contrôle en cas d'urgence de greffe de cœur, de foie ou de poumon et après en avoir informé le receveur potentiel ou sa famille, si celui-ci n'est pas en état de recevoir cette information.
Lorsqu'on connaît le montant d'indemnisations déjà consenties par certaines juridictions en réparation d'une contamination par le virus de l'hépatite C (2,5 millions de francs) et l'augmentation du nombre de contentieux de ce type, on imagine aisément les précautions susceptibles d'être diligentées - et les investigations préopératoires multipliées - aux fins d'identifier une bactérie préexistante, utile dans le cadre de la plaidoirie prévisible du caractère " endogène " de l'infection, ou du renversement de la présomption d'imputabilité, d'une part, d'une sélection des patients à risques, récusables, d'autre part, comme il est déjà fait dans la quasi-intégralité des hôpitaux privés d'Amérique du Nord.

Reste que, dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat récemment affirmée, le microbe, res nullius, lui-même pourrait être considéré comme une cause étrangère exonératoire de responsabilité.

Le droit du contrat contaminé
par le droit à la réparation

Il est devenu difficile, dans un certain nombre d'hypothèses, pour le praticien du droit civil, de distinguer avec discernement et une relative confiance dans son analyse, les limites respectives de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle du fait des choses, à la lumière de la jurisprudence. Le droit médical n'est pas le seul espace où s'exprime cette angoisse. Un restaurateur prépare et sert à un consommateur un turbot-sauce-hollandaise, conformément aux normes de l'art culinaire. Le client tombe malade parce qu'un bacille botulinique, parfaitement indécelable en cuisine, occupait le poisson. La Cour de Poitiers condamne le restaurateur , sur le fondement d'une " obligation contractuelle de sécurité sous-jacente à tout contrat de restauration, le client entendant non seulement faire un repas comestible, mais encore ne point être empoisonné par les aliments absorbés ", en ajoutant : " la présence dans des aliments, de ce vice ou d'un analogue, ou encore de substances toxiques dont le monde moderne use largement, polluant tant les mers que les continents, ne saurait présenter le caractère d'imprévisibilité requis par les articles 1147 et 1148 du code civil, et cela est si vrai que les restaurateurs prennent soin de s'assurer contre de pareilles éventualités qui font partie des risques inhérents à leur profession ". L'arrêt provoqua un commentaire du professeur Gérard Mémeteau sur la capacité des professionnels "à combattre avec succès les puissances malignes " dans le cadre d'une obligation de sécurité qui " n'est pas nécessairement une obligation de résultat : elle peut aussi bien être une obligation de moyens, une obligation de prudence et de diligence […]. Il n'est pas satisfaisant de voir un principe adopté dans le seul but de permettre l'indemnisation des victimes ", lignes qu'on relit avec bonheur à l'occasion du sujet qui nous occupe … trente ans plus tard !

La cause étrangère, événement non imputable au défendeur, ainsi qu'aux personnes et aux choses dont il répond, de nature à l'exonérer de tout ou partie de la responsabilité qui pèse sur lui, recouvre une grande variété de faits et particulièrement des événements qualifiés traditionnellement de " cas fortuit " ou " cas de force majeure " . Dans une récente " Analyse de l'obligation de sécurité à l'épreuve de la cause étrangère ", Fabrice Defferrard décrit " la recherche des éléments constitutifs de l'obligation de sécurité entreprise à l'aune des conditions traditionnelles de la cause étrangère - extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité (inévitabilité) - de l'événement ", pour observer, en conclusion qu' " en matière d'atteintes à l'intégrité physique ou à la santé, la jurisprudence ne veut pas qu'une cause libératoire puisse, en pratique, triompher aux dépens de la victime. Cette volonté prétorienne a pour conséquence de modifier de facto le régime de l'obligation de sécurité de résultat […] que nous choisirons de nommer obligation de sécurité de quasi-garantie. La preuve de la cause étrangère n'est pas expressément interdite dans son principe, mais elle n'est jamais accueillie en pratique". Ce pertinent commentaire, apprécié au regard du risque nosocomial, montre, s'il en était besoin, l'acuité du problème posé aux médecins et établissements de soins et à leurs assureurs, depuis le 29 juin 1999 !

Ne peut-on espérer faire prospérer néanmoins cette idée que le microbe, res nullius, n'est pas l'objet du contrat conclu (verbalement et sans doute par écrit prochainement) avec le patient ? Son autonomie et son indépendance rendent sa présence prévisible certes, mais la 1ère chambre de la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de marginaliser l'imprévisibilité pour privilégier l'inévitabilité de l'événement extérieur à la chose du débiteur. " En matière de responsabilité, il [le débiteur] mérite l'exonération dès lors que l'on ne saurait blâmer son comportement face à l'événement " écrivait le professeur Paul-Henri Antonmattei dans une étude passionnante intitulée " Ouragan sur la force majeure " , commentant l'arrêt op. cit. du 9 mars 1994.
Le microbe n'est pas plus la chose du contrat qu'il n'est utilisé par le soignant pour exécuter celui-ci.
Les intérêts du patient sont par ailleurs sauvegardés dès lors que, si l'infection provient d'un produit ou d'un implant, les dispositions nouvelles du code civil (art. 1686-1 et suiv.) , applicables aux produits de santé, le protègent s'il " n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ", dans le cadre d'une responsabilité, objective, sans faute, du producteur ou du distributeur, c'est-à-dire de l'établissement de santé, voire du médecin, qui peuvent agir à l'encontre du fabricant le cas échéant. La 1ère chambre de la Cour de cassation a conscience des limites possibles de l'obligation de sécurité et d'assistance dont les médecins sont débiteurs. Dans une décision non encore publiée, prononcée le 9 novembre 1999 (arrêt dame Morisot, n° 1719 P), elle a jugé que " s'il est exact que le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu'il utilise pour l'exécution d'un acte médical d'investigation ou de soins, encore faut-il que le patient démontre qu'ils sont à l'origine de son dommage ; que la cour d'appel, statuant par motifs propres ou adoptés, a constaté que la table d'examen, dont Mme Morisot avait pris l'initiative de descendre sans l'autorisation du médecin, ne présentait aucune anomalie ; que c'est par une appréciation souveraine tirée de ces constatations que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a retenu que ce matériel n'était pas à l'origine du dommage subi par Mme Morisot ".
La victime, dans certains cas, cèle elle-même au praticien un risque d'infection endogène qu'elle connaît et va concourir ainsi à la production de son propre dommage, en privant le médecin d'être en mesure de multiplier les précautions adaptées. L'information doit être bilatérale.

En tout état de cause, les établissements et soignants n'échappent pas à leur responsabilité dès lors qu'une faute est établie, à leur encontre, éventuellement par présomption, dans leurs diligences de prévention du risque infectieux, lesquelles devraient s'apprécier à la lumière du possible, et non de l'économiquement inconcevable en l'état de la maîtrise des dépenses de santé (on peut souvent faire mieux mais à quel prix ?), et surtout des caractéristiques de chaque malade en termes de sévérité de la pathologie sous-jacente et d'activité thérapeutique, en particulier des procédures invasives utilisées.

A une époque où la transparence s'installe à l'hôpital, où les autorités de tutelle ont perçu que la lutte contre les infections nosocomiales constitue un formidable enjeu de santé publique, parce qu'une gigantesque cause de mortalité (10.000 morts/an) et de complications postopératoires (environ 800.000 malades/an), où les professionnels médicaux et paramédicaux se forment et multiplient leurs efforts de prévention de ce risque, il est regrettable qu'ils soient, directement ou au travers des établissements de santé dans lesquels ils interviennent, tenus responsables de tous les microbes, alors qu'ils ne peuvent - en toute raison proportionnée - accepter et assumer un devoir de totale maîtrise de ceux-ci. Il n'est pas nouveau que les Hauts Magistrats expriment, par une jurisprudence audacieuse, l'impérieuse nécessité d'aider les victimes. Il est urgent que les parlementaires légifèrent en matière de réparation des accidents sanitaires d'origine non fautive et on comprend mal que le " Rapport sur le droit de la responsabilité et de l'indemnisation applicable à l'aléa thérapeutique ", prévu à l'article 14 de la loi du 19 mai 1998 pour être déposé sur le bureau des deux assemblées avant le 31 décembre suivant, ne soit pas encore rédigé. Le droit évolue moins vite que les infections nosocomiales !

Revue générale de droit médical n° 2 - Décembre 1999
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Légalité du droit d'apport pour obtenir l'exclusivité
(Arrêt du 18 octobre 2005, Cour de cassation, 1ère chambre)
Isabelle Lucas-Baloup

Un néphrologue avait payé 900 000 F pour obtenir, dans un centre de dialyse, un contrat d'exclusivité. Trois ans à peine plus tard, le centre rompt le contrat d'exercice. La Cour d'appel juge que la résiliation n'était pas abusive, la faculté étant expressément ouverte à chacune des parties de mettre fin au contrat : une mésintelligence grave opposait le médecin et le centre, ce dernier ayant par ailleurs respecté le préavis stipulé.
Les magistrats d'Aix-en-Provence avaient aussi débouté le néphrologue de sa demande en restitution des 900 000 F. Le médecin soutenait que ce versement était illicite en ce qu'il ne lui assurait pas l'exclusivité de l'exercice de la néphrologie que les patients demeurant libres d'appeler un médecin de leur choix au sein du centre d'hémodialyse, ce qui, d'après le praticien, privait de cause à la contrepartie le paiement de l'indemnité.
La Cour de cassation confirme l'arrêt d'Aix-en-Provence en jugeant : "Il résulte des constatations faites que l'avantage concédé trouvait à s'appliquer chaque fois que le malade ne faisait choix d'aucun médecin, de sorte qu'il existait une contrepartie contractuelle".
Cet arrêt présente un intérêt général qu'il convient de souligner tout particulièrement, à une époque où les médecins rechignent à verser un droit en contrepartie des contrats d'exercice privilégié qu'ils sollicitent.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2005


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Contrat Exclusivité Redevance

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Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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