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A la rentrée, faut-il brûler les livres des bibliothèques hospitalières ... pour les désinfecter ?
Isabelle Lucas-Baloup

Pendant que les hygiénistes de permanence en août dans nos hôpitaux veillaient au respect des normes de potabilité de l'eau de chaque machine à glaçons, contrôlaient la température de l'air et le bon fonctionnement des climatiseurs, ventilateurs (dont les pales doivent être dépoussiérées tous les jours) et autres rafraîchisseurs recommandés ou imposés par les plans " canicule " alors que le thermomètre ne dépassait pas 18° dans le Limousin, ou encore découvraient avec horreur les malheurs frappant des établissements victimes de légionellose, un hygiéniste-documentaliste pas triste bien qu'un peu juriste m'a posé la question qui manquait à mon bonheur à quelques heures de mon départ en vacances : " Les malades et les bénévoles qui prennent, transportent et redéposent sans précaution les livres dans la bibliothèque de mon hôpital peuvent-ils être responsables juridiquement d'une infection nosocomiale " ?
Vingt Dieux ! Après les fleurs et les plantes vertes, j'avais déjà conclu à l'expulsion des clowns et des conteuses qui contaminent dans les services pédiatriques, de chambre en chambre, ce qui avait fait rire tout le monde à mes dépens ; voudrait-on maintenant m'impliquer, en agitant la menace du droit, dans un nouveau fahrenheit, pas le nine/eleven de Mickael Moore, mais bien sûr celui de Bradbury, 451 degrés, la température à laquelle un livre s'enflamme et se consume ?
On sait que certains malades se soignent par les plantes, par le rire ou par la lecture. Même le droit guérit, d'après certains. On les entend au moins une fois par semaine, victimes de la route, de pédophiles ou de terroristes, confier aux journalistes : " nous ne pourrons pas aller mieux tant que le jugement n'aura pas lieu "... C'est faux : le droit ne guérit pas. Mais il console, il réconforte, il occupe, comme les pivoines dans le vase en matière plastique sur la table roulante permettaient de faire rêver de son jardin le malade qui ne voyait plus de sa fenêtre que l'entrée des urgences. Pensez-en ce que vous voulez, mais s'intéresser à son procès ça distrait, ça détourne du quotidien, du souvenir obsédant. Alors, imaginez un livre de droit, de droit de la santé de préférence, sur une étagère de bibliothèque de centre hospitalier... que les patients frappés, avant leur admission déjà, par le virus de la lecture, ne pourraient plus consulter parce qu'un irresponsable comme moi, dans le confort de son cabinet d'avocats, aurait conclu, mine de rien, en quelques tours de dictaphone, sur le pas de la porte les billets Air France déjà à la main, une " consultation " ayant pour conclusion : " Au sens de la loi du 4 mars 2002, relève de la nosocomialité l'infection qui a pour origine une bactérie ou un virus manuporté(e), au sein d'un établissement de santé, à cause d'un livre, objet mobilier par nature, ayant donc pour gardien le directeur de l'hôpital, ou son délégué, dans la mission duquel entre l'obligation de lutter par tous moyens contre le risque de contagion intrahospitalière en accord avec son C.L.I.N."...
Non, je ne me laisserai pas manipuler de la sorte ; je ne conclurai pas qu'il faut brûler les livres à la rentrée ; c'est de votre choix, l'autoclave ou la gluta, c'est pas du droit ; moi, je les envelopperais dans un film plastique nettoyable mais vous me direz encore que ça ne va pas, que staphylococcus epidermis ou un de ses cousins résistera, même si le lecteur se lave les mains, que votre microbiologiste propose la manière forte.
L'autodafé, c'est pas ma tasse de thé.
Qui sera condamné à réparer ? Je ne sais pas. L'hôpital, sûrement. Ça finit souvent comme ça, dans les livres de droit. Bonne rentrée et courage, on vit une époque formidable !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre 2004


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Contamination Infections nosocomiales Livres Nosocomial

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