Base de données - Dommages et intérêts

Agénésie non diagnostiquée : indemnité aux parents
Isabelle Lucas-Baloup


Deux radiologues procédant aux échographies de dépistage prénatal mentionnent, dans leurs comptes rendus, le premier que « l’enfant avait deux mains », le second « qu’il avait des membres visibles avec leurs extrémités ». Le bébé présente à la naissance un handicap consistant en une agénésie.
Les parents reçoivent une indemnité de 15 000 € chacun en réparation du préjudice subi par la privation de « pouvoir se préparer psychologiquement en faisant appel au besoin à un psychologue ou à un psychothérapeute en évitant alors la situation de détresse et de souffrance qu’ils ont connue suite au choc de la révélation du handicap au moment de la naissance. »


Arrêt du 15 décembre 2011, Cour d’appel de Versailles :

« SUR CE,

Attendu que Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. ne critiquent pas les dispositions du jugement entrepris relatives au rejet de leurs demandes concernant le préjudice personnel de leur fille, Tiffany L. ;

Attendu que l'application des dispositions de la loi du 4 mars et de l'article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles en la présente instance concernant des faits survenus courant 2004 et 2005 est désormais admise par l'ensemble des parties ;

- Sur les demandes des époux L.

Attendu qu'il résulte des comptes rendus des échographies versés aux débats :

- que le Docteur Jean-Michel C. a mentionné concernant celle du 16 novembre 2004 : 'Le cerveau est présent ainsi que les deux mains et les deux pieds',

- que le Docteur Daniel B. a indiqué concernant celle du 26 janvier 2005 : 'les membres sont visibles avec leurs extrémités' ;

Attendu que le compte-rendu de l'échographie pratiquée le 30 mars 2005 ne comporte aucun élément relatif aux mains voire aux membres ;

Attendu que l'expert judiciaire, le Professeur Yves V., relate dans son rapport :

- en page 2 que le Docteur Jean-Michel C. lui a déclaré : 'J'ai vu 2 segments ressemblant à des mains à 13 sa. Je me suis trompé' ;

Attendu que pour sa part, le Docteur Daniel B. a fait à l'expert une réponse pour le moins sibylline : 'j'ai réalisé un examen complet' ;

Attendu que l'expert judiciaire mentionne que :

- le Docteur Jean-Michel C. est médecin radiologue et que sa formation a débuté il y a 30 ans et qu'il est membre du réseau d'échographie obstétricale Echo-78 et de son programme de FMC,
- le Docteur Daniel B. est également médecin radiologue, avec une formation commencée il y a 30 ans et qu'il réalise environ 1 000 échographies obstétricales par an dont 800 examens morphologiques et lui a fourni des attestations de FMC en échographie prénatale ;

Attendu que le Docteur Daniel B. verse aux débats de nombreuses attestations de présence à des séminaires, journées de formation durant les années 200 à 2005 et des cours d'échographie en avril 1979 ;

Attendu que l'expert judiciaire dans son rapport estime que ces deux praticiens pouvaient être considérés eu égard à leur âge et leurs cursus comme fondés à réaliser des échographies de dépistage prénatal au moment des faits et que pour les mêmes raisons ils pouvaient attester d'une formation médicale continue et que les machines utilisées pouvaient être considérées comme adaptées ;

Attendu que les éléments du dossier et les déclarations recueillies par l'expert judiciaire et les constatations qu'il a pu faire, établissent que le Docteur Jean-Michel C., qui l'a reconnu, et le Docteur Daniel B. ont commis des erreurs, en mentionnant dans leur propre compte-rendu d'échographie que l'enfant que portait Madame Isabelle L. née D. :

- pour le Docteur Jean-Michel C. : avait deux mains,
- pour le Docteur Daniel B. : avait des membres visibles avec leurs extrémités alors qu'elle était atteinte d'une agénésie ;

Attendu qu'ainsi le défaut de diagnostic tant du Docteur Jean-Michel C. que du Docteur Daniel B. lors de leurs premières échographies apparaît caractérisé et constitue au sens des dispositions de l'article 1147 du code civil aux termes desquelles il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant pour le praticien notamment de lui donner des soins consciencieux et attentifs conformes aux données avérées de la science ;

Qu'il importe peu que les recommandations récentes mentionnées par l'expert judiciaire pour le dépistage prénatal concernant l'amputation d'au moins un segment de membre ne s'appliquaient pas à l'époque des faits, puisqu'en l'espèce le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. avaient par écrit mentionné l'existence des deux mains et que la situation aurait été toute autre s'il n'avait porté aucune indication sur ces membres ;

Attendu que les observations de l'expert judiciaire sur les conséquences de ce qu'il qualifie 'de défaut de diagnostic' ne présentent désormais plus d'intérêt pour le handicap subi par l'enfant lui-même, les demandes présentées de ce chef n'étant pas maintenues par ses parents, eu égard aux dispositions de la loi du 4 mars 2002 ;

Que le Professeur Yves V. indique que les conséquences de cette absence de diagnostic ont été l'impossibilité pour le couple de réfléchir à la prise en charge post-natale de Tiffany et précise en outre qu'en ce qui concerne le choc de cette nouvelle à la naissance, il est impossible de dire si ce choc eut été moindre si l'annonce avait été faite avant la naissance ;

Qu'il fait valoir en ce qui concerne une éventuelle demande d'interruption de grossesse pour raison médicale, celle-ci aurait été vraisemblablement refusée par les Centres Pluridisciplinaires de Diagnostic Prénatal Français et que le recours à un Centre d'interruption étranger aurait été possible essentiellement pendant moins de 10 jours après la date de l'examen échographique, le terme limite étant de 26 semaines au Royaume Uni ; qu'il ajoute qu'il est peu vraisemblable qu'une décision de cette gravité eut pu être prise dans ce contexte et dans un laps de temps aussi court ;

Attendu que la décision du 6 février 2007 de l'Ordre des Médecins, conseil régional d'Ile de France, en rejetant la plainte déposée par les parents de Tiffany, précise qu'elle ne se prononce que sur des griefs de nature déontologique et non sur des griefs de nature technique dont l'appréciation ne peut être réalisée qu'au terme d'une expertise contradictoire et qu'il appartient aux juridictions de droit commun de diligenter, les critiques de Monsieur Patrick L. et de Madame Isabelle L. née D. apparaissant exclusivement de nature technique ;

Attendu que les études, produites aux débats, pour intéressantes qu'elles soient, ne présentent aucune valeur probante en la présente instance ;

Attendu qu'il convient d'examiner la demande dont est désormais saisie la Cour d'Appel de Versailles par Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. au regard des dispositions de l'article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi libellé :

'Lorsque la responsabilité d'un professionnel ou d'un établissement de santé est engagée vis à vis des parents d'un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d'une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice' ;

Attendu que tant le Docteur Jean-Michel C. que le Docteur Daniel B., professionnels particulièrement confirmés au vu des pièces produites et des indications fournies par l'expert judiciaire pour procéder à des échographies prénatales, se sont montrés négligents et trop hâtifs dans leurs examens et l'affirmation de ce que l'enfant avait bien ses membres supérieurs alors qu'il n'en était rien constitue une faute, caractérisée au regard de l'article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles, qui engagent leur responsabilité ;

Attendu qu'il ne peut être préjugé de l'avis des médecins qui auraient eu à se prononcer sur une éventuelle interruption thérapeutique de grossesse au regard de l'agénésie affectant un avant-bras de l'enfant ni sur la décision des parents dans de brefs délais pour une IVG à l'étranger où elle demeurait encore envisageable ;

Mais attendu que si l'accouchement est pour une mère un événement heureux puisqu'il permet la venue au monde de son enfant, il est également un moment de fatigue physique et psychologique qui vient aggraver la révélation du handicap de l'enfant à ce moment-là ;

Attendu que si les parents avaient connu par les examens échographiques le handicap de leur enfant avant la naissance de celle-ci, ils auraient pu se préparer psychologiquement à la venue de cet enfant en faisant appel au besoin à un psychologue ou à un psychothérapeute et n'auraient pas vécu la situation de détresse et de souffrance qu'ils ont connue suite au choc de la révélation du handicap au moment de la naissance ;

Attendu que les fautes caractérisées commises par le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. ont entraîné pour Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. un préjudice moral pour n'avoir pu se préparer au handicap de leur enfant, consistant en une agénésie, qu'il convient de réparer ;

Que le préjudice moral ainsi causé aux parents doit être indemnisé par l'allocation à chacun d'eux d'une somme de 15.000 euros, soit 30.000 euros au total, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Attendu que la demande de préjudice matériel, consistant en une modification de leur condition de vie du fait du handicap de leur enfant, chiffré à la somme de 75.000 euros pour chacun des parents n'apparaît pas justifiée en l'espèce, aucune pièce n'étant versée aux débats pour des frais qui seraient ou resteraient à charge depuis la naissance alors que l'enfant est âgée désormais de 6 ans et demi et constitue en pratique une indemnisation du préjudice lié au handicap de l'enfant non indemnisable dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 ;

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'au regard des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Docteur Jean-Michel C. de sa réclamation de ce chef en première instance,

- de condamner le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. in solidum à verser à Madame Isabelle L. née D. et à Monsieur Patrick L. une somme de 3.000 euro pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel,

- de débouter le Docteur Jean-Michel C. de sa réclamation de ce chef en cause d'appel ;

- Sur les dépens

Attendu que le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. supporteront les entiers dépens de première instance, les frais d'expertise judiciaire et les dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP Mélina P., avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt doit être déclaré commun à la CPAM des Yvelines ;


PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement du 20 mai 2010 rendu par le Tribunal de Grande Instance de Versailles en ses seules dispositions relatives au rejet des demandes d'indemnisation du préjudice de Tiffany L. et aux frais irrépétibles de première instance concernant le Docteur Jean-Michel C. et les époux L.,

Réformant le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit et juge que le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. ont, au regard des dispositions des articles 1147 du code civil et article L 114-1 du code de l'action sociale et des familles, commis des fautes caractérisées à l'égard de leur patiente, Madame Isabelle L. née D., lors des échographies qu'ils ont pratiquées et doivent en conséquence être tenus à en réparer les conséquences subies tant par cette dernière que par Monsieur Patrick L., père de l'enfant,

Condamne in solidum le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. à payer à Monsieur Patrick L. et à Madame Isabelle L. née D., à chacun d'eux, une somme de 15.000 euro en réparation de leur préjudice moral soit pour les deux un total de 30.000 euro, la dite somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Déboute Monsieur Patrick L. et Madame Isabelle L. née D. de leur demande de préjudice matériel,

Condamne in solidum le Docteur Jean-Michel C. et le Docteur Daniel B. à verser à Madame Isabelle L. née D. et à Monsieur Patrick L. une somme de 3.000 euros pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel,

Déboute le Docteur Jean-Michel C. de sa réclamation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déclare l'arrêt commun à la CPAM des Yvelines. »

Gyneco Online - Janvier 2012
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Dommages-intérêts obtenus par un ophtalmologiste victime d’une dénonciation calomnieuse de la part d’une patiente devant le Conseil de l’Ordre des médecins
(Arrêt Cour d’appel de Bordeaux, 5ème ch. civile, 26 octobre 2011, n° 2009/07510)
Isabelle Lucas-Baloup

Une patiente est opérée de la cataracte sur son œil D, et devait l’être par le même chirurgien de l’œil G une semaine plus tard. Déçue du résultat, elle change d’ophtalmologiste, et subit ailleurs son intervention sur l’œil G.
Elle saisit le Conseil de l’Ordre des médecins pour accuser le premier chirurgien qui d’après elle « n’aurait pas dû opérer son meilleur œil en premier » et aurait donc « commis une erreur grave en opérant un œil que l’on n’aurait jamais dû toucher ». Une expertise conclut que le chirurgien attaqué avait donné des soins conformes aux données de la science à l’époque des faits. Ce dernier lance une action pour faire condamner la patiente à des dommages-intérêts pour dénonciation calomnieuse.
L’arrêt juge : « En accusant le chirurgien d’avoir effectué une intervention injustifiée sur un œil valide, alors qu’elle savait que cela était faux, la patiente a procédé à une dénonciation calomnieuse » et l’ophtalmologiste peut obtenir réparation du préjudice matériel qui est la conséquence de la dénonciation auprès de l’Ordre (pas de l’action en référé-expertise également lancée par la patiente).
Il est retenu une demi-journée de perdue pour se défendre, soit la privation, d’après une attestation de l’expert comptable de l’ophtalmologiste, de 1300 €, et 1000 € en réparation de son préjudice moral. Le reste de l’arrêt ne présente pas d’intérêt à commenter.

SAFIR - Mars 2012
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Echographies fœtales
(arrêt du 16 janvier 2013)
Isabelle Lucas-Baloup

On se souvient des jurisprudences Quarez et Perruche, puis de la décision du 11 juin 2010 du Conseil Constitutionnel sur la conformité à la Constitution de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, commentée sur ce site (cf. Rubrique juridique, septembre 2010, « Affaire Perruche, suite… et fin ? ») :

L’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles :

« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.

« Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »

fait déjà l’objet d’applications jurisprudentielles et la Cour de cassation vient de se prononcer en rejetant le pourvoi engagé à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 15 décembre 2011, également commenté sur ce site il y a un an (« Agénésie non diagnostiquée : indemnité aux parents », janvier 2012).

Il est intéressant de connaître la motivation retenue par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 janvier 2013, pour rejeter le pourvoi engagé par les médecins condamnés :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, du 15 décembre 2011), que, le 13 mai 2005, Mme X… a accouché d’une fille prénommée Tifanny présentant une agénésie de l’avant-bras droit, qu’au cours de sa grossesse, elle avait fait l’objet de trois échographies, la première pratiquée le 16 novembre 2004 par M. Y…, les deux autres les 26 janvier et 30 mars 2005, par M. Z…, tous deux médecins échographistes ; que M. et Mme X… ont recherché la responsabilité des deux praticiens ;

« Sur le moyen unique du pourvoi principal :

« Attendu que M. Z… fait grief à l’arrêt de le condamner in solidum avec M. Y…, à réparer le préjudice moral subi par M. et Mme X…, alors, selon le moyen, que la responsabilité d’un professionnel de santé envers les parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse suppose la commission d’une faute caractérisée ; que, s’agissant d’une échographie, la faute caractérisée est celle qui, par son intensité et son évidence, dépasse la marge d’erreur habituelle d’appréciation, compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ; qu’en l’espèce, en affirmant que M. Z… avait commis une faute caractérisée sans préciser en quoi la mention dans le compte-rendu de l’échographie de l’existence de membres supérieurs du fœtus dépassait la marge d’erreur habituelle d’appréciation pour un examen qui comporte une irréductible part d’aléa, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Mais attendu que la Cour d’appel a relevé que M. Z… avait indiqué, dans son compte-rendu écrit du 26 janvier 2005, que les membres étaient « visibles avec leurs extrémités » ; qu’elle a pu en déduire que cette affirmation constituait une faute qui, par son intensité et son évidence, était caractérisée au sens de l’article précité ; que le moyen n’est pas fondé ;

« Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

« Attendu que M. Y… reproche également à l’arrêt de le condamner à l’égard de M. et Mme X…, alors, selon le moyen :

« 1°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. Y…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, sans indiquer en quoi, compte tenu de l’état de développement du fœtus, peu avancé lors de la première échographie, cette erreur constituait une faute caractérisée, compte tenu des difficultés et de la marge d’erreur inhérentes à ce type d’examen, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« 2°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. Y…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, motif pris qu’il s’était montré négligent et trop hâtif dans son examen, sans relever aucun élément permettant d’établir que M. Y… n’aurait pas consacré à l’examen médical tout le temps et l’attention que celui-ci requérait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Mais attendu que la Cour d’appel, qui a déduit l’existence d’une faute caractérisée au sens de l’article précité, de la constatation que M. Y… avait affirmé, dans le compte-rendu écrit de l’examen, la présence de deux mains, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

« Par ces motifs :

« Rejette le pourvoi ;

« Condamne MM. Z… et Y… aux dépens ; »

Gynéco Online - Mars 2013
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Le Conseil d’Etat condamne l’Etat à des dommages-intérêts au profit d’une clinique en raison de la longueur excessive du procès qu’elle a gagné
(Conseil d’Etat, sous-section n° 4, 22 octobre 2008, n° 312311, Clinique Mozart)
Isabelle Lucas-Baloup

Une clinique a dû attendre 10 ans devant la juridiction administrative (divers degrés de juridiction) pour voir triompher sa contestation de réduction de son nombre de lits en obstétrique par l’ARH de la région PACA.
Le Conseil d’Etat juge que cette durée est excessive, la requérante n’ayant eu aucun comportement dilatoire et répare son dommage « dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 7 000 euros » !... Tout pour ça...
No comment.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Clinique Contentieux des autorisations Dommages et intérêts

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Le refus de soins du patient ne peut réduire la réparation de son dommage (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 janvier 2015, n° 13-21.180)
Charlotte Paillet
Suite à deux interventions chirurgicales subies dans une clinique, un patient présente une hyperthermie indiquant un état infectieux. Deux jours plus tard, et contre les indications de son médecin, il quitte l’établissement pour retourner à son domicile. Le mois suivant, son état s’aggrave et une septicémie par streptocoque à l’origine d’atteintes secondaires à l’épaule, au foie et au cœur, est diagnostiquée. En l’absence de cause étrangère, l’établissement de santé engage sa responsabilité conformément aux dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.
La clinique demande à la Cour la réduction du préjudice : elle admet être responsable d’une partie du dommage, mais conteste être à l’origine de l’entier dommage, le refus de soins adopté par le patient sur le fondement de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique l’ayant aggravé. L’expert affirmait d’ailleurs dans son rapport que s’il avait été procédé immédiatement au traitement de l’infection, celle-ci se serait résorbée dans un délai de 15 à 30 jours. Selon la clinique, ce comportement est d’autant plus critiquable que la victime exerçait, au moment des faits, une profession de santé et avait par conséquent pleinement conscience de la nécessité des traitements et des risques encourus. Pour ces motifs, la clinique sollicite de la Cour d’être condamnée à payer uniquement l’indemnisation du préjudice résultant de l’infection nosocomiale « normalement traitée ».
Sur le fondement des articles 16-3 du code civil, L. 1142-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique, la Cour de cassation rejette les demandes de l’établissement de santé :
« Le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection. »
La Haute juridiction considère que si le patient a été amené à opposer un refus de soins, c’est uniquement parce qu’il avait en premier lieu contracté une infection relevant de la responsabilité de l’établissement. La Cour avait déjà adopté une position similaire : « l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 19 juin 2003, n° 00-22302). La Lettre du Cabinet - Septembre 2015


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Dommages et intérêts Refus de soins Réparation

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Négligence fautive de l’ophtalmologiste qui n’alerte pas suffisamment sur la gravité et le risque d’une hémorragie intravitréenne
(Arrêt Cour d’appel de Paris (pôle 2, ch. 2, 16 septembre 2011, n° 2009/15031)
Isabelle Lucas-Baloup

Homme 59 ans. Il consulte début juillet en raison de l’apparition, 2 jours auparavant, de tâches noires devant l’œil G avec perte de l’acuité visuelle. Examen du fond de l’œil. Diagnostic d’une hémorragie intravitréenne. Patient part en vacances. Fin août : décollement de rétine temporal avec « déchirure géante ».
Responsabilité de l’ophtalmologiste qui n’apporte pas la preuve qu’il aurait alerté suffisamment le patient sur la gravité de son état et du risque encouru. Négligence fautive qui s’est traduite par l’absence de tout contrôle pendant trois mois considérée par l’expert nommé comme directement à l’origine de l’évolution péjorative de la pathologie.
Dommages-intérêts : déficit fonctionnel permanent (23%, 37000 €), déficit fonctionnel temporaire (120 jours, 2400 €), préjudice professionnel (25000 €, artiste peintre, cécité quasi-totale).

SAFIR - Mars 2012
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Résiliation brutale --> dommages et intérêts payés par la clinique au médecin
(Cour d'appel d'Aix en Provence, 1ère ch. A, arrêt du 3 avril 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Dans une maison de retraite dans laquelle il intervient depuis 12 ans, on annonce verbalement à un psychiatre qu'il ne fait plus partie des libéraux exerçant dans l'établissement, ce qui lui est confirmé par écrit quelques jours plus tard. Il assigne et obtient 50 000 € à titre de dommages et intérêts, la maison de retraite fait appel.

La Cour confirme le jugement et déboute la maison de retraite qu plaidait avoir été contrainte d'agir ainsi en raison de l'attitude du médecin qui n'entendait pas se plier aux exigences nées des réformes imposant un médecin référent, un médecin coordonnateur et une réorganisation corrélative des services, mais son courrier de rupture ne mentionnait pas ce grief et l'arrêt observe que la mise en place du médecin référent est postérieure à la résiliation du contrat. La Cour évalue, compte tenu des revenus du psychiatre, son préjudice matériel à 45 000 € auxquels elle ajoute 5 000 € en réparation du préjudice moral.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Syndrome de Wolf-Hirschhorn : diagnostic par échographie --> pas de responsabilité fautive du gynécologue en l’absence d’une faute caractérisée
(arrêt Cour de cassation, 14 novembre 2013)
Isabelle Lucas-Baloup
Les parents d’une fille atteinte d’une anomalie chromosomique génératrice d’un syndrome de Wolf-Hirschhorn, à l’origine de très graves handicaps physiques et mentaux, ont recherché la responsabilité du gynécologue ayant effectué la 2ème échographie de suivi de la grossesse, constatant un retard de croissance du fœtus sans en informer la patiente et sans entreprendre d’autres explorations pour déterminer la cause de l’anomalie.

 

L’expert judiciaire nommé avait notamment retenu dans son rapport que bien que n’ayant pas avancé la date de la 3ème échographie, cette carence - qui a retardé d’un mois la reconnaissance et donc l’exploration du retard de croissance intra-utérin - ne caractérise ni une faute ni une négligence en l’absence de tout indice de nature à éveiller, chez un médecin normalement vigilant, la crainte du syndrome dit de Wolf-Hirschhorn, la grossesse ne comportant pas d’élément pouvant faire redouter une malformation de l’enfant et le gynécologue ayant pratiqué ces examens en respectant les moyens matériels, les exigences de compétence et les conditions de réalisation des échographies.

 

En revanche, la Cour de cassation, contrairement à la cour d’appel de Reims précédemment saisie, a considéré que le gynécologue avait commis une faute en s’abstenant d’informer la patiente de ce retard de croissance et d’entreprendre des investigations afin d’en déterminer la cause.

 

Cependant, cette faute ne revêt pas les exigences d’intensité et d’évidence, constitutives de la faute caractérisée requise par l’article L. 114-5, alinéa 3, du code de l’action sociale et des familles pour engager la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse.

 

Les parents sont donc déboutés de leur recours lancé en leur nom propre.

 

Ils avaient également présenté une demande au nom de leur fille mineure. A ce titre, ils avaient été déclarés irrecevables et déboutés par la cour d’appel de Reims et la Cour de cassation confirme l’arrêt attaqué :

 

« En application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le régime forfaitaire d’allocations antérieur institué par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a été complété par un dispositif de compensation du handicap en fonction des besoins, rendu progressivement applicable aux enfants handicapés, de sorte que la réparation issue du mécanisme de compensation actuel, prévu par l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles au titre de la solidarité nationale, procède d’un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, dès lors que le dommage est survenu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. »

 

En conclusion, depuis la loi dite « handicap » de 2005, qui a écarté les conséquences de la jurisprudence Perruche qui reconnaissait à l’enfant un droit à réparation du préjudice résultant de son handicap, et la prise en charge de celui-ci par la solidarité nationale au titre d’un dispositif de compensation en fonction des besoins, la Cour de cassation poursuit son œuvre jurisprudentielle en :

 

 -        définissant la « faute caractérisée » du gynécologue par des critères d’intensité et d’évidence, qui n’ont pas été retenus en l’espèce à l’occasion de l’expertise médicale, à l’occasion de l’action engagée par les parents en leur nom propre,

-        refusant à l’enfant un droit à être indemnisé lui-même, dès lors que la loi dite « handicap » met à la charge de la solidarité nationale un mécanisme de compensation forfaitaire. Sur ce point les parents soutenaient évidemment que cette compensation est sans rapport raisonnable avec une réparation intégrale du préjudice. Mais la loi est la loi.

 

Dans un précédent arrêt du 16 janvier 2013 (commenté dans cette rubrique en mars 2013), la même juridiction avait au contraire confirmé la « faute caractérisée » du médecin ayant réalisé l’échographie qui avait « dépassé la marge d’erreur habituelle d’appréciation compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ».
Gynéco-Online - Décembre 2013
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