Base de données - Déontologie

Déontologie médicale : autorisation de sites distincts (Alinéa 4 des articles R. 4113-23 et R. 4127-85 du CSP)
Jonathan Quaderi

Depuis l’intervention du décret n° 2012-884, du 17 juillet 2012, relatif aux lieux d'exercice des sociétés d'exercice libéral (SEL), les projets portés par ces structures en vue d’être autorisées à exercer une activité médicale sur un ou plusieurs sites distincts de leur résidence professionnelle doivent, à certains égards, satisfaire au respect de conditions quasiment identiques à celles que connaissent, depuis plusieurs années déjà, les médecins pratiquant leur art à titre individuel (cf. art. R. 4127-85 du code de la santé publique) et les sociétés civiles professionnelles (cf. art. R. 4113-74 du même code et CE, 7 juillet 2010, n° 323995 : « Pour l'application [des] dispositions relatives [à ce] mode d'exercice […], il appartient aux instances ordinales de veiller également à l'application de l'article R. 4127-85 [dudit] code »).

   Au nombre de ces conditions, comptent celles fixées au 4ème alinéa des articles R. 4113-23 et R. 4127-85 du CSP prévoyant qu’un site distinct peut être accordé, dans l’intérêt de la population, lorsque les investigations et les soins envisagés « nécessitent un environnement adapté, l'utilisation d'équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants ».

 

   Le Cabinet étant souvent interrogé sur le contenu et l’étendue de cette formulation, voici, ci-après, mais sans être exhaustif, quelques exemples d’investigations et soins à entreprendre sur lesquels le Conseil national de l’Ordre s’est déjà prononcé :

 

   Constitue la mise en œuvre de « techniques spécifiques » la pratique de « gestes de phlébectomie en ambulatoire » (CNOM, 16 septembre 2009, dossiers nos 104 et 105) ou, encore, d’actes « de petite chirurgie dermatologique » (CNOM, 16 septembre 2009, dossier n° 101) ou réalisés « dans le domaine de la chirurgie mini invasive du pied » (CNOM, 14 décembre 2007, dossier n° 24) mais, en aucun cas, la mise en œuvre d’une « méthode dite de "lipotomie" »(CNOM, 20 février 2013, dossier n° 223), le « […] recours à la technique de sclérothérapie par échosclérose à la mousse et une "possible" prise en charge des varices par laser endoveineux ou radiofréquence » (CNOM, 7 février 2013, dossier n° 1921), l’utilisation d’un « matériel dénommé "Finemeter pro" » en acupuncture (CNOM, 13 décembre 2012, dossier n° 1914), des « retouches de blépharoplastie, des injections de produit de comblement ou de Botox » (CNOM, 20 octobre 2011, dossier n° 1841), « l’abord psychanalytique de la pédopsychiatrie » (CNOM, 22 juin 2006, dossier n° 1475), etc.

 

   Par ailleurs, le Conseil a considéré qu’il pouvait effectivement y avoir, dans certaines circonstances, « coordination de différents intervenants » au bénéfice d’un praticien qualifié spécialiste en chirurgie maxillo-faciale et en stomatologie souhaitant exercer dans le cabinet d’un confrère chirurgien plasticien et esthétique (CNOM, 10 février 2011, dossier n°1812), à celui d’un praticien qualifié spécialiste en psychiatrie en vue de réaliser des examens neurophysiologiques au sein d’une clinique, (CNOM, 7 octobre 2010, dossier n° 1787), voire même au profit d’un praticien qualifié spécialiste en stomatologie et compétent en chirurgie maxillo-faciale envisageant d'effectuer des consultations au sein d’un cabinet de chirurgiens-dentistes (CNOM, 26 juin 2008, dossier n° 1619).

 

   Ainsi, si le champ d’application du 4ème alinéa des articles R. 4113-23 et R. 4127-85 du CSP apparaît vaste (ce qui est vrai dans une certaine mesure), il incombe néanmoins aux promoteurs de justifier que leur projet y entre bien, en répondant en outre à un véritable intérêt pour la population ciblée, démonstration qui en passe nécessairement par une présentation rigoureuse du dossier et la production de pièces utiles à son soutien.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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Autorisation de site distinct Déontologie

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Déontologie médicale : le CNOM censuré par le Conseil d’Etat
(Conseil d’Etat, 15 décembre 2010, n° 329246 et 30 mai 2011, n° 342577)
Jonathan Quaderi

En fin d’année dernière, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé que « les juridictions disciplinaires de l’Ordre des médecins peuvent légalement, pour infliger une sanction à un médecin, se fonder sur des griefs qui n’ont pas été dénoncés dans la plainte pour retenir, pour caractériser un comportement fautif sur le plan déontologique, une qualification juridique différente de celle initialement énoncée dans la plainte, à condition, toutefois, de se conformer au principe des droits de la défense en mettant le praticien poursuivi à même de s’expliquer, dans le cadre de la procédure écrite, sur l’ensemble des griefs qu’elle envisage de retenir à son encontre », avait sanctionné une décision de la Chambre disciplinaire nationale dudit Ordre, au motif qu’elle ne pouvait fonder sa décision sur un grief nouveau « distinct du reproche retenu par les premiers juges comme celui envisagé en cours de procédure par le juge d’appel […], alors même que le praticien poursuivi en aurait été avisé à l’audience ».
Par un arrêt du 30 mai 2011, rendu sur le fondement d’un défaut de motivation, la Haute juridiction s’est prononcée comme précédemment en retenant que « pour infliger à M. A, médecin généraliste, la peine d’interdiction d’exercer pendant une durée de trois ans, la chambre […] a relevé que les prescriptions de chimiothérapie qu’il appliquait lui-même sans recourir à aucun auxiliaire médical auraient dû obéir à des protocoles précis et validés qui n’ont pas en l’espèce été mis en œuvre […] [mais] qu’en se bornant à se référer ainsi, sans autre précision, à des protocoles validés non mis en œuvre, sans répondre à l’argumentation de M. A, appuyée sur des pièces du dossier, selon laquelle il avait appliqué les protocoles requis en matière de cancer du sein hormono-dépendant avec métastases [ladite] chambre a insuffisamment motivé sa décision et n’a ainsi pas mis le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle ».
La décision du CNOM est donc annulée.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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CNOM Déontologie

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Dignité médicale du détenu : traitement jugé dégradant, condamnation de l’Etat Français
(CEDH, 5ème sect., 26 mai 2011, n° 19868/08)
Isabelle Lucas-Baloup

Il peut s’avérer difficile, pour des raisons pratiques plus qu’éthiques, de concilier le statut de détenu avec une prise en charge respectant ses droits de patient.

Un excellent travail conduit à l’Institut de formation des manipulateurs d’électroradiologie médicale de Montpellier (Floriane Amaury, Sonia Bendjeddou et Mylène Garrigues, disponible sur internet) en témoigne : « Les professionnels de santé ne demandent que très rarement aux forces de l’ordre accompagnant le détenu de sortir durant le soin ou l’examen […] ; examen d’un détenu avec trois policiers derrière le paravent plombé […] ; une autre fois, deux policiers sont restés à côté du détenu tout au long de l’examen même durant l’irradiation protégés par les tabliers plombés […]. Dans un service d’urgence, un médecin et des infirmiers soignent les blessures d’une personne qui avait les mains menottées dans le dos, en train de se faire interroger par deux policiers », etc. Entrent inconsciemment en conflit l’obligation de neutralité du professionnel de santé et un sentiment d’insécurité, la peur qu’évoque la délinquance, conduisant le médecin et le paramédical à agir différemment, exposés au risque d’une tentative d’évasion avec ou sans violence à leur égard, inquiétude renforcée le plus souvent par une méconnaissance de la réglementation concernant la prise en charge des personnes détenues.

Les menottes :

L’article 803 du code de procédure pénale limite le port des menottes ou des entraves « s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite » et l’article D. 397 du même code prévoit que « Lors des hospitalisations et des consultations ou examens […], les mesures de sécurité adéquates doivent être prises dans le respect de la confidentialité des soins. »

Le niveau de sécurité adéquat :

Les articles 294, 295 et 296 du code de procédure pénale imposent au chef d’établissement pénitentiaire, en considération de la dangerosité du détenu pour autrui ou lui-même, des risques d’évasion et de son état de santé, de définir si le détenu doit ou non faire l’objet de moyens de contrainte et d’en préciser la nature, soit des menottes, soit des entraves, soit les deux moyens en même temps lorsque la personnalité du détenu le justifie et son état de santé le permet. C’est donc une appréciation individualisée, qui sera tracée sur la fiche de suivi d’extraction médicale ainsi que la « chaîne d’accompagnement à l’hôpital ».

En ce qui concerne la consultation médicale stricto sensu, trois niveaux de surveillance doivent être envisagés :

  • niveau de surveillance I : la consultation peut s’effectuer hors la présence du personnel pénitentiaire avec ou sans moyen de contrainte,
  • niveau de surveillance II : la consultation se déroule sous la surveillance constante du personnel pénitentiaire mais sans moyen de contrainte,
  • niveau de surveillance III : la consultation se déroule sous la surveillance constante du personnel pénitentiaire avec moyen de contrainte.

Par une circulaire du 18 novembre 2004 « relative à l’organisation des escortes pénitentiaires des détenus faisant l’objet d’une consultation médicale » (Bulletin Officiel du Ministère de la Justice n° 96-4), le Garde des Sceaux a précisé : « Quel que soit le niveau de surveillance retenu, le chef d’escorte devra veiller à ce que les mesures de sécurité mises en œuvre n’entravent pas la confidentialité de l’entretien médical. […] ».

La déontologie médicale :

L’article R. 4127-10 du code de la santé publique (ancien article 10 du code de déontologie médicale) prévoit : « Un médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement, serait-ce par sa seule présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale de cette personne ou à sa dignité. S’il constate que cette personne a subi des sévices ou des mauvais traitements, il doit, sous réserve de l’accord de l’intéressé, en informer l’autorité judiciaire. » (pas besoin de son accord si le détenu est mineur).

Si le niveau de surveillance arrêté par le chef d’établissement pénitentiaire ne convient pas au médecin, il peut le contester. La circulaire de 2004 susvisée précise : « Un formulaire type préalablement renseigné par le chef d’établissement lui est alors remis par le chef d’escorte afin de porter à sa connaissance les motifs justifiant le recours à de telles mesures de sécurité. Seul le chef d’établissement, l’un de ses adjoints ou un chef de service pénitentiaire ayant reçu délégation à cet effet, saisi par téléphone par le chef d’escorte, peut à titre exceptionnel, et en fonction des éléments complémentaires qui sont portés à sa connaissance, autoriser le chef d’escorte à modifier le dispositif arrêté initialement. Si, à l’occasion de la consultation, le détenu se trouve durant un laps de temps hors de la surveillance directe des fonctionnaires pénitentiaires, ceux-ci doivent le fouiller par palpation à l’issue de la consultation. Dans tous les cas, le chef d’escorte doit contrôler le local où se déroule la consultation. Il veillera tout particulièrement à repérer et situer les issues susceptibles de faciliter une éventuelle évasion de façon à adapter le dispositif de surveillance. […]. A défaut d’autorisation spécifique donnée par le directeur du centre hospitalier pour utiliser le téléphone portable dans les lieux de consultation, il sera demandé de mettre à disposition du personnel pénitentiaire un accès à une ligne téléphonique. »

L’organisation de la date de rendez-vous :

Afin de garantir la confidentialité de la date et de l’heure de la consultation à l’hôpital, le chef d’établissement doit mettre en place en liaison avec l’UCSA de chaque établissement pénitentiaire et le centre hospitalier de rattachement, une procédure permettant d’inscrire le rendez-vous médical de façon anonyme, pour répondre aux dispositions des articles D. 295 du code de procédure pénale : « Les détenus ne doivent avoir aucune communication avec des tiers à l’occasion de transfèrements ou d’extractions. Les précautions utiles doivent être prises pour les soustraire à la curiosité ou à l’hostilité publique, ainsi que pour éviter toute espèce de publicité. » et D. 296 : « Pour l’observation des principes posés à l’article D. 295, comme pour la sécurité des opérations, l’exécution des transfèrements et extractions doit être préparée et poursuivie avec la plus grande discrétion quant à la date et à l’identité des détenus en cause, au mode de transport, à l’itinéraire et au lieu de destination. Toutefois, dès que le détenu transféré est arrivé à destination, sa famille ou les personnes autorisées de façon permanente à communiquer avec lui en sont informées. »

La circulaire de 2004 se termine par : « L’exécution de la mission de l’administration pénitentiaire doit dans tous les cas s’exercer dans le respect et la reconnaissance du travail et des missions des personnels sanitaires. »

La Cour de Strasbourg condamne la France :

Très peu d’affaires sont soumises à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) sur ce sujet, mais celle-ci s’avère rigoureuse dans le respect notamment de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ».

Saisie par un détenu condamné à 15 ans de réclusion pour des faits de viol sur mineur par personne ayant autorité, la Cour a condamné l’Etat Français à lui payer 6 000 € pour dommage moral et 5 980 € pour frais de défense et dépens, pour violation de l’article 3 de la Convention des Droits de l’Homme, le détenu ayant été menotté et entravé systématiquement pendant les soins et examens subis, ce dernier évoquant notamment la présence de deux policiers pendant un toucher rectal, malgré sa demande que l’escorte n’assiste pas à la consultation. Un rapport de l’IGAS établissant que « les conditions de sécurité ont primé sur l’intimité et la confidentialité du patient » a conduit la CEDH à déduire que « les moyens de contrainte utilisés en l’espèce, consistant à être simultanément entravé et menotté, étaient disproportionnés au regard des nécessités de sécurité, appréciation renforcée par le fait que ces mesures étaient combinées à la présence constante de surveillants ou de policiers lors d’examens médicaux dont certains présentaient un caractère intime. Pareilles contraintes et surveillances ont pu causer au requérant un sentiment d’arbitraire, d’infériorité et d’angoisse caractérisant un degré d’humiliation dépassant celui que comportent inévitablement les examens médicaux des détenus. La Cour en conclut que les mesures de sécurité imposées au requérant lors des examens médicaux combinées avec la présence du personnel pénitentiaire s’analysent en un traitement dépassant le seuil de gravité toléré par l’article 3 de la Convention et constitue un traitement dégradant au sens de cette disposition. Il y a donc eu violation de cette disposition. »

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Déontologie Détenu Dignité Etat Français Menottes

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Infections nosocomiales et responsabilités juridiques
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Guide pour la Prévention des Infections Nosocomiales en Réanimation" sous la direction du Docteur Jean Carlet.

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Le Conseil d’Etat annule une décision du CNOM en matière d’autorisation de site distinct
(Conseil d’Etat, sous-section n° 4, 9 juin 2008, n° 299843, CDOM de l’Hérault)
Isabelle Lucas-Baloup

Le contentieux portant sur les autorisations et/ou refus de sites d’exercice distincts de la résidence professionnelle habituelle des médecins augmente.
Un orthopédiste de Béziers avait demandé l’autorisation d’exercer deux demi-journées par semaine, en alternance avec un confrère, sur un site distinct de sa résidence professionnelle, situé à Agde, commune sur laquelle un seul orthopédiste était installé précise l’arrêt, et dans laquelle la densité de médecins exerçant cette spécialité était sensiblement inférieure à celle constatée au niveau national. Enfin, une partie de la clientèle à mobilité réduite était obligée de se rendre à Béziers, à 25 kilomètres.
Le Conseil d’Etat en déduit, contrairement au Conseil national de l’Ordre des médecins qui est déclaré avoir fait une inexacte application du droit, que, dans ces conditions, eu égard aux caractéristiques de la discipline en cause, l’offre de soins dans ce domaine doit être regardée, au sens des dispositions de l’article R. 4127-85 du code de la santé publique, comme présentant une insuffisance au regard des besoins de la population et de la nécessité de la permanence des soins.
L’Ordre doit payer 3000 euros à l’orthopédiste de Béziers qui peut donc s’installer à Agde comme il le souhaitait.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Le Conseil d’Etat annule une décision du Conseil national de l’Ordre pour insuffisance de motivation
(Conseil d’Etat, sous-section n° 5, 30 juin 2008, n° 284609)
Isabelle Lucas-Baloup

La section « assurances sociales », ici de l’Ordre des chirurgiens-dentistes, mais aussi de celui des médecins, statue parfois sans donner parfaitement les raisons de sa condamnation. Le Conseil d’Etat annule les décisions insuffisamment motivées. En l’espèce, l’arrêt expose que « chacun des 157 dossiers joints à la plainte mentionnait, pour un patient identifié par un numéro, les actes considérés comme fautifs par le plaignant » ; la section des assurances sociales du Conseil national de l’Ordre avait prononcé une peine de suspension d’un an avec sursis de 6 mois, « en retenant notamment le fait pour le praticien d’avoir, dans 13 dossiers identifiés par leur numéro, facturé 28 « inlays-core » sans les avoir réalisés et d’avoir pratiqué 28 cotations excédant celles prévues par la NGAP dans 17 dossiers également identifiés par leur numéro ; que toutefois d’une part les 13 dossiers mentionnent un nombre d’ « inlays-core » facturés sans être réalisés supérieur à 28 et, d’autre part, les 17 dossiers ne mentionnent pas tous les surcotations ; que la décision attaquée ne précise pas si, comme il est soutenu en défense devant le juge de cassation, ces discordances entre les mentions de la décision attaquée et celles des dossiers joints à la plainte auxquels cette décision se réfère résulteraient de la circonstance que le juge disciplinaire aurait considéré que certains des actes mentionnés par le plaignant comme facturés mais non réalisés devraient être en réalité qualifiés de surcotations ; que, dans ces conditions, le chirurgien-dentiste qui s’était défendu de façon précise devant les juges du fond pour chacun des actes tels qu’ils étaient qualifiés dans la plainte, est fondé à soutenir que la décision attaquée, qui ne permet d’identifier ni les facturations sanctionnées par le juge disciplinaire comme correspondant à des actes non réalisés ni celles sanctionnées par lui comme des surcotations, ne met pas ainsi à même le juge de cassation d’exercer son contrôle et qu’elle est par suite entachée d’une insuffisance de motivation. »
La décision est donc annulée, et l’affaire renvoyée devant la section assurances sociales du même Conseil national de l’Ordre des chirurgiens-dentistes…

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Chirurgiens-dentistes Déontologie Motivation

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L’Ordre des médecins doit motiver suffisamment ses décisions, rappelle le Conseil d’Etat
(arrêt Conseil d’Etat, 5 octobre 2007, Legifrance)
Isabelle Lucas-Baloup

Bien souvent le plaideur est déçu par la motivation quasi-inexistante d’une décision le déboutant (quand on gagne on est beaucoup plus tolérant sur les petites imperfections de la rédaction des jugements !).
C’est donc avec satisfaction que je signale cet arrêt de la section du contentieux du Conseil d’Etat annulant une suspension de deux mois prononcée à l’encontre d’un médecin par la section assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins s’étant bornée à relever que « les arguments du praticien ne parviennent pas à démentir les reproches formulés par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de la caisse d’assurance maladie ».

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008


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Déontologie Médecins Motivation Suspension

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Publicité des médecins : elle demeure interdite en France
Isabelle Lucas-Baloup

Si, le 28 décembre 2009 au plus tard, la France devait transposer la directive 2006/123/CE du Parlement Européen et du Conseil, dont l'article 24 supprime toutes les interdictions totales visant les communications des professions réglementées, les "services de soins de santé et pharmaceutiques fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé lorsque ces activités sont réservées à une profession de santé réglementée dans l'Etat membre dans lequel les services sont fournis" ont été exclus expressément du champ d'application de la directive.

En conséquence, et contrairement à ce que mentionne La Lettre du Cabinet de décembre 2009, les médecins français demeurent soumis entièrement à l'article R. 4127-19 du code de la santé publique (ancien article 19 du code de déontologie) qui interdit la publicité et violer cette prohibition les expose à des sanctions disciplinaires.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2010
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Radiation disciplinaire d'un chirurgien de l'obésité
(Ch. disc. de 1ère instance de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France, 3 février 2017, Dr J.C.)
Isabelle Lucas-Baloup

Cette radiation exceptionnelle pour manquements délibérés et répétés aux recommandations de la HAS en ce qui concerne tant les indications de la chirurgie bariatrique que les précautions qui doivent entourer sa pratique fait suite à une précédente sanction de cette juridiction, ayant condamné le même chirurgien viscéral et digestif à 6 mois d’interdiction, dont 2 assortis du bénéfice du sursis, le 19 septembre 2016.

Les juges disciplinaires ont été saisis cumulativement par le médecin conseil du service médical de Paris et par le CDOM 75, mais c’est la plainte du DG de l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France qui a conduit à la radiation prononcée le 3 février 2017, dont le chirurgien a fait appel devant la Chambre nationale (affaire jugée le 9 juin 2017 en cours de délibéré).

La décision rappelle qu’un praticien qui décide de s’écarter des recommandations destinées à améliorer l’efficacité à long terme de la chirurgie bariatrique et à réduire la survenue des complications, lesquelles constituent « les données actuelles de la science », ne peut le faire qu’en justifiant que l’état de chaque patient l’exigeait, ce qui ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve contrairement à ce que soutenait le médecin à l’encontre de l’ARS.

Les juges disciplinaires mentionnent ensuite : « Il ressort du rapport définitif d’inspection dressé le 15 novembre 2015 par les médecins-inspecteurs de l’ARS que, pour les 36 dossiers de patients étudiés au cours de cette mission d’inspection, dont 5 dossiers d’enfants et adolescents, le Dr C. n’a pas respecté les recommandations de la HAS relatives, d’une part, à la pertinence des indications chirurgicales et la prise en charge préopératoire des patients, à l’information des patients sur les risques de l’intervention et la nécessité ensuite d’une surveillance à vie et à la prise en charge globale et multidisciplinaire du patient avec, notamment, un nécessaire échange avec son médecin traitant ; que, d’autre part, il a été constaté l’absence de prise en charge personnalisée des patients lors de l’hospitalisation, les dossiers médicaux étant incomplets et ne mentionnant ni l’état clinique du patient lors de son entrée ni son suivi médical au jour le jour, les comptes rendus d’hospitalisation et les courriers de sortie n’étant pas individualisés ; qu’enfin il a été constaté l’absence de prise en charge systématique postopératoire des patients alors que les recommandations de la HAS prévoient quatre consultations la première année puis une à deux les années suivantes ; que, s’agissant plus particulièrement des mineurs et jeunes majeurs, il a été relevé des manquements dans leur prise en charge en l’absence de suivi par une équipe spécialisée multidisciplinaire […] et anomalies supplémentaires à celles précédemment relevées, à savoir une indication chirurgicale ne respectant pas les recommandations concernant l’indice de masse corporelle (IMC) et le non-respect de la réglementation relative à la demande d’accord préalable avec la caisse. »

Depuis novembre dernier, les proches d’une patiente âgée de 49 ans, décédée d’une plaie de l’aorte de 2,5 cm au décours d’une chirurgie gastrique conduite par ce même chirurgien, apprécient avec indignation et une immense tristesse la promesse publiée en 4ème de couverture de son ouvrage « Mince pourquoi pas moi » : « un regard nouveau sur l'obésité et la vérité sur le quotidien de ceux qui en souffrent ». No comment.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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SITES D'ACTIVITE du médecin libéral : depuis la suppression des CABINETS SECONDAIRES
Isabelle Lucas-Baloup

Le décret en Conseil d’Etat du 17 mai 2005 a réformé l’article R. 4127-85 du code de la santé publique (ancien article 85 du code de déontologie médicale), en supprimant la notion de « cabinets » et par voie de conséquence la distinction classique entre cabinet « principal », cabinet « secondaire » et "prolongement technique d’activité".
Cepandant, la possibilité offerte au médecin d’exercer sur plusieurs sites professionnels demeure très encadrée.

Ancien texte : art. 85, code déontologie médicale
(décret n° 95-1000 du 6-9-1995)
« Un médecin ne doit avoir, en principe, qu’un seul cabinet.
Il y a cabinet secondaire lorsqu’un médecin reçoit en consultation de façon régulière ou habituelle des patients dans un lieu différent du cabinet principal ; la création ou le maintien d’un cabinet secondaire, sous quelque forme que ce soit, n’est possible qu’avec l’autorisation du conseil départemental de l’ordre intéressé.
Cette autorisation doit être accordée si l’éloignement d’un médecin de même discipline est préjudiciable aux malades et sous réserve que la réponse aux urgences, la qualité et la continuité des soins soient assurées.
L’autorisation est donnée à titre personnel et n’est pas cessible.
Elle est limitée à trois années et ne peut être renouvelée qu’après une nouvelle demande soumise à l’appréciation du conseil départemental.
L’autorisation est révocable à tout moment et doit être retirée lorsque l’installation d’un médecin de même discipline est de nature à satisfaire les besoins des malades.
En aucun cas, un médecin ne peut avoir plus d’un cabinet secondaire.
Les dispositions du présent article ne font pas obstacle à l’application, par les sociétés civiles professionnelles de médecins et leurs membres, de l’article 50 du décret n° 77-636 du 14 juin 1977 et par les sociétés d’exercice libéral, de l’article 14 du décret n° 94-680 du 3 août 1994.
Les interventions ou investigations pratiquées pour des raisons de sécurité dans un environnement médical adapté ou nécessitant l’utilisation d’un équipement matériel lourd soumis à autorisation ne constituent pas une activité en cabinet secondaire. »

Nouveau texte : article R. 4127-85, code de la santé publique
(décret n° 2005-481 du 17-5-2005)
« Le lieux habituel d’exercice d’un médecin est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental, conformément à l’article L. 4112-1 du code de la santé publique.
Dans l’intérêt de la population, un médecin peut exercer son activité professionnelle sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle habituelle :
- lorsqu’il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ;
- ou lorsque les investigations et les soins qu’il entreprend nécessitent un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants.
Le médecin doit prendre toutes dispositions et en justifier pour que soient assurées sur tous ces sites d’exercice la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins.
La demande d’ouverture d’un lieu d’exercice distinct est adressée au conseil départemental dans le ressort duquel se situe l’activité envisagée. Elle doit être accompagnée de toutes informations utiles sur les conditions d’exercice. Si celles-ci sont insuffisantes, le conseil départemental doit demander des précisions complémentaires.
Le conseil départemental au tableau duquel le médecin est inscrit est informé de la demande lorsque celle-ci concerne un site situé dans un autre département.
Le silence gardé par le conseil départemental sollicité vaut autorisation implicite à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la date de réception de la demande ou de la réponse au supplément d’information demandé.
L’autorisation est personnelle et incessible. Il peut y être mis fin si les conditions fixées aux alinéas précédents ne sont plus réunies.
Les recours contentieux contre les décisions de refus, de retrait ou d’abrogation d’autorisation ainsi que ceux dirigés contre les décisions explicites ou implicites d’autorisation ne sont recevables qu’à la condition d’avoir été précédés d’un recours administratif devant le Conseil national de l’ordre. »

Pluralité de sites autorisée :
Le principe « un cabinet principal/un cabinet secondaire éventuellement, et pas plus », a vécu, comme la notion rencontrée en pratique de « prolongement technique d’activité », qui ne constituait pas un cabinet secondaire si le médecin s’abstenait d’y consulter. On distingue aujourd’hui la « résidence professionnelle habituelle au titre de laquelle le médecin est inscrit à un tableau d’un ordre départemental » et les « sites distincts », qui sont soumis eux-mêmes à autorisation ordinale préalable.
Le critère déterminant est celui de l’inscription au tableau, et non l’importance respective en temps que le médecin consacre à chacun des sites où il consulte ou opère.
L’article R. 5127-85 ne limite ni le nombre de sites, ni le périmètre géographique des sites sur lequel le médecin exerce (contrairement aux dispositions applicables aux SEL, art. R. 4113-23 du CSP).

Conditions de fond pour obtenir l’autorisation ordinale :
La première condition, commune à toutes les situations, est la conformité du projet à « l’intérêt de la population ». Voici une notion dont la définition s’avère protéiforme, certainement parce que le texte a été initialement prévu pour augmenter la démographe dans des zones géographiquement sinistrées en matière de généralistes. En ce qui concerne les spécialistes, l’intérêt du patient est différent et le but ne devrait pas seulement consister à lui éviter de parcourir une distance, dont la mesure varie selon qu’on se trouve en montagne ou dans les arrondissements d’une grande agglomération.
Si le critère de « l’intérêt du patient » demeure prédominant, la qualité du praticien dans une « hyper spécialité » devrait permettre une installation, même si des plaques dans la spécialité sont déjà vissées alentour. La démarche est plus compliquée alors pour l’ordre départemental, qui devra apprécier, en toute objectivité, la demande d’autorisation de site distinct en ne s’arrêtant pas à l’examen du tableau, mais en s’interrogeant sur la prestation effectivement procurée par le spécialiste en place et celle offerte par le requérant, qui devra savoir convaincre… Formellement, on n’est pas alors en présence d’une « carence » de l’offre de soins, il existe à proximité un spécialiste, mais il est permis de revendiquer que l’intérêt des patients serait qu’un confrère de la même discipline s’installe car il offrirait à ces derniers une compétence différente. D’ailleurs, l’intérêt des patients n’est-il pas de pouvoir choisir et ne pourrait-on dès lors soutenir qu’un monopole local leur est systématiquement préjudiciable ? Cette deuxième condition de l’existence d’une carence ou d’une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins dans le secteur géographique implique évidemment de définir ce dernier. Le texte en vigueur n’impose aucune contrainte formelle de s’en tenir à une division administrative quelconque, que ce soit celles mises en œuvre dans les SROS, par les agences régionales de l’hospitalisation (les bassins de population, les territoires de santé), ou par le découpage électoral (cantons et autres circonscriptions). L’ordre départemental n’est pas non plus tenu de limiter la zone qu’il observe à celle de sa compétence territoriale. A l’époque des patients européens « transfrontaliers », on doit c’est un minimum apprécier l’intérêt d’un malade, en cette matière, en allant regarder jusque et y compris de l’autre côté de la frontière départementale si elle s’avère à proximité. On trouve ainsi des praticiens consultant en cabinet de ville dans un département et opérant en exercice libéral dans deux établissements privés respectivement dans le même département et dans un département voisin, sans que la sécurité ou la continuité des soins en soit altérée. Pourquoi les empêcher alors de consulter dans le deuxième département ou plus généralement sur le deuxième site ? Le texte nouveau devrait permettre d’en finir avec les restrictions qui ne trouvent pas leur justification dans la stricte application des textes mais plus souvent dans l’Histoire locale des installations et des bassins de recrutement…
Le troisième élément permettant l’exercice en site distinct concerne les investigations et les soins nécessitant un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants. On imagine facilement l’exercice en établissement de santé privé (bloc opératoire, service d’hospitalisation, plateau d’imagerie scanner, IRM, etc.), mais le texte n’impose pas de s’arrêter aux établissements autorisés par l’ARH. Ainsi tel cabinet d’ophtalmologie ou de gastro-entérologie équipé en matériels permettant des investigations doit être pris en considération même sans être soumis à autorisation de la tutelle sanitaire.
L’article R. 4127-85 impose enfin au médecin de justifier qu’il est apte à assurer « la réponse aux urgences, la qualité, la sécurité et la continuité des soins ». C’est bien normal mais il convient de ne pas être plus exigeant, pour les autorisations de site distinct, que les autorités ordinales ne le sont pour la résidence professionnelle au titre de laquelle le praticien est inscrit au tableau ! On observe curieusement que certains dossiers sont rejetés en raison d’un examen particulièrement intransigeant de ce chef. L’accueil « immédiat » et « de toutes les urgences » n’a jamais été imposé par les textes et le site distinct ne relève pas sui generis de l’UPATOU, malgré ce à quoi aboutissent certaines affirmations contraires.

Procédure pour obtenir l’autorisation ordinale :
Avant le commencement de l’activité sur un autre site, le médecin saisit (la lettre recommandée est le moyen le plus simple) l’ordre départemental compétent pour le site où la nouvelle activité est envisagée. La plupart des ordres diffusent des formulaires, qui impliquent sur certains points, des réponses « très adaptées » aux textes en vigueur et à la jurisprudence. Le requérant joint à sa demande « toutes informations utiles sur les conditions d’exercice », auxquelles le conseil départemental pourra faire ajouter des précisions complémentaires. La décision doit être prise dans les trois mois à compter de la date de réception de la demande ou de la réponse au supplément d’information si le dossier était incomplet. Le silence gardé par le conseil départemental sollicité vaut autorisation implicite. Tout recours contre une décision implicite ou explicite d’autorisation, de refus, de retrait ou d’abrogation d’autorisation, doit être porté devant le Conseil national de l’Ordre, dans le délai de deux mois.
Il est recommandé de consulter un avocat non pas tardivement au moment du recours, mais dès la constitution initiale du dossier, tant il est difficile de revenir ensuite sur une présentation des éléments de fait et de droit contraire aux intérêts du requérant.

Sites multiples et sociétés d’exercice :
Pour l’Ordre national des médecins, si la demande de site distinct est obtenue par une SCP, tous les médecins de la SCP sont autorisés à exercer sur le site (article R. 4113-74). En revanche, les SEL ne sont pas concernées par l’article R. 4127-85, mais seulement par l’article R. 4113-23 du CSP qui lui permet d’exercer « dans cinq lieux au maximum lorsque, d’une part elle utilise des équipements implantés en des lieux différents ou met en œuvre des techniques spécifiques et que, d’autre part, l’intérêt des malades le justifie. Ces lieux d’exercice doivent être situés dans une zone géographique constituée de trois départements limitrophes entre eux, soit exclusivement dans la région Ile-de-France. »

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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