Base de données - Enterobacter

Quand la Cour d’appel de Nancy applique strictement le droit nouveau de l’infection nosocomiale
Isabelle Lucas-Baloup

Commencer l’année 2007 dans une perplexité annoncée dès le début 2003 n’est pas enthousiasmant pour le commentateur de l’actualité jurisprudentielle des infections nosocomiales !
Pour tenter d’échapper à la rigueur d’un texte d’exception (la responsabilité en matière d’infection en hôpital public ou privé est engagée sans faute, contrairement aux autres domaines de la responsabilité médicale qui implique la démonstration d’une faute de l’établissement et/ou des soignants), nos juges, qui commencent à comprendre, éclairés par les experts, les effets pervers de l’article L. 1142-1 2° alinéa du code de la santé publique, tentent d’échapper au principe en s’interrogeant (enfin) sur la notion de cause étrangère. Mais la cause étrangère n’a pas été inventée pour le droit de la responsabilité en matière d’infection nosocomiale et la rédaction actuelle du texte légal s’oppose au succès des thèses incompatibles avec l’article L. 1142-1. La cour administrative d’appel de Nancy vient de le rappeler, à juste titre, au CHU de la même ville en confirmant la condamnation de ce dernier sous la motivation ci-après :
« Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1142-1 du CSP les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonnée par les premiers juges, que si M. Pierre Y., arrivé en relative bonne santé à l’hôpital, a présenté, à la suite de son opération, une insuffisance rénale, liée à la fois à sa cardiopathie et à son diabète, en raison de la longue durée de son hospitalisation, la cause de son décès est due à une complication infectieuse résultant de la présence d’un staphylocoque doré résistant, dont il était indemne à son entrée au CHU de Nancy, ainsi qu’à l’apparition, en cours d’hospitalisation, de nouveaux germes infectieux de type enterobacter et pseudomonas ; que l’hôpital n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que le décès de M. Pierre Y. ne serait pas dû à une infection nosocomiale, mais à la dégradation très avancée de son état cardio-vasculaire et de son état général et que sa responsabilité n’est pas engagée sur le fondement des dispositions sus-rappelées. ». En conséquence le CHU est condamné à indemniser la veuve et le fils de la victime dès lors « qu’en l’absence d’infection nosocomiale le pronostic vital n’était pas défavorable ».

Gare à la confusion

Infection nosocomiale ou non, il n’y a pas lieu de tergiverser, nous confirme la cour, sur l’état du patient ante.
Puisse cette jurisprudence être appliquée par les commissions régionales d’indemnisation (CRCI) dont les instructions données aux experts qu’elles nomment en cette matière, et les avis qu’elles rendent, mettent en œuvre une application de la loi qui, toute contestable qu’elle soit, ne peut être dénaturée au point de lui faire dire son contraire. Il convient de militer pour une réforme du droit de l’infection nosocomiale, mais certainement pas pour ajouter de la confusion dans l’application d’un texte dans lequel on cherche vainement la motivation du législateur.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier-février 2007
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