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Césariennes de confort : qui le décide, la parturiente ou le médecin ?
Isabelle Lucas-Baloup

Résumé :

Depuis que la Loi dite Kouchner a écarté le « paternalisme éclairé » du médecin, en vertu duquel il conseillait la parturiente avec autant sinon plus de conscience et de diligence que s’il s’agissait de sa propre fille, la patiente est souveraine pour prendre toutes décisions relatives à sa santé, après avoir été bien informée. C’est donc la « parturiente qui décide ». Pour autant, l’obstétricien n’est pas tenu de faire n’importe quoi. Après avoir évalué le bénéfice/risque, il peut parfaitement refuser de pratiquer une césarienne « de convenance », à condition d’en informer la femme en temps opportun pour lui permettre de mesurer les conséquences de son choix et, le cas échéant, de trouver un autre médecin avec lequel elle s’entendra sur la gestion de sa grossesse et de son accouchement…

Les textes légaux et réglementaires qui répondent à la question :

•Article L. 1111-4, CSP :
« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. […] »

« Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. […] »

•Article L. 1111-2, CSP :
« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. […] »

•Article L. 1110-1, CSP :
« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. […] »

•Article R. 4127-40, CSP :
« Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »

•Article 16-3, code civil :
« Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir. »

En l’état du droit français, depuis la loi du 4 mars 2002 qui a introduit au code de la santé publique les trois premiers articles ci-dessus, il est clair que la parturiente décide souverainement ce qui relève de son état de santé, après avoir été informée de l’évaluation du bénéfice/risque et des alternatives possibles.

L’obstétricien, quant à lui, après avoir satisfait à son obligation d’information telle qu’encadrée ci-dessus, en avoir soigneusement conservé la trace, éventuellement orienté la parturiente vers un confrère pour obtenir un second avis, peut refuser de pratiquer une césarienne qui exposerait la femme enceinte à un risque injustifié. Il est fondé alors à viser sa clause de conscience et refuser d’accoucher la parturiente, à condition de le décider en temps opportun pour permettre, s’il se dégage de sa mission, de transmettre le dossier au médecin désigné par la femme avec les informations utiles à la suite des soins (article R. 4127-47, CSP).

La jurisprudence :

La jurisprudence sanctionnant l’erreur d’indication, le refus fautif de prévoir une césarienne « dite de confort » dans la question qui m’est posée, est plus rare que celle relative aux fautes dans la réalisation de la césarienne, ou le retard à la décider ou la pratiquer en urgence, lorsque l’accouchement est commencé. Deux arrêts peuvent être cités :

•La cour d’appel de Paris a jugé, le 6 décembre 1995, que « la césarienne n’est jamais une opération de confort, puisqu’elle suppose une chirurgie à ventre ouvert, mais une complication pathologique de la grossesse » (cf. 7ème chambre, aff. n° 94/22016), dans un contentieux opposant la parturiente à sa compagnie d’assurance pour la prise en charge des frais supplémentaires induits par la césarienne.


•Pour la cour de Nîmes, le gynécologue-obstétricien engage sa responsabilité pénale dès lors qu’il a accepté de pratiquer un accouchement, intervenant normalement le 14 décembre, à une date qui avait la convenance des parents « pour favoriser la présence du père », le 2 décembre, alors qu’il ressort de l’expertise médicale que les conditions habituellement requises pour réaliser un accouchement de convenance n’étaient pas réunies en l’espèce. Condamnation du médecin à 4 mois de prison avec sursis, une amende de 1 000 €, 8 000 € à la mère et 6 000 € au père pour préjudice moral, l’enfant étant décédé le lendemain des suites d’une souffrance fœtale aiguë (cf. arrêt du 13 avril 2006, chambre des appels correctionnels, aff. n° 06/00394).
Je n’ai pas trouvé de décision judiciaire prononcée à la suite d’une action engagée par un enfant, après sa majorité, reprochant au praticien d’avoir accepté, pour sa naissance, à la demande d’un ou des deux parents, une césarienne de convenance, sans contre-indication d’un accouchement par voie basse, laquelle se serait néanmoins compliquée et aurait provoqué un préjudice corporel à l’enfant dont il demanderait - 18 ans plus tard - réparation. C’est néanmoins tout à fait possible et je ne puis que conseiller aux obstétriciens de conserver soigneusement les preuves de l’information qu’ils ont donnée aux parents à distance de l’accouchement, sur le bénéfice/risque en insistant sur les complications éventuelles.

C’est un beau sujet qui, dans une approche éthique mais aussi très pratique, implique une réflexion sur les motivations, parfois irrationnelles, de la mère, lorsqu’elle s’éloigne du conseil de son praticien et sur les concours utiles pour faire évoluer son opinion (consultation d’un psychiatre ou d’un psychologue, en raison d’une peur pathologique de l’accouchement, ou encore du médecin de famille, d’un autre spécialiste, etc.).

Gynéco Online - Décembre 2010
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Echographie foetale : actualité juridique
Isabelle Lucas-Baloup

Dans le cadre de ce numéro spécial sur l’échographie, cette rubrique est consacrée à quelques notes juridiques d’actualité sur l’échographie fœtale :

Définition légale et réglementaire :

Les articles L. 2131-1 et suivants du code de la santé publique, modifiés par la loi n° 2016-87 du 2 février 2016, définissent les diagnostics anténataux. Voir notamment : article L. 2131-1 :

"I.- Le diagnostic prénatal s’entend des pratiques médicales, y compris l’échographie obstétricale et fœtale, ayant pour but de détecter in utero chez l’embryon ou le fœtus une affection d’une particulière gravité.

II. - Toute femme enceinte reçoit, lors d'une consultation médicale, une information loyale, claire et adaptée à sa situation sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse.

III. - Le prescripteur, médecin ou sage-femme, communique les résultats de ces examens à la femme enceinte et lui donne toute l'information nécessaire à leur compréhension.

En cas de risque avéré, la femme enceinte et, si elle le souhaite, l'autre membre du couple sont pris en charge par un médecin et, le cas échéant ou à sa demande, orientés vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Ils reçoivent, sauf opposition de leur part, des informations sur les caractéristiques de l'affection suspectée, les moyens de la détecter et les possibilités de prévention, de soin ou de prise en charge adaptée du fœtus ou de l'enfant né. Une liste des associations spécialisées et agréées dans l'accompagnement des patients atteints de l'affection suspectée et de leur famille leur est proposée.

IV. - En cas de risque avéré, de nouveaux examens de biologie médicale et d'imagerie à visée diagnostique peuvent être proposés par un médecin, le cas échéant membre d'un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, au cours d'une consultation adaptée à l'affection recherchée.

V. - Préalablement à certains examens mentionnés au II et aux examens mentionnés au IV du présent article, le consentement prévu au quatrième alinéa de l'article L. 1111-4 est recueilli par écrit auprès de la femme enceinte par le médecin ou la sage-femme qui prescrit ou, le cas échéant, qui effectue les examens. La liste de ces examens est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé au regard notamment de leurs risques pour la femme enceinte, l'embryon ou le fœtus et de la possibilité de détecter une affection d'une particulière gravité chez l'embryon ou le fœtus.

VI. - Préalablement au recueil du consentement mentionné au V et à la réalisation des examens mentionnés aux II et IV, la femme enceinte reçoit, sauf opposition de sa part dûment mentionnée par le médecin ou la sage-femme dans le dossier médical, une information portant notamment sur les objectifs, les modalités, les risques, les limites et le caractère non obligatoire de ces examens.

En cas d'échographie obstétricale et fœtale, il lui est précisé en particulier que l'absence d'anomalie détectée ne permet pas d'affirmer que le fœtus soit indemne de toute affection et qu'une suspicion d'anomalie peut ne pas être confirmée ultérieurement.

VII. - Les examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal sont pratiqués dans des laboratoires de biologie médicale faisant appel à des praticiens en mesure de prouver leur compétence, autorisés selon les modalités prévues au titre II du livre Ier de la sixième partie et accrédités selon les modalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre II de la même partie. Lorsque le laboratoire dépend d'un établissement de santé, l'autorisation est délivrée à cet établissement.

VIII. - La création de centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, mentionnés au III, dans des organismes et établissements de santé publics et privés d'intérêt collectif est autorisée par l'Agence de la biomédecine. »

Echographie fœtale et responsabilité disciplinaire des médecins :

Plusieurs décisions récentes de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, saisie par les patients le plus souvent sur le fondement de la contestation d’une absence de diagnostic de malformation du fœtus, ont été rendues en 2016. En voici un résumé :

Décision de rejet de plainte du 16 septembre 2016 :

Les parents reprochent à un radiologue, le Dr Jean-Louis P. de ne pas avoir diagnostiqué, lors des échographies de suivi de grossesse, une grave malformation faciale de l’enfant « visible ou, au moins, soupçonnable » d’après eux, « ce qui aurait dû conduire à des investigations complémentaires ou à faire appel à un spécialiste plus expérimenté ».

L’expert nommé, chef de l’unité de médecine fœtale et d’échographie de l’hôpital pédiatrique Armand Trousseau (AP-HP) assisté en qualité de sapiteur par un chirurgien maxillo-facial de l’hôpital pédiatrique Robert Debré (AP-HP), conclut dans son rapport en particulier que « les clichés réalisés par le Dr P. au cours du suivi échographique de Mme ne permettaient pas de suspecter la malformation faciale présentée par l’enfant Téo » et ce, alors même que ces clichés « ont été réalisés conformément aux règles de l’art et recommandations de bonnes pratiques », que « dès lors qu’aucun élément dans le cadre du dépistage n’était anormal » il n’y avait lieu ni d’entreprendre des examens complémentaires, ni de faire appel à un tiers, en vue d’une expertise complémentaire.

La Chambre disciplinaire confirme le rejet de la plainte des parents, en jugeant que :

« même si, comme le souligne l’expert, il existe clairement un paradoxe entre la sévérité des anomalies qui affectent le jeune Téo et les limites diagnostiques des techniques d’imagerie prénatale, aussi spécialisées soient-elles, et la situation en résultant est source de souffrance et place la famille en cause devant de grandes difficultés, aucune faute déontologique ne peut être retenue à l’encontre du Dr P à la lumière des dispositions des articles R. 4127-32 et -33 du code de la santé publique ».

Décision du 15 septembre 2016, 6 mois d’interdiction d’exercer contre un gynécologue-obstétricien :

Une première échographie indique une grossesse gémellaire bi-choriale bi-amniotique et que l’un des deux fœtus est décédé. La mère consulte ensuite gynécologue-obstétricien qui « confirme le décès de l’un des jumeaux et précise que le cœur de l’autre est bien perçu ». Au cours des consultations ultérieures, ce gynécologue n’évoque plus le fœtus prétendu mort. Puis se dit gêné pour mesurer le niveau crânien. A sept mois, la femme se présente à la clinique pour violentes contractions et donne naissance à Raphaël, 1,530 kg ; présentant une détresse respiratoire dans un contexte de prématurité, est intubé, ventilé et transféré au service de réanimation néonatale du CH de Calais. Il décède 3 jours plus tard. En l’absence de décollement placentaire, l’obstétricien décide de pratiquer une délivrance artificielle et d’extraire le second jumeau. Celui-ci, né sous AG, pèse 1,410 kg et présente de multiples malformations justifiant une autopsie. L’examen anatomo-pathologique du placenta met en évidence un caractère monochorial monoamniotique immature. La parturiente présentait en conséquence une grossesse monochoriale monoamniotique avec syndrome des jumeaux acardiaques, lequel se caractérise notamment par la présence de connections vasculaires entre les jumeaux et requiert une surveillance particulière.

La décision de la Chambre disciplinaire retient que :

« si le diagnostic d’une grossesse monochoriale monoamniotique avec syndrome des jumeaux acardiaques n’a été posé qu’a posteriori, il résulte des pièces du dossier que le gynécologue-obstétricien aurait dû s’apercevoir entre son premier contrôle échographique (13 mai 2011) et la date de l’échographie du 2ème trimestre (13 juillet 2011), alors même que la patiente se plaignait de plusieurs troubles, que le fœtus prétendu mort avait en réalité continué de se développer ; cet élément, combiné avec les résultats des examens réalisés pour évaluer le risque de trisomie 21, lesquels ont révélé un taux d’alpha-fœtoprotéine élevé, témoin d’une malformation possible du fœtus, ainsi au surplus qu’avec les signes physiques atypiques présentés par la femme, aurait dû conduire le médecin à s’entourer au plus vite des concours appropriés à la situation, en recourant par exemple à une nouvelle échographie ou en adressant la patiente à un centre spécialisé, concours qui auraient pu permettre de revenir sur le diagnostic initialement posé et de mettre en place une prise en charge spécialisée ; en s’abstenant de solliciter ces concours, le Dr N. qui ne peut utilement invoquer la circonstance qu’il pratique régulièrement de nombreux accouchements sans avoir jusqu’à présent connu aucun antécédent disciplinaire, ni opposer le caractère exceptionnel du type de grossesse présenté par Mme S., le tableau clinique atypique présenté rendant au contraire plus impérieuse encore la recherche de concours appropriés, a gravement méconnu les obligations déontologiques découlant du code de la santé publique. »

Confirmation de la sanction d’interdiction d’exercer la médecine durant six mois du 1er janvier au 30 juin 2017.

Responsabilité civile du gynécologue :

La Cour d’appel de Paris, par un arrêt du 8 juillet 2016, a débouté les parents de leur action judiciaire contre une gynécologue, après la naissance d’un enfant présentant rapidement une détresse respiratoire avec cyanose entraînant son transfert à l’hôpital Necker, où une trisomie 21 est diagnostiquée ainsi qu’une malformation cardiaque (CAV), non diagnostiquée pendant la grossesse (taux d’incapacité permanente à plus de 80%).

L’arrêt confirme le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny dans les termes ci-après :

« C’est par une exacte appréciation des faits que les premiers juges relèvent que les négligences commises par le Docteur G. et pointées par les experts judiciaires (à l’exception de l’échographie du 23 mars 2006 ; aucun compte-rendu des 6 autres examens d’échographie réalisés par l’obstétricienne ; absence de photographie de la vessie le 5 octobre 2006 alors que les clichés effectués les 31 août et 14 septembre 2006 montraient un volume potentiellement anormal de la vessie ; absence d’échographie sur les reins, le rachis, la face et le cœur et absence de mesure du périmètre céphalique et du périmètre abdominal lors de l’examen du 1er juin 2006 lequel, au surplus, était trop précoce pour constituer l’examen morphologique recommandé par le comité national technique d’échographie) ne sont pas à l’origine du dommage dénoncé par les époux L. puisque seule la réalisation d’un caryotype fœtal (amniocentèse) aurait permis de diagnostiquer avec certitude la trisomie 21.

« S’agissant de l’absence de mesure de la clarté nucale, les éléments produits aux débats ne permettent pas de dire avec certitude si elle est due à une négligence du Docteur G. ou si elle résulte des circonstances de fait, le Docteur G. affirmant sans l’établir qu’une consultation était prévue avant la 12ème SA, soit à une date à laquelle la mesure était encore efficace pour détecter une anomalie, mais que Mme L. ne s’y est pas présentée.

« Puis la Cour fait le constat que les premiers juges ont analysé avec pertinence les éléments qui leur étaient soumis, dont le rapport d’expertise établi à la demande de la CRCI dans lequel les médecins experts ont analysé le dossier médical de Mme L. tenu par le Docteur G., pour en conclure qu’après le dosage des marqueurs sériques qui plaçait Mme L. dans un groupe à risque accru de trisomie 21, le Docteur G. lui a proposé à plusieurs reprises (les 2 mai, 1er juin, 5 juillet) de faire pratiquer une amniocentèse, que la patiente n’a pas souhaité se soumettre à cet examen, qu’au vu d’une mesure inquiétante de la vessie, le Docteur G. a demandé à sa patiente de consulter un échographiste « référent », c’est-à-dire spécialisé dans les échographies fœtales, ce qu’elle n’a pas fait alors que selon l’expert judiciaire, la moitié des CAV dépistés le sont au 3ème trimestre et que la découverte d’une CAV aurait conduit à s’interroger sur le caryotype puisque dans deux cas sur trois, cette malformation cardiaque est associée à une trisomie 21.

« Il résulte de ces éléments que Mme L., qui reconnaît avoir eu connaissance du dosage des marqueurs sériques et avoir bien lu, sur le document donnant le résultat, qu’elle se situait dans un groupe à risque de trisomie 21 n’a pas, en toute connaissance de cause, souhaité poursuivre de nouvelles investigations sur l’état de santé du fœtus malgré les nombreuses sollicitations du médecin à qui elle avait confié le suivi de sa grossesse.

« Dans ces conditions, aucune faute n’ayant entrainé une absence de dépistage de la trisomie 21 chez l’enfant à naître et pour Mme L. et son époux l’impossibilité de décider une interruption médicale de grossesse ne peut être reprochée au Docteur G.

« Par ailleurs, les époux L. font valoir que le Docteur G. a manqué à son obligation d’information tel qu’il est défini aux articles L. 1111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique.

« En effet, tout praticien est tenu tant en vertu du contrat qui le lie à son patient qu’en application de cet article L. 1111-2 du code de la santé publique d’un devoir de conseil et d’information ; l’information du patient porte, de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu’en cas de litige c’est au professionnel d’apporter, par tous moyens, la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressée.

« Cependant, en l’espèce, il est constant que le Docteur G. a suivi Mme L. pour ses 4 précédentes grossesses, que dans le cadre de la grossesse dont s’agit, elle l’a reçue en consultation une fois par mois, qu’elle a remis à Mme L. les résultats du dosage des marqueurs sériques ce que Mme L. reconnaît en indiquant qu’elle avait bien compris la signification de ce dosage, qu’inquiète de ces résultats, la gynécologue lui a demandé à plusieurs reprises de faire pratiquer une amniocentèse et aussi de consulter un échographiste spécialisé. Par ailleurs, il doit être noté que Mme L. faisait entièrement confiance à son médecin à telle enseigne qu’elle lui a demandé de la suivre pour sa 6ème grossesse.

« Il ne fait donc aucun doute que Mme L. a reçu de la part du médecin une information complète et adaptée sur les risques de trisomie 21, sur les moyens permettant de poser un diagnostic certain et sur les conséquences de ses refus de faire pratiquer ces mesures d’investigations.

« Dès lors, aucune faute dans l’information due par le médecin à sa patiente ne peut être retenue à l’encontre du Docteur G.

« Dans ces conditions, les époux L. doivent être déboutés de leurs demandes et le jugement déféré confirmé en toutes ses dispositions. »

Responsabilité de l’hôpital public :

L’AP-HP a été condamnée, par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles, rendu le 5 juillet 2016, dans les conditions ci-après :

« 1. Considérant que Mme A., dont les échographies prénatales ont été réalisées à l’hôpital Antoine Béclère à Clamart, a donné naissance le 27 décembre 2007 à un garçon prénommé Tony, présentant une agénésie à partir des métacarpes de la main droite ; que ses parents, estimant qu’une erreur de diagnostic avait été commise et qu’ils n’avaient pas été informés des limites des examens pratiqués, ont recherché la responsabilité de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ; qu’ils relèvent appel du jugement du 17 mars 2015 par lequel le Tribunal a rejeté leur demande ;

« Sur la responsabilité :

« 2. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles : « Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

« 3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les comptes rendus des échographies du deuxième et du troisième trimestre de la grossesse de Mme A. mentionnent que les différents segments de membres du fœtus étaient en position normale et que le squelette a été visualisé sans anomalie décelable ; que si l’expert commis par le Tribunal administratif de Cergy Pontoise a relevé, dans son rapport du 26 juin 2013, que les anomalies fines affectant l’extrémité des membres d’un fœtus, telles que l’absence d’un doigt, peuvent être difficiles à détecter, il a indiqué que le défaut de diagnostic de l’absence de la main droite de Tony à l’occasion de l’échographie morphologique résultait soit d’une erreur d’inattention, soit d’une réalisation inadaptée de l’examen, une analyse systématique des quatre membres devant conduire, à tout le moins, à suspecter l’anomalie en cause ; que les comptes rendus d’échographie, qui indiquent que les examens se sont déroulés dans de bonnes conditions, ne font état d’aucune difficulté à réaliser le contrôle visuel de l’ensemble des membres du fœtus ; que, dès lors, dans les circonstances de l’espèce, le défaut de vérification adaptée de la conformité des quatre membres du fœtus constitue une faute qui, par son intensité et sa gravité, est caractérisée au sens du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Sur le préjudice :

« 4. Considérant que Mme A. et M. C. font valoir que, du fait de l’absence de diagnostic prénatal de l’agénésie dont souffre leur fils, ils ont été privés de la possibilité de se préparer à la naissance d’un enfant souffrant d’un handicap ; que le préjudice moral invoqué est la conséquence directe de la faute caractérisée commise dans la réalisation de l’échographie ; qu’il convient d’accorder à chacun des parents une indemnité de 2 000 € en réparation de ce préjudice ;

« Sur les intérêts :

« 5. Considérant que Mme A. et M. C. ont droit aux intérêts sur les sommes qui leur sont dues à compter du 5 janvier 2010, date de réception de leur première demande indemnitaire présentée à l’hôpital Antoine Béclère ;

« Sur les frais d’expertise :

« 6. Considérant que les frais de l’expertise ordonnée par le jugement avant dire droit du Tribunal administratif de Cergy Pontoise du 12 juin 2012 ont été chiffrés à la somme de 1 500 € et mis à la charge de Mme A. et M. C. par une ordonnance du Président de ce Tribunal du 16 mars 2015 ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire supporter par l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris la charge définitive de ces frais ;

« Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

« 7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris une somme globale de 1 500 € au titre des frais exposés par Mme A. et M. C. et non compris dans les dépens.

Décide

Article 1er : le jugement n° 1105544 du 17 mars 2015 du Tribunal administratif de Cergy Pontoise est annulé.

Article 2 : l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme A. et M. C. une somme de 2 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 janvier 2010.

Article 3 : les frais d’expertise, d’un montant de 1 500 €, sont mis à la charge de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris.

Article 4 : l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris versera à Mme A. et M. C. une somme globale de 1 500 € au titre de l’article L 761-1 du code de la justice administrative. »

Autre condamnation, par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy, rendu le 7 avril 2016, dont les alinéas utiles sont reproduits ci-après :

« 1. Considérant que Mme E. a donné naissance au centre hospitalier de Mulhouse, le 21 février 2007, à son second enfant, C., atteint du syndrome de Silver Russel ; que Mme E., tout en continuant à être suivie par son médecin gynécologue libéral, a été prise en charge, à partir du cinquième mois de sa grossesse, par le centre hospitalier de Mulhouse où les investigations conduites à partir de novembre 2006 ont mis en évidence un retard de croissance du fœtus ; que M. et Mme E., estimant avoir été insuffisamment informés des risques liés à ce retard de croissance fœtale et avoir été privés de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, ont sollicité la désignation d’un expert auprès du Tribunal administratif de Strasbourg ; qu’après le dépôt du rapport de l’expert commis par celui-ci, M. et Mme E. ont recherché la responsabilité, d’une part, du médecin gynécologue libéral et, d’autre part, du centre hospitalier de Mulhouse, sur le fondement de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles à raison de l’existence d’une faute caractérisée ; que, par un arrêt du 2 avril 2015, la cour d’appel de Colmar a condamné le médecin libéral, Mme N., à verser à M. et Mme E. la somme de 30 000 € chacun au titre de leur préjudice moral ; que, par un jugement du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné le centre hospitalier de Mulhouse à ne réparer que le préjudice résultant d’une atteinte au droit à l’image par le versement à chacun des parents d’une indemnité de 500 € et a rejeté leurs conclusions tendant à la réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subis, ainsi que leur fils mineur H., du fait d’une faute caractérisée du médecin praticien du centre hospitalier de Mulhouse ainsi que d’un signalement au Procureur de la République de la situation de déshydratation de leur enfant ; que M. et Mme E., agissant en leur nom propre et au nom de leur fils H., relèvent appel de ce jugement ; que le groupement hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace, venant aux droit du centre hospitalier de Mulhouse, demande, par la voie de l’appel incident, la réformation du jugement en tant qu’il a partiellement retenu sa responsabilité ;

« Sur la responsabilité du groupe hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace du fait de la faute caractérisée :

« 2. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles : Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale.

« En ce qui concerne la recevabilité de la demande indemnitaire en tant qu’elle est présentée au nom de H. E. ;

« 3. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles que seul le préjudice propre des parents est susceptible d’être réparé du fait de l’existence d’une faute caractérisée ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. et Mme E. demandent réparation du préjudice subi par leur fils aîné H. ; qu’il s’ensuit que leur demande présentée à ce titre doit être rejetée comme irrecevable ;

« En ce qui concerne la régularité de l’expertise :

« 4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’expert a, en méconnaissance de l’ordonnance du juge des référés du 19 novembre 2007, déposé son rapport au greffe du tribunal sans avoir au préalable communiqué ses conclusions aux parties et recueilli leurs dires éventuels ; que, par suite, les opérations d’expertise ont été irrégulières ; que toutefois, cette irrégularité ne fait pas obstacle à ce que le rapport d’expertise soit retenu à titre d’élément d’information et à ce que, l’établissement défendeur ayant pu présenter ses observations au cours de la procédure écrite qui a suivi le dépôt du rapport d’expertise et la Cour disposant maintenant des éléments d’informations nécessaires à la solution du litige, il soit statué sans qu’il soit besoin de recourir à une expertise ;

« En ce qui concerne la responsabilité :

« 5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique : L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif (…) soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. / (…) / Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. / Dans les deux cas, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe ;

« 6. Considérant aussi qu’aux termes de l’article R. 4127-35 du code de la santé publique : Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension. / Toutefois, lorsqu’une personne demande à être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic, sa volonté doit être respectée (…) ;

« 7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le retard de croissance du fœtus a été diagnostiqué pour la première fois le 2 novembre 2006, lors de l’échographie réalisée sur Mme E. au centre hospitalier de Mulhouse à 24 semaines du terme de la naissance ; que le Dr. J., médecin chef de l’unité d’échographie et de médecine fœtale du centre hospitalier, a rencontré M. et Mme E. le 3 novembre 2006 et leur a signalé, lors de cet entretien, l’existence de ce retard ; que le praticien hospitalier a fait procéder à des examens complémentaires et a soumis le dossier de Mme E. au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg, dont dépend le centre hospitalier de Mulhouse, le 10 novembre 2006 ; que le dossier a de nouveau été discuté avec ce même centre pluridisciplinaire le 15 décembre 2006 ; que les investigations et échographies conduites par le centre hospitalier de Mulhouse ainsi que par le centre de diagnostic prénatal de Strasbourg et le centre médical chirurgical et obstétrical de Strasbourg auxquels Mme E. a été adressée ont confirmé l’existence d’un très sévère retard de croissance du fœtus, inférieur au troisième centile ; que l’hypothèse que l’enfant à naître soit atteint du syndrome de Silver Russel a été évoquée par le médecin échographiste du centre médical chirurgical et obstétrical de Strasbourg dans un courrier daté du 8 décembre 2006 adressé au Dr J. faisant le compte-rendu d’une échographie réalisée ce même jour ;

« 8. Considérant, en premier lieu, que le syndrome de Silver Russel est une maladie génétique d’une particulière gravité ; que, notamment, un tiers des enfants atteints de cette affection ont un développement très perturbé, une toute petite taille et un retard intellectuel sévère ; que si le syndrome de Silver Russel est une maladie très rare et si son diagnostic ne pouvait pas être posé avec certitude avant la naissance de l’enfant, l’hypothèse avait été sérieusement envisagée par les médecins lors de la grossesse ainsi qu’il a été dit au point précédent ; que l’expert indique par ailleurs qu’un retard de croissance au troisième centile représente une maladie fœtale d’une particulière gravité ; que le retard de croissance intra-utérin mis en évidence par les examens pratiqués sur Mme E. était suffisamment sévère et inquiétant pour considérer qu’il existait une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic au sens de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique ; que la grossesse de Mme E. était susceptible de relever du cas où peut être pratiquée l’interruption volontaire de grossesse pour motif médical prévue par les dispositions de cet article ;

« 9. Considérant, en second lieu, d’une part, que si le médecin du centre hospitalier de Mulhouse a informé M. et Mme E. de l’existence d’un retard de croissance du fœtus, il résulte de l’instruction qu’il ne leur a pas donné une information claire, complète et précise portant sur le caractère très sévère de ce retard de croissance et sur les risques encourus par l’enfant ; qu’il n’a notamment jamais remis à Mme E les comptes rendus des différentes échographies réalisées au centre hospitalier et au centre médical chirurgical et obstétrical de Strasbourg ; qu’il ne lui a pas non plus restitué le contenu et les conclusions des discussions médicales qui ont eu lieu au sein du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg, ainsi que de celles qu’il a eues avec ses confrères du centre hospitalier ; qu’il ne ressort d’aucune pièce versée au dossier que Mme E. aurait manifesté la volonté de ne pas être tenue informée des risques qui se présentaient pour son enfant à naître ; que si le Dr J. devait tenir compte dans ses explications de la personnalité de Mme E. et des inquiétudes qu’elle exprimait, aucune circonstance ne justifiait qu’il ne remplisse pas ses obligations déontologiques, résultant des dispositions précitées de l’article R. 4127-35 du code de la santé publique, de délivrer à sa patiente une information loyale, claire et appropriée à son état ;

« 10. Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction, plus particulièrement de la retranscription par le Dr. J. de l’entretien du 3 novembre 2006, que Mme E. avait envisagé de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical dans le cas où le fœtus serait atteint d’une maladie grave et qu’elle l’avait clairement énoncé devant le médecin du centre hospitalier de Mulhouse ; que, toutefois, celui-ci n’a jamais soumis cette demande au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg, ni lors de la discussion du dossier le 10 novembre 2006, ni à aucun moment ultérieur ; qu’il ne ressort pourtant d’aucune pièce versée au dossier que Mme E. avait renoncé à la demande qu’elle avait exprimée le 3 novembre 2006 et fait part au praticien hospitalier d’un refus de subir une interruption volontaire de grossesse ; que, par ailleurs, si le Dr J. avait indiqué à Mme E., lors du premier entretien, que des examens complémentaires devaient être réalisés avant de prendre toute décision, il ne l’aurait jamais informée de ce que, compte tenu de la gravité du retard de croissance du fœtus, une interruption volontaire de grossesse pour motif médical pouvait être envisagée, ni qu’une demande en ce sens pouvait être soumise au centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal de Strasbourg ;

« 11. Considérant que le manquement du médecin du centre hospitalier de Mulhouse à son obligation d’information du patient et son refus de donner une quelconque suite à la demande de Mme E. de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical constituent une faute qui, par son intensité et sa gravité, est caractérisée au sens du troisième alinéa de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ; que la faute caractérisée du centre hospitalier de Mulhouse a privé les requérants de la possibilité de recourir, dans les conditions prévues à l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, à une interruption volontaire de grossesse justifiée par une affection de l’enfant à naître d’une particulière gravité et reconnue comme incurable ;

« En ce qui concerne le préjudice :

« 12. Considérant que M. et Mme E. ont subi un préjudice moral résultant de ce qu’ils ont été privés de la possibilité de recourir à une interruption volontaire de grossesse pour motif médical et de l’anxiété générée par l’état de leur enfant et la lourdeur de son handicap ; que la Cour d’appel de Colmar, qui a condamné le Dr. N. à verser à M. et Mme E. la somme de 30 000 € chacun, n’a entendu réparer, ainsi qu’il résulte des termes de son arrêt du 2 avril 2015, que la part du préjudice moral résultant de la faute caractérisée commise par le médecin libéral ; qu’il y a lieu de réparer la part du préjudice moral résultant de la faute caractérisée commise par le médecin hospitalier ; que, contrairement à ce que soutient le défendeur, ce préjudice ne peut être limité au seul préjudice de la mère de l’enfant ; qu’il en sera fait une juste appréciation en condamnant le groupement hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace à verser à M. et Mme E. la somme de 20 000 € chacun ;

« Sur la responsabilité du groupement hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace du fait du signalement au Procureur de la République :

« 13. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 4127-43 du code de la santé publique : "Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage" ; que l’article R. 4127-44 du même code, dans sa version alors applicable, prévoit que "Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou privations, il doit mettre en œuvre les moyens les plus adéquats pour la protéger en faisant preuve de prudence et de circonspection. S’il s’agit d’un mineur de quinze ans (…), il doit, sauf circonstances particulières qu’il apprécie en conscience, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives" ;

« 14. Considérant, d’autre part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article 434-3 du code pénal : "Le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende" ; qu’aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale : "Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l’article 40-1. Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs" ;

« 15. Considérant que, par lettre du 10 décembre 2007, deux médecins du centre hospitalier de Mulhouse ont adressé un signalement au procureur de la République en l’alertant de l’état de santé particulièrement préoccupant de C. et en mettant en doute la qualité de la prise en charge de l’alimentation de l’enfant par ses parents ; qu’ils demandaient que ceux-ci acceptent une prise en charge pluridisciplinaire par une diététicienne, une infirmière à domicile et une puéricultrice ; qu’il résulte de l’instruction que l’enfant a été hospitalisé en urgence le 2 décembre 2007 pour déshydratation sévère et présentait une perte de poids de 13 %, au-delà du seuil de 10 % engageant le pronostic vital ; que la communication entre M. et Mme E. et l’équipe soignante du centre hospitalier de Mulhouse était alors mauvaise et que les parents étaient réticents à suivre les recommandations des médecins ; que, dans les circonstances de l’espèce, le centre hospitalier de Mulhouse n’a pas commis de faute en procédant au signalement, alors même que le juge des enfants a rendu le 4 février 2008 un jugement de non-lieu en assistance éducative ; que, dès lors, les conclusions de M. et Mme E. tendant à la réparation du préjudice résultant de ce signalement doivent être rejetées ;

« Sur la responsabilité du groupe hospitalier de la région Mulhouse et Sud Alsace du fait d’une atteinte au droit à l’image :

« 16. Considérant qu’aux termes de l’article 9 du code civil : "Chacun a droit au respect de sa vie privée" ; qu’aux termes de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : "Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. (…)" ;

« 17. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, lors d’une présentation générale du syndrome de Silver Russell à l’intention du personnel soignant, qui s’est tenue le 10 avril 2007 au centre hospitalier de Mulhouse, des photographies du jeune C. ont été utilisées et projetées sur écran ; que ces clichés ont été pris par un membre du personnel de l’hôpital et montrent les différentes malformations dont l’enfant est atteint ; que, quand bien même ces images n’ont été diffusées qu’au sein de l’établissement hospitalier à des fins pédagogiques pour le personnel médical, le centre hospitalier de Mulhouse n’établit pas qu’il avait reçue l’autorisation de M. et Mme E. de réaliser ces photographies et les exploiter ; qu’il a ainsi commis une faute ; qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme E., compte tenu de l’atteinte au respect de leur vie privée, en portant le montant de ce chef de préjudice de 500 € chacun à 1 000 € chacun. »

Tarification du cumul consultation de grossesse/échographie :

La Cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé, le 29 juin 2016, le rejet d’un recours d’un gynécologue-obstétricien contre une notification de répétition d’indu délivrée par la CPAM du Var et l’a condamné à payer plus de 66 000 € en rappelant notamment :

« Le cumul des consultations réalisées « dans le même temps » que des actes techniques comme les échographies, ne fait pas partie des dérogations prévues par l’article III-3 §A du livre III de la CCAM dans sa version en vigueur avant le 21 mars 2013.

« Depuis une décision de l’UNCAM datée du 21 mars 2013, lorsqu’un gynécologue obstétricien ou un médecin généraliste, titulaire d’un diplôme d’échographie obstétricale assurant le suivi médical de grossesse, réalise un acte d’échographie biométrique et morphologique de la grossesse et une consultation de suivi de la grossesse, il peut facturer les honoraires de ces actes d’échographie avec les honoraires correspondant à la consultation de suivi de la grossesse. Ces actes d’échographie biométrique et morphologique de la grossesse ne peuvent être facturés qu’une seule fois par trimestre. Chacun de ces deux actes (acte d’échographie et consultation) est facturé à taux plein.

« L’appelant qui insiste sur la différence existant entre les échographies qu’il est habilité à réaliser (échographie du fœtus et échographie gynécologique), considère que les actes d’échographie litigieux concernaient des échographies gynécologiques.

« L’échographie biométrique et morphologique de la grossesse est une échographie du fœtus, par opposition à l’échographie gynécologique (ou pelvienne) qui peut être pratiquée même en dehors de toute grossesse.

« Quelle que soit la nature de l’acte d’échographie, il n’en demeure pas moins que la facturation des honoraires des deux actes (consultation ou visite, et échographie) est interdite dès lors que ces actes sont pratiqués "dans le même temps".

« L’appelant ayant réalisé le même jour chacun des actes contestés, il ne pouvait facturer les honoraires de chaque acte.

« La demande de restitution de l’indu était justifiée et la Cour confirme le jugement déféré.

« Par ces motifs

« La Cour statuant en matière de sécurité sociale, contradictoirement et en premier ressort,

« Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var du 1er août 2014. »

Par décision du 12 février 2016, la section des Assurances sociales du Conseil national de l’Ordre des médecins a condamné à 3 mois d’interdiction d’exercer, dont un mois avec sursis, un radiologue ayant surfacturé notamment des actes d’échographies de 1er trimestre :

« Sur les griefs :

« Considérant qu’à l’occasion d’une analyse ayant porté sur l’activité du Dr M. pendant la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012, des anomalies ont été relevées dans les facturations par ce praticien d’actes présentés au remboursement à l’assurance maladie ;

« Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que, pour 151 patientes en état de grossesse, il a effectué des échographies de grossesse de premier trimestre, selon les comptes rendus produits, en appliquant à chaque fois la cotation JAQM001 prévue à la classification commune des actes médicaux (CCAM), pour une échographie rénale et du pelvis ; qu’il a, par ces facturations systématiques, fait supporter à l’assurance maladie des frais indus ;

« Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que, dans 1 107 dossiers, le Dr M., alors qu’il s’agissait d’échographies du sein, a coté ces actes comme des échographies de la peau, des ongles et des tissus mous, cette cotation lui permettant une surfacturation des actes réellement pratiqués, et faisant supporter à l’assurance maladie des frais indus ;

« Considérant que les faits retenus ci-dessus à l’encontre du Dr M. ont le caractère de fautes et abus, au sens des dispositions de l’article L. 145-1 du code de la sécurité sociale, et sont susceptibles de lui valoir le prononcé d’une sanction, en application des dispositions de l’article L. 145-2 du même code ; qu’en raison du nombre des manquements relevés à l’encontre du Dr M., il y a lieu de porter la sanction prononcée à une interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de trois mois dont un mois avec le bénéfice du sursis et de le condamner à rembourser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube la somme de 18 830,07 € correspondant à des honoraires perçus par le praticien du fait de la facturation indue d’échographies de la peau, des ongles et des tissus mous, selon le tableau produit par les plaignants et non contesté par lui ; qu’il y a lieu de prévoir la publication de cette sanction pendant la période où l’interdiction prononcée sera effective ; et qu’il y a lieu, enfin, de confirmer la décision attaquée en ce qu’elle a prévu qu’en application de l’article R. 761 du code de justice administrative, une somme de 35 € sera mise à la charge du Dr M. au profit des plaignants au titre des frais exposés par eux et compris dans les dépens ;

Par ces motifs,

Décide :

Article 1er : La requête du Dr M. est rejetée ;

Article 2 : Il est infligé au Dr M. la sanction de l’interdiction du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant trois mois. Il sera sursis pour une durée d’un mois à l’exécution de cette sanction dans les conditions fixées à l’article L. 145-2 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : L’exécution de cette sanction pour la partie non assortie du sursis, prononcée à l’encontre du Dr M. prendra effet le 1er mai 2016 à 0h et cessera de porter effet le 30 juin 2016 à minuit. Article 4 : Le Dr M. devra reverser à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aube la somme de 18 830,07 €. »

Gynéco Online - Mars 2017
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Gynécologue omis de l’annuaire : Orange indemnise (Cour d’appel de Reims, ch. civ. 1, 10 novembre 2015)
Isabelle Lucas-Baloup
10 000 € de dommages et intérêts payés par Orange venant aux droits de France Telecom qui a engagé sa responsabilité contractuelle en omettant pendant deux ans d’inscrire un gynécologue-obstétricien abonné, sur son annuaire Pages Blanches et Jaunes. La secrétaire du médecin a attesté d’une baisse significative des prises de rendez-vous par téléphone, certaines patientes étant persuadées que le médecin avait pris sa retraite puisqu’il ne figurait plus dans l’annuaire.
La Lettre du Cabinet - Janvier 2016


Mots clefs associés à cet article :
Annuaire Gynécologue-obstétricien

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Hystérectomie : défaut fautif d’information sur le risque d’incontinence urinaire
(Cour d’appel de Paris, arrêt du 29 octobre 2010, à la Clinique des Presles)
Isabelle Lucas-Baloup

Un gynécologue-obstétricien réalise, le 7 mai 2004, une hystérectomie totale avec ovariectomie bilatérale par voie haute sous AG pour utérus fibromateux. La patiente souffre postérieurement d’une incontinence importante et des examens complémentaires mettent en évidence une fistule vésico-vaginale. Fermeture de la fistule le 25 mai suivant, mais persistance de troubles mictionnels après mise en place d’une bandelette sous urétrale par voie trans-obturatrice.


Un rapport d’expertise établit que « les soins prodigués ont été conformes aux données de la science […], la survenue de la fistule vésico-vaginale relève de l’aléa thérapeutique», aucune faute ne peut être reprochée au gynécologue-obstétricien.


En revanche, il n’a pas été délivré d’information, conforme à l’article L. 1111-2 du CSP, sur les risques urinaires. « L’absence d’évocation de la possibilité de la survenue d’une fistule vésico-vaginale était parfaitement licite car il s’agit d’un accident exceptionnel. Il aurait été souhaitable de prévenir la patiente d’une possibilité de séquelles urinaires, notamment de l’apparition d’une incontinence à l’effort. » écrit l’expert. La Cour condamne à 3 000 € de dommages-intérêts le chirurgien, sur le fondement de l’article 1382 du code civil, c’est-à-dire sur le fondement de la mise en œuvre de la responsabilité délictuelle (par opposition à la responsabilité contractuelle fondée sur l’article 1147 du code civil).


Un arrêt conforme à la jurisprudence nouvelle de la Cour de cassation du 3 juin 2010.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010
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Légèreté blâmable de la Clinique dans l'exercice de son refus d'agrément d'un successeur de gynécologue-obstétricien décédé
(CA Lyon, ch. civ. 1, 14 avril 2011, n° 09/03321)
Isabelle Lucas-Baloup

Un gynécologue-obstétricien titulaire à la Clinique du T. d’un contrat d’exercice libéral cessible décède. Sa succession signe avec le Dr B. un compromis de cession de patientèle civile, sous condition suspensive de son agrément par la Clinique, pour qu’il puisse y accoucher et opérer. Il commence à exercer à titre provisoire et un anesthésiste formule des réserves sur ses pratiques médicales. La commission médicale d’établissement, dont l’avis est sollicité, s’abstient et la Clinique du T. refuse son agrément au candidat à la succession du praticien décédé. La Cour rappelle que le refus d’agrément est un droit pour la Clinique et que celui qui s’en plaint supporte la charge de la preuve d’un abus. En l’espèce, il est jugé exactement : « Les conditions dans lesquelles le refus a été pris et notifié au Dr B. et l’attitude qui s’en est suivie caractérisent une légèreté blâmable et une attitude déloyale dans l’exercice du droit de refus d’agrément, la décision ayant été prise de manière inconséquente, précipitée et pouvant apparaître, comme discriminatoire à l’égard d’un médecin contre lequel s’élevaient les médecins anesthésistes de la Clinique alors que les autres, dans sa spécialité, n’avaient aucun grief à énoncer. Cette décision de refus d’agrément prise sans aucune précaution véritable quant au fond de la controverse qui devait, par la suite, se révéler sans fondement, est une décision fautive à l’égard du Dr B. qui n’a pas pu poursuivre son activité comme il le prévoyait. […] La Clinique du T. a donc commis une faute civile dans l’exercice de son droit de refuser l’agrément au Dr B. dès lors qu’elle connaissait l’étendue de la controverse entre médecins notamment parce que son directeur avait assisté à la CME qui n’est pas une commission administrative mais une commission médicale ; elle a manqué de prudence en prenant la décision de ne pas donner son agrément et de le refuser après la CME […] sans prendre la précaution d’être mieux informée sur les compétences professionnelles de ce dernier, mises en doute par les anesthésistes. » 50 000 euros de dommages-intérêts au gynécologue-obstétricien évincé abusivement.

Gynécol-Online - Mai 2011
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Les contrats d’exclusivité doivent être respectés : le juge des référés l’ordonne, avec astreinte de 1 500 € par acte en contravention
(Tribunal de grande instance d’Amiens, ordonnance de référé du 25 janvier 2011, Clinique Victor Pauchet de Butler)
Isabelle Lucas-Baloup

Jurisprudence traditionnelle : une clinique qui a signé des contrats d’exclusivité ou, plus récemment, d’exercice privilégié (sous réserve d’avoir défini le privilège !), doit les respecter, et ne pas autoriser, sans l’accord préalable des praticiens titulaires de l’exclusivité, de nouveaux médecins à exercer dans le périmètre de la discipline concernée.

En l’espèce, ce sont des gynécologues-obstétriciens qui ont dû, en se fondant sur leurs contrats d’exercice, saisir le juge des référés pour empêcher l’atteinte à la clause de l’exclusivité dont ils bénéficiaient.

Ils obtiennent satisfaction et la condamnation de la clinique à payer une astreinte de 1 500 € par acte constaté en contravention de l’exclusivité.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011
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Les gynécologues-obstétriciens ne gagnent pas toujours leurs procès
(CA Montpellier, ch. 1, 17 mars 2010, n° 09/02100)
Isabelle Lucas-Baloup

La Cour d’appel de Montpellier (chambre 1, n° 09/02100) a débouté, par un arrêt du 17 mars 2010, une gynécologue-obstétricienne dont la Clinique ND de l’E. avait résilié le contrat verbal d’exercice libéral sans préavis et qui demandait des dommages-intérêts pour rupture abusive. L’arrêt expose : « Il résulte des nombreuses attestations versées au dossier, émanant de sages femmes, d’infirmières et de médecins ayant travaillé avec la requérante que cette dernière de manière habituelle manquait totalement d’hygiène et ne respectait pas les principes de base en matière d’asepsie tant en salle d’accouchement qu’au bloc opératoire. Toutes les attestations font état de fortes odeurs corporelles, d’urine et d’excréments de chats […] La Clinique produit deux articles de presse faisant état de la découverte dans un immeuble appartenant à la requérante de 45 chiens, 15 chats et 35 cadavres d’animaux. […] La situation est allée en se dégradant pour atteindre son paroxysme en 2005 à tel point que les sages femmes et un médecin anesthésiste ont manifesté leur refus de travailler avec le Dr P. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la rupture sans préavis des relations contractuelles n’est pas fautive, la Clinique ne pouvant courir le risque de voir sa responsabilité engagée par les conséquences de tels manquements. »
La Clinique ND de l’E. ce n’est pas la SPA !...

Gynéco-Online - Mai 2011
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L’HPV dans la jurisprudence (retard au diagnostic, faute de l’anapath)
Isabelle Lucas-Baloup

Résumé :

Exemple d’action judiciaire gagnée par la famille d’une patiente de 38 ans, pour retard de diagnostic à l’encontre de l’anapath.
Gynécologue et chirurgien non condamnés.

Arrêt Cour d’appel de Rennes, 3 mars 2010 :

La Cour présente dans sa décision l’évolution chronologique suivante :

- 3 septembre 2001 : F 37 ans, frottis cervico-vaginal, interprétation par anapath : « soit une inflammation dans un contexte régénératif, soit une dysplasie légère vraie (lésion de bas grade), soit une lésion intra-épithéliale plus évoluée », recommande examens complémentaires colposcopie et biopsie,
- 12 octobre 2001, biopsie du col utérin portant sur une zone blanche à contours nets, peu étendue, révèle une banale lésion de dysplasie légère sans lésion virale formellement identifiée,
- 11 mars 2002, frottis montre des lésions virales à Papillomavirus et une dysplasie moyenne et conclut à la nécessité de faire des biopsies multifocales,
- 16 mai 2002, biopsies révèlent un ectropion péri-orificiel du col sans caractère suspect,
- 3 juillet 2002, CS pour métrorragies abondantes depuis 2-3 mois,
- 9 juillet 2002, tumeur irrégulière au toucher de la cloison recto-vaginale découverte et biopsiée ; prolifération maligne à type de carcinome épidermoïde infiltrant bien différencié non kératinisant
- 23 juillet 2002, hystérectomie totale avec annextomie bilatérale élargie à la cloison recto-vaginale et au vagin avec colpectomie partielle, l’examen de la tumeur montre bien un carcinome épidermoïde bien différencié mature.
- 8 août 2002, le radiothérapeute constate le caractère insuffisant de l’exérèse, reprise le 29 août, nodules cancéreux prélevés sur le mésentère,
- chimiothérapie, radiothérapie et curiethérapie jusqu’à fin décembre 2002,
- 9 janvier 2003, volumineux nodules de carcinome péritonéal et un nodule métastasique hépatique mis en évidence, traitements,
- décès le 20 mai 2003 d’un cancer primaire du vagin (38 ans).

TGI de Saint-Brieuc, jugement du 10 juin 2008 :
- « Il résulte de l’expertise que les conclusions de l’analyse pratiquée sur le prélèvement du 3 septembre 2001 ne sont pas alarmantes alors que l’interprétation est ambiguë et incomplète et en outre inexacte. Le retard de diagnostic est en grande partie attribuable à ce compte-rendu qui ne soulignait pas le contexte de haut risque cancéreux. », condamnation du médecin anapath à payer dommages-intérêts à la famille de la patiente décédée,
- en revanche, pas de faute retenue à l’encontre de la gynécologue médicale qui a procédé à des investigations plus poussées après le 13 mars 2002. « S’il y a eu faute dans la prise en charge thérapeutique en juillet 2002, elle n’est pas en lien de causalité avec la perte de chance déjà constituée à ce moment ».
- appel de l’anapath.

Arrêt du 3 mars 2010, 7ème chambre Cour de Rennes :

- « Si l’anapath a recommandé, en septembre 2001, des examens complémentaires appropriés, elle n’a pas donné les éléments de description portant notamment sur diverses anomalies de cellules et sur une infection à Papillomavirus ; elle est restée hésitante sur les conclusions alors que la conclusion aurait dû être « dysplasie de haut grade selon la classification de Béthesda de 2001 et probable infection par Papillomavirus », contexte de haut risque cancéreux ; au contraire les anomalies signalées étaient soit légères soit modérées, en sorte que la gynécologue médicale n’a pas été perturbée par les résultats relativement rassurants de a biopsie et n’a pas poursuivi ses recherches. »
- « C’est à raison que le jugement a dit que l’erreur ainsi caractérisée ne constitue pas seulement une inexactitude de diagnostic mais une faute constituant un exercice non conforme aux données actuelles de la médecine. »
- « Considérant que le cancer primitif du vagin est une tumeur extrêmement rare en général et ne se retrouve que dans 7% des cas chez les femmes de moins de 40 ans ; en l’absence d’alerte suffisante donnée par le compte rendu de septembre 2001, on ne peut reprocher à la gynécologue médicale de ne pas avoir recherché un tel cancer qui ne pouvait être soupçonné. »
- « En outre en raison de son siège en haut et en arrière de la paroi vaginale, la lame postérieure du speculum cache la lésion. »
- « Le résultat du 13 mars 2002, moins inquiétant que celui du 10 septembre 2001, a conduit la gynécologue à procéder à des examens complémentaires portant sur le col de l’utérus. Compte tenu de la rareté de la pathologie présentée par la patiente, cette erreur de diagnostic ne peut être considérée comme fautive au regard des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé. »
- « Si la prise en charge de la patiente après le 12 juillet 2002 parait avoir été inadéquate, il n’est pas suffisamment établi qu’elle a contribué à l’aggravation de la perte de chance dès lors que l’expert indique que le traitement n’était pas nécessairement chirurgical, que l’insuffisance de la chirurgie a été reprise et surtout qu’aucune critique n’est apportée aux traitements dispensés sous forme de radiothérapie externe, curiethérapie et chimiothérapie. »
- « Le retard au diagnostic a entraîné une perte de chance de 50%. »
- dommages-intérêts à la famille, et la Cour déboute l’action en garantie lancée par l’anapath contre la gynécologue et le chirurgien.

Gynéco Online - Novembre 2011
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Obligation pour la Clinique qui transfère sa maternité vers un hôpital d'indemniser les gynécologues-obstétriciens faute d'avoir respecté le délai de préavis de deux ans
(CA Aix en Provence, ch. civ. 1, 26 janvier 2010, n° 08/19445)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt ne porte que sur la réparation du non respect par la Clinique la R. d’un délai de préavis de deux ans avant la fermeture de sa maternité et juge : « La Clinique la R. s’oppose au principe du paiement en invoquant, par son appel incident, le fait que la rupture du contrat de collaboration est imputable aux torts exclusifs du Dr A. […] ; Attendu que la lettre de rupture adressée le 24 décembre 2001 informant le Dr A. qu’il serait mis fin au contrat à compter du 31 janvier 2002 n’invoque aucun grief de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que les problèmes auxquels la Clinique la R. a été confrontée face aux exigences de l’Agence Régionale d’Hospitalisation ayant abouti à la décision de fermeture de la maternité et à son transfert vers l’hôpital Saint-Joseph étaient de nature structurelle et généraux, sans aucune faute caractérisée de la part du Dr A. ». La Cour ordonne l’indemnisation du gynécologue-obstétricien en prenant en considération le nombre d’accouchements annuels réalisés dans l’établissement, dès lors qu’il avait un cabinet en ville et une activité non exclusive à la Clinique la R.

Gynéco-Online - Mai 2011
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Perte du dossier médical = perte de chance ?
Isabelle Lucas-Baloup

Arrêt très intéressant de la Cour d’appel d’Aix en Provence rendu le 7 septembre 2011 : la clinique dans laquelle a eu lieu un accouchement, qui confie ses archives à une société extérieure, n’est pas en mesure de le produire à l’occasion d’un procès engagé par les parents de l’enfant qui a subi des lésions destructrices du cerveau acquises en période per et post-natale.
Qui est responsable ? la clinique, l’obstétricien, la société d’archivage qui a détruit le container dans lequel était le dossier médical ? 


Une parturiente est hospitalisée un 13 novembre dans une clinique de Marseille et le gynécologue-obstétricien lui prescrit, pour le déclenchement de l’accouchement le terme étant dépassé, une prostaglandine intra-vaginale et le lendemain matin une perfusion de Syntocinon. L’enfant naît à 10h50 avec un score d’Apgar bas, après aide à l’expulsion par spatules et épisiotomie. Il présente des convulsions dans l’après-midi, est transféré à l’Hôpital de la Timone en réanimation néonatale puis dans le service de neurologie.

L’expert nommé conclura que l’enfant a présenté des lésions destructrices acquises et non constitutionnelles du cerveau survenues et développées en période per et post-natale, l’élément déclenchant qui explique les crises initiales étant une hémorragie sous-durale, compliquée d’un état de mal épileptique prolongé à l’origine de lésions destructrices secondaires du cerveau, l’hémorragie pouvant s’expliquer par les contraintes exercées sur la boîte crânienne dans le pelvis, sa rotation, son expulsion et possiblement à l’extraction instrumentale. Les examens d’imagerie réalisés ultérieurement confirment la nature séquellaire destructrice post-natale des lésions cérébrales.

L’expert précise qu’après déclenchement de l’accouchement par perfusion de Syntocinon, rupture artificielle des membranes et analgésie péridurale, il ne peut déterminer du fait de l’absence des feuillets d’ERCF du travail, si une souffrance fœtale est apparue en cours de dilatation, qui aurait alors justifié une césarienne. La conduite de déclenchement de l’accouchement par maturation du col par mise en place de prostaglandine le 13 novembre semble avoir été réalisée selon les bonnes pratiques, mais l’expert ne peut déterminer si pendant les premières heures de la pose du gel de prostaglandine la surveillance clinique et l’ERCF par la sage-femme a été faite selon les bonnes pratiques en salle de travail et si le fœtus supportait bien les contractions, indiquant par ailleurs que les prostaglandines ne sont pas sans danger d’hypertonie utérine, cause de souffrance fœtale aiguë.

Le gynécologue-obstétricien a indiqué avoir pratiqué une aide à l’expulsion par spatules sous épisiotomie, tandis que la sage-femme l’aidait par une expression utérine, devant l’apparition sur une tête engagée de ralentissements qu’il qualifie de « ralentissements d’engagement ».

L’expert indique par ailleurs que la réalisation du forceps n’est pas critiquable, l’aide à l’expulsion n’ayant donné lieu à aucun traumatisme cutané ou osseux et que la prise en charge pédiatrique semble avoir été réalisée selon les bonnes pratiques.

L’arrêt du 7 septembre 2011 expose que la clinique n’a pas pu produire, pendant l’expertise, le dossier médical de la parturiente et de son fils en raison, soutenait la clinique, d’un « événement revêtant pour elle les caractères de la force majeure », dans la mesure où il était légitime pour elle de confier la gestion de ses dossiers à une société d’archivage, laquelle n’a pas été en mesure de restituer le dossier au moment où la clinique l’a demandé. Une enquête réalisée par la société d’archivage a conduit au constat que le container dans lequel le dossier médical était conservé a été détruit. Néanmoins, la clinique et la société d’archivage n’ont pas produit le contrat signé entre les deux sociétés de telle sorte que la Cour n’a pas pu analyser les obligations de la société d’archivage concernant la durée de conservation et les modalités de destruction des dossiers dont elle avait la charge.

La clinique soutenait néanmoins que les destructions étaient conditionnées par un ordre préalable de sa part, la société d’archivage produisait un courrier listant des containers à détruire mais n’a pas justifié de l’ordre de destruction qu’elle soutenait avoir reçu de la clinique pour le container contenant le dossier litigieux.

La Cour d’Aix-en-Provence a donc jugé qu’en procédant à cette destruction de sa propre initiative, la société d’archivage a commis une faute à l’égard de son cocontractant, la clinique. Cette faute ne peut toutefois revêtir les caractères de la force majeure pour la clinique, la conservation du dossier médical étant une obligation incombant à l’établissement et les conséquences de son non-respect devant être supportées par celui-ci vis-à-vis du patient, la destruction du dossier par la société d’archivage à laquelle elle avait choisi de confier l’exécution de sa propre obligation ne présentant pas les caractères d’irrésistibilité et d’extériorité de la force majeure.

L’arrêt du 7 septembre juge néanmoins que la perte du dossier par la clinique n’a pas pour effet d’inverser la charge de la preuve ni de dispenser les parents de démontrer que les éléments contenus dans ce dossier étaient susceptibles de leur permettre d’établir les fautes commises par l’obstétricien, qui n’était pas le préposé de la clinique exerçant à titre libéral, aucun défaut de prise en charge par le personnel médical de la clinique n’étant par ailleurs démontré par les demandeurs aux dommages et intérêts.

La Cour d’Aix juge en conséquence :

« Il résulte de ces éléments que l’absence du dossier médical de la parturiente, établi à partir du 13 novembre, a supprimé pour l’expert toute source de renseignements médicaux directs pour l’accouchement et les premiers soins à l’enfant dans le service de maternité, et ne lui a pas permis d’exclure totalement la possibilité d’une souffrance fœtale s’étant produite suite au déclenchement de l’accouchement et pas seulement en fin de travail, le résumé d’observations effectué par l’Hôpital de la Timone où l’enfant a été hospitalisé le 18 novembre (mentionnant en particulier ?pas de SFA retrouvées sur le monitoring en dehors de quelques DIP 1?) étant insuffisant pour déterminer avec précision la date d’apparition de la souffrance fœtale, le résumé d’accouchement établi par le gynécologue-obstétricien ne pouvant être pris en compte puisque émanant de la partie dont la responsabilité est susceptible d’être mise en cause, […].

« L’existence d’une souffrance fœtale effective apparue avant la phase d’expulsion aurait dû conduire le gynécologue-obstétricien à pratiquer une césarienne, ce qui aurait évité les difficultés de l’expulsion et la formation d’un hématome sous-dural.

« L’absence des éléments du dossier d’accouchement prive par conséquent les parents d’une chance de pouvoir démontrer la faute de l’obstétricien, perte de chance que le Tribunal a exactement fixée à 50 %.

« La responsabilité de la clinique est en conséquence engagée à l’égard des parents dans cette proportion, sans que la société d’archivage puisse utilement soutenir que l’obstétricien aurait dû lui-même conserver un double des enregistrements litigieux, l’obligation des médecins d’établir une fiche d’observation pour chacun de ses patients n’impliquant pour eux celle de solliciter des établissements de soins dans lesquels ils exercent à titre libéral un duplicata des enregistrements qui y ont été réalisés pour les joindre à leur dossier. »

En conclusion : les obstétriciens doivent être vigilants à la bonne conservation des dossiers médicaux qu’ils confient aux cliniques, particulièrement lorsque celles-ci les archivent en les confiant à des sociétés extérieures, avec lesquelles les relations contractuelles ne sont pas toujours parfaitement maîtrisées. C’est à l’occasion de procédures de cette nature qu’on le constate, et le regrette, dans l’intérêt de toutes les parties en cause : l’obstétricien, la clinique, la société d’archivage mais également et surtout les parents et l’enfant !

Gyneco Online - Septembre 2011
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Récidive de cancer du sein : pas de responsabilité fautive du médecin
Isabelle Lucas-Baloup

Un arrêt, prononcé le 9 mars 2017 par la Cour d’appel d’aix-en-Provence (10ème chambre, n° 15/22268) déboute une patiente de son action en responsabilité civile professionnelle à l’encontre de son médecin traitant, lequel avait pourtant prescrit divers examens afin de déterminer l’origine des douleurs dont se plaignait la patiente : un bilan sénologique, une IRM du rachis cervical, dorsal et lombaire, un EMG et des bilans sanguins.

L’arrêt est reproduit quasi intégralement :

 

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

« Mme Carole B. épouse C. a subi le 25 mars 2004 l'exérèse d'un carcinome canalaire infiltrant suivi de 6 séances de chimiothérapie ; le 10 mai 2004 elle a bénéficié d'une reconstruction mammaire par mise en place d'un expandeur qui a été ôté le 28 février 2005 pour mise en place d'une prothèse totale ; elle a bénéficié par la suite d'un suivi régulier par son gynécologue, tous les mois puis tous les ans.

« Mme B. qui avait pour médecin traitant le docteur L. a été examinée le 17 mars 2010 puis à diverses reprises entre cette date et juin 2010 par le remplaçant de ce médecin, le docteur Monique O.

« A la suite d'une IRM ayant révélé des métastases de son cancer du sein, Mme B. mécontente des soins de Mme O. a saisi le juge des référés qui par ordonnance du 4 décembre 2012 a prescrit une mesure d'expertise confiée au docteur M. qui a déposé son rapport le 20 janvier 2014.

« Par acte d'huissier de justice du 27 avril 2015 Mme B. a assigné Mme O. devant le tribunal d'instance d'Aix en Provence, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône (CPAM), tiers payeur, pour obtenir l'indemnisation du préjudice consécutif à un retard de diagnostic des métastases de son cancer du sein.

« Par jugement du 27 novembre 2015 cette juridiction a :

- débouté Mme B. de sa demande de dommages et intérêts,

- dit n'y a voir lieu à exécution provisoire,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré le jugement opposable à la CPAM,

- condamné Mme B. aux dépens.

« Pour statuer ainsi le tribunal a considéré que Mme B. ne rapportait pas la preuve que le retard de diagnostic des métastases à la hanche était imputable à Mme O. alors que sur la période de mars 2010 à janvier 2011 elle avait également été suivie par son gynécologue, le docteur B. et par d'autres médecins et qu'elle n'avait pas communiqué à l'expert les dossiers médicaux permettant à celui-ci de vérifier le contenu des diverses consultations.

« Par acte du 17 décembre 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, Mme B. a interjeté appel général de cette décision.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

« Mme B. demande à la cour dans ses conclusions du 16 mars 2016, en application des articles L.1142-1 du code de la santé publique et 700 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement,

statuant de nouveau

- juger que Mme O., chargée de son suivi médical, a commis une faute en négligeant de s'entourer de tous les moyens d'investigation utiles et ainsi en ne diagnostiquant pas la récidive de son cancer,

- juger que cette erreur de diagnostic a été à l'origine d'un traitement inadapté et d'un retard dans sa prise en charge,

- juger que compte tenu du suivi médical pris en charge par Mme O. il existe un lien de causalité entre les manquements de ce médecin et ses séquelles,

- condamner Mme O. à indemniser toutes les conséquences de ses manquements,

- évaluer son préjudice à :

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 1 000 €

- souffrances endurées : 3 500 €

en conséquence

- condamner Mme O. à lui verser la somme de 4 500 €,

- la condamner à lui verser la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens,

- le tout avec les intérêts au double du taux légal à compter de la date de l'accident,

subsidiairement

- ordonner une expertise judiciaire au contradictoire des docteurs B. et L.,

- juger que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir l'exécution forcée devra être réalisée par un huissier de justice le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

« Elle expose que ce n'est qu'en janvier 2011, à la suite de son insistance et car elle se plaignait auprès d'elle depuis mai 2010 de douleurs dans le dos, que Mme O. l'a orientée vers un rhumatologue, le docteur B., qui a prescrit une IRM laquelle a révélé des métastases, qu'elle a alors été prise en charge en radiothérapie puis en chimiothérapie puis a subi en avril 2012 une opération pour mise en place d'une prothèse totale de la hanche gauche consécutive à la nécrose de l'os due au cancer, que lorsque Mme O. l'a examinée elle savait qu'elle avait été opérée d'un cancer du sein, que Mme O. a omis de s'entourer de tous les moyens d'investigation utiles et a omis de diagnostiquer une récidive de son cancer ce qui a retardé sa prise en charge et a été à l'origine d'un traitement inadapté.

« Elle précise qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir communiqué à l'expert son dossier médical qu'elle n'a pas eu en sa possession.

« Mme O. demande à la cour dans ses conclusions du 12 mai 2016, en application de l'article L.1142-1 I du code de la santé publique, de :

- constater que Mme B. ne rapporte pas la preuve de ce qu'elle a pu engager sa responsabilité,

en conséquence

- débouter Mme B. de ses demandes,

- confirmer le jugement,

subsidiairement

- dire que la réparation du dommage ne saurait excéder les sommes suivantes :

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 450 €

- souffrances endurées : 1 000 €

- débouter Mme B. de ses demandes,

- condamner Mme B. à lui verser la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme B. aux dépens avec distraction.

« Elle rappelle que le médecin n'est tenu que d'une obligation de moyens et que l'erreur n'est pas fautive dès lors que le diagnostic est difficile à établir.

« Elle précise qu'elle n'a examiné Mme B. qu'à l'occasion de remplacements, que durant la période où elle est intervenue cette patiente a consulté 3 autres médecins, que son gynécologue n'a pas décelé une récidive de son cancer, qu'elle-même a toujours cherché par la prescription d'examens d'imagerie (IRM), par la réalisation d'un EMG et par la demande de bilans sanguins à diagnostiquer la pathologie de Mme B.

« Elle ajoute que si l'expert a retenu un retard de diagnostic, il a précisé qu'il ne pouvait dire à quel praticien ce retard était imputable car Mme B. ne lui avait pas remis les dossiers médicaux des docteurs L. et B. ni le compte rendu de la consultation du docteur B. du 27 novembre 2010 et soutient que c'est à Mme B. de remettre ces documents.

« La CPAM, assignée par Mme B. par acte d'huissier du 17 mars 2016 délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel n'a pas constitué avocat.

« Par courrier du 12 juillet 2016 elle a indiqué n'avoir versé aucune prestation en espèces.

« L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

« Il résulte de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

« En l'espèce il ressort du rapport d'expertise que Mme O. n'a vu Mme B. en consultation que du mois de mars 2010 à fin janvier 2011, seulement à 8 reprises, à l'occasion du remplacement du médecin traitant de cette patiente, le docteur L., que face aux plaintes de Mme B. elle a prescrit divers examens afin de déterminer l'origine de ses douleurs soit un bilan sénologique le 15 mars 2010 et une IRM du rachis cervical, dorsal et lombaire le 3 mai 2010, et que les résultats de ces examens n'ont pas révélé ou fait suspecter la présence de métastases.

« Par ailleurs l'expert a noté que Mme B. a été atteinte d'une pathologie dont l'évolutivité est significative ce dont il s'évince que le diagnostic pouvait difficilement être posé rapidement.

« Ainsi au cours de sa courte période d'intervention Mme O. a dispensé des soins attentifs et consciencieux à Mme B. et a mis en œuvre les moyens d'investigation utiles et adaptés ; en outre dans le même temps que Mme O., Mme B. a également été prise en charge par son gynécologue, le docteur B. et par son médecin traitant, le docteur L.

« Enfin Mme B. n'a pas fourni à l'expert alors qu'elle seule était en mesure de le faire, en les demandant à ses médecins habituels, ses dossiers médicaux, de sorte que l'expert n'a pas pu mener plus amplement ses opérations.

« Il résulte de l'ensemble de ces éléments, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise au contradictoire des docteurs B. et L., laquelle n'est pas utile, que Mme B. ne rapporte pas la preuve que Mme O. a commis une faute dans les soins qu'elle lui a dispensés et qui serait à l'origine d'un retard fautif de diagnostic de ses métastases osseuses.

« Mme B. doit en conséquence être déboutée de ses demandes, le jugement sera confirmé.

« Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

« L'équité ne commande pas de faire application en cause d'appel de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

« Mme B. qui succombe supportera la charge des entiers dépens d'appel.

 

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne Mme Carole B. épouse C. aux dépens d'appel. »

 

Gynéco-Online - mai 2017
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Suicide d’un gynécologue-obstétricien mis en cause par une patiente
Isabelle Lucas-Baloup
Le 1er octobre, un gynécologue-obstétricien âgé de 60 ans, mis en cause après une hystérectomie compliquée par des lésions de l’appareil urinaire, s’est suicidé par pendaison. La Clinique de Montbéliard dans laquelle il exerçait a publiquement témoigné qu’il avait exercé depuis 30 ans sans incident et « dénoncé l’acharnement médiatique à son encontre comme l’irresponsabilité de certains journalistes locaux »[1]
 

 

Sur l’ensemble des morts de médecins par an, 14 % auraient pour cause un suicide[2], contre 5,6 % dans la population française en général. Certains plus publics que d’autres : évidemment quand, le 1er avril, le médecin d’une émission dite de téléréalité écrit, avant de se donner la mort : « Ces derniers jours mon nom a été sali dans les médias. Des accusations et supputations injustes ont été proférées à mon encontre […]. Je n’oserai plus croiser un regard en France sans me poser la question de savoir s’il est rempli de méfiance envers moi. Reconstruire cette réputation détruite me serait insupportable, c’est donc mon seul choix possible », le PDG de TF1 défraie la chronique en laissant à leur conscience les auteurs des propos anonymes tenus sur les circonstances du décès quelques jours plus tôt d’un candidat de Koh-Lanta « ainsi que ceux qui les ont colportés avant même que toute la lumière ait été faite sur ce drame » intervenu au Cambodge le premier jour de tournage.  

 

Quand un urgentiste désespéré du CHU de Rouen, âgé de 28 ans, se jette du onzième étage, le quotidien local se contente de rapporter les commentaires du Parquet « Le décès ne pose aucune difficulté sur le plan judiciaire » et de signaler « La victime aurait laissé un courrier expliquant son geste »[3]. Idem pour un urgentiste de 43 ans à Lannion (Côtes d’Armor) ou un anesthésiste de Montpellier ayant reconnu « une erreur médicale »[4].

 

Personnellement, je n’oublierai jamais cette absorption d’une dose létale par un de mes clients gynécologue le jour de sa libération après deux mois de « préventive » pour suspicion d’attouchements sur une jeune fille venue le consulter à l’insu de ses parents pour obtenir une IVG. Et - comble de la frustration pour l’avocat - le décès de l’accusé met fin à l’action publique puisqu’on ne peut pas poursuivre un mort, donc impossible d’obtenir un non-lieu ou une relaxe, impossible de démontrer que les fautes invoquées ne sont pas constituées, au moins pour que les enfants de l’accusé puissent assortir leur deuil d’une restauration de l’honneur et la probité du de cujus volontairement disparu.

 

En effet, si dans certains cas la presse s’avère quasi silencieuse sur les faits, dans d’autres affaires c’est le contraire et on invente à l’envi ce qui est loin d’être établi.

 

Le suicide éteint alors l’action publique mais pas l’action médiatique, ni malheureusement l’immarcescible bêtise de ceux qui perdurent sans la moindre éthique journalistique dans une confusion intolérable entre présomption d’innocence et présomption de culpabilité, allant jusqu’à affirmer que « le suicide prouve la faute ».

 

Sur ce terrain, la presse et la justice se rejoignent trop souvent dans une démarche de broyeurs de réputation. Des petits Outreau chez les médecins il y en a trop. De pleines pages de commérages commençant par « D’après la famille de la victime », se poursuivant par « De source judiciaire sûre » et se terminant par « Le Docteur … contacté par la rédaction a refusé de s’exprimer préférant se retrancher derrière le secret professionnel ». Oui, bien sûr, car de source sûre le secret médical lie le praticien mais pas les parties civiles, qui peuvent décrire leur propre vérité et se faire photographier en tenue de victimologie. En revanche, si le médecin parle il commet une infraction que le juge pénal, le juge ordinal et le juge civil lui reprocheront à coup d’indécentes sanctions et sans excuse de provocation.

 

Plusieurs années plus tard, parfois dix ou douze, un lecteur attentif lira quelques lignes au milieu de la rubrique « Faits divers », visant – preuve éclatante de l’objectivité de la presse - un jugement le plus souvent considéré comme une offense à la victime, censé restaurer dans son honneur, mais sans conviction et parfois avec désinvolture, le médecin dont l’incompétence, la négligence, les carences avaient fait la Une de l’actualité, les gros titres en couleur, les appels à manifester, à boycotter, à marginaliser le spécialiste pour l’empêcher de récidiver dans l’atteinte insupportable à la santé d’autrui, pour qu’enfin « çà n’arrive plus aux autres, pas à la mère, pas à la fille » du lecteur dont on connait la propension naturelle à s’assimiler naturellement à la patiente plutôt qu’à l’ignoble docteur. Et les mêmes journalistes ou leurs successeurs de se livrer encore à un commentaire sur l’impéritie des experts judiciaires qui ont soutenu leur confrère et sur « l’angélisme ambiant qui fait la part belle aux délinquants » du côté des magistrats que Madame Taubira conduit inconsciemment à se tromper de débat compassionnel.

 

L’épuisement émotionnel du médecin agressé, diffamé, déchiré, démystifié par les allégations mensongères publiées à son encontre, sans possibilité de répliquer autrement qu’en prouvant la qualité de son intervention - c’est-à-dire en attendant la fin des expertises et le prononcé des décisions judiciaires subséquentes - le conduit à considérer le suicide comme une solution immédiate rationnelle. Le médecin en souffrance s’isole, refuse l’assistance de ses collègues, constate son impuissance à se rétablir socialement et le risque se développe vite d’un passage à l’acte réussi.

 

Le médecin suicidaire n’est pas un malade comme les autres.

 

 Il ne se suicide pas comme un agriculteur victime de la politique agricole commune qui se pend dans sa grange ou comme le 23ème agent de France Télécom mettant fin à ses jours sur son lieu de travail en 18 mois. Ces gestes désespérés terrifiants devraient conduire systématiquement à une autopsie du suicide, qui n’a jamais lieu lorsque c’est le médecin lui-même qui a conduit à l’irréparable. Pas de « cellule psychologique » pour sa famille, pas de « débrayage » dans la profession, juste un peu de compassion et, sur le plan matériel que gère souvent l’avocat dans ces cas-là pour la veuve et les orphelins : pas d’indemnité pour se retourner, se réorganiser, car le suicide exclut l’obligation de payer dans les contrats d’assurance que le médecin avait souscrits au sein de son cabinet libéral.

 

Le suicide communique donc un message qui ne sert strictement à rien d’utile dans le contexte contemporain, c’est le suicide comptant pour rien, dans l’indifférence et le silence. Seuls les proches et la famille du praticien en subissent les conséquences, les pires des conséquences.

 

Tout médecin peut commettre un jour une erreur et cette erreur peut provoquer des conséquences majeures. Il est responsable de ses actes. Si l’erreur est démontrée, la victime et/ou ses ayants droit, seront indemnisés dans le cadre de l’assurance obligatoire qui couvre la responsabilité du professionnel libéral. Il n’est pas question de minimiser ici la souffrance des victimes, directes et indirectes, qui doivent être entendues, respectées et indemnisées puisque leurs préjudices subis ne peuvent souvent pas être réparés autrement.

 

Mais il est urgent de respecter également celui qui est accusé tant que sa faute n’est pas démontrée. Il est criminel d’annoncer publiquement son impéritie sur le seul fondement de déclarations faites avec l’émotion de ceux qui souffrent, envers lesquels la presse commet un choix immédiat : celui qui pleure a raison, parce qu’humainement et en première intention on a tous envie d’aider et de soulager celui qui pleure, plutôt que celui qui est accusé par celui qui pleure d’être l’auteur du drame qui fait pleurer.

 

Il relève du devoir de la presse de communiquer sur ces faits avec un discernement tout particulier, dès lors je le répète que le médecin accusé n’est pas autorisé à répondre à une interview, à se justifier, à produire son dossier, dans ce débat médiatique qui ne prend en considération alors que la seule position à charge. Plus tard, si le tribunal saisi a analysé les rapports d’expertise et qu’il est acquis que le médecin a démérité, qu’il s’est révélé incompétent ou négligent, alors mais seulement à ce moment-là les sanctions doivent l’atteindre : indemnisation des victimes, obligation de retourner dans un CHU ou à la Faculté pour perfectionner ses connaissances et sa pratique, voire suspension du droit d’exercer si l’erreur est en l’espèce une faute grave déontologiquement non admissible.

 

Mais de grâce MM. les journalistes, laissez au temps judiciaire le soin d’accomplir sa mission, d’enquêter, d’instruire, de débattre à armes égales et de juger, avant que de clouer au pilori celui qui s’est peut-être trompé en pratiquant son métier, peut-être pas.

 

Que le jugement de relaxe soit annoncé avec la même publicité que les propos diffamatoires furent publiés !

 

Sinon, les statistiques de suicides dans la catégorie socio-professionnelle des médecins français continueront à évoluer dans l’indifférence générale et la seule souffrance de la famille des disparus laquelle n’éteint malheureusement pas la souffrance des victimes des erreurs médicales si bien qu’en cette matière on ne trouve qu’un seul gagnant : la presse manquant de rigueur, de prudence, de discernement, celle qui sait que le médecin diffamé ne peut pas répondre immédiatement, celle qui préfère courir le risque d’un suicide plutôt que de perdre une occasion de vendre du papier. J’en ai vu tant depuis trente ans que j’en suis le témoin agacé, bien que soulagée que lorsque j’ai craint ce passage à l’acte par certains médecins particulièrement discrédités de la manière la plus inéquitable et scandaleuse qui soit, ils aient courageusement fait un autre choix que celui de succomber face à l’opprobre et l’ignominie.

 

Le médecin peut tuer. Le journaliste aussi. Ce n’est pas nouveau. Mais le premier, lorsqu’il ne se suicide pas, est poursuivi et jugé. Force est de constater et regretter qu’il est rare qu’en cette matière la presse soit sanctionnée à l’aune de la gravité de ses propres erreurs.


[1] cf.www.lequotidiendumedecin.fr.

[2] cf. Bulletin Ordre des médecins, n° 1 sept-oct. 2008, p. 26 : « 14% des décès des médecins libéraux en activité ont pour cause le suicide ».

[3] cf. www.paris-normandie.fr/actu/un-medecin-urgentiste-se-suicide-du-11-eme-etage/.

[4] cf.le.figaro.fr/flash-actu/.
Gynéco-Online - Novembre 2013


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Syndrome de Wolf-Hirschhorn : diagnostic par échographie --> pas de responsabilité fautive du gynécologue en l’absence d’une faute caractérisée
(arrêt Cour de cassation, 14 novembre 2013)
Isabelle Lucas-Baloup
Les parents d’une fille atteinte d’une anomalie chromosomique génératrice d’un syndrome de Wolf-Hirschhorn, à l’origine de très graves handicaps physiques et mentaux, ont recherché la responsabilité du gynécologue ayant effectué la 2ème échographie de suivi de la grossesse, constatant un retard de croissance du fœtus sans en informer la patiente et sans entreprendre d’autres explorations pour déterminer la cause de l’anomalie.

 

L’expert judiciaire nommé avait notamment retenu dans son rapport que bien que n’ayant pas avancé la date de la 3ème échographie, cette carence - qui a retardé d’un mois la reconnaissance et donc l’exploration du retard de croissance intra-utérin - ne caractérise ni une faute ni une négligence en l’absence de tout indice de nature à éveiller, chez un médecin normalement vigilant, la crainte du syndrome dit de Wolf-Hirschhorn, la grossesse ne comportant pas d’élément pouvant faire redouter une malformation de l’enfant et le gynécologue ayant pratiqué ces examens en respectant les moyens matériels, les exigences de compétence et les conditions de réalisation des échographies.

 

En revanche, la Cour de cassation, contrairement à la cour d’appel de Reims précédemment saisie, a considéré que le gynécologue avait commis une faute en s’abstenant d’informer la patiente de ce retard de croissance et d’entreprendre des investigations afin d’en déterminer la cause.

 

Cependant, cette faute ne revêt pas les exigences d’intensité et d’évidence, constitutives de la faute caractérisée requise par l’article L. 114-5, alinéa 3, du code de l’action sociale et des familles pour engager la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse.

 

Les parents sont donc déboutés de leur recours lancé en leur nom propre.

 

Ils avaient également présenté une demande au nom de leur fille mineure. A ce titre, ils avaient été déclarés irrecevables et déboutés par la cour d’appel de Reims et la Cour de cassation confirme l’arrêt attaqué :

 

« En application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le régime forfaitaire d’allocations antérieur institué par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a été complété par un dispositif de compensation du handicap en fonction des besoins, rendu progressivement applicable aux enfants handicapés, de sorte que la réparation issue du mécanisme de compensation actuel, prévu par l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles au titre de la solidarité nationale, procède d’un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens, dès lors que le dommage est survenu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. »

 

En conclusion, depuis la loi dite « handicap » de 2005, qui a écarté les conséquences de la jurisprudence Perruche qui reconnaissait à l’enfant un droit à réparation du préjudice résultant de son handicap, et la prise en charge de celui-ci par la solidarité nationale au titre d’un dispositif de compensation en fonction des besoins, la Cour de cassation poursuit son œuvre jurisprudentielle en :

 

 -        définissant la « faute caractérisée » du gynécologue par des critères d’intensité et d’évidence, qui n’ont pas été retenus en l’espèce à l’occasion de l’expertise médicale, à l’occasion de l’action engagée par les parents en leur nom propre,

-        refusant à l’enfant un droit à être indemnisé lui-même, dès lors que la loi dite « handicap » met à la charge de la solidarité nationale un mécanisme de compensation forfaitaire. Sur ce point les parents soutenaient évidemment que cette compensation est sans rapport raisonnable avec une réparation intégrale du préjudice. Mais la loi est la loi.

 

Dans un précédent arrêt du 16 janvier 2013 (commenté dans cette rubrique en mars 2013), la même juridiction avait au contraire confirmé la « faute caractérisée » du médecin ayant réalisé l’échographie qui avait « dépassé la marge d’erreur habituelle d’appréciation compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ».
Gynéco-Online - Décembre 2013
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