Base de données - NGAP

Bilans orthoptiques facturés par l’ophtalmologiste mais effectués par son orthoptiste salariée
(Arrêt Cour d’appel de Toulouse, 4ème chambre, 7 juin 2010, n° 09/01978)
Isabelle Lucas-Baloup

Comme un certain nombre de ses confrères, une ophtalmologiste, le Dr L., salariait une orthoptiste qui réalisait notamment des bilans (acte isolé AMY 10), non suivis de rééducation, mais utiles au diagnostic. La CPAM locale lui notifia une répétition d’indus de plus de 50 000 euros, sur le fondement de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale, pour violation de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels (NGAP). La commission de recours amiable confirmait (comme d’habitude !) la décision de la CPAM, le TASS de Haute-Garonne déclarait « l’indu non fondé au motif qu’aucune disposition ne prévoit expressément que la prescription d’un bilan orthoptique doit être obligatoirement suivie d’actes de rééducation ou de réadaptation orthoptique ». Appel de la Caisse devant la Cour de Toulouse, qui confirme le jugement favorable au médecin, avec quelques alinéas qui méritent d’être reproduits car ce type d’actions est multiple actuellement devant les TASS :
« Le décret n° 2001-591 du 2 juillet 2001, fixant la liste des actes pouvant être accomplis par les orthoptistes stipule :
« Article 1 : l’orthoptie consiste en des actes de rééducation et de réadaptation de la vision utilisant éventuellement des appareils et destinés à traiter les anomalies fonctionnelles de la vision.
« Article 2 : sur prescription médicale, l’orthoptiste établit un bilan qui comprend le diagnostic orthoptique, l’objectif et le plan de soins. Ce bilan, accompagné du choix des actes et des techniques appropriées, est communiqué au médecin prescripteur.
« L’orthoptiste informe le médecin prescripteur de l’éventuelle adaptation du traitement en fonction de l’évolution et de l’état de santé de la personne et lui adresse, à l’issue de la dernière séance, une fiche retraçant l’évolution du traitement orthoptique.
« Article 3 : les orthoptistes sont seuls habilités, sur prescription médicale et dans le cadre du traitement des déséquilibres oculomoteurs et des déficits neurosensoriels y afférents, à effectuer les actes professionnels suivants :
« - détermination subjective et objective de l’acuité visuelle, les médicaments nécessaires à la réalisation de l’acte étant prescrits par le médecin
« - détermination subjective de la fixation,
« - bilan des déséquilibres oculomoteurs,
« - rééducation des personnes atteintes de strabisme, d’hétérophories, d’insuffisance de convergence ou de déséquilibres binoculaires,
« - rééducation des personnes atteintes d’amblyopie fonctionnelle.
« Ils sont en outre habilités à effectuer les cas de rééducation de la vision fonctionnelle chez les personnes atteintes de déficience visuelle d’origine organique ou fonctionnelle.
« Par ailleurs, il résulte de l’arrêté du 25 juin 2002 modifiant la NGAP des actes d’orthoptie que la cotation 10 correspond au « bilan orthoptique dans le cadre du traitement de déséquilibres oculomoteurs et des déficits neurosensoriels y afférents comportant :
« - la détermination subjective de l’acuité visuelle,
« - la détermination subjective de la fixation,
« - le bilan des déséquilibres oculomoteurs,
« avec établissement d’un compte rendu tenu à la disposition du service médical, d’une durée d’au moins 30 minutes par séance, avec un maximum de deux séances par an (sauf accord du service médical) ».
« Il se déduit de ces textes que pour être remboursable, le bilan orthoptique côté AMY 10 doit intervenir sur prescription médicale dans le cadre du traitement des déséquilibres oculomoteurs.
« En revanche, comme l’a justement relevé le premier juge, ces textes ne soumettent pas le remboursement des bilans orthoptiques à l’obligation de suivi de séances de rééducation.
« Or, contrairement à ce que soutient la CPAM de la Haute-Garonne, Mme L. produit un courrier du Dr R., président du syndicat national des ophtalmologistes de France, lequel expose qu’un bilan orthoptique peut se justifier, en dehors des cas nécessitant une rééducation, dans plusieurs circonstances :
« - pour avoir une connaissance des phories et adapter la prescription de lunettes,
« - pour connaître l’état de la convergence et prescrire ou différer la prescription de verres progressifs.
« Ceci est confirmé par Mme J., présidente du syndicat des orthoptistes de France, laquelle indique qu’un bilan orthoptique n’est pas et n’a jamais été obligatoirement suivi d’un traitement orthoptique puisqu’il s’agit d’un bilan de diagnostic qui peut révéler l’absence d’anomalie de la sphère visuelle et donc rendre nécessaire pour le médecin de chercher dans d’autres domaines l’étiologie des plaintes du patient.
« Or en l’espèce, la CPAM de la Haute-Garonne a uniquement fondé son action sur cette absence d’actes de rééducation suivant les bilans orthoptiques, sans contester ni le fait que ces bilans ont été réalisés sur prescription du Dr L. comme celle-ci le confirme ni même le fait que les patients concernés souffraient de déséquilibres oculomoteurs.
« A cet égard, la circonstance que des patients ont contesté la facturation de ce bilan orthoptique est inopérante à en démontrer l’inutilité.
« Au regard de ces constatations, le jugement sera confirmé.
« La CPAM de la Haute-Garonne qui succombe dans son recours sera condamnée à verser 1 000 € supplémentaires au Dr L. en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. »

SAFIR - Avril 2011
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