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Répartition des dépenses entre associés : le contrat fait la loi
(arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 14 février 2018, n° 206 F-D)
Isabelle Lucas-Baloup

   Deux chirurgiens ophtalmologues ont conclu un contrat d’exercice à frais communs stipulant que la répartition des dépenses communes serait calculée, jusqu’au 2 septembre 2003, au prorata des honoraires réalisés par chacun d’eux puis, à compter de cette date, en fonction du nombre de leurs consultations respectives. Ce mode de répartition ayant été maintenu au-delà du terme prévu, le Dr B. a demandé à l’expert-comptable le rétablissement des comptes pour les années 2003 à 2007. Le 2ème chirurgien, le Dr R., auquel l’erreur était favorable, s’y est opposé, prétendant que les deux ophtalmologues avaient conjointement renoncé à l’application de la clause litigieuse et a assigné le Dr B. en remboursement d’un prétendu excédent de charges indument payé, ainsi que l’expert-comptable en responsabilité et indemnisation.

   Le Dr R., demandeur à l’action, est débouté par un premier jugement du Tribunal de grande instance de Marseille du 28 mai 2015, qui le condamne reconventionnellement à payer au Dr B. plus de 113 000 € au titre des charges que le Dr R. devait à son confrère.

   Le Dr R. interjette appel dont il est également débouté par la 1ère chambre de la Cour d’appel d’Aix en Provence, dans un arrêt du 22 novembre 2016, confirmant le jugement, rappelant au Dr R. que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et jugeant que le débiteur n’apporte pas la preuve de la renonciation au contrat qu’il invoque, renonciation qui ne se présume pas mais doit résulter d’une manifestation de volonté clairement exprimée. Mais le Dr R. n’a pu produire aucun avenant au contrat d’exercice ni aucun échange de correspondances établissant un prétendu accord du Dr B. pour modifier les modalités de répartition des charges telles que prévues dans le contrat liant les deux chirurgiens. Le Dr B. soulignait d’ailleurs que si un tel avenant avait été adopté entre les deux associés, le Conseil départemental en aurait reçu copie, ce qui n’était pas le cas et qu’au contraire le Dr B. avait multiplié les relances pour tenter de faire payer les charges dues par son associé défaillant le Dr R. en exécution du contrat jamais modifié.

   C’est évidemment sur un pourvoi en cassation lancé par le Dr R. débiteur que la Cour de cassation a jugé, le 14 février 2018, que la « Cour d’appel a souverainement estimé que la preuve d’une renonciation non équivoque aux stipulations du contrat n’était pas rapportée » par le Dr R. débouté une 3ème fois de sa contestation.

   Depuis la réforme du code civil (entrée en vigueur le 1er octobre 2016), l’article 1104 nouveau prévoit que « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. »

   Que les immarcescibles mauvais payeurs de charges communes évitent dès lors à leurs associés ces résistances abusives à l’exécution de contrats librement acceptés et qui continuent à constituer la loi intangible des parties.

La Lettre du Cabinet - Mai 2018


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