Base de données - Secteur privé à l'hôpital public

Secteur privé à l’hôpital public : détermination du juge pour trancher le litige
(Tribunal des conflits, 31 mars 2008, n° 08-03616, CH de Voiron)
Bertrand Vorms

Quel est le Tribunal compétent pour statuer sur une demande d’indemnisation d’un patient désireux d’obtenir l’indemnisation des préjudices qu’il a subis à la suite d’une intervention chirurgicale pratiquée par un médecin hospitalier dans le cadre de son secteur privé à l’hôpital public ?
On sait que les juridictions en France, hors système répressif, se répartissent selon deux grandes familles, celle de l’ordre judiciaire (principalement tribunal de grande instance, cour d’appel, Cour de cassation), et celle de l’ordre administratif (tribunal administratif, cour administrative d’appel, Conseil d’Etat). Leur compétence est exclusive l’une de l’autre, de sorte que la saisine irrégulière d’un tribunal de l’un des deux ordres conduit à ce qu’il décline sa compétence au profit de l’autre.
En principe, un patient accueilli au sein d’un établissement public, pris en charge par un praticien hospitalier et recevant les soins des agents de cet établissement, ne peut, s’il est victime de dommages, s’adresser qu’aux juridictions administratives.
Dans l’espèce qui nous intéresse, le chirurgien étant intervenu, de manière régulière, dans le cadre de son « secteur privé » et l’analyse des faits conduisait au constat d’une absence de manquement à l’occasion de l’intervention chirurgicale, les fautes résultant d’un défaut d’information altérant le consentement éclairé, de l’indication opératoire et de défaillances dans le suivi postopératoire.
Sur ce constat, le tribunal de grande instance de Grenoble, saisi en premier, a rejeté la demande présentée par le patient et l’a invité à se pourvoir devant le tribunal administratif lequel, six mois plus tard, l’en a également débouté en considérant, implicitement, qu’il appartenait aux juridictions civiles de trancher le litige.
C’est dans ces conditions que le Tribunal des conflits, qui regroupe des magistrats de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, a statué, par arrêt du 31 mars 2008, et a considéré : « Que les actes accomplis par les médecins, chirurgiens et spécialistes au profit des malades hospitalisés dans le service privé d’un hôpital public le sont en dehors de l’exercice des fonctions hospitalières ; que les rapports qui s’établissent entre les malades admis dans ces conditions et les praticiens relèvent du droit privé ; que si l’hôpital peut être rendu responsable des dommages subis par de tels malades lorsqu’ils ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d’une mauvaise installation des locaux, soit d’un matériel défectueux, soit d’une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l’hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, ceux-ci doivent répondre des dommages causés par leurs propres manquements dans les conditions du droit privé ; qu’il n’appartient qu’à la juridiction judiciaire de connaître d’une action dirigée à leur encontre ; que c’est à tort que le tribunal de grande instance de Grenoble s’est déclaré incompétent pour en connaître. »
Il a alors annulé le jugement de cette juridiction en ce qu’elle s’était déclarée incompétente pour statuer sur des fautes pré et post-opératoires imputées au chirurgien, pour lesquelles elle avait estimé que, n’étant pas détachables du service, elles devaient être examinées par le tribunal administratif.
On doit en conclure que, lorsqu’un patient entre à l’hôpital par la filière de recrutement privé d’un praticien hospitalier il relève du droit privé, à l’exclusion, éventuellement, de la possibilité d’engager la responsabilité de l’établissement public si une faute lui est directement imputable du fait de ses locaux, de ses matériels, ou de ses personnels paramédicaux. D’où l’importance de souscrire un contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle pour les praticiens hospitaliers concernés.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Un PH à l’hôpital ne peut créer une SEL pour exercer en secteur privé dans le même hôpital
(arrêts Conseil d’Etat, 3 septembre 2007, n°s 295344, 295403 et 291887)
Isabelle Lucas-Baloup

Un médecin associé ne peut exercer qu’au sein d’une seule société d’exercice libéral et ne peut cumuler cette forme de pratique avec l’exercice à titre individuel ou au sein d’une société civile professionnelle, excepté dans le cas où l’exercice de sa profession est lié à des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe ou à l’acquisition d’équipements ou de matériels soumis à l’autorisation en vertu de l’article L. 6122-1 ou qui justifient des utilisations multiples, prévoit en substance l’article R. 4113-3 du code de la santé publique, posant ainsi le principe du non-cumul de l’exercice au sein d’une SEL avec un exercice à titre individuel. Jusque là tout va bien, rien de nouveau.
Mais, le Conseil d’Etat vient de juger qu’il convient de comprendre par « exercice individuel » au sens de l’article R. 4113-3 « non pas exclusivement l’exercice libéral mais également l’exercice salarié d’un médecin dans un établissement de santé ».
Dans l’espèce concernée, un chirurgien spécialiste en urologie, qui exerçait dans un CHU en qualité de praticien hospitalier, chef de service d’urologie et de néphrologie, avait décidé de constituer une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) pour pratiquer en secteur privé dans l’hôpital, conformément au contrat d’activité libérale qu’il avait conclu avec le CHU. Il constitue sa société et en demande l’inscription au tableau de l’ordre départemental qui, comme l’ordre national, la lui refuse, au motif qu’il n’a pas démontré que l’intéressé entende mettre en œuvre des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe ou procéder à l’acquisition d’équipements et de matériels soumis à autorisation, alors même qu’il dispose du concours des personnels et de l’usage des équipements de l’hôpital dans lequel il exerce ; que ce faisant il ne peut cumuler l’exercice au sein d’une société d’exercice libéral avec son exercice à titre individuel, juge le Conseil d’Etat.
En revanche, si les conditions de regroupement, travail en équipe, ou matériels soumis à autorisation, sont établies, le cumul est possible dans les deux sens : SEL + exercice individuel, ou exercice individuel + SEL, contrairement à la position adoptée jusqu’à présent par l’Ordre des médecins, vient de juger le Conseil d’Etat dans un deuxième arrêt (n° 291887) du 3 septembre 2007.
Compte tenu de cette dernière jurisprudence, de nombreuses situations, qui étaient jusqu’à présent bloquées par l’Ordre des médecins, vont pouvoir évoluer notamment au profit de radiologues exerçant sur plusieurs sites.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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