Base de données - Secret professionnel

Communiquer le nom des patients viole le secret professionnel (Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins d’Ile-de-France, 9 avril 2014)
Claire Périllaud

   L’article L. 1110-4 du code de la santé publique dispose en son premier alinéa :

« Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. »

 

    En outre l’article R. 4127-4 du même code précise :

 

« Le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.

 

« Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. »

 

La Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins
d’Ile-de-France, dans une décision du 9 avril 2014, a retenu que le fait pour un praticien d’avoir produit devant le Tribunal de commerce à l’occasion d’un litige économique l’opposant à une clinique dans laquelle il intervenait avant la résiliation de son contrat un état de ses honoraires sans avoir préalablement gommé le nom des patients a manqué au respect du secret professionnel.

 

Le Conseil prononce, à l’encontre du médecin, un avertissement.

 

En conclusion, il est parfaitement possible de produire à l’appui de sa défense devant les tribunaux des documents attestant de l’activité du médecin au sein d’un établissement de santé mais sous la condition de toujours masquer l’identité des patients.

 

C’est donc un élément auquel le médecin et son avocat doivent être très attentifs.
La Lettre du Cabinet - Septembre


Mots clefs associés à cet article :
Secret professionnel Violation

Voir le contenu de l'article [+]
Infections nosocomiales et responsabilités juridiques
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Guide pour la Prévention des Infections Nosocomiales en Réanimation" sous la direction du Docteur Jean Carlet.

Voir le contenu de l'article [+]
SECRET PROFESSIONNEL vs DROITS DE LA DEFENSE
(arrêt du 17 février 2023, Cour d’appel de Paris)
Isabelle Lucas-Baloup

   Un implant contraceptif posé par voie sous-cutanée au niveau du bras migre et est retrouvé dans le lobe inférieur du poumon gauche. La patiente assigne en référé le gynécologue et son assureur, la Clinique, l’ONIAM et la CPAM après avoir subi une lobectomie inférieure gauche, pour obtenir une expertise judiciaire. Le médecin et son assureur interjettent appel de l’ordonnance ayant ordonné l’expertise au motif que la décision enjoint aux parties défenderesses de remettre aux experts avant la première réunion : « les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l’exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à [la patiente], partie demanderesse, sauf à établir leur origine et l’accord du demandeur sur leur divulgation ; dit que toutefois, il pourra se faire communiquer directement, avec l’accord de la partie demanderesse, par tous tiers (médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins) toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraitrait nécessaire ».

Le gynécologue et son assureur réclament  la possibilité de produire les pièces, « y compris médicales, nécessaires à sa défense dans le cadre des opérations d’expertise à intervenir, sans que les règles du secret médical ne puissent lui être opposées. »

 

    La 8ème chambre, pôle 1, de la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt prononcé le 17 février 2023 (n° 22/10322), fait droit à la position du gynécologue avec une motivation intéressante :

 

« Il est reproché à l’ordonnance entreprise d’avoir, pour déterminer les modalités de communication à l’expert des pièces utiles à la réalisation des opérations d’expertise, conditionné la production des documents médicaux par la partie défenderesse à l’accord préalable de la partie demanderesse à la mesure d’instruction, Mme X et ce, au mépris des droits de la défense garantis par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et par les engagements internationaux de la France dont la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

La cour relève que dans leurs conclusions les appelants n’ont plus critiqué les dispositions de l’ordonnance relatives à la communication à l’expert des pièces médicales détenues par les tiers et que l’appel incident de l’ONIAM ne porte pas sur ces dispositions.

En application de l’article 954, alinéa 2, du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les seules prétentions des parties énoncées au dispositif de leurs conclusions.

L’article L.1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que 'toute personne prise en charge par un professionnel de santé (…) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel (…). Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (…) La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende […]. »

L’article R.4127-4 du même code prévoit que « le secret professionnel institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est à dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».

Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le fait d’interdire à une partie de faire la preuve d’éléments de fait essentiels pour l’exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.

Au cas présent, en soumettant la production de pièces médicales par la partie défenderesse, dont la responsabilité est susceptible d’être ultérieurement recherchée, à l’accord préalable de l’autre partie au litige, alors que ces pièces peuvent s’avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d’instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l’ordonnance entreprise a porté

atteinte aux droits de la défense du médecin gynécologue.

Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l’une des parties au litige se trouve empêchée, par l’autre, de produire spontanément les pièces qu’elle estime utiles au bon déroulement des opérations d’expertise et nécessaires à sa défense. Elle l’est d’autant plus en l’espèce que [la patiente] ne s’est nullement opposée à la production de l’ensemble des pièces médicales relatives aux faits litigieux.

Il convient donc d’infirmer l’ordonnance entreprise de ce chef.

[…]

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance entreprise en ses dispositions ayant limité la production des pièces par la partie défenderesse ;

Statuant à nouveau,

Dit qu’il est enjoint à [au médecin gynécologue] de produire à l’expert aussitôt que possible toutes pièces y compris les pièces médicales en lien avec les faits litigieux, indispensables au bon déroulement des opérations d’expertise sans que puisse lui être opposé le secret médical ; […] »

 

Le demandeur à un procès en responsabilité médicale (patient) ne saurait gouverner unilatéralement les pièces dont le défendeur (médecin) peut se prévaloir dans le cadre de sa défense !

Gynéco-online - mars 2023


Mots clefs associés à cet article :
Secret professionnel

Voir le contenu de l'article [+]
Secret professionnel, pharmacie d’officine et contrôle fiscal (Conseil d’Etat, 9ème et 10ème ss, 24 juin 2015, n° 367288)
Claire Périllaud
A la suite d’un contrôle fiscal, une pharmacie d’officine a été redressée sur des rappels de TVA et des pénalités correspondantes. La pharmacie avait contesté ledit redressement et le Tribunal administratif de Toulouse avait partiellement donné raison à celle-ci en la déchargeant d’une partie des rappels de TVA. Le Ministre du budget forma un recours devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux qui a annulé cette partie du jugement. Un pourvoi a donc été introduit par la pharmacie d’officine soutenant que le contrôle était entaché d’une irrégularité puisqu’avaient été révélés, lors dudit contrôle, aux inspecteurs, les nom et prénom d’un client, information couverte par le secret professionnel et viciant la procédure d’imposition.
La Cour administrative d’appel de Bordeaux n’avait pas fait droit à cette argumentation en considérant qu’il n’avait pas été porté atteinte au secret professionnel dans la mesure où les nom et prénom du client correspondaient à une vente effectuée sans prescription médicale et qu’aucune référence à un médecin ou à un numéro de sécurité sociale n’était effectuée.
Le Conseil d’Etat ne partage pas la position de la Cour administrative d’appel et annule son arrêt en considérant que « les informations nominatives du client en cause, bien qu’elles aient été recueillies à l’occasion de l’achat d’un produit sans prescription médicale, revêtaient un caractère secret dont la révélation par la personne qui en était dépositaire était prohibée par les dispositions des articles 226-13 du code pénal et R. 4235-5 du code de la santé publique ».
Le secret professionnel couvre donc tous les produits délivrés en pharmacie et l’identité des patients, même sans prescription médicale.
La Lettre du Cabinet - Janvier 2016


Mots clefs associés à cet article :
Contrôle fiscal Pharmacies d'officine Secret professionnel

Voir le contenu de l'article [+]