Base de données - TASS

AMP et répétitions d'indus par les CPAM
Isabelle Lucas-Baloup

 Plusieurs contentieux ont lieu actuellement en raison de ce que des CPAM soutiennent que les transferts d’embryons, effectués dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, pourraient être effectués en cabinet libéral de gynécologue sans nécessité d’une « hospitalisation de jour » au sens de la nouvelle tarification à l’activité (T2A). Le TASS de Rouen vient de se prononcer (jugement du 25 janvier 2011) en déboutant les caisses d’assurance maladie.

Victoire pour les cliniques dans lesquelles on transfère des embryons, dans les conditions prévues aux articles L.2141-1, L.2142-1 et suiv. et R. 2142-1 du code de la santé publique, et qui, de ce chef, facturent bien normalement – pensait-on -, un GHS 8285 « affection de la CMD 13 [appareil génital féminin – groupes médicaux et chirurgicaux] : séjours de moins de deux jours, sans acte opératoire de la CMD 13 ».
Les trois conditions cumulatives bien connues des médecins DIM fixées à l’arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification des actes et à la prise en charge des prestations d’hospitalisation étaient remplies et le TASS de Rouen, dans son jugement du 25 janvier 2011 (n° 20900806) déboute la caisse de son affirmation que le transfert d’embryons serait envisageable dans un cabinet médical « implanté dans un établissement » plutôt que dans le service de chirurgie ambulatoire de l’établissement de santé, dans les termes ci-après :


« S’agissant de la nécessité de recourir à une hospitalisation de jour, le tribunal relève que l’activité de transfert d’embryons ne peut être pratiquée qu’en établissement de santé (art. L. 2142-1 du CSP), lequel doit être autorisé à exercer ses activités sous réserve de remplir les conditions déterminées par la loi. Ainsi, parmi les conditions de fonctionnement de ces établissements autorisés à exercer des activités cliniques d’assistance médicale à la procréation, figure l’obligation pour l’établissement de disposer d’un médecin expérimenté en échographie, d’un anesthésiste-réanimateur (art. R.2142-22 du CSP) mais également l’obligation que ces activités soient réalisées dans un lieu comprenant : une pièce pour les entretiens des couples avec l’équipe médicale, une pièce destinée au transfert d’embryons, une salle de ponction équipée et située à proximité ou dans un bloc opératoire, des locaux destinés au secrétariat et à l’archivage des dossiers, l’accès à des lits d’hospitalisation (art. R.2142-23, CSP). Ainsi, la réalisation d’activités cliniques d’assistance médicale à la procréation en établissement de santé n’est pas un choix du praticien, mais une obligation légale de santé publique.
Il y a ainsi obligatoirement nécessité de recourir à la structure qui répond à ces conditions de fonctionnement. La Clinique Saint-Antoine est autorisée à pratiquer cette activité de transfert d’embryons en son sein. Le tribunal ne saurait retenir comme le soutient la Caisse que le transfert d’embryons serait envisageable dans un cabinet médical implanté dans un établissement autorisé lequel ne serait alors pas remboursé de l’environnement pourtant imposé par les textes pour l’exercice de cette activité. Il y a lieu par conséquent de faire droit à la demande de la Clinique Saint-Antoine et d’annuler l’indu relatif à l’activité du transfert des embryons. »

Gynéco Online
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PMA en Espagne : jurisprudence du 4 octobre 2011
Isabelle Lucas-Baloup

Le droit européen et français permet à une femme de bénéficier d’une fécondation in vitro avec don d’ovocytes dans un autre Etat membre de l’Union Européenne dans les mêmes conditions de prise en charge économique que si les soins avaient été reçus en France. Un arrêt du 4 octobre 2011 refuse la prise en charge, faute par la bénéficiaire d’avoir formalisé sa demande d’entente préalable avant le début du traitement.
Des situations que la mise en œuvre de la directive n° 2011/24/UE du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers devrait éviter dans l’avenir, puisque « l’Europe pour les patients » progresse… au moins juridiquement.


Arrêt du 4 octobre 2011, Cour d’appel d’Agen :

Une femme de plus de quarante ans se voit recommander par son gynécologue spécialiste en PMA une intervention à Barcelone, à la Clinique Eugin.

Néanmoins, la CPAM dont relève la patiente, en Lot-et-Garonne, refuse la prise en charge des soins au motif que :

« Selon l’article R. 332-3 du code de la sécurité sociale, les caisses d’assurance maladie procèdent au remboursement des frais des soins dispensés aux assurés sociaux dans un Etat membre de l’Union Européenne dans les mêmes conditions que si les soins avaient été reçus en France ; que la procréation médicalement assistée, selon la classification française, doit comporter une demande d’entente préalable globale et doit être déposée avant le début du traitement avec mention de la technique utilisée.

« Que cependant la femme concernée s’est rendue dans un établissement hors de France sans avoir préalablement adressé une demande d’accord préalable au Service Médical et ne peut donc obtenir le remboursement des frais médicaux par elle engagés. »

Le TASS d’Agen avait accordé la prise en charge, l’assurée ayant écrit à la CPAM qui n’avait pas répondu pendant les deux semaines suivantes.

L’assurée ayant écrit à la Caisse : « Pouvez-vous nous informer du taux et du montant du remboursement qui nous sera remboursé ? », sans avoir utilisé une demande expresse d’entente préalable dans les formes particulières prévues à l’article R. 332-4 du CSS, la Cour d’Agen a requalifié en simple lettre de demande d’information.


Lorsque les couples s’y prennent mieux, la prise en charge ne peut être refusée par les CPAM : voir par exemple arrêt Cour d’appel de Rennes, 3 mars 2010, ayant condamné la CPAM du Morbihan à rembourser 5 359 € à une patiente ayant subi dans la même clinique barcelonaise une FIV avec don d’ovocytes.

Directive n° 2011/24/UE du 9 mars 2011 :

Les patients, mais souvent également leurs médecins, ne connaissent pas bien le travail considérable réalisé par les instances communautaires, dans un sens constamment favorable à la libre circulation des patients et des produits médicaux et à la libre prestation de service de santé. Depuis la célèbre affaire Smits & Peerbooms (CJCE, 12 juillet 2001), les conditions d’obtention d’une autorisation préalable pour se faire hospitaliser dans un Etat membre ne doivent pas déboucher sur un refus arbitraire. La Cour a jugé qu’un système d’autorisation préalable constitue un obstacle à la libre prestation des services médicaux hospitaliers et encadre les critères présidant à l’autorisation d’hospitalisation dans un autre Etat membre.

Le même jour, grâce à l’arrêt Vanbraekel, la CJCE complète sa jurisprudence en précisant qu’un assuré social auquel a été à tort refusé une autorisation de se faire hospitaliser dans un autre Etat membre que son Etat d’affiliation a cependant droit au remboursement des frais engagés si l’autorisation est accordée postérieurement à cette hospitalisation. Le remboursement doit être au moins identique à celui qui aurait été accordé si l’assuré avait été hospitalisé dans son Etat membre d’affiliation.

De nombreuses décisions de la CJCE que je ne puis citer dans le présent article confortent les droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers jusqu’à une décision remarquée du 5 octobre 2010 dans une affaire ayant opposé la Commission des Communautés Européennes à la France (CJUE, affaire C-512/08) dans laquelle la Cour de Luxembourg, en son alinéa 32 de l’arrêt, juge que l’exigence de l’autorisation préalable « est de nature à décourager, voire à empêcher, les assurés sociaux du système français de s’adresser à des prestataires de services médicaux établis dans un autre Etat membre aux fins d’obtenir les soins en cause. Elle constitue dès lors, tant pour ces assurés que pour ces prestations, une restriction à la libre prestation de service », mais la Cour estime que cette restriction est justifiée par l’effort de planification des autorités nationales ainsi que l’équilibre financier de l’offre de soins.

Depuis plusieurs années, la Commission Européenne avait adopté une proposition de Directive qui a été soumise en première lecture au Parlement Européen, a été adoptée formellement par le Conseil le 13 septembre 2010 puis par le Parlement Européen le 9 mars 2011, intitulée « Directive relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers ». L’article 8 de la Directive décrit les soins de santé susceptibles d’être soumis à autorisation préalable et les cas de refus, l’obligation pour l’Etat membre de rendre publique la liste des soins soumis à autorisation préalable ainsi que toute information pertinente relative au système d’autorisation préalable, les procédures administratives concernant les soins de santé transfrontaliers doivent reposer sur des critères objectifs et non discriminatoires, nécessaires et proportionnés à l’objectif à atteindre.

La Directive doit être transposée en droit national au plus tard le 25 octobre 2013.

Pour en savoir plus : http://ec.europa.eu.

 

Gynéco Online - Décembre 2011
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Transfert d’embryons et cotations (T2A)
(arrêts du 31 janvier 2012)
Isabelle Lucas-Baloup

Il avait été annoncé, dans cette rubrique (mars 2011) que le Tribunal des affaires de sécurité sociales de Rouen (TASS) avait débouté plusieurs caisses d’assurance maladie de leurs actions en répétition d’indus portant sur la tarification de l’activité de transfert d’embryons.

Les CPAM ont interjeté appel et c’est avec plaisir que nous pouvons aujourd’hui publier les arrêts prononcés par la Chambre de l’urgence et de la sécurité sociale de la Cour d’appel de Rouen, le 31 janvier 2012, ayant à nouveau statué sur la facturation des transferts d’embryons en établissements de santé privés.

Mieux qu’un commentaire, voici un extrait d’un des arrêts concernés (six au total) :

« Sur la facturation des transferts d’embryons :

« Aux termes de l’arrêté du 5 mars 2006, la catégorie de prestations visée au 1° de l’article R. 162-32 du code de la sécurité sociale, donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale est notamment couverte par des forfaits de séjour et de soin dénommés « groupes homogènes de séjours » (GHS) établis selon la classification des groupes homogènes de malades (GHM) fixée par l’arrêté du 31 décembre 2003.

« Lorsque le patient est pris en charge moins d’une journée, à l’exception des cas où il est pris en charge dans un service d’urgence, un GHS ne peut être facturé que dans les cas où sont réalisés des actes qui nécessitent :

- une admission dans une structure d’hospitalisation individualisée mentionnée à l’article D. 6124-301 du code de la santé publique disposant de moyens en locaux, en matériel et en personnel, et notamment des équipements adaptés pour répondre aux risques potentiels des actes réalisés ;

- un environnement respectant les conditions de fonctionnement relatives à la pratique de l’anesthésie ou la prise en charge par une équipe paramédicale et médicale dont la coordination est assurée par un médecin ;

- l’utilisation d’un lit ou d’une place pour une durée nécessaire à la réalisation de l’acte ou justifiée par l’état de santé du patient.

« C’est par des motifs pertinents qui doivent être approuvés que les premiers juges ont relevé que l’activité de transfert d’embryons exige de recourir à une hospitalisation de jour en établissement de santé autorisé à exercer des activités cliniques et assistances médicales à la procréation disposant d’un médecin expérimenté en échographie, d’un anesthésiste-réanimateur et disposant d’une infrastructure autorisant l’entretien des couples avec l’équipe médicale, une pièce destinée au transfert d’embryons, une salle de ponction équipée est située à proximité ou dans un bloc opératoire, des locaux destinés au secrétariat et à l’archivage des dossiers, l’accès individu hospitalisation. Dès lors les conditions nécessaires à la facturation d’un GHS sont remplies pour l’activité de transfert d’embryons.

« Sur la suffisance de ces trois conditions pour facturer un GHS, l’arrêté susvisé précise, d’une part, que des suppléments journaliers peuvent être facturés en sus de ces forfaits et, d’autre part, que lorsque l’une de ces trois conditions dérogatoires n’est pas remplie, la prise en charge du patient donne lieu à facturation de consultations ou actes mentionnés à l’article L. 162-26 du code de la sécurité sociale ou réalisés en médecine de ville.

« Il en résulte donc nécessairement qu’un GHS peut être facturé, dans tous les cas de prise en charge de moins d’une journée nécessitant les conditions ci-dessus spécifiées, lesquelles nécessitent une logistique lourde et particulièrement coûteuse pour la sécurité des patients, ce qui explique précisément les conditions dérogatoires posées par l’arrêté du 5 mars 2006 susvisé.

« Par ces motifs, la Cour […]

« Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 25 janvier 2011 par le TASS de la Seine Maritime.

« Condamne la CPAM aux dépens ainsi qu’à payer 800 € à la Clinique […] en application de l’article 700 du code de procédure civile. »

Gyneco Online - février 2012
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