Base de données - Cancer

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
Autorisations de traitement du cancer : plusieurs annulations par la juridiction administrative
Jonathan Quadéri

Par quatre jugements du 20 septembre 2011, dont trois rendus sur requêtes du Cabinet, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé l’annulation de trois délibérations de la Commission exécutive de l’ARH d’Ile-de-France rejetant des demandes d’autorisation d’exercer l’activité de soins de traitement du cancer par chirurgie des pathologies, respectivement, gynécologiques, ORL et maxillo-faciales et en a censuré une dernière, favorable à un hôpital, de juillet 2009.

Par là-même, la juridiction a confirmé l’illégalité du rejet des différents recours gracieux et hiérarchiques formés par les structures privées auprès de leur autorité de tutelle et du Ministre de la Santé, a condamné l’Administration à payer une partie des frais de procédures engagées par les cliniques pour défendre leurs intérêts, a enjoint l’ARS de procéder au réexamen des projets soumis à la Comex, dans un dossier, d’accorder l’autorisation recherchée dans les trois mois et, enfin, a contraint le centre hospitalier à cesser la chirurgie carcinologique des tumeurs gynécologiques dans un délai de neuf mois.

Ces jugements, en tant qu’il s’agit des premiers rendus sur le fond en matière d’activités soumises à seuil, sont riches d’enseignement et devraient faire jurisprudence.

En effet, il en résulte, tout d’abord, que la moyenne annuelle d’activité à prendre en considération est bien celle issue de l’addition des actes réalisés par le pétitionnaire sur trois années consécutives, de sorte que, lorsqu’un établissement la respecte, l’Agence ne peut le débouter au motif que le nombre d’interventions effectuées par ses praticiens se situerait en deçà du seuil réglementaire pour une ou deux de ces trois années.

Ensuite, lorsque le décret relatif aux conditions d’implantation de l’activité prévoit la possibilité d’octroyer, à titre dérogatoire, une autorisation si le promoteur justifie pouvoir atteindre, dans un délai déterminé à compter de la visite de conformité, le seuil minimal fixé par le Ministre, alors l’Administration est contrainte d’examiner le bien-fondé de cette projection et, en cas de rejet, de se prononcer sur ce point.

Enfin, ce n’est qu’à la condition de démontrer l’existence et la réalité d’un intérêt spécifique de santé publique invoqué au bénéfice de l’hôpital (n’atteignant pas le seuil réglementaire requis) que la délivrance de l’autorisation pourra être regardée par le juge comme légale.

Les solutions retenues dans ces litiges et l’application des principes rappelés supra devront vraisemblablement permettre de résoudre des affaires identiques et, plus largement, y compris celles dans lesquelles la satisfaction ou non d’un seuil réglementaire a été contestée (cf., par exemples, cardiologie interventionnelle sous imagerie médicale ou, encore, projet de décret envisagé et manifestement à intervenir en matière d’activité de soins de médecine et de chirurgie).

En tout état de cause, il existe assurément des moyens d’annulation à la disposition des établissements non satisfaits par leur autorité de tutelle.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2011


Mots clefs associés à cet article :
Annulation ARS Autorisation de traitement Cancer

Voir le contenu de l'article [+]
Autorisations de traitement du cancer : plusieurs annulations par la juridiction administrative
Jonathan Quaderi

Par quatre jugements du 20 septembre 2011, dont trois rendus sur requêtes du Cabinet, le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé l’annulation de trois délibérations de la Commission exécutive de l’ARH d’Ile-de-France rejetant des demandes d’autorisation d’exercer l’activité de soins de traitement du cancer par chirurgie des pathologies, respectivement, gynécologiques, ORL et maxillo-faciales et en a censuré une dernière, favorable à un hôpital, de juillet 2009.
Par là-même, la juridiction a confirmé l’illégalité du rejet des différents recours gracieux et hiérarchiques formés par les structures privées auprès de leur autorité de tutelle et du Ministre de la Santé, a condamné l’Administration à payer une partie des frais de procédures engagées par les cliniques pour défendre leurs intérêts, a enjoint l’ARS de procéder au réexamen des projets soumis à la Comex, dans un dossier, d’accorder l’autorisation recherchée dans les trois mois et, enfin, a contraint le centre hospitalier à cesser la chirurgie carcinologique des tumeurs gynécologiques dans un délai de neuf mois.
Ces jugements, en tant qu’il s’agit des premiers rendus sur le fond en matière d’activités soumises à seuil, sont riches d’enseignement et devraient faire jurisprudence.
En effet, il en résulte, tout d’abord, que la moyenne annuelle d’activité à prendre en considération est bien celle issue de l’addition des actes réalisés par le pétitionnaire sur trois années consécutives, de sorte que, lorsqu’un établissement la respecte, l’Agence ne peut le débouter au motif que le nombre d’interventions effectuées par ses praticiens se situerait en deçà du seuil réglementaire pour une ou deux de ces trois années.
Ensuite, lorsque le décret relatif aux conditions d’implantation de l’activité prévoit la possibilité d’octroyer, à titre dérogatoire, une autorisation si le promoteur justifie pouvoir atteindre, dans un délai déterminé à compter de la visite de conformité, le seuil minimal fixé par le Ministre, alors l’Administration est contrainte d’examiner le bien-fondé de cette projection et, en cas de rejet, de se prononcer sur ce point.
Enfin, ce n’est qu’à la condition de démontrer l’existence et la réalité d’un intérêt spécifique de santé publique invoqué au bénéfice de l’hôpital (n’atteignant pas le seuil réglementaire requis) que la délivrance de l’autorisation pourra être regardée par le juge comme légale.
Les solutions retenues dans ces litiges et l’application des principes rappelés supra devront vraisemblablement permettre de résoudre des affaires identiques et, plus largement celles dans lesquelles la satisfaction ou non d’un seuil réglementaire a été contestée (cf., par exemples, cardiologie interventionnelle sous imagerie médicale ou, encore, projet de décret envisagé et manifestement à intervenir en matière d’activité de soins de médecine et de chirurgie).
En tout état de cause, il existe assurément des moyens d’annulation à la disposition des établissements non satisfaits par leur autorité de tutelle.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2011


Mots clefs associés à cet article :
Autorisation de traitement Cancer

Voir le contenu de l'article [+]
Autorisations de traitement par chirurgie des cancers dans les pathologies soumises à seuil
Jonathan Quaderi

Pour un grand nombre d’établissements de santé pratiquant la cancérologie, l’année 2009 a été marquée par les décisions des commissions exécutives. Les ARH n’ont pas toujours eu la même lecture des dispositions relatives aux seuils de chirurgie carcinologique fixés par l’arrêté du 29 mars 2007, inscrites à l’article R. 6123-89 du code de la santé publique, et, selon les régions et les structures concernées, elles les ont parfois appliquées en violation des règles de droit en vigueur. En effet, aux termes de cet article, le pouvoir réglementaire a clairement distingué :
- le seuil d’activité minimale annuelle arrêté par le Ministre en charge de la Santé, qui donne lieu à un nombre d’actes de référence (par exemple, 20 en gynécologie),
- la moyenne résultant du nombre d’interventions réalisées sur les trois années précédant la demande d’autorisation (en l’espèce, 2006, 2007 et 2008), à laquelle s’applique ce seuil d’activité minimale annuelle,
- un nombre d’actes au moins égal à 80 % du nombre de référence (par exemple, 16 en gynécologie), permettant d’apprécier l’activité prévisionnelle susceptible d’être réalisée par le pétitionnaire.
Par une circulaire du 26 mars 2008, l’INCa a précisé que « le seuil s’applique, sur la moyenne résultant de l’analyse de ces trois années, par site, pour chacune des six spécialités ». En d’autres termes, lorsque le résultat de la moyenne obtenue est supérieur au seuil de référence, la condition d’implantation de l’article R. 6123-89 est remplie. En conséquence, les Comex ne peuvent, sans se fonder sur un autre élément de rejet et, le cas échéant, sans avoir procédé à un examen comparatif des mérites de dossiers concurrents, s’opposer à la délivrance de l’autorisation sollicitée.
Dans ces conditions, les établissements respectant ces seuils mais néanmoins déboutés au motif que, par exemple, « l’activité 2008 ne représente que 60 % du seuil réglementaire » ou encore « non atteinte des 80 % du seuil réglementaire au moment de la demande d’autorisation », sont recevables, sur le fondement d’une erreur de droit, à contester leur décision par la voie administrative ou contentieuse.
S’agissant de l’octroi d’autorisation à titre dérogatoire, il ne s’agit plus pour l’Administration d’apprécier une moyenne mais la qualité du projet d’un demandeur ainsi que les garanties apportées par lui que son activité prévisionnelle annuelle pour une discipline donnée sera au moins égale à 80 % du seuil d’activité minimale, étant observé que celle-ci doit être évaluée « au commencement de la mise en œuvre de l’autorisation » et non au jour du dépôt du dossier (alinéa 2 de l’article R. 6123-89).
Le délai de contestation d’une décision défavorable est de deux mois à compter de sa notification ou, si l’établissement agit en qualité de tiers pour contester l’autorisation obtenue par un autre, à compter de la publication au recueil des actes administratifs, de celle lui faisant grief.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
Voir le contenu de l'article [+]
Cancer du col de l’utérus : quelques jurisprudences
Isabelle Lucas-Baloup
Cour d’appel d’Agen 1ère chambre, arrêt du 28 juin 2006 :

 

C’est le plus souvent un retard de diagnostic ayant entraîné une perte de chance d’obtenir une guérison plus facilement, voire d’éviter la mort, que les jurisprudences publiées analysent, après expertise.

 

Dans l’arrêt ci-dessus, la Cour d’appel a retenu ce qui suit, pour confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Marmande ayant condamné le gynécologue obstétricien :

 

Les pièces régulièrement communiquées démontrent que Mme D. était cliente du Docteur R., gynécologue, depuis 1992. Elle l’avait consulté au mois de février 1998 pour des saignements et des douleurs pelviennes ; au mois d’août 1998 un cancer avancé du col de l’utérus était détecté et la patiente était prise en charge par le Centre Reegaud à Toulouse où une intervention était pratiquée. Madame D. avait saisi le juge des référés pour qu’une expertise soit diligentée, reprochant au Docteur R. un retard de diagnostic.

 

La Cour d’appel mentionne :
 

 

« Attendu que, s’il est incontestable que le gynécologue n’est pas à l’origine de la maladie développée par Mme D., c’est par de justes motifs que le Tribunal a caractérisé la faute par ce dernier commise ; qu’il est en effet établi par les pièces versées aux débats :

 

 -        que le Dr. R. suivait Mme D. sur le plan gynécologique, son médecin traitant ne la suivant pas dans ce domaine,

 

-        qu’à la suite du frottis cervico-vaginal par lui pratiqué le 17 septembre 1994, le résultat de cette analyse indiquait, le 19 septembre 1994 ²métaplasie cervico fonctionnelle avec dystrophie due à des cellules lysées, faire biopsie sous coloscopie²,

 

-        que malgré ses recommandations, le Dr R., qui était destinataire de ce compte rendu, ne démontre pas avoir fortement conseillé à sa cliente de pratiquer cet examen complémentaire et qu’il n’a d’ailleurs même pas communiqué ce résultat au médecin traitant de sa patiente,

 

-        qu’aucun examen complémentaire n’était pratiqué lors des consultations suivantes de juillet 1995, novembre 1995, août 1996 après accouchement par césarienne,

 

-        que si une échographie était réalisée en février 1998, aucune analyse n’était pratiquée.
 

 

« Qu’ainsi, en s’abstenant de surveiller étroitement une patiente ayant depuis 1994 une analyse alarmante et sans avoir pratiqué les examens supplémentaires conseillés par son confrère qui auraient permis soit d’écarter toute suspicion soit de traiter une maladie débutante, le Dr R. a commis une faute ayant entrainé un préjudice pour Mme D. et ses proches ;

 

« Que le jugement sera donc confirmé sur ce point sans qu’il soit besoin d’une nouvelle mesure d’instruction, les rapports déposés étant suffisants pour éclairer la Cour ;

 

« Sur le préjudice :

 

« Attendu que la faute caractérisée du Dr. R. constitue exactement une perte de chance de Mme D. d’obtenir une guérison de sa maladie ou, à tout le moins, de prolongation de sa vie ; que cette perte de chance, compte tenu des éléments du dossier, sera fixée à 80 % en raison de l’âge de Mme D. et du fait qu’un cancer dépisté précocement a plus de chance de guérison ; que 20 % des sommes alloués resteront à la charge de Mme D. et de ses ayants droit ; »

 

Le médecin est donc condamné au paiement de la réparation de 80 % des préjudices subis par Mme D.
 

 

Cour d’appel de Rennes, arrêt du 3 mars 2010 :

 

La Cour d’appel de Rennes mentionne dans son arrêt :
 

 

« Mlle L. née en 1965, consultait régulièrement le Dr R., gynécologue.

 

« Celle-ci a pratiqué le 3 septembre 2001 un frottis cervico-vaginal qui a été soumis à l’analyse du Dr G. qui l’interprétait en concluant soit à une inflammation dans un contexte régénératif, soit à une dysplasie légère vraie (lésion de bas grade), soit une lésion intra-épithéliale plus évoluée et recommandait des examens complémentaires consistant en une colposcopie et une biopsie.

 

« La biopsie du col utérin pratiquée le 12 octobre 2001 portant sur une zone blanche à contours nets, peu étendue, révélait une banale lésion de dysplasie légère sans lésion virale formellement identifiée.

 

 « Le 11 mars 2002, un nouveau frottis était effectué et transmis à un laboratoire spécialisé de Bordeaux qui montrait des lésions virales à Papillomavirus (HPV) et une dysplasie moyenne et concluait à la nécessité de faire des biopsies multifocales.

 

« Ces biopsies étaient pratiquées le 16 mai 2002 et leur analyse concluait à un ectropion péri orificiel du col sans caractère suspect.
 

 

« Le 3 juillet 2002 Mlle L. consultait le Dr R. pour des métrorragies abondantes depuis deux à trois mois. Un nouveau rendez-vous était pris pour le 9 juillet au cours duquel une tumeur irrégulière au toucher de la cloison recto-vaginale était découverte et biopsiée. Elle montrait le 12 juillet une prolifération maligne à type de carcinome épidermoïde infiltrant, bien différencié, non kératinisant.

 

« Le 23 juillet, le Dr N. pratiquait une hystérectomie totale avec annextomie bilatérale élargie à la cloison recto-vaginale et au vagin avec colpectomie partielle.
 

 

« L’examen de la tumeur montrait bien un carcinome épidermoïde bien différencié mature.

 

« Le radiothérapeute qui voyait Melle L. en consultation le 8 août 2002 constatait le caractère insuffisant de l’exérèse qui était donc reprise par le Dr N. le 29 août. A cette occasion des nodules étaient prélevés sur le mésentère dont il était établi le 5 septembre 2002 qu’ils étaient cancéreux.
 

 

« Un traitement par chimiothérapie, radiothérapie et curiethérapie était mis en place jusqu’à la fin du mois de décembre 2002.
 

 

« Cependant dès le 9 janvier 2003 un volumineux nodule de carcinome péritonéal et un nodule métastasique hépatique étaient mis en évidence.

 

« Malgré les traitements mis en place, l’évolution était défavorable et Mlle L. décédait le 20 mai 2003 d’un cancer primaire du vagin.

 

« Après le dépôt d’un rapport d’expertise, la famille de Mlle L. a recherché la responsabilité des Drs G. et R. pour retard au diagnostic du cancer dont elle était atteinte.

 

« Ces médecins ont demandé la garantie du Dr N.

 

« Par jugement du 10 juin 2008, le Tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a dit qu’il résulte de l’expertise que les conclusions de l’analyse pratiquée sur le prélèvement du 3 septembre 2001 ne sont pas alarmantes alors que l’interprétation est ambiguë et incomplète et en outre inexacte ; que le retard de diagnostic est en grande partie attribuable à ce compte rendu qui ne soulignait pas le contexte de haut risque cancéreux.

 

 « Il n’a en revanche pas retenu de faute à l’encontre du Dr R. qui a procédé à des investigations plus poussées après le 13 mars 2002 ; que s’il y a eu une faute dans la prise en charge thérapeutique en juillet 2002, celle-ci n’est pas en lien de causalité avec la perte de chance déjà constituée à ce moment.

 

« Pour cette même raison, il a débouté le Dr G. de sa garantie à l’encontre du Dr. N.

 

« Il a condamné le Dr G. à payer des sommes à titre de dommages et intérêts aux parents et aux sœurs de Melle L.
 

 

« Le Dr G. a fait appel de cette décision.

 

« La famille a fait appel incident.

 

« Les autres parties ont conclu globalement à la confirmation du jugement. »

 

 La Cour, en visant l’article L. 1141-1 du code de la santé publique, qui dispose que les professionnels de santé sont responsables des conséquences dommageables de leurs actes en cas de faute, retient :

 

« Considérant que, si le Dr G. a recommandé le 10 septembre 2001 des examens complémentaires appropriés, elle n’a pas donné les éléments de description portant notamment sur diverses anomalies de cellules et sur une infection à Papillomavirus ; qu’elle est restée hésitante sur les conclusions alors que la conclusion aurait dû être dysplasie de haut grade selon la classification de Béthesda de 2001 et probable infection par Papillomavirus, contexte de haut risque cancéreux ; qu’au contraire les anomalies signalées soit légères soit modérées, en sorte que le Dr R. n’a pas été perturbée par les résultats relativement rassurant de la biopsie et n’a pas poursuivi ses recherches ;

 

« Que c’est à raison que le premier juge a dit que l’erreur ainsi caractérisée ne constitue pas seulement une inexactitude de diagnostic mais une faute constituant un exercice non conforme aux données actuelles de la médecine ;
 

 

« Considérant que le cancer primitif du vagin est une tumeur extrêmement rare en générale et en se retrouve que dans 7 % des cas chez les femmes de moins de quarante ans ;

 

« Qu’en l’absence d’alerte suffisante donnée par le compte rendu du 10 septembre 2001, on ne peut reprocher au Dr R. de ne pas avoir recherché un tel cancer qui ne pouvait être soupçonné ;
 

 

« Qu’en outre en raison de son siège en haut et en arrière de la paroi vaginale, la lame postérieure du spéculum cache la lésion ;
 

 

« Considérant que le résultat du 13 mars 2002, moins inquiétant que celui du 10 septembre 2001, a conduit le Dr R. à procéder à des examens complémentaires portant sur le col de l’utérus ;

 

« Que, compte tenu de la rareté de la pathologie présentée par Mlle L., cette erreur de diagnostic ne peut être considérée comme fautive au regard des dispositions de l’article L. 1142-1 du CPS ;

 

« Considérant que, si la prise en charge de Mlle L. après le 12 juillet 2002 paraît avoir été inadéquate, il n’est pas suffisamment établi qu’elle a contribué à l’aggravation de la perte de chance dès lors que l’expert indique que le traitement n’était pas nécessairement chirurgical, que l’insuffisance de la chirurgie a été reprise et surtout qu’aucune critique n’est apportée aux traitements dispensés sous forme de radiothérapie externe, curiethérapie et chimiothérapie ;

 

« Considérant qu’il résulte de l’expertise que le retard de diagnostic a entraîné une perte de chance de 50 % ;
 

 

« Que le préjudice a été exactement évalué en tenant compte de ce pourcentage ;

 

« Que l’époux et les filles de Melle L., décédée en cours de procédure, sont recevables à exercer l’action successorale sur la somme allouée par le premier juge. »

 

Cet arrêt de la Cour d’appel de Rennes constitue un bon exemple de distribution des responsabilités encourues au sein de l’équipe ayant eu à connaître du cas litigieux.

 

Il existe peu de jurisprudence car très souvent des transactions interviennent réparant les dommages subis.
Gynéco Online - Novembre 2014


Mots clefs associés à cet article :
Biopsie Cancer Perte de chance Responsabilité

Voir le contenu de l'article [+]
Cancer du sein : distribution des responsabilités par la jurisprudence
Isabelle Lucas-Baloup

Deux affaires récentes illustrent la distribution des responsabilités lorsque certaines patientes n’ont pas la chance d’un diagnostic et traitement rapide et efficace de leur cancer du sein.
Le premier arrêt (Cour d’appel de Montpellier) constitue une illustration d’un cumul de comportements jugés fautifs, avec distribution de la charge indemnitaire entre le radiologue, le chirurgien et le radiothérapeute.
L’arrêt suivant (Cour d’appel de Paris) retient l’entière responsabilité du radiologue.


Cour d’appel de Montpellier, 6 octobre 2010 (n° 09/00161)

Cet arrêt constitue un exemple d’analyse par les Juges, après expertise, des responsabilités respectivement encourues par :

- un radiologue, pour retard au diagnostic d’un cancer du sein, puis de sa récidive,
- un chirurgien, pour retard au traitement de la récidive cancéreuse,
- un radio-chimiothérapeute, pour avoir inversé les traitements de radiothérapie et de chimiothérapie,

faisant perdre à la patiente 50% de chances de survie.

Le radiologue : 70% de responsabilité
L’expert a relevé que le radiologue n’avait pas vu sur les mammographies les micro-calcifications situées à proximité du nodule, classées en ACR4, ce qui imposait un contrôle histologique qui n’a donc pas eu lieu. C’est à partir d’un compte rendu radiographique erroné que le chirurgien a décidé une chirurgie conservatrice plutôt qu’une mastectomie totale. Après l’intervention chirurgicale, le même radiologue n’a toujours pas diagnostiqué la récidive du cancer du sein bien que la patiente soit revenue le voir devant l’élargissement d’une plaque fibreuse près de la cicatrice.

Le chirurgien : 10%
Il a décidé de pratiquer une chirurgie conservatrice plutôt qu’une mastectomie compte tenu des résultats des examens radiographiques interprétés par le radiologue, ce qui ne lui est pas imputé à faute compte tenu du compte rendu reçu du radiologue.
Cependant, lorsqu’il constate la présence d’une zone nodulaire évoquant un noyau fibreux dans la périphérie du sein traité, avec modifications de la cicatrice, il aurait dû immédiatement prescrire des examens complémentaires tels que mammographie, biopsie, lesquels auraient permis de détecter une récidive du cancer, ce qu’il n’a pas fait.

Le radio-chimiothérapeute : 20%
Le chimiothérapeute a procédé d’abord à un traitement de radiothérapie puis à un traitement de chimiothérapie, alors que « la littérature médicale prescrit l’inverse» déclare l’expert. De même, après avoir constaté la présence d’un nodule au niveau de la cicatrice, il n’a pas prescrit de mesures urgentes avec des examens approfondis, ce qui a généré un retard de 9 mois dans le traitement de la récidive concernée par une équipe pluridisciplinaire oncologique alors que la patiente présentait un stade avancé compte tenu de la dissémination métastatique ganglionnaire.

La patiente est décédée des suites de sa maladie.


Cour d’appel de Paris, 12 novembre 2010 (n° 08/23503)

Cette décision condamne le radiologue au motif ci-après :

« Le cancer du sein a été diagnostiqué le 18 juin 2003. A cette date il s’agissait d’une lésion classée T2 (3 cm de diamètre) N1, avec un ganglion palpable et suspect. En février 2003, la lésion était beaucoup plus petite (T1<2cm) et l’adénopathie n’était pas perçue par la patiente. Elle semble néanmoins avoir été perçue par le gynécologue, qui l’a dessinée dans son dossier. Il semblerait qu’on soit passé d’un stade I (T1 N0) à un stade IIb (T2 N1). Il existe un retard de diagnostic de 4 mois, qui a entraîné une perte de chance. Pour une lésion classée T1, la survie à 10 ans après un traitement est de plus de 80%. Elle n’est plus que de 60% pour les tumeurs T2. Il y a donc une diminution des chances de survie que l’on peut quantifier à 20%. L’apparition de ganglions métastatiques préjore l’évolution de façon semblable. Par contre, le retard de diagnostic n’a pas eu de réelle incidence sur les traitements, seulement une aggravation du traumatisme psychologique. »

La Cour conclut : « Le radiologue a interprété de façon erronée la mammographie effectuée le 21 février 2003 et cette faute, à l’origine d’un retard de diagnostic de 4 mois, est en relation directe et certaine avec la perte de chance subie par la patiente. Sa responsabilité est engagée. »
La patiente est décédée de son cancer. La perte de chance de survie a été évaluée à 20% (15 000 euros de dommages-intérêts à sa fille).

Gynéco-Online - Avril 2011
Voir le contenu de l'article [+]
Date de rémission et/ou consolidation après cancer
Isabelle Lucas-Baloup

Le mot « guérison » fait rarement partie du vocabulaire d’un médecin dans ses échanges avec ses patients traités pour un cancer. Il emploie plus volontiers le terme « rémission complète » parce qu’il sait qu’une récidive, même lointaine est possible. En revanche, le mot guérison se rencontre souvent dans les statistiques médicales et traduit en langage ordinaire une notion qu’on appelle « le taux de survie relative à 5 ans ». Selon l’Institut National du Cancer, les statisticiens estiment qu’un patient ayant eu un cancer a des chances élevées d’être « guéri » lorsque, 5 ans après le diagnostic, il retrouve la même espérance de vie que l’ensemble de la population de même âge, de même sexe et n’ayant pas eu de cancer. Par arrêt du 23 janvier 2019, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation (n° 18-10.662) a confirmé un arrêt de la cour d’appel de Versailles concernant une patiente victime d’un adénocarcinome à cellules claires du col de l’utérus qui avait notamment jugé : « que, s’agissant d’affections cancéreuses, les médecins se réservaient une longue période d’observation avant de considérer l’état de la patiente stabilisé et la rémission acquise, et qu’il résulte d’un certificat médical attestant des examens pratiqués que la rémission clinique, distincte de la guérison, est intervenue le 24 janvier 2002 ; la cour d’appel en a souverainement déduit que la consolidation, constituant le point de départ de la prescription de dix ans, devait être fixée à cette date, de sorte qu’était recevable l’action diligentée par Mme L. » . L’arrêt de la cour d’appel de Versailles, en date du 30 novembre 2017 (n° 17/004221) avait quant à lui rappelé la définition de la date de consolidation : « La date de consolidation de la victime est définie par le rapport Dintihac comme la date de stabilisation des blessures constatées médicalement, soit comme le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent, tel qu’un traitement n’est plus nécessaire, si ce n’est pour éviter une aggravation, et qu’il est possible d’apprécier un certain degré d’incapacité permanente réalisant un préjudice définitif […]. La date de consolidation a été fixée à la date à laquelle la rémission a été considérée comme acquise, soit le 24 janvier 2002. » Il s’agissait en l’espèce d’un adénome imputable à l’exposition de la demanderesse au Distilbène pendant la grossesse de sa mère et le collège d’experts avait noté : « l’association d’une adénose vaginale, d’une hypoplasie du col et d’un cancer cervico-vaginal témoigne d’un rapport direct et certain avec l’exposition in utero au DES ». Dans les procédures ayant pour objet la réparation d’un préjudice corporel, la date de consolidation met un terme aux préjudices temporaires et marque le début des préjudices permanents qui peuvent ainsi être indemnisés. Dans le raisonnement médico-légal c’est en conséquence une date importante, qu’il convient de déterminer avec soin. D’une manière plus générale, elle fait démarrer le délai de prescription de l’action judiciaire en responsabilité civile, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent (article 2226, code civil). La date de consolidation est en principe fixée par l’expert, ou le collège d’experts, nommé par la juridiction saisie pour examiner la personne concernée et décrire les préjudices soufferts. Cette date ne doit évidemment pas être confondue avec les délais d’accès à l’assurance emprunteur (financement immobilier en lien avec la résidence principale ou financement professionnel) pour les personnes ayant été atteintes d’un cancer qui ne relèvent pas du « droit à l’oubli », définis par une grille de référence adoptée dans le cadre de la Convention dite AERAS, par exemple : - cancer du col de l’utérus : un an après l’application d’un traitement de référence en vigueur au moment de la prise en charge et une surveillance selon recommandations HAS pour un cancer classe CIN III (ou HSIL) ou in situ pur sans caractère micro-filtrant ; - cancer du sein : un an après traitement selon le consensus HAS/INCa réalisé, pour un carcinome lobulaire ou canalaire in situ strict sans caractère micro-infiltrant ou un carcinome canalaire in situ présentant lors de l’exérèse chirurgicale une ou plusieurs zones de micro-invasion (rupture de la membrane basale) n’excédant pas 1 mn (dans le plus grand axe) et dont l’exploration axillaire (ganglion sentinelle ou curage axillaire) ne montre pas d’envahissement du ou des ganglions prélevés). Le « droit à l’oubli », prévu par les articles L. 1141-2 et suivants du code de la santé publique, concerne actuellement les personnes souhaitant emprunter et ayant été atteintes d’un cancer (quels qu’en soient la localisation et le type histologique) découvert : – avant l’âge de 18 ans, 5 ans après la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute, – pour les adultes : 10 ans après la fin du protocole thérapeutique et en l’absence de rechute. La « date de fin du protocole thérapeutique » est celle de la fin du traitement actif du cancer, en l’absence de rechute, par chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie effectuées en structure autorisée, à laquelle plus aucun traitement n’est nécessaire hormis la possibilité d’une thérapeutique persistante de type hormonothérapie ou immunothérapie. La date de rechute est constituée de toute nouvelle manifestation médicalement constatée du cancer, qu’elle le soit par le biais d’un examen clinique, biologique ou d’imagerie. Rémission, guérison, consolidation, des mots pas toujours synonymes à utiliser par les professionnels de santé avec prudence et discernement, en raison des conséquences humaines et économiques qu’ils impliquent, bien évidemment.

Gynéco-Online - mai 2019


Mots clefs associés à cet article :
Cancer Consolidation Rémission

Voir le contenu de l'article [+]
La brutalité de l'annonce d'un cancer du col de l'utérus ne cause pas nécessairement un préjudice moral à la patiente
(Arrêt du 10 novembre 2005, Cour d'appel de Paris, 1ère chambre)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est extrêmement fréquent que les patients se plaignent des modalités, de la brutalité, du manque de délicatesse avec lesquels un médecin leur apprend qu'ils sont atteints d'un cancer. Cet arrêt en constitue une nouvelle manifestation, mais en l'espèce : la patiente est déboutée de sa critique.
Atteinte d'un cancer du col de l'utérus, elle estimait qu'il était la conséquence directe des comportements minimalistes et négligents de son gynécologue et du médecin ayant procédé aux analyses des frottis et des biopsies. Si les experts ont relevé que le gynécologue avait commis des négligences dans le suivi gynécologique et des maladresses dans la prescription des investigations nécessaires à l'établissement du diagnostic et l'appréciation des lésions, conduisant à proposer une attitude thérapeutique d'emblée radicale sans concertation pluridisciplinaire, ils ont conclu qu'il n'y avait pas eu de retard dans le diagnostic, un cancer invasif pouvant se développer même en cas de contrôles réguliers par frottis. Ils ont également considéré que la prise en charge de la lésion avait été conforme aux données acquises de la science.
La Cour d'appel de Paris réforme en revanche le jugement en ce qu'il avait accordé une indemnité à la patiente pour le préjudice moral subi en raison de la maladresse avec laquelle le gynécologue lui avait annoncé immédiatement une hystérectomie. L'arrêt retient que si, devant les résultats des frottis et des biopsies, la patiente a très mal vécu l'information donnée par son médecin, en raison de facteurs strictement personnels (notamment son âge de 48 ans et le fait qu'elle n'avait pas eu d'enfant), l'annonce d'une telle pathologie constitue toujours un choc pour la patiente. "L'orientation vers un chirurgien pour une hystérectomie devant l'échec d'un traitement moins radical ne peut être constitutive d'une faute, d'autant que les experts ont admis que la prise en charge de la lésion avait été conforme aux données acquises de la science".
Il n'empêche que, dans la critique des performances de certains médecins en matière de communication, les patients n'ont pas toujours tort…

La Lettre du Cabinet - Décembre 2005


Mots clefs associés à cet article :
Cancer Information Préjudice

Voir le contenu de l'article [+]
Procédure disciplinaire contre un expert judiciaire (procédure)
(arrêt du 9 juin 2020, CAA de Paris, n° 19PA02945)
Isabelle Lucas-Baloup

   Une femme, estimant avoir été victime d’un retard de diagnostic de cancer du sein, à l’origine d’une mastectomie, a lancé plusieurs actions contre les établissements de santé et médecins intervenus, c’est un autre dossier.

   Celui ayant donné lieu à cet arrêt intéressant concerne l’action qu’elle a introduite contre l’expert judiciaire nommé en référé, qui a procédé à sa mission et rendu un rapport qui ne convenait pas parfaitement à la patiente, laquelle a déposé une plainte à son encontre devant le Conseil de l’Ordre des médecins en lui reprochant de ne pas avoir renoncé à cette expertise alors que l’expert « entretenait des liens avec certains des médecins et établissements de santé mis en cause et a même exercé dans une des cliniques concernées ».

 

1.         La patiente est irrecevable en sa plainte contre l’expert judiciaire,

chargé d’une mission de service public :

       Aux termes de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée :

 

" Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d’au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs des membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.

Lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l’auteur, en informe le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme mis en cause et les convoque dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte en vue d’une conciliation.

En cas d’échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l’avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant.

Lorsque le litige met en cause un de ses membres, le conseil départemental peut demander à un autre conseil de procéder à la conciliation.

En cas de carence du conseil départemental, l’auteur de la plainte peut demander au président du conseil national de saisir la chambre disciplinaire de première instance compétente. Le président du conseil national transmet la plainte dans le délai d’un mois.".

Par dérogation à ces dispositions, l’article L. 4124-2 du code la santé publique prévoit, s’agissant des « médecins (…) chargés d’un service public et inscrits au tableau de l’ordre », qu’ils « ne peuvent être traduits devant la chambre disciplinaire de première instance, à l’occasion des actes de leur fonction publique, que par le ministre chargé de la santé, le représentant de l’Etat dans le département, le directeur général de l’agence régionale de santé, le procureur de la République, le conseil national ou le conseil départemental au tableau duquel le praticien est inscrit (…) ».

 

Les personnes et autorités publiques mentionnées à cet article ont seules le pouvoir de traduire un médecin chargé d’un service public devant la juridiction disciplinaire en raison d’actes commis dans l’exercice de cette fonction publique. En particulier, le Conseil national de l’Ordre des médecins, autant qu’un Conseil départemental de l’Ordre des médecins, exerce en la matière une compétence propre.

 

En conséquence, la Cour administrative d’appel juge :

 

« 5. Il résulte de ce qui précède que Mme B… ne peut utilement invoquer les dispositions de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique pour soutenir que le Conseil national de l’ordre des médecins était tenu de transmettre sa plainte contre le Dr F… à la chambre disciplinaire de première instance, dès lors que les faits qu’elle reproche à cette dernière ont été accomplis en sa qualité d’expert judiciaire, ainsi chargée d’une mission de service public au sens des dispositions précitées de l’article L. 4124-2 du code de la santé publique. Par suite, il appartenait au Conseil national de l’ordre des médecins, sur le fondement de ce seul dernier article, d’apprécier s’il y avait lieu ou non de traduire le Dr F… devant la juridiction discipline. »

 

2.         Pas de conflit d’intérêts entre l’expert judiciaire et les médecins intervenus :

La patiente soutenait ensuite qu’en acceptant la mission d’expertise qui lui a été confiée par le Tribunal de grande instance de Versailles, l’Expert a violé les dispositions de l’article R. 4127-105 du code de la santé publique aux termes desquelles :

« Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services. »,

alors que l’Expert aurait exercé au sein de la Clinique Hartmann, établissement privé choisi par Mme B… pour le traitement de son cancer. La requérante reproche en outre à l’Expert d’avoir délibérément omis certains faits afin de dissimuler ses liens avec des établissements et praticiens intervenus dans le cadre de sa prise en charge, et d’avoir occulté dans son rapport des fautes commises lors du diagnostic de sa tumeur.

 

L’arrêt retient :

« Toutefois, si [l’Expert] a ponctuellement utilisé le plateau technique de la clinique Hartmann, ou rencontré certains de ses confrères lors de divers colloques, il ne ressort pas des pièces du dossier que les liens entre l’expert et les établissements médicaux et médecins mis en cause par la requérante auraient été de nature, par leur intensité ou leur régularité, à faire naître un conflit d’intérêts incompatible avec la mission d’expertise qui lui a été confiée. Par ailleurs, les éléments et conclusions de fond contenus dans le rapport du Dr F…, qui ont pu être discutés à l’occasion de l’action indemnitaire engagée par Mme B…, ne sauraient révéler un manquement de l’expert à ses obligations déontologiques. Dans ces conditions, le Conseil national de l’ordre des médecins a donc pu légalement estimer, par la décision contestée du 15 décembre 2016, qu’il n’y avait pas lieu de transmettre la plainte de l’intéressée à la chambre disciplinaire de première instance. La circonstance que le tribunal de grande instance de Paris a ultérieurement considéré, par un jugement du 18 décembre 2017, d’ailleurs frappé d’appel et dépourvu en l’instance de l’autorité de la chose jugée, que le Dr F… avait commis des manquements de nature à engager sa responsabilité, est sans incidence sur cette appréciation.

 

« Il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. »

 

Cet arrêt rappelle clairement qu’un patient ne peut attaquer directement un Expert nommé judiciairement devant la juridiction disciplinaire.

www.gyneco-online.com


Mots clefs associés à cet article :
Cancer Expert

Voir le contenu de l'article [+]
Tumeur de l’utérus : deuxième avis
(arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 30 avril 2014, n° 13-14288)
Isabelle Lucas-Baloup
   Brigitte X consulte en 2002 un gynécologue, le Dr Y, afin d’obtenir un deuxième avis, à la suite d’une suspicion de léiomyosarcome avancée par un autre gynécologue le Dr Z lequel a recommandé une hystérectomie. Cette intervention a été retardée par la patiente jusqu’en 2004 au vu du diagnostic erroné moins sévère du Dr Y après des résultats différents d’anatomopathologie.

 

   La patiente étant décédée en 2009, son époux lance une procédure contre le Dr Y pour avoir été à tort rassurant sur l’absence de pathologie suspecte, en arguant d’une perte de chance de guérison ou à tout le moins de chance de retarder l’issue fatale due à un sarcome avec métastases pulmonaires après chimiothérapie intensive et plusieurs interventions chirurgicales.

 

   Deux rapports d’expertise établissent que l’indication d’une hystérectomie aurait dû être posée début 2003 et qu’il n’y a pas eu de réunion de concertation pluridisciplinaire qui n’existait pas à l’époque à Vichy. L’un des experts avait conclu qu’en cas de discordance des avis, il appartenait nécessairement au Dr Y de retenir le prélèvement donnant le diagnostic le plus sévère par principe de prudence.

 

   Le Dr Y mis en cause par le veuf soutenait que cette position rendrait au final inutile la consultation d’un second médecin et que le Dr D, anatomopathologiste, avait écarté en janvier et février 2003 la suspicion initiale de sarcome faite fin 2002 après avoir demandé des colorations spéciales, soulignant que les examens ultérieurs, notamment ceux des tissus après les interventions d’octobre et novembre 2004, n’ont pas démontré de signe flagrant de malignité et qu’enfin Brigitte X était suivie par un médecin traitant à même de prendre le rôle de coordonnateur si nécessaire. Lors de la découverte du nodule en novembre 2004, le Dr Y a orienté la patiente sur le Dr B, radiologue spécialisé en pneumologie pour qu’il lui donne son avis, mais la patiente ne l’a pas consulté immédiatement, ne prenant rendez-vous avec un autre radiologue qu’en décembre 2005 qui découvre le sarcome métastasique.

 

   La Cour d’appel de Riom avait débouté le veuf de son action en dommages intérêts contre le gynécologue ayant donné le 2ème avis, par un arrêt du 16 janvier 2013 (qui n’a pas été publié ce qui empêche de connaître le détail de l’évolution des faits dans cette très intéressante affaire, les arrêts de cassation étant très réduits évidemment dans leur exposé puisque la Cour suprême juge en droit et ne réapprécie pas les faits). Toujours est il que, par la décision commentée prononcée le 30 avril 2014, la Cour de cassation confirme l’arrêt de Riom et déboute le veuf de son pourvoi en jugeant que :

 

 

 

« Un médecin, tenu, par l’article R. 4127-5 du code de la santé publique, d’exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science. »

 

 

 

   L’arrêt de la Cour de Riom est donc confirmé en ce qu’il avait jugé que le Dr Y n’a pas commis de faute à l’origine du retard de traitement de Brigitte X et qu’il n’avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère, sans violer l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, qui prévoit, depuis la loi Kouchner, qu’il n’y a pas de responsabilité médicale sans faute en cette matière.

 

   Cet arrêt doit être signalé car la Cour de cassation est rarement saisie des responsabilités encourues en cas de deuxième avis médical, et la position de l’expert selon laquelle il convient, dans un souci de prudence, de s’aligner sur le diagnostic le plus sévère, peut conduire à la mise en œuvre abusive de ce qu’on qualifie, dans d’autres domaines, le devoir de précaution. En l’espèce, le 2ème avis, rassurant, était erroné, puisque les avis convergent sur le retard exposé au lancement des traitements. Mais il était utile que, sur des faits montrant l’erreur du deuxième consultant, la Cour de cassation réaffirme cependant la liberté d’appréciation dans le cadre du 2ème avis. Le détail des investigations conduites n’étant pas publié, il ne peut être commenté c’est dommage.

 

   Cette jurisprudence confirme la responsabilité autonome de chaque médecin dans le cadre de son exercice, en toute indépendance, avec la liberté de diagnostic et de prescription que le code de déontologie aujourd’hui codifié dans le code de la santé publique lui assure.
Gynéco Online - Juin 2014


Mots clefs associés à cet article :
Cancer Deuxième avis Diagnostic Responsabilité civile

Voir le contenu de l'article [+]