Base de données - Chirurgie esthétique

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Abdominoplastie, décès, relaxe pénale mais condamnation civile pour le chirurgien
(Cour de cassation, ch. crim., arrêt du 5 juin 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

 Malgré un rapport d’experts mettant en cause l’opportunité de l’indication thérapeutique, l’intervention du chirurgien étant d’après eux « imprudente et son choix technique très discutable » sur une patiente présentant une obésité de niveau modéré et non morbide sur laquelle cette chirurgie ne pouvait être envisagée que comme un ultime recours, la Cour de Versailles, puis la Cour de cassation, relaxent le chirurgien du chef d’homicide involontaire, mais le condamnent civilement des conséquences dommageables du décès à la suite d’une embolie pulmonaire, l’enquête ayant établi que « ce médecin spécialisé en chirurgie plastique et réparatrice avait pratiqué la veille sur sa personne, sous anesthésie péridurale, une lipectomie abdominale quasi-circulaire et un diastasis des grands droits tendant à réséquer un excédent cutané et graisseux et à retendre la paroi abdominale ». Les juges ont retenu également que le chirurgien n’avait pas appelé l’attention des anesthésistes sur le risque particulier de complication thromboembolique encouru par la patiente et n’a pas apporté la preuve de la délivrance à celle-ci de l’information qu’il lui devait sur le traitement proposé et les risques prévisibles qu’il comportait. « Les fautes ainsi relevées ont contribué de façon directe à la production du dommage et justifient la condamnation du chirurgien à la réparation du préjudice des ayants droit de la victime », sur le fondement de l’article 470-1 du code de procédure pénale, qui permet de relaxer tout en indemnisant.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Chirurgie esthétique : décès du patient après hémorragie interne non diagnostiquée, non traitée
(Cour d’appel Paris, 14ème ch., 24 octobre 2008, Clinique du Rond Point des Champs Elysées, JurisData n° 2008-371998)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt énonce qu’après une lipoaspiration du ventre, le diagnostic d’hémorragie interne n’est pas posé à temps. Le décès est la conséquence directe d’un arrêt cardio-respiratoire secondaire aux effets d’une spoliation sanguine provoquée par un saignement chirurgical, conséquence de la lipoaspiration. Le geste chirurgical est à l’origine de la constitution progressive d’un volumineux hématome de la paroi abdominale. La recherche d’un saignement au niveau abdominal n’a pas été effectuée, par plus qu’un bilan biologique avec dosage d’hémoglobine. L’anesthésiste a quitté la clinique vers 19 H sans avoir fait pratiquer ces examens et sans avoir recueilli l’avis d’un chirurgien. Le patient est décédé dans la nuit (à 2 H).
La responsabilité de la clinique est engagée pour moitié, le personnel infirmier, entre 22 H et 3 H du matin n’ayant alerté ni le chirurgien ayant effectué l’intervention ni tout autre chirurgien ni même l’anesthésiste qui ne le fut qu’à 4 H, trop tard.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Chirurgie esthétique : installations soumises à autorisation à compter du 12 janvier 2006
Isabelle Lucas-Baloup

Conformément aux dispositions de l'article L. 6322-1 du code de la santé publique, les décrets réglementant les conditions d'autorisation des installations de chirurgie esthétique et définissant les conditions techniques de leur fonctionnement viennent d'être publiés (JO 12 juillet 2005).
Le nouvel article R. 740-1 du code de santé publique définit la chirurgie esthétique comme celle "tendant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice."
Désormais, tout secteur opératoire (comprenant au moins une salle de surveillance postinterventionnelle) dans lequel est effectué un acte de chirurgie esthétique constitue une installation soumise à autorisation, qui doit comporter également une zone permettant d'accueillir directement, sur rendez-vous, les personnes concernées par l'activité de chirurgie esthétique, dotée d'une réception, un secrétariat, un ou plusieurs bureaux de consultation médicale et une salle d'attente. Dans les établissements de santé pluridisciplinaires, le secteur opératoire peut être commun avec celui des autres spécialités chirurgicales. En revanche, le titulaire de l'autorisation doit mettre en place une organisation permettant d'hospitaliser en chambre particulière les patients de chirurgie esthétique et de recueillir, à tous les stades de la prise en charge, tous les éléments nécessaires à la facturation à ces personnes des soins et des services qu'elles reçoivent (art. D. 766-2-6).
Les établissements disposent de 6 mois à compter du 12 juillet 2005 pour déposer une demande d'autorisation ; à défaut, le 12 janvier 2006 ils devront cesser toute activité de chirurgie esthétique. Ils auront 18 mois suivant la notification de la décision d'autorisation pour se mettre en conformité avec les conditions techniques de fonctionnement décrites aux décrets. L'autorisation est consentie pour cinq ans.
La publicité, directe ou indirecte sous quelque forme que ce soit en faveur de l'activité de chirurgie esthétique réalisée par le titulaire de l'autorisation, constituera un motif de refus de renouvellement de l'autorisation, de même que l'absence d'engagement de la procédure de certification prévue à l'article L. 6113-3 du code de santé publique.
Chaque devis doit reproduire intégralement l'article D. 766-2-1 :
"En application de l'article L. 6322-2, un délai minimum de quinze jours doit être respecté entre la remise du devis détaillé, daté et signé par le ou les praticiens mentionnés aux 1°, 2° et 4° de l'article D. 766-2-14 devant effectuer l'intervention de chirurgie esthétique.
"Il ne peut être en aucun cas dérogé à ce délai, même sur la demande de la personne concernée.
"Le chirurgien qui a rencontré la personne concernée doit pratiquer lui-même l'intervention chirurgicale, ou l'informer au cours de cette rencontre qu'il n'effectuera pas lui-même tout ou partie de cette intervention. Cette information est mentionnée sur le devis.
"Les dispositions du présent article sont reproduites sur chaque devis."
Enfin, les demandes d'autorisation doivent préciser la qualification des chirurgiens, désormais encadrée par l'article D. 766-2-14 du code de santé publique : contrairement aux spécialistes ou titulaires d'un DESC en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique qui peuvent tout faire dans le cadre de leur discipline, les spécialistes en chirurgie maxillo-faciale, stomatologie, ORL, chirurgie cervico-faciale, ophtalmologie, gynécologie-obstétrique ou urologie, ne peuvent exercer la chirurgie esthétique que dans le cadre de la spécialité dans laquelle ils sont inscrits au tableau de l'ordre.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Autorisation Chirurgie esthétique

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Chirurgie esthétique : pas d’obligation de résultat, mais une obligation d’information renforcée, dont la preuve peut être rapportée par un faisceau de présomptions
(Cour d’appel Aix-en-Provence, 10ème ch., arrêt du 2 septembre 2009, n° 07/10274)
Isabelle Lucas-Baloup

20 interventions de chirurgie esthétiques sont réalisées en 12 ans sur la plaignante qui se plaint de fautes techniques et d’un défaut d’information : 8 interventions sur le nez, 4 sur le menton, 5 sur les paupières, 3 sur les seins et 2 liposuccions sur les cuisses. Le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence la déboute, la Cour confirme par cet arrêt en retenant notamment que :
- Les reprises étaient justifiées par une imperfection du résultat chirurgical et esthétique mais n’étaient pas liées à des complications telles qu’hématome, infection, fracture, etc…
- Le médecin n’est tenu, dans l’accomplissement de l’acte médical, que d’une obligation contractuelle de moyens, qu’en matière de chirurgie esthétique cette obligation de moyens est renforcée mais ne saurait s’entendre comme constituant une obligation de résultat.
- En conséquence, le seul fait que le résultat esthétique des opérations effectuées ne soit pas à la hauteur des espérances de la patiente ne saurait, en lui-même, suffire à engager la responsabilité du médecin.
- Sur le non-respect prétendu de l’obligation d’information :
L’arrêt rappelle que le chirurgien esthétique, du fait du caractère non curatif de l’intervention projetée, est tenu d’une obligation d’information de son patient particulièrement détaillée quant à cette intervention et aux risques susceptibles de se produire, afin de permettre au patient de donner un consentement pleinement éclairé à cet acte. La preuve de cette information peut être faite par tous moyens et peut résulter d’un ensemble de présomptions (au sens de l’article 1353 du code civil).
« En l’espèce, il ne s’agit pas d’un acte unique de chirurgie esthétique, mais de 20 interventions qui se sont succédé avec le même praticien sur une période de plus de 11 années, ayant eu lieu à la demande même de la patiente notamment du fait de son insatisfaction quasi permanente quant aux résultats obtenus, conduisant à de nombreuses reprises ou réinterventions, qui faisaient suite à de précédentes pratiquées par d’autres chirurgiens esthétiques.
« Une opération de chirurgie esthétique suppose la prise de mesures préopératoires, de photographies, de rencontres avec le médecin au cours desquelles la patiente fait état de ses souhaits et où le médecin propose les interventions nécessaires pour les réaliser, l’absence d’urgence médicale permettant un délai de réflexion, qu’il s’ensuit un dialogue entre le médecin et son patient qui, en l’espèce, s’est maintenu pendant de nombreuses années.
« Le Docteur LF produit à l’expertise et aux débats un exemplaire des imprimés d’information qu’elle dit remettre systématiquement à ses patients avant l’intervention, que ces documents concernent la rhinoplastie, la blépharoplastie esthétique et la plastie mammaire de réduction pour hypertrophie, qu’outre les imprimés émanant de la Société Française de Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, elle a également établi ses propres imprimés d’information.
« Ces documents sont particulièrement détaillés quant à la nature de l’intervention, au type d’anesthésie, aux suites opératoires, au résultat et aux complications envisageables.
« Il n’est pas établi que ces documents seraient des faux établis pour les besoins de la cause.
« Il résulte donc des pièces produites, de la très longue durée de la relation entre le Dr LF et sa patiente, du grand nombre d’interventions effectuées pendant cette période et, par voie de conséquence, des relations contractuelles suivies qui ont existé, qu’il y a un faisceau de présomptions suffisantes, au sens de l’article 1353 du code civil, pour établir que le médecin a fourni à sa patiente pendant toute cette période une information suffisante lui permettant de donner son consentement éclairé aux diverses interventions effectuées. »
La patiente est déboutée de toutes ses demandes contre le chirurgien esthétique mais ne lui paie que 1 500 € au titre de ses frais de défense…

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Chirurgie esthétique = actes de soins (Cassation, 1ère ch. civ, 5 février 2014, n° 12-29140)
Isabelle Lucas-Baloup

    Le 11 décembre 2002, Elise X, âgée de 22 ans, admise dans une clinique parisienne du 18ème arrondissement, pour une liposuccion des cuisses, décède des suites d’un malaise cardiaque provoqué, avant l’anesthésie, par deux produits sédatifs. Le Tribunal saisi déclare le chirurgien et l’anesthésiste responsables d’un manquement à leur obligation de conseil, la patiente ayant été opérée dans les 48 heures de la consultation avec le chirurgien esthétique et privée du délai de réflexion de 15 jours fixé par l’article L. 6322-2 du CSP au cours duquel elle aurait pu renoncer à l’intervention, provoquant une perte de chance de renoncer à l’intervention à hauteur de 30%, mais que ces deux médecins n’ont pas commis de faute médicale et que l’accident ouvre droit à la réparation au titre de la solidarité nationale, conduisant l’ONIAM à indemniser à hauteur de 70% des préjudices dont réparation était demandée par la famille d’Elise.

   En appel, la Cour retient que « l’administration en préopératoire de deux médicaments sédatifs, destinés à calmer les angoisses éprouvées par Elise, constitue, contrairement à ce que soutient l’ONIAM, un acte de soins dont les conséquences ont été anormales pour la patiente au regard de son état de santé et de l’évolution prévisible de celui-ci, qui rentre dans le champ des dispositions de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique ». En ce qui concerne le caractère anormal des conséquences de l’accident au regard de l’état de santé de la victime et de l’évolution prévisible de celui-ci, l’expert judiciaire indique que « l’analyse du dossier médical, la prise en compte des données anatomopathologiques, permet de rattacher le trouble du rythme ventriculaire à l’origine de l’arrêt circulatoire irréversible à une cardiopathie arythmogène dont souffrait Melle Elise et qui n’était pas symptomatique avant l’anesthésie » et que « des troubles du rythme ventriculaire graves peuvent survenir après l’administration de médicaments, modifiant peu l’électrophysiologie cardiaque comme l’atropine », médicament qui a été administré à la victime avec du midazolam ».

   L’arrêt de la Cour d’appel de Paris (5 octobre 2012, 2ème ch. du pôle 2) avait condamné en conséquence le chirurgien plasticien, l’anesthésiste et l’ONIAM au paiement de dommages-intérêts aux proches au titre notamment d’un préjudice d’affection en raison de la perte brutale d’un être cher, remboursement des frais d’obsèques et autres dépenses.

 
   L’ONIAM a engagé un pourvoi en cassation et soutenait notamment « que les actes de chirurgie esthétique, qui tendent à modifier l’apparence corporelle d’une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice, ainsi que les actes médiaux qui leur sont préparatoires, ne sont pas des actes de prévention, de diagnostic ou de soins au sens de l’article L. 1142-1 II du CSP, qui prévoit, sous certaines conditions, la réparation, au titre de la solidarité nationale, des préjudices du patient et de ses ayants droit en cas d’accident médical directement imputable à un tel acte, lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement médical n’est pas engagée ».

   La Cour de cassation rejette clairement le pourvoi en affirmant « Les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322-1 et L. 6322-2 du CSP, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l’article L. 1142-1 du même code. » L’ONIAM doit donc indemniser.

Un arrêt à ne pas manquer de produire à l’administration fiscale qui affirme, au contraire, que la chirurgie esthétique ne relève pas des actes de soins, dans le cadre notamment du débat sur la TVA
(cf. précédentes Lettres du Cabinet de décembre 2012 et janvier 2014 « TVA sur les soins ? »).

La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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Actes de soins Chirurgie esthétique

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Décisions récentes d'autorisation ou de refus de sites distincts pour les médecins
(CNOM, 22 mai 2008)
Isabelle Lucas-Baloup

Demande de 4ème site distinct, en clinique, une ou deux journées/mois, sans y consulter :
« Considérant que la demande du Dr T. répond, malgré la présence d’un stomatologue à Annemasse qui ne s’est d’ailleurs pas opposé à la création de ce nouveau site, à un intérêt pour la population d’Annemasse (30 600 habitants) et de son agglomération (56 700 habitants) ; que ce nouveau site permettra également de proposer aux patients du Dr T. résidant à Annemasse, dans un environnement chirurgical adapté, des interventions en chirurgie maxillo-faciale et en chirurgie plastique reconstructrice et esthétique de la face, une à deux fois par semaine, en leur évitant des déplacements vers ses autres sites d’exercice ; que le Dr T. apporte, de plus, la preuve de ce que la continuité des soins et la réponse aux urgences seront assurées tant par son organisation de travail que par la présence au sein de la clinique d’Annemasse d’un service Upatou ».

 

--> autorisation accordée.

 

La Lettre du Cabinet - Janvier 2010


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Décisions récentes d'autorisation ou de refus de sites distincts pour les médecins
(CNOM, 27 juin 2002)
Isabelle Lucas-Baloup

« Considérant que le Dr P., médecin spécialiste titulaire du DES de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, inscrite au tableau de l’Ordre des médecins de la ville de Paris, a sollicité du CDOM du Val d’Oise une autorisation d’exercer la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique en cabinet secondaire à Pontoise, où elle avait précédemment exercé en cabinet secondaire pendant deux ans à une autre adresse ; que le conseil départemental (…) a refusé l’autorisation aux motifs que le cabinet secondaire ne semblait pas totalement justifié par l’intérêt des malades dans la mesure où les interventions et les actes techniques ne sont pas réalisés dans le Val d’Oise ;
« Considérant qu’il résulte de l’instruction, compte tenu du domaine particulier de chirurgie reconstructrice mammaire dans lequel le Dr P. consulte, du bassin de population de Pontoise et ses environs, des besoins exprimés par le centre de radiothérapie et oncologie médicale de Pontoise qui traite plus de 300 cancers du sein par an, que l’intérêt des malades justifie l’autorisation du cabinet secondaire ; »

 

--> autorisation accordée.

 

La Lettre du Cabinet - Janvier 2010


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Chirurgie esthétique

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Décisions récentes d'autorisation ou de refus de sites distincts pour les médecins
(Conseil d'Etat, 19 juin 2000)
Isabelle Lucas-Baloup

« Considérant qu’un médecin doit être en mesurer d’assurer la continuité des soins de l’ensemble de ses patients, y compris ceux de son cabinet secondaire ; qu’ainsi le CNOM n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit en recherchant si le Dr G., installé à Besançon (Doubs), pouvait être en mesure d’exercer la continuité des soins et la réponse aux besoins urgents des patients du cabinet secondaire de chirurgie plastique, réparatrice et esthétique, qu’il entendait créer à Saint-Martin (Guadeloupe) ;
« Qu’en estimant que la distance entre les deux cabinets excluait cette possibilité, le CNOM n’a pas commis d’erreur d’appréciation. »

 

--> autorisation refusée.

 

La Lettre du Cabinet - Janvier 2010


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Chirurgie esthétique

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TVA sur les soins (suite)
Isabelle Lucas-Baloup

La Lettre du Cabinet de décembre 2012 présentait, suite au rescrit du 27 septembre 2012 dans lequel Bercy annonçait soumettre à la TVA, à compter du 1er octobre 2012, tous les actes de médecine et de chirurgie esthétique non remboursés par l’assurance maladie, un argumentaire très motivé contestant vigoureusement la position de l’Administration fiscale, en rappelant le droit communautaire, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) et le droit fiscal français. Un an plus tard, il est intéressant de faire à nouveau le point :

 

 

Droit communautaire :

 

   Rien de nouveau en 2013. L’article 132-1-(c) de la directive 2006/112/CE continue à exonérer « les prestations de soins à la personne effectuées dans le  cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné ».

 

 

 

Droit français :

 

   Aucune réforme n’est intervenue du code général des impôts, dont l’article 261, 4, 1° exonère clairement « les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées », sans la moindre discrimination selon la finalité thérapeutique ou pas de l’acte médical ou paramédical.

 

 

 

Jurisprudences intervenues en 2013 :

 

   Deux arrêts importants ont été rendus en 2013, un par la CJUE, l’autre par le Conseil d’Etat français :

 

Arrêt Skatteverket/PFC Clinic AB, 21 mars 2013, 3ème chambre de la CJUE, n° C-91/12 

 

   L’arrêt rendu par la Cour de Luxembourg affirme que l’article 132-1 (b) et (c) de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA doit être interprété en ce sens que :

 

- « des prestations de services […] consistant en des opérations de chirurgie esthétique et des traitements à vocation esthétique relèvent des notions de « soins médicaux » ou de « soins à la personne », au sens de ce § 1, sous (b) et (c), lorsque ces prestations ont pour but de diagnostiquer, de soigner ou de guérir des maladies ou des anomalies de santé ou de protéger, de maintenir ou de rétablir la santé des personnes »,

 

- « les simples conceptions subjectives que la personne qui se soumet à une intervention à vocation esthétique se fait de celle-ci ne sont pas, par elles-mêmes, déterminantes aux fins de l’appréciation du point de savoir si cette intervention a un but thérapeutique »,

 

- « les circonstances que des prestations telles que celles en cause au principal soient fournies ou effectuées par un membre du corps médical habilité, ou que le but de telles prestations soit déterminé par un tel professionnel, sont de nature à influer sur l’appréciation de la question de savoir si des interventions telles que celles en cause au principal relèvent des notions de « soins médicaux » ou de « soins à la personne », au sens, respectivement, de l’article 132, paragraphe 1, sous (b) de la directive 2006/112 et de l’article 132, paragraphe 1, sous (c), de cette directive […]. »

 

 

 

   L’arrêt écarte en conséquence comme critère l’avis personnel du patient mais retient celui du médecin pour déterminer si l’acte relève des « soins médicaux » ou des « soins à la personne ».

 

   Dans ses considérants qui précèdent la solution ci-dessus, la Cour précise au § 29, que les prestations qui ont pour but de traiter ou de soigner des personnes qui ont besoin d’une intervention de nature esthétique peuvent être exonérées en relevant de « soins médicaux » ou de « soins à la personne » ; « en revanche, lorsque l’intervention répond à des fins purement cosmétiques, elle ne saurait relever de ces notions ». Mais on peut objecter au caractère limitatif de ce critère – par ailleurs non prévu par l’article 132 de la directive - qu’il existe dans ces interventions « purement cosmétiques » le traitement d’une souffrance, qui entraîne souvent des effets psychologiques, sociaux, professionnels majeurs dans la vie d’une personne obsédée par ce qu’elle considère relever d’une imperfection physique, dont l’appréciation diffère d’un individu à l’autre et pouvant conduire à un désastre mental que le chirurgien esthétique aide à soulager, à atténuer, dès lors que l’intervention ne présente pas un risque supérieur à l’intérêt envisagé ; personne ne se fait opérer par plaisir et les chirurgiens esthétiques expliquent immarcesciblement qu’il soignent l’âme en même temps que la pseudo- ou la vraie disgrâce de ceux qui ne sont pas en accord avec eux-mêmes, avec leur enveloppe corporelle ou l’idée qu’ils s’en font. Il y a en conséquence derrière la plupart des interventions « purement cosmétiques » un soin médical à la personne dont la dimension thérapeutique doit être affirmée et qui conduit dès lors à l’exonération de TVA.

 

   D’autant plus qu’au § 33, l’arrêt mentionne expressément que les problèmes de santé visés par les opérations exonérées au titre de l’article 132-1 (b) ou (c) de la directive TVA peuvent être d’ordre psychologique. Ceci n’est que l’application de sa jurisprudence habituelle en la matière (cf. arrêts Dornier, C-45/01, du 6 novembre 2003 et Solleveld, C-443/04, du 27 avril 2006, sur l’exonération de soins consentis par des psychothérapeutes en Allemagne et aux Pays-Bas).

 

   Or, dans l’affaire Dornier, la Cour a expressément écarté le critère de la prise en charge par l’assurance maladie pour décider s’il y avait lieu à exonération ou non de TVA sur des traitements psychothérapeutiques dispensés dans un service de consultations externes par une fondation à l’aide de psychologues diplômés salariés non médecins : «[…] la seule circonstance que le coût de ces prestations n’est pas entièrement assumé par les institutions d’assurance sociale ne justifie pas une différence de traitement entre prestataires en ce qui concerne l’assujettissement à la TVA » (cf. point 75 de l’arrêt, accessible sur http://curia.europa.eu/juris).

 

   Le raisonnement par analogie est permis et conduit à l’affirmation que les arrêts ci-dessus condamnent le critère retenu aujourd’hui par l’administration fiscale française lié à la prise en charge de l’acte par l’assurance maladie.

 

   D’ailleurs, M. Pierre Sargos, président de chambre à la Cour de cassation, auteur d’un commentaire de l’arrêt du 21 mars 2013, écrivait, au Dalloz 2013, p. 912 : « L’arrêt Skatteverket rend cette question [préjudicielle à la CJUE qu’il appelait de ses vœux dans une précédente chronique au Dalloz 2012, p. 2903] inutile car le critère de l’exonération de la TVA retenu par l’instruction ministérielle française du 27 septembre 2012 et fondé sur la prise en charge par l’assurance maladie est incompatible avec l’interprétation du juge européen. ». Merci, M. le Haut Conseiller, de prendre ainsi une position claire dans ce combat franco-français dans lequel un certain nombre de commentateurs moins pertinents dénaturent le droit et la jurisprudence communautaires… 

 

 

 

Arrêt du 5 juillet 2013, 8ème et 3èmesous -sections réunies du Conseil d’Etat

 

   Le 2ème arrêt de l’année 2013 est moins favorable à l’exonération puisqu’il a débouté de leurs requêtes en annulation pour excès de pouvoir plusieurs demandeurs, notamment des syndicats de dermatologues, de chirurgiens esthétiques, de médecine morpho-esthétique et anti-âge, contre le rescrit n° 2012/25 publié le 27 septembre 2012.

 

   L’arrêt affirme d’abord (point 5) « qu’en prévoyant que, lorsqu’ils ne poursuivent pas une finalité thérapeutique, les actes de médecine et de chirurgie esthétique sont assujettis à la TVA, la décision attaquée se borne à réitérer la loi, laquelle est conforme aux objectifs des directives ainsi interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne. » Mais le Conseil d’Etat n’explique pas où la loi française prévoirait cette « finalité thérapeutique ». La loi française c’est uniquement l’article 261, 4, 1° qui exonère purement et simplement « les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées », sans la moindre discrimination selon le but thérapeutique ou pas de l’acte médical ou paramédical. Et il a été démontré que « l’interprétation des directives par la CJUE » ne conduit pas - loin s’en faut - à une notion de « finalité thérapeutique » qui exclurait de l’exonération les actes de chirurgie esthétique par nature (cf. sur cette notion, les arrêts concernés dans La Lettre du Cabinet de décembre 2012, p. 4 et suiv., arrêts qui n’utilisent la notion de « finalité thérapeutique » que pour refuser l’exonération à des prestations non médicales, telles que expertises et prestations accessoires et d’économie ménagère). Cette première affirmation de l’arrêt du Conseil d’Etat apparaît en conséquence extrêmement critiquable.

 

   Puis, en son point 6, l’arrêt français affirme « qu’en subordonnant le bénéfice de l’exonération de TVA des actes de médecine et de chirurgie esthétique à la condition qu’ils soient pris en charge totalement ou partiellement par l’assurance maladie, la décision attaquée explicite sans les méconnaître, pour les actes de chirurgie et de médecine esthétique, la portée des dispositions du 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts, lesquelles ne portent pas atteinte au principe de neutralité du système commun de TVA. ». Mais l’article 261, 4, 1° ne prévoit nullement cette condition ni ne l’autorise, pas plus que la jurisprudence communautaire qui a, au contraire, expressément écarté le critère de la prise en charge par l’assurance maladie dans l’affaire Dornier susvisée !

 

   Enfin, le Conseil d’Etat refuse aux demandeurs de poser une question préjudicielle à la Cour de Luxembourg, sans la moindre motivation. Or, l’article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) impose aux juridictions nationales « dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne » de saisir la CJUE, et ce n’est qu’à titre exceptionnel que la juridiction nationale peut s’en dispenser, lorsqu’elle constate que « la question n’est pas pertinente » ou que « la disposition communautaire en cause a déjà été l’objet d’une interprétation de la part de la Cour » ou encore que « l’application correcte du droit communautaire s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable » (cf. notamment Cour Européenne des Droits de l’Homme, arrêt Cilfit c/ Ministère de la santé, 283/81, Rec. 1982, p. 3415).

 

   Dans la mesure où le refus de saisir la CJUE à titre préjudiciel d’une question relative à l’application du droit communautaire a déjà été jugé comme emportant violation de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif au droit à un procès équitable, il est vraisemblable, mais je n’ai pas l’information, que les demandeurs déboutés ont saisi la Cour Européenne des Droits de l’Homme, siégeant à Strasbourg, contre l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 2013, ce qui devait être régularisé dans les 6 mois et donc le 5 janvier 2014 au plus tard.

 

 

 

Droit dans les autres pays membres de l’UE :

 

   En cet état qui conduit à la perplexité plutôt qu’à la confiance dans nos institutions judiciaires et gouvernementales, il était utile d’observer le traitement fiscal réservé aux prestations médicales dans les autres pays de l’Union européenne. Mon cabinet s’est donc livré à des recherches en cette matière, qui conduisent, sauf réforme récente ou erreur car l’information n’est pas toujours facile à obtenir, au constat ci-après :

 

   En Allemagne, Espagne, Irlande et Pays-Bas, les soins médicaux sont exonérés de TVA mais pas les actes de chirurgie esthétique à finalité purement cosmétique qui sont soumis à un taux de :

 

- 19 % en Allemagne

 

- 21 % en Espagne

 

- 13,5 % en Irlande

 

- 21 % aux Pays-Bas.

 

 

 

   Mais, dans chacun de ces quatre Etats, le droit fiscal national prévoit expressément l’exception à l’exonération de TVA pour les actes de chirurgie esthétique. Ce qui n’est pas le cas en France, puisque l’article 261, 4, 1° du code général des impôts exonère les soins dispensés aux personnes par les médecins sans aucune discrimination selon le but thérapeutique de l’acte.

 

 

 

En conclusion :

 

   Les médecins concernés disposent de solides arguments pour lutter, en l’état du droit français et communautaire, contre la position nouvelle de l’administration fiscale, qui n’a aucun pouvoir pour ajouter unilatéralement des éléments à l’article 261, 4, 1° du code général des impôts, lequel n’a pas été réformé, ce qui relève exclusivement du pouvoir parlementaire.

 

   Le Conseil d’Etat a annulé, à plusieurs reprises, des instructions de l’Administration fiscale ajoutant des dispositions nouvelles au code général des impôts français ou contraires au droit communautaire : par exemple, par un arrêt du 17 mai 2000 (8ème et 3ème sous-sections réunies, n° 199 306), le Conseil d’Etat a annulé les dispositions d’une circulaire du ministre de l’économie aux termes desquelles, en matière de TVA dans les établissements de restauration rapide, l’instruction ne s’était pas bornée à expliciter des dispositions du code général des impôts « mais y avait ajouté des dispositions nouvelles, de caractère réglementaire, qu’aucun texte ne l’autorisait à édicter ». Autre exemple d’annulation de dispositions d’une instruction par le Conseil d’Etat : celle de la directrice de la législation fiscale ayant limité, en matière de TVA, l’exception des ventes destinées à être consommées sur place à celles qui sont réalisées au moyen d’appareils de distribution automatique, disposition restreignant le champ d’application de l’article 278 du CGI considérée illégale par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 27 février 2006 (8ème et 3ème sous-sections réunies, n° 280 590).

 

   En matière de TVA sur les soins médicaux, à l’identique des espèces qui viennent d’être citées, l’Administration fiscale restreint le champ d’application de l’exonération prévue par l’article 261, 4, 1°, du code général des impôts qui ne prévoit aucune discrimination selon que les soins sont ou non pris en charge par l’assurance maladie.

 

   Pour l’ensemble de ces raisons, je persiste à considérer que l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet 2013 entre parmi ceux présentant « une rigueur scientifique pouvant appeler une déférente querelle », pour reprendre le très respectueux commentaire de M. le Professeur Mémeteau concernant une autre jurisprudence et qu’à l’occasion des contestations et réclamations qui vont avoir lieu, le débat continuera sur la pertinence du critère nouveau brutalement imposé par l’Administration française. 

 

 

La Lettre du Cabinet - Janvier 2014


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Chirurgie esthétique Médecine TVA

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TVA sur les soins ?...
Isabelle Lucas-Baloup

Michel Audiard nous avait prévenus : « Le jour est proche où nous n’aurons plus que l’impôt sur les os »…

Le 27 septembre 2012, l’Administration fiscale a publié, au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts, sa position sur les « Condition d’éligibilité des actes de médecine et de chirurgie esthétique à l’exonération de TVA prévue par l’article 261-4-1° du code général des impôts, accessible sur le site : http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1139-PGP, et reproduite ci-après :


« TVA – Conditions d’éligibilité des actes de médecine
et de chirurgie esthétique à l’exonération de TVA prévue
par l’article 261-4-1° du code général des impôts :

« La décision de rescrit du 10 avril 2012 prévoyant de soumettre à la TVA les actes de médecine et de chirurgie esthétique ne poursuivant pas une finalité thérapeutique (RES n° 2012/25) a été suspendue dans l’attente des conclusions du groupe de travail, piloté par la Direction de la législation fiscale, avec les organisations représentatives du secteur de la santé.
« A l’issue de cette consultation, les critères d’éligibilité de ces actes à l’exonération de TVA prévue au 1° du 4 de l’article 261 du code général des impôts (CGI) retenus dans le rescrit initial sont confirmés.
« Aussi, les actes de médecine et de chirurgie à visée esthétique non remboursés par la sécurité sociale ne peuvent bénéficier de l’exonération de TVA relative aux prestations de soins rendues aux personnes.
« Par mesure de tempérament, cette interprétation ne donnera lieu ni à rappel, ni à restitution de TVA au titre des actes de médecine et de chirurgie esthétique effectués antérieurement au 1er octobre 2012. »

Les éléments ci-après permettent de soutenir que :

- la position récente de l’Administration fiscale française ne met pas en œuvre exactement la Directive 2006/112/CE,

- elle ajoute aux critères d’exonération des conditions que ni l’article 132-1-c) de la Directive ni l’article 261-4-1° du code général des impôts français ne prévoient,

- elle met en œuvre abusivement et à tort les termes « à finalité thérapeutique » qu’elle prétend tirer de deux arrêts du 20 novembre 2003 de la Cour de justice de Luxembourg qui n’ont fait qu’écarter les prestations d’expertise médicale du champ d’application de l’exonération.

Le droit français de la TVA doit respecter le droit communautaire :
Quel est le droit communautaire ?


Droit actuel :

Article 132-1-c) de la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (Journal officiel de l’Union européenne, n° L. 347 du 11/12/2006, p.1 – 118) :

« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes :
a) […]
b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ;
c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ; […]. »

Dans la version anglaise :

« c) the provision of medical care in the exercise of the medical and paramedical professions as defined by the Member State concerned ;” 

-->  il n’est pas question de “but thérapeutique”, mais de « soins à la personne », de « medical care » dans la version en anglais.

Droit antérieur :

Il est utile à connaître, car un certain nombre d’arrêts et de commentaires visent « la 6ème Directive » en matière de TVA. Il s’agit alors de l’article 13-A-1-c) de la Sixième Directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes, en date du 17 mai 1977, prise « en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires — Système commun de taxe sur la valeur ajoutée » (JOUE, L 145, p. 1), lequel est rédigé en termes totalement identiques :

« Article 13 : Exonérations à l'intérieur du pays
A. Exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général : […]
b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ;
c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ; […]. ».

Quel est le droit français ?

Article 261 du code général des impôts :

« Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : […]
4. Professions libérales et activités diverses :
1° : Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, par les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur et par les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d'un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recruté comme psychologue dans la fonction publique hospitalière ainsi que les travaux d'analyse de biologie médicale et les fournitures de prothèses dentaires par les dentistes et les prothésistes ;
1° bis : les frais d'hospitalisation et de traitement, y compris les frais de mise à disposition d'une chambre individuelle, dans les établissements de santé privés titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique » ;

Pour mémoire, le texte de l’article L. 6122-1 du CSP prévoit :

« Sont soumis à l'autorisation de l'agence régionale de santé les projets relatifs à la création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d'alternatives à l'hospitalisation ou d'hospitalisation à domicile, et l'installation des équipements matériels lourds.
« La liste des activités de soins et des équipements matériels lourds soumis à autorisation est fixée par décret en Conseil d'Etat. 

--> Le texte légal français qui définit l’exonération est quasiment identique au texte de droit communautaire et vise les soins médicaux et paramédicaux, sans la moindre discrimination entre le but thérapeutique ou pas. 

--> Il ne devrait donc pas exister de débat sur chirurgie « esthétique » ou pas, prise en charge par l’assurance maladie ou pas, dès lors que ni le droit communautaire ni le droit interne français qui l’a transposé n’imposent ce critère, lorsque le « soin » est dispensé par un professionnel médecin ou paramédical réglementé.


Quelle est la pertinence du rescrit qui a provoqué le débat ?
Le rescrit concerné :

Les contribuables peuvent interroger l’Administration fiscale pour obtenir sa position sur un point de droit (article L 80 A du livre des procédures fiscales) ou de fait (article L 80 B 1° du même code). Une prise de position formelle et publiée lie l’Administration et lui est opposable.

En l’espèce, le rescrit qui a déclenché la polémique actuelle a été publié le 10 avril 2012, sur le site http://doc.impots.gouv.fr, sous la référence RES N° 2012/25 (TCA), sous le titre :

« Conditions d’éligibilité des actes de médecine esthétique à l’exonération de TVA prévue par l’article 261-4-1° du code général des impôts ». Le rescrit indique que « […] une consultation est en cours sur le critère déterminant de la finalité thérapeutique des actes réalisés, au sein d’un groupe de travail avec les organisations représentatives du secteur de la santé, piloté par la Direction de la législation fiscale. Dans l’attente des résultats de ces travaux, le droit en vigueur reste applicable. »

Par lettre du 3 mai 2012, Madame Valérie Pécresse, ministre du Budget, a demandé à l’Administration d’organiser « un groupe de travail avec les représentants du secteur médical ». Une concertation a eu lieu à Bercy le 23 mai, à l’issue de laquelle il a été demandé aux organisations de médecins représentés d’établir une note détaillant leur position et leurs propositions. C’est ainsi que, le 2 juin 2012, a été publiée une note intitulée « Soumission à la TVA des actes de médecine et chirurgie esthétique », impliquant les syndicats et sociétés savantes ci-après :

- le Syndicat de Médecine Morpho-Esthétique et Anti-Age (SYMEA),
- le Syndicat National de Médecine Morphologique et Anti-Age (SNMMAA),
- le Syndicat des Mésothérapeutes Français (SMF),
- l’Union Collégiale,
- le Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG),
- SAGA-MG,
- la Société Française de Médecine Morphologique et Anti-Age (SOFMMAA),
- la Société Française de Dermatologie Chirurgicale et Esthétique (SFDCE),
- le Groupe de Recherche en Chirurgie Dermatologique (GRCD).

Il s’en est suivi la publication au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts, le 27 septembre 2012, de la position de l’Administration fiscale française par le document de 16 pages introduit par le texte en encadré ci-après : 

La position nouvelle de l’Administration fiscale est la suivante :

« Conformément à l’article 132-1-c) de la Directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, « les prestations de soins à la personne effectués dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné » sont exonérées.
« Cette disposition a été transposée à l’article 261-4-1° du CJI selon lequel les soins dispensés aux personnes, notamment par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées, sont exonérées de TVA.
« Concernant la condition tenant à la nature des soins, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE)1 a précisé que seules les prestations à finalité thérapeutique, entendues comme celles menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé sont susceptibles de bénéficier de l’exonération de TVA.
« S’agissant de la condition tenant à la qualification du praticien, seuls les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris en application d’une telle disposition sont susceptibles d’entrer dans le champ de cette exonération.
« Il s’agit essentiellement des professions visées par la quatrième partie du code de la santé publique (CSP) mais également de professions2 qui, bien que visées par ces dispositions, fournissent des prestations reconnues comme de qualité identique qui doivent, à ce titre, bénéficier également de l’exonération pour respecter le principe de neutralité de la TVA3 .
« En matière de médecine esthétique par conséquent, les actes pratiqués par les médecins ne sont éligibles à l’exonération que dans la mesure où ils sont considérés comme poursuivant une finalité thérapeutique. Aussi, les actes à visée purement esthétique, qui ne peuvent être considérés comme poursuivant un tel but, doivent être soumis à la TVA.
« A cet égard, peuvent être considérés comme poursuivant une finalité thérapeutique et donc bénéficier de l’exonération les actes pris en charge totalement ou partiellement par l’Assurance maladie, c’est-à-dire notamment les actes de chirurgie réparatrice et certains actes de chirurgie esthétique justifiés par un risque pour la santé du patient ou lié à la reconnaissance d’un grave préjudice psychologique ou social.
_____________
1 Arrêts du 20 novembre 2003, aff. C-212/01 « Margarete Unterpertinger » et aff. C-307/01 « Peter d’Ambrumenil ».
2 Notamment les praticiens autorisés à faire usage légalement du titre d’ostéopathe et les psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes titulaires d’un des diplômes requis, à la date de sa délivrance, pour être recrutés comme psychologues dans la fonction publique hospitalière.
3 En application duquel un traitement identique doit être appliqué à des opérations identiques. »


--> Ainsi, pour l’Administration fiscale :

- les deux arrêts du 20 novembre 2003 de la CJCE autorisent une discrimination des soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales mentionnées à l’article 261-4-1° selon leur finalité, « thérapeutique ou pas » ;
- le statut tarifaire de l’acte, « pris en charge ou pas » par l’Assurance maladie, permet de déduire s’il est exonéré de la TVA, ou pas. 

--> Cette interprétation publiée s’avère très contestable au regard du droit positif, communautaire et interne français.


Contestation des affirmations de l’Administration française :
La Directive exonère « les soins à la personne »


Comme rappelé ci-dessus, l’article 132-1-c) de la Directive TVA exonère « les prestations de soins à la personne effectués dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné ».

Ce faisant, le Conseil de l’Union Européenne n’a pas imposé une lecture du mot « soins » qui impliquerait un but thérapeutique. En revanche, la CJCE a utilisé ce qualificatif pour distinguer, dans l’activité des professions médicales et paramédicales réglementées, les actes de soins sur la personne des autres actes réalisés par ces professionnels qui n’ont pas directement une finalité sur la santé de la personne, telles que leurs activités accessoires, missions d’expertise, de conseil ou autres.


La jurisprudence de la CJCE :

La Cour de Luxembourg (Cour de Justice des Communautés européennes, aujourd’hui dénommée Cour de Justice de l’Union européenne, CJUE) n’a pas statué dans le sens dont se prévaut l’Administration fiscale française, laquelle illustre sa discrimination en citant deux arrêts du 20 novembre 2003, aff. C-212/01 « Margarete Unterpertinger » et aff. C-307/01 « Peter d’Ambrumenil ». Mais ces deux décisions, si elles comportent le mot « thérapeutique », ne conduisent pas à exclure la chirurgie esthétique des soins à la personne exonérés :

• Affaire Margarete Unterpertinger, C-212/01, arrêt du 20 novembre 2003 :

Cette affaire est intervenue à la suite d’une question préjudicielle déférée par le Landesgericht Innsbruck (Autriche), siégeant en tant que Tribunal des affaires sociales et du travail, à la Cour de Justice. L’activité en cause du médecin consistait à déterminer, en qualité d’expert, le degré d’invalidité d’une personne aux fins de statuer sur le bien-fondé d’une demande de pension d’invalidité. La CJCE juge que :

« L’exonération de la TVA prévue ne s’applique pas à la prestation d’un médecin consistant à établir un rapport d’expertise relatif à l’état de santé d’une personne en vue d’étayer ou d’infirmer une demande de versement d’une pension d’invalidité. »

Dans son argumentaire, l’arrêt développe :

« S’agissant de la notion de « prestations de soins à la personne », la Cour a déjà jugé au point 18 de son arrêt D., précité, et réaffirmé au point 38 de son arrêt Kügler, précité, que cette notion ne se prête pas à une interprétation incluant des interventions médicales menées dans un but autre que celui de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé.
« S’il découle de cette jurisprudence que les « prestations de soins à la personne » doivent avoir un but thérapeutique, il ne s’ensuit pas nécessairement que la finalité thérapeutique d’une prestation doive être comprise dans une acception particulièrement étroite (voir, en ce sens, arrêt Commission/France, précité, point 23). En effet, il ressort du point 40 de l’arrêt Kügler, précité, que les prestations médicales effectuées à des fins de prévention peuvent bénéficier d’une exonération au titre de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive. Même dans les cas où il s’avère que les personnes qui font l’objet d’examens ou d’autres interventions médicales à caractère préventif ne souffrent d’aucune maladie ou anomalie de santé, l’inclusion desdites prestations dans la notion de « prestations de soins à la personne » est conforme à l’objectif de réduction du coût des soins de santé, lequel est commun tant à l’exonération prévue à l’article 13, paragraphe 1 sous b), de la sixième Directive qu’à celle prévue au même paragraphe sous c) (voir arrêts précités Commission/France, point 23, et Kügler, point 29).
« En revanche, les prestations médicales effectuées dans un but autre que celui de protéger y compris de maintenir ou de rétablir la santé des personnes ne peuvent, selon cette même jurisprudence, bénéficier de l’exonération prévue à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive. Il convient d’observer que, eu égard à leur finalité, l’assujettissement de ces prestations à la TVA n’est pas contraire à l’objectif de réduire le coût des soins de santé et de rendre ces derniers plus accessibles aux particuliers. […]
« Lorsqu’une prestation consiste à réaliser une expertise médicale, il apparaît que, bien que l’accomplissement de cette prestation fasse appel aux compétences médicales du prestataire et puissent impliquer des activités typiques de la profession de médecin, telles que l’examen physique du patient ou l’analyse de son dossier médical, la finalité d’une telle prestation n’est pas de protéger, y compris maintenir ou rétablir, la santé de la personne concernée par l’expertise. Une telle prestation, qui a pour objet d’apporter une réponse aux questions identifiées dans le cadre de la demande d’expertise, est effectuée dans le but de permettre à un tiers de prendre une décision produisant des effets juridiques à l’égard de la personne concernée ou d’autres personnes. […] » 

--> L’arrêt exprime clairement que l’exonération de TVA ne vise que les soins à la personne et non pas d’autres actions n’ayant pas pour finalité la santé de la personne, telle une expertise médicale ordonnée pour déterminer le droit éventuel à une pension d’invalidité.

• Affaire Peter d’Ambrumenil, C-307/01, arrêt du 20 novembre 2003 :

Ce deuxième arrêt cité à l’appui de la position de l’Administration française concernait une question préjudicielle posée à la CJCE par le London Tribunal Center (Royaume Uni) à propos de l’exonération ou pas des prestations d’un médecin généraliste, le Docteur Peter d’Ambrumenil, lequel avait fondé une société à responsabilité limitée « Dispute Resolution Services Limited » qui fournissait une série de services tels que :
- examens médicaux de particuliers réalisés au profit de leur employeur ou de leur assureur,
- certificats médicaux relatifs par exemple à l’aptitude physique à voyager ou à recevoir une pension de guerre,
- expertises médicales portant sur des lésions corporelles ou établissant des erreurs médicales à l’occasion de procès en responsabilité.

Evidemment, il a encore été ici question de la finalité de la prestation et c’est dans ce cadre que l’expression « but thérapeutique » a été utilisée, aux lieu et place de « prestations de soins à la personne » pour distinguer l’établissement de ces rapports d’expertise et autres certificats relevant du contentieux ou des démarches administratives des traitements médicaux qui visent à maintenir ou à rétablir la santé, c’est-à-dire l’objectif thérapeutique de l’intervention du médecin, par son rôle différent d’expert en évaluations diverses de préjudices ou de capacité de la personne à voyager, à pratiquer un sport, à être assurée, à travailler, etc.

Il est donc totalement cohérent avec l’affaire précédente que la CJCE ait refusé l’exonération de TVA à ces prestations qui ne constituent pas là non plus des « soins à la personne ». 

--> Il est singulier que l’Administration française croie possible de tirer de ces deux arrêts la conclusion que « la CJCE a précisé que seules les prestations à finalité thérapeutique, entendues comme celles menées dans le but de prévenir, de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé, sont susceptibles de bénéficier de l’exonération de TVA. » en visant ces deux arrêts.

La CJCE, dans les deux décisions du 20 novembre 2003, cite d’autres arrêts préalablement prononcés par elle dont aucun ne permet la discrimination opérée par l’Administration française :


• Affaire D., C-384/98, arrêt du 14 septembre 2000 :

Il s’agit ici encore d’une question posée par une juridiction autrichienne dans le contexte ci-après : le Docteur Rosenmayr avait été nommé en qualité d’expert chargé d’établir, sur la base d’un examen génétique, si la demanderesse pouvait être un enfant du défendeur. Le litige a été élevé en raison d’une contestation de la facturation de la TVA sur la note d’honoraires de l’expert intervenu dans ce procès en recherche de paternité. La CJCE a jugé n’y avoir lieu à exonération « les prestations médicales consistant non pas à délivrer des soins aux personnes, en diagnostiquant et en traitant une maladie ou toute autre anomalie de santé, mais à établir, par des analyses biologiques, l’affinité génétique d’individus. », en précisant notamment :

« S’agissant de la question de savoir si l’examen génétique qu’un médecin pratique aux fins de recherche de paternité relève de la notion de « prestations de soins à la personne » […], il convient de comparer les différentes versions linguistiques de cette disposition, ainsi que l’exige l’interprétation uniforme du droit communautaire. […] A cet égard […] hormis la version italienne, toutes les versions de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive se réfèrent aux seules prestations médicales concernant la santé des personnes. Il importe de relever notamment que les versions allemande, française, finnoise et suédoise utilisent la notion de traitements thérapeutiques ou de soins apportés à la personne.
« Force est de constater que cette notion de « prestations de soins à la personne » ne se prête pas à une interprétation incluant des interventions médicales menées dans un but autre que celui de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé.
« Dès lors, les prestations n’ayant pas un tel but thérapeutique doivent, compte tenu du principe de l’interprétation stricte de toute disposition visant à instaurer une exonération de la taxe sur le chiffre d’affaires, être exclues du champ d’application de l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive et sont donc soumises à la TVA. » 

--> Nous sommes toujours dans une prestation d’expertise à des fins judiciaires et non pas directement de soins à la personne, même si l’expertise est conduite par un médecin.


• Affaire Commission des Communautés européennes c/ République française, C-76/99, arrêt du 11 janvier 2001 :

La Commission avait introduit un recours visant à faire constater que la République française, en percevant la TVA sur les indemnités forfaitaires de prélèvements d’analyses médicales, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la sixième Directive. C’est le sens de l’arrêt défavorable à l’Etat français et là encore le texte même de la décision de la CJCE doit être rappelé pour éviter que le même Etat français en 2012 n’interprète à nouveau la Directive dans une acception défavorable à l’exonération :

« […] Il convient en premier lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si, en vertu de la […] sixième Directive, les Etats membres fixent les conditions des exonérations afin d’en assurer l’application correcte et simple et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels, ces conditions ne sauraient porter sur la définition du contenu des exonérations prévues […]. Dans cette perspective, l’assujettissement à la TVA d’une opération déterminée ou son exonération ne sauraient dépendre de sa qualification en droit national [...]. »


• Affaire Kügler, C-141/00, arrêt du 10 septembre 2002 :

Kügler était une société de droit allemand gérant un service de soins ambulatoires, qui assistait des personnes qui, en raison de leur état physique, étaient dépendantes de l’aide d’autres personnes ou qui se trouvaient dans un état de dépendance économique. La société Kügler donnait des soins médicaux, des soins généraux et des aides à domicile, qui englobaient les courses, la cuisine, le nettoyage de l’habitation ainsi que le blanchissage. Diverses questions étaient posées à la Cour de Luxembourg à titre préjudiciel s’agissant notamment d’une société de capitaux qui fournissait des prestations médicales et paramédicales par l’intermédiaire de personnes possédant les qualifications professionnelles requises. La CJCE a jugé que :

« L’exonération visée à l’article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive 77/388 s’applique aux prestations de soins à caractère thérapeutique effectuées par une société de capitaux gérant un service de soins ambulatoires fournies, y compris à domicile, par du personnel infirmier qualifié, à l’exclusion des prestations de soins généraux et d’économie ménagère. » 

--> En conclusion, là encore s’il s’agit directement de prestations infirmières fournies par du personnel réglementé, l’entreprise est exonérée de TVA. Elle ne l’est pas pour les services d’économie ménagère.

D’autres arrêts ont été rendus sans qu’aucun ne permette la discrimination imposée par l’Administration fiscale française. En revanche, il est utile de connaître l’existence d’une autre affaire actuellement en cours à Luxembourg, dont la solution à intervenir orientera sensiblement le débat :


• Affaire PCF Clinic sur la chirurgie esthétique, C-91/12, en cours :

Le dossier a été introduit par une question préjudicielle émanant d’une juridiction suédoise (Högsta förvaltningsdomstolen) dans les termes ci-après :

« 1) L’article 132, paragraphe 1, sous b) et c) de la Directive TVA(1) doit-il être interprété comme signifiant que l’exonération qui y est prévue couvre des prestations de service telles que celles qui sont en cause dans cette affaire, et qui consistent en
a) opérations de chirurgie esthétique,
b) traitements esthétiques ?
« 2) Cette appréciation est-elle modifiée si les opérations ou traitements sont effectués dans un but de prévention ou de traitement de maladies, lésions corporelles ou blessures ?
« 3) Si le but doit être pris en compte, l’idée que le patient se fait de l’objet de l’intervention doit-elle entrer en considération ?
« 4) Faut-il, pour cette appréciation, accorder quelque importance à la question de savoir si l’intervention est effectuée par un membre du corps médical habilité, ou au fait que le but de l’intervention est décidé par un tel professionnel ?
__________
(1) Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, JO L 437, p. 1 »

--> Il est regrettable que l’Administration française n’ait pas pris la sage décision d’attendre l’arrêt qui sera rendu par la CJUE en réponse à cette question préjudicielle, dans la première affaire concernant directement la chirurgie esthétique. 

--> Une action utile des syndicats de médecins français et sociétés savantes serait de convaincre l’Etat français de différer la mise en œuvre de son interprétation nouvelle dans cette attente.


Le critère erroné de la prise en charge de l’acte de chirurgie par l’assurance maladie :

Dans aucun texte légal ou réglementaire, de droit communautaire ou de droit interne, dans aucune jurisprudence, de la CJUE ou du Conseil d’Etat, le critère de la prise en charge de l’acte médical par l’assurance maladie n’est prévu comme critère de l’exonération de TVA.


En ce qui concerne la chirurgie esthétique, il n’existe pas de définition par la loi de l’acte de chirurgie esthétique. L’article R. 6322-1 du code de la santé publique dispose :

« Sont soumises aux dispositions du présent chapitre les installations où sont pratiqués des actes chirurgicaux tendant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice. »

L’article L. 6322-1 du même code, figurant dans un Titre intitulé « Autres services de santé », à un chapitre « Chirurgie esthétique », indique quant à lui, en son dernier alinéa, que : « L'activité [relative à une intervention de chirurgie esthétique], objet de l'autorisation, n'entre pas dans le champ des prestations couvertes par l'Assurance Maladie au sens de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. »

Le Guide méthodologique de production des informations relatives à l'activité médicale et à sa facturation en médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie (cf. Bulletin officiel juin 2012, fascicule spécial n° 2012/6 bis, annexe II de l'arrêté du 20 décembre 2011 modifiant l'arrêté du 22 février 2008 modifié), précise que :

« Cas particuliers : certaines situations de traitement unique chirurgical imposent pour le codage du DP l’emploi de codes des catégories Z40 à Z52 de la CIM–1017. Sont spécialement dans ce cas les hospitalisations dont le motif a été l’un des suivants :
1°) Un acte de chirurgie esthétique : on désigne ainsi toute intervention de chirurgie plastique non prise en charge par l’assurance maladie obligatoire. Dans ce cas le DP doit toujours être codé Z41.0 ou Z41.1, à l’exclusion de tout autre code. [Règle T4] […],
2°) Un acte de chirurgie plastique non esthétique, de réparation d’une lésion congénitale ou acquise, pris en charge par l’assurance maladie obligatoire : le DP doit être codé avec un code des chapitres I à XIX ou un code de la catégorie Z42. [Règle T5] […],
3°) Une intervention dite de confort : on désigne par intervention « de confort » un acte médicotechnique non pris en charge par l’assurance maladie obligatoire, autre que la chirurgie esthétique. Le DP de ces séjours doit être codé Z41.80 Intervention de confort, à l’exclusion de tout autre code. [Règle T6]
« S’agissant d’intervention « de confort », la règle est la même que pour la chirurgie esthétique. Si le médecin souhaite coder le motif de la demande, il peut l’être comme DR mais pas comme diagnostic associé (par exemple, hospitalisation pour traitement chirurgical de la myopie : DP Z41.80, DR H52.1 Myopie).
« Il ne s’impose pas au responsable de l’information médicale ou au codeur de trancher entre chirurgie esthétique et autre chirurgie plastique ou bien de décider qu’une intervention est de confort. Il s’agit d’un choix qui est de la responsabilité du médecin qui effectue l’intervention, en cohérence avec la prise en charge par l’assurance maladie obligatoire.
« On rappelle qu’un acte médicotechnique non pris en charge par l’assurance maladie obligatoire, autre que la chirurgie esthétique, est considéré comme une intervention « de confort ». Le DP du séjour doit être codé Z41.80 Intervention de confort, à l’exclusion de tout autre code. [Règle T6]. »

En d’autres termes, les « actes chirurgicaux tendant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice » doivent être réalisés dans une « installation » disposant de l’autorisation administrative spécifique mentionnée à l’article L. 6322-1 du CSP. Cette activité n’est pas prise en charge par l’assurance maladie. A l’inverse, les actes chirurgicaux tendant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande ou non, à visée thérapeutique ou reconstructrice n’ont pas spécifiquement à être réalisés dans une telle « installation » et ne sont pas concernés par le dernier alinéa de l’article L. 6322-1 du CSP. Dans ces conditions, s’il existe, dans certaines situations, une relation entre « acte de chirurgie esthétique » et « prise en charge par l’assurance maladie », cette dernière notion ne saurait justifier la discrimination brutalement opérée par l’Administration française, en matière de TVA.

Dans les autres disciplines médicales et paramédicales, la même question doit être posée relative non pas à la prise en charge de l’acte par l’assurance maladie, mais à sa nature de « prestation de soins à la personne effectuée dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné » (cf. toujours l’article 132-1-c) de la Directive 2006/112/CE).

A quoi la proposition « telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné » se rapporte-t-elle : aux prestations (ce qui laisserait une marge de liberté aux Etats membres), ou aux professions ? La solution a été clairement donnée par un arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) au sujet des professions de physiothérapeute et de psychothérapeute, du 27 avril 2006 (cf. affaire « H. A. Solleveld », C-443/04 et affaire « J. E. van den Hout-van Eijnsbergen », C-444/04), mentionnant notamment que :

« Selon une interprétation littérale de l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive, pour que le praticien puisse bénéficier de l'exonération prévue par cette disposition, il doit satisfaire à deux conditions, à savoir, d'une part, fournir des « prestations de soins à la personne » et, d'autre part, celles-ci doivent être « effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ».
« En l'espèce, il n'est pas contesté que les traitements dispensés par les requérants au principal [cf. « activités dites de « diagnostic des champs de perturbation » » et « activités de psychothérapeute »] constituent des soins à la personne au sens de cette disposition, dès lors que ces traitements sont menés dans le but de diagnostiquer, de soigner et, dans la mesure du possible, de guérir des maladies ou anomalies de santé, poursuivant de la sorte une finalité thérapeutique (arrêt du 20 novembre 2003, d'Ambrumenil et Dispute Resolution Services, C-307/01, Rec. p. I-13989, point 57).
« En revanche, les questions posées par la juridiction de renvoi portent sur le point de savoir si lesdits traitements peuvent être considérés comme ayant été effectués dans le cadre de l'exercice des professions médicales ou paramédicales, telles que définies par la réglementation nationale, conformément à la seconde condition énoncée à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive.
« […] Il ressort clairement du libellé de l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive que cette disposition ne définit pas elle-même la notion de «professions paramédicales», mais qu'elle renvoie sur ce point à la définition qui est retenue par la réglementation interne des États membres.
« Dans ces conditions, il appartient à chaque État membre de définir, dans son propre droit interne, les professions paramédicales dans le cadre desquelles l'exercice des soins à la personne est exonéré de la TVA, conformément à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c), de la sixième Directive. La Cour a déjà jugé que cette disposition accorde aux États membres un pouvoir d'appréciation à cet égard (arrêt du 6 novembre 2003, Dornier, C-45/01, Rec. p. I-12911, point 81).
« Ce pouvoir d'appréciation englobe non seulement celui de définir les qualifications requises pour exercer lesdites professions, mais également celui de définir les activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions. En effet, dès lors que les différentes qualifications acquises par les prestataires ne préparent pas nécessairement ces derniers à fournir tous les types de soins, un État membre est en droit de considérer, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, que la définition des professions paramédicales serait incomplète si elle se limitait à imposer des exigences générales quant à la qualification des prestataires, sans préciser les soins pour lesquels ceux-ci sont qualifiés dans le cadre de ces professions. »

Par un récent arrêt n° 335293 du 27 juillet 2012, le Conseil d'État a adopté cette position dans une affaire intéressant l'activité d'ostéopathe. La Cour d’appel de Lyon en avait précédemment fait de même, au sujet d’un masseur-kinésithérapeute, dans un arrêt n° 11LY02137 du 28 avril 2012.

Ainsi, pour toutes les spécialités médicales et paramédicales encadrées par la réglementation nationale, quand la qualification du professionnel n’est pas en cause, seule la définition des prestations de soins à la personne doit être examinée.


La définition des « soins » à la personne :

Quand votre coiffeur vous demande après le champoing « je vous fais un soin ? », l’exonération prévue par l’article 132-1-c) de la Directive 2006/112/CE ne s’applique pas parce que la profession de coiffeur ne relève pas des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre. Au contraire, lorsque votre ophtalmologiste réalise une opération de chirurgie réfractive la prestation relève bien des soins à la personne. D’ailleurs les contraintes légales et réglementaires que doivent observer les professionnels de santé en matière de soins à la personne ne s’arrêtent pas en droit français à ce qui est « thérapeutique » ou « pris en charge par l’assurance maladie », il suffit de relire le code de la santé publique pour écarter la tentative de discrimination nouvelle à ce titre, notamment dans ses dispositions relatives à la déontologie médicale :

- article R. 4127-8 : « la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins » qui doivent faire l’objet d’une appréciation par le praticien du « bénéfice/risque » antérieure à l’acte, fondée sur l’adage primum non nocere, n’est pas limitée aux soins « thérapeutiques » ou « pris en charge par l’assurance maladie », pas plus que ceux mentionnés à l’article R. 4127-9 « les soins nécessaires » que doit apporter tout médecin en présence d’une personne malade ou blessée, ou encore les « soins donnés à une personne privée de liberté » prévus à l’article R. 4127-10.
- article R. 4127-32 : « le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science ». Le praticien pourrait-il faire n’importe quoi dès lors que sa prestation n’est pas prise en charge par l’assurance maladie, car l’acte perdrait alors brutalement sa nature de « soins à la personne » ?...
- article R. 4127-35 : il définit l’obligation de donner une information loyale, claire et appropriée sur l’état du malade, les investigations et les soins qu’il lui propose ». Lorsque la Haute Autorité de Santé (encore dénommée alors ANAES) publie un rapport (cf. www.has-sante.fr) en rappelant en tête qu’elle intervient « dans le cadre de la réforme du système de soins français », pour notamment aider les établissements de soins et les professionnels de santé à répondre au mieux aux besoins des patients « dans le but d’améliorer la qualité des soins » pour corriger les « troubles de la réfraction par laser excimer : photokeratectomie réfractive et lasik » en décrivant que ces techniques permettent « de réduire les myopies et les astigmatismes myopiques chez une majorité de patients », lesquels doivent pouvoir prendre leur décision « en tenant compte des bénéfices et risques potentiels de celle-ci » et du « risque faible de complications », en recevant « une information sur les bénéfices prévisibles de l’intervention et les risques potentiels des différentes alternatives chirurgicales et non chirurgicales de prise en charge de leur trouble réfractif », la HAS ce faisant intervient-elle en dehors de sa compétence car l’opération de la myopie – non prise en charge aujourd’hui par l’assurance maladie – ne relèverait pas des « soins à la personne » ? situation qui exclurait dès lors et en violation avec la déontologie et l’éthique médicales toute obligation de « continuité des soins » pourtant prévue - sans la discrimination nouvelle apportée par l’Administration fiscale française depuis le 1er octobre 2012 – par l’article R. 4127-47 du code de la santé publique !

D’ailleurs, les articles L. 6122-1 et R. 6122-25 font expressément entrer la médecine et la chirurgie dans les « activités de soins », y compris lorsqu’elles sont exercées sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation.

Il n’existe donc aucun texte qui réduit le champ d’application de l’exonération de TVA aux soins à la personne, dès lors qu’ils sont diligentés par les professionnels de santé décrits plus haut. Les deux conditions sont cumulatives et exhaustives. Ainsi un acte chirurgical réalisé exceptionnellement par un chirurgien cardiaque sur un animal ne serait pas exonéré de TVA au titre des dispositions commentées, qui n’excluent que les actes de soins à la personne.


Conclusion :

Les exonérations en matière fiscale s’appliquent dans les strictes limites de ce que le texte fondateur prévoit et, en l’espèce, les critères nouveaux mis en œuvre par l’Administration fiscale qui écarteraient de l’exonération de TVA les actes de soins à la personne non pris en charge par l’assurance maladie s’éloignent singulièrement de la lettre de l’article 132-1-c) de la Directive 2006/112/CE, qui exonère les « prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales telles qu’elles sont définies par l’Etat membre concerné ». Cette position ne peut pas non plus s’évincer du texte national qui exonère « les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées » (art. 261-4-1° du code général des impôts).


Conduite à tenir depuis le 1er octobre 2012 :

Aucune réforme légale ou réglementaire, en droit interne ou communautaire, n’est intervenue le 1er octobre 2012 et la note publiée le 27 septembre 2012 ne fait que rendre publique une position nouvelle de l’Administration fiscale française sur un sujet ayant donné lieu à un rescrit.

Cette position a fait l’objet de commentaires divers dans les milieux professionnels et dans la presse médicale, qui malheureusement ont trop souvent considéré que les deux arrêts de 2003 de la Cour de Luxembourg visés dans le rescrit justifiaient la discrimination voulue par le fisc français, ce qui n’est pas le cas.

Certains syndicats et sociétés savantes ont saisi le Conseil d’Etat qui, à ce jour, ne s’est pas prononcé, sauf pour les débouter d’une action en référé, par ordonnance du 4 octobre 2012, faute d’urgence (ordonnance n° 363144 du 4 octobre 2012 du Conseil d’Etat statuant au contentieux).

Ainsi, en pratique, rien n’ayant changé depuis le 1er octobre 2012 dans l’ordonnancement légal et réglementaire, on voit mal le fondement de la recommandation publiée par certains, à destination de professionnels de la santé habituellement non soumis à TVA, de mentionner cette taxe sur des factures remises aux patients, de la collecter, de souscrire des déclarations en tenant une comptabilité isolant les recettes soumises à TVA et celles perçues sans TVA, en reversant au Trésor la TVA collectée, sous déduction - sous certaines conditions – de la TVA payée sur certaines dépenses et immobilisations, « en tenant compte de la franchise en base de TVA si les recettes soumises à cette taxe n’excèdent pas 32 600 € HT en 2012 ». Si on peut concevoir que des associations de gestion agréée et certains experts comptables aient adopté une telle mesure prudentielle, et que des syndicats, notamment de chirurgiens esthétiques, aient encouragé leurs adhérents à réclamer un numéro de TVA intra-communautaire et à procéder à des déclarations, selon que les actes présentent une « finalité thérapeutique » ou pas, il apparait raisonnable, compte tenu de la réalité des textes opposables rappelés ci-dessus, et de la réalité de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne, éloignée des affirmations péremptoires de l’Administration française sur le sujet, de s’en tenir à une affirmation juridique plus adaptée, telle que : « Les actes de soins à la personne mentionnés dans le présent devis relèvent des prestations exonérées de TVA en application de l’article 261-4-1° du code général des impôts ».

Si l’Administration perdure dans sa position, elle notifiera à un professionnel médical ou paramédical d’acquitter la TVA à raison de prestations « non thérapeutiques » ou « non prises en charge par l’assurance maladie », qu’il a réalisées. Il sera alors temps pour celui-ci de contester les impositions correspondantes en présentant une réclamation, puis de saisir la juridiction compétente.

Espérons que les premiers plaideurs n’oublieront pas de demander à la juridiction de poser à la Cour de Justice des Communautés européennes une question préjudicielle portant précisément sur la définition des prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l’exercice des professions médicales et paramédicales réglementées par l’Etat membre.

Espérons également qu’avec sagesse et discernement l’Administration française renonce à perdurer dans son interprétation récente, en attendant le résultat d’une telle consultation et/ou au moins jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C-91/12, PCF Clinic sur la TVA en chirurgie esthétique !

Je suis myope, astigmate, prête à régler volontiers les honoraires de l’excellent ophtalmologiste qui me propose un acte de chirurgie réfractive non pris en charge par l’assurance maladie mais, en l’état du droit exposé supra, je refuserai de supporter la TVA sur des soins que ses confrères belges et autres chirurgiens européens ne facturent pas à leurs patients.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2012
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