Base de données - Chirurgiens

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"Chirurgien des stars": s'abstenir de médiatiser
(arrêt du 26 septembre 2018, Conseil d'Etat, 4ème et 1ère ch. réunies, n° 407856)
Isabelle Lucas-Baloup

   Un médecin spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique avait fait l’objet de plaintes par le CDOM de Paris en raison de sa participation à des émissions pour lesquelles il avait accepté d’être filmé pendant des consultations et des interventions chirurgicales dont il avait lui-même commenté le succès sur son profil Facebook professionnel, notamment dans une émission « Tellement vrai – les chirurgiens de la beauté » diffusée sur la chaîne de télévision NRJ 12 et sur Youtube et de citations de ses propos dans un article d’un magazine « Public », portant en une de couverture un titre relatif à une vedette de téléréalité « Nabila, la vérité sur ses seins », dans lequel il était présenté comme le « chirurgien esthétique des stars », ce qui lui avait valu une interdiction d’exercice de deux ans prononcée par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins.

   Sur pourvoi du chirurgien, le Conseil d’Etat juge notamment : « alors même que les patients concernés auraient, par leur participation à ce type d’émissions ou leur consentement à l’article de presse mentionné ci-dessus, sciemment recherché la médiatisation et consenti à la révélation de leur identité, le concours apporté par [le chirurgien] à la divulgation de l’identité des patientes était constitutif d’une méconnaissance des dispositions de l’article R. 4127-4 du code de la santé publique », sur le secret professionnel qui « institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».

   La violation du secret et l’infraction à l’interdiction d’utiliser des moyens publicitaires retenue par ailleurs conduisent au rejet du pourvoi, l’arrêt mentionnant que la sanction de suspension pendant deux ans n’est pas « hors de proportion avec la faute commise ».

   Pour le Conseil d’Etat, le consentement des patients s’avère en conséquence sans influence sur la commission de l’infraction au secret médical. Pour la Cour de cassation, le secret médical est moins absolu dès lors que sa 2ème chambre a, au contraire, jugé « que des informations couvertes par le secret médical ne peuvent être communiquées à un tiers sans que soit constaté l’accord de la victime ou son absence d’opposition à la levée du secret, de sorte qu’une CPAM ne pouvait être contrainte de communiquer à une société (employeur) de telles informations »  (Cass. civ. 2è ch., 19 février 2009, n° 08-11959).

La Lettre du Cabinet - Décembre 2019


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Chirurgiens Médiatisation Patients

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Abdominoplastie, décès, relaxe pénale mais condamnation civile pour le chirurgien
(Cour de cassation, ch. crim., arrêt du 5 juin 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

 Malgré un rapport d’experts mettant en cause l’opportunité de l’indication thérapeutique, l’intervention du chirurgien étant d’après eux « imprudente et son choix technique très discutable » sur une patiente présentant une obésité de niveau modéré et non morbide sur laquelle cette chirurgie ne pouvait être envisagée que comme un ultime recours, la Cour de Versailles, puis la Cour de cassation, relaxent le chirurgien du chef d’homicide involontaire, mais le condamnent civilement des conséquences dommageables du décès à la suite d’une embolie pulmonaire, l’enquête ayant établi que « ce médecin spécialisé en chirurgie plastique et réparatrice avait pratiqué la veille sur sa personne, sous anesthésie péridurale, une lipectomie abdominale quasi-circulaire et un diastasis des grands droits tendant à réséquer un excédent cutané et graisseux et à retendre la paroi abdominale ». Les juges ont retenu également que le chirurgien n’avait pas appelé l’attention des anesthésistes sur le risque particulier de complication thromboembolique encouru par la patiente et n’a pas apporté la preuve de la délivrance à celle-ci de l’information qu’il lui devait sur le traitement proposé et les risques prévisibles qu’il comportait. « Les fautes ainsi relevées ont contribué de façon directe à la production du dommage et justifient la condamnation du chirurgien à la réparation du préjudice des ayants droit de la victime », sur le fondement de l’article 470-1 du code de procédure pénale, qui permet de relaxer tout en indemnisant.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Accouchement par césarienne sans faute du chirurgien : pas de responsabilité
(Arrêt du 16 octobre 2003, Cour d'appel de Paris, 1ère chambre)
Isabelle Lucas-Baloup

Les complications d'un accouchement réalisé avant le 5 septembre 2001 ne sont pas soumises à la loi Kouchner. La parturiente qui a souffert d'une gangrène associée à une péritonite purulente doit donc démontrer une faute technique ou un manquement à l'obligation de moyens du chirurgien. A défaut, elle est déboutée de son action en dommages et intérêts.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mars 2004
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Chirurgie fautive d’un abcès vulvaire (arrêt du 15 février 2018)
Isabelle Lucas-Baloup

Une jeune fille de 17 ans se présente aux urgences d’une clinique parisienne pour une inflammation de la grande lèvre droite (bartholinite). L’urgentiste l’oriente pour « abcès compliqué de la zone pelvienne » vers un praticien libéral spécialisé en «chirurgie générale » qui l’opère le jour même en procédant à l’ablation totale de la grande lèvre. Les suites sont marquées par des douleurs et une gêne à uriner, outre la nécessité d’une chirurgie réparatrice.

Action judiciaire de la patiente, qui obtient la condamnation du praticien en première instance, mais est déboutée de son action contre la clinique qu’elle poursuivait pour ne pas avoir contrôlé que le chirurgien opérateur était bien assuré au titre de sa responsabilité civile professionnelle dans sa spécialité.

Sur ce sujet, l’arrêt rappelle :

« Le contrat d’hospitalisation et de soins met à la charge de l’établissement de santé l’obligation de mettre à la disposition du patient un personnel qualifié, personnel paramédical et médecins, en nombre suffisant, pouvant intervenir dans les délais imposés par son état. Il s’agit d’une obligation de moyen et la responsabilité de la clinique ne peut être engagée qu’en cas de faute.

« Le jugement déféré, après avoir relevé que le Docteur B. exerçait à titre libéral au sein de la clinique et avait souscrit une assurance responsabilité civile professionnelle auprès de la Matmut, […], a retenu qu’il ne pouvait être reproché à la clinique de n’avoir pas vérifié que les conditions contractuelles permettaient au praticien de satisfaire à son obligation légale personnelle d’assurance.

« Il n’est cependant pas contesté que le docteur B. était au moment des faits assuré auprès de la Matmut pour la seule activité de médecin généraliste et aucunement pour les actes de chirurgie, alors que pèse sur l’établissement de soins tant une obligation de contrôler les qualifications professionnelles des médecins qui exercent à titre libéral en son sein que de s’assurer qu’ils sont bien couverts au titre de leur contrat d’assurance responsabilité civile pour tous les actes qu’ils sont amenés à y accomplir. »

mais déboute la patiente parce qu’elle n’a pas « démontré que cette abstention fautive de la clinique est à l’origine d’un dommage ».

Sur la qualité de l’intervention chirurgicale, l’arrêt se fonde sur le rapport d’expertise pour critiquer la défense du chirurgien :

« L’expert judiciaire, Mme S., indique que la patiente présentait tous les signes d’un abcès vulvaire vraisemblablement en rapport avec une bartholinite aigüe abcédée, surinfection de la glande de Bartholin par voie canalaire ascendante évoluant depuis cinq jours. Elle affirme que le traitement recommandé est l’incision permettant la mise à plat de l’abcès avec un prélèvement bactériologique et couverture antibiotique opératoire et qu’il n’est pas recommandé à la phase aigüe de pratiquer l’exérèse de la glande en raison des risques hémorragiques, infectieux et de séquelles douloureuses.

« A l’objection du docteur B., selon laquelle il pensait que, d’une part il s’agissait d’une forme grave compliquée avec gangrène et sphacèle, et que d’autre part une telle situation nécessitait une exérèse large pour éviter une récidive et un sepsis grave, l’expert a répondu que « Melle D. présentait un abcès avec les signes classiques, tuméfaction chaude-douloureuse-fluctuante (ici dure) ; ce diagnostic est confirmé par le compte rendu du centre de pathologie, à savoir une accumulation de polynucléaires, des tissus nécrotiques. Cet abcès sous toute vraisemblance présentait un début de fistulation spontanée à l’endroit le plus tendu. La taille de la tuméfaction et l’importance de la douleur ne permettent pas de poser le diagnostic de cellulite pelvipérinéale ou fasciite nécrosante ou gangrène, tous ces termes correspondant à une nécrose septique sans pus diffusant dans les tissus celluleux sous-cutanés et les loges pelvipérinéales. »

« L’expert relève que l’absence de mention dans le compte rendu opératoire de l’existence de tissus nécrotiques ou autres anomalies ainsi que l’observation post-opératoire du chirurgien : « opérée en urgence d’une bartholinite, exérèse complète en monobloc de la glande, peut sortir demain », ne font aucunement supposer qu’il s’agissait d’une forme gangreneuse, au demeurant tout à fait exceptionnelle et survenant sur des terrains particuliers, présentant ce caractère de gravité extrême nécessitant une surveillance rapprochée avec hospitalisation pour suivre l’évolution.

« L’expert précise que toutes les constances hémodynamiques retrouvées dans le dossier vont à l’encontre du diagnostic de forme gangreneuse.

« S’agissant du choix de l’incision pratiquée par le chirurgien emportant ainsi une grande partie de la lèvre droite, l’expert indique « Ce type d’incision n’est pas recommandé, d’une part, l’incision entre grande et petite lèvre peut être responsable de suintement en dehors du vestibule du vagin, gênant pour l’opérée. D’autre part, l’incision ne doit pas s’accompagner d’une exérèse cutanée. Ainsi cette large exérèse explique l’aspect modifié, inesthétique et douloureux de l’hémivulve droite retrouvée en post-opératoire. »

« L’expert précise que « la conduite chirurgicale devant un abcès constitué est l’incision drainage avec effondrement des logettes, prélèvement bactériologique et antibiothérapie per-opératoire. L’exérèse de la glande n’est pas recommandée pour un premier épisode de bartholinite. Toutefois, si l’exérèse glandulaire était réalisée, il n’était nullement justifié de pratiquer une exérèse cutanéo-graisseuse associée à l’exérèse glandulaire. »

« Il s’en déduit que le docteur B. a agi de façon non conforme aux données de la science à l’époque des faits, que son geste n’était pas justifié et son choix opératoire inapproprié.

« Le docteur B. produit vainement devant la cour deux articles en langue anglaise, non traduits, qui ne sont pas recevables devant les juridictions françaises.

« Le jugement déféré sera dans ces conditions confirmé en ce qu’il a retenu que le diagnostic d’abcès vulvaire en rapport avec une bartholinite aigüe abcédée diagnostic confirmé par l’examen anatomopathologique, était bien à l’origine du geste chirurgical du docteur B. et supposait un geste limité à une incision englobant au besoin l’orifice fistuleux, mais en aucun cas l’exérèse large pratiquée. Il sera également confirmé en ce qu’il a jugé que ce geste non indiqué, excessif car inadapté au cas clinique de la patiente, engage la responsabilité du docteur B., lequel doit indemniser celle-ci du préjudice en lien avec sa faute. »

La Cour condamne le chirurgien à indemniser la patiente ainsi qu’il suit :

- déficit fonctionnel temporaire : 2 357,50 €

- souffrances endurées : 10 000 €

- préjudice sexuel : 2 000 €

- préjudice scolaire : 1 000 €

- préjudice esthétique permanent : 1 000 €

- frais judiciaires : 4 000 € et dépens comprenant les honoraire d’expertise.

(cf. Cour d’appel de Paris, Pôle 2, chambre 2, 15 février 2018, n° 16/14215)

Gynéco-Online - avril 2018


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Assurance Bartholinite Chirurgiens Responsabilité

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Chirurgie réfractive au laser : responsabilité pour faute du chirurgien
(Cour d’appel de Rennes, 7ème ch., 22 avril 2009, JurisData n° 2009-376928)
Isabelle Lucas-Baloup

A l’occasion d’une chirurgie réfractive au laser destinée à corriger la myopie d’un patient, le chirurgien ophtalmologiste a interrompu son intervention arguant d’une défaillance de la lame de coupe. La preuve de ce dysfonctionnement du matériel n’est pas rapportée dès lors d’une part que le signalement de matériovigilance n’a pas été produit, d’autre part que le médecin n’a pas cru utile d’informer le fournisseur du matériel du dysfonctionnement de la lame de coupe compte tenu des risques encourus par les autres malades et qu’enfin la feuille d’intervention ne fait aucunement mention d’un incident dû à la lame.
Dans ces conditions, l’arrêt considère que la blessure à l’œil subie par la victime ne peut avoir pour origine qu’une erreur de manipulation ou un défaut de précision du geste médical. Le patient est déclaré bien fondé en sa demande en responsabilité pour faute du chirurgien.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Deux chirurgiens pour une compresse oubliée...
(arrêt Cour de cassation, 1ère civ., 3 novembre 2016, n° 15-25.348)
Isabelle Lucas-Baloup

Une patiente est opérée deux fois, par deux chirurgiens différents, dans deux établissements de santé distincts, la Clinique Saint-Michel et la Clinique du Coudon. Chaque praticien utilise des compresses. Deux ans plus tard, on en retrouve une dans son abdomen. Elle assigne les deux chirurgiens mais est déboutée, faute de prouver qui est le responsable de l’oubli. En application de l’article L. 1142-1, I, alinéa 1er, la preuve d’une faute incombe au demandeur et implique que soit identifié le professionnel de santé ou l’établissement de santé auquel elle est imputable ou qui répond de ses conséquences. Le rapport d’expertise ne permettait pas de rattacher la présence de la compresse à une des interventions plutôt qu’à l’autre.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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Fille collégienne de l'IADE présente au bloc opératoire : chirurgien condamné
(arrêt du 7 mars 2019, Cour d'appel de Colmar, chambre 2, n° 17/05045)
Isabelle Lucas-Baloup

   Une collégienne effectue un stage dans une Clinique et, présente au bloc opératoire, assiste à une opération de chirurgie esthétique (pose de prothèses mammaires). La patiente prétend ne pas avoir été informée de la présence de cette stagiaire durant l’intervention, qu’elle s’en serait aperçue par hasard et « qu’elle souffre depuis de troubles psychologiques » dont elle demande réparation : 7500 € au titre de son préjudice moral (elle affirme avoir eu le sentiment « d’avoir été exhibée comme une bête de foire devant une collégienne mineure »), 4000 € pour son préjudice d’agrément (arrêt des activités sportives qu’elle pratiquait de façon intensive), 7500 € en réparation de son préjudice sexuel (« elle ne supporte plus la vision de son corps ») et 3000 € pour ses frais judiciaires.

   Le chirurgien, dont la qualité de l’intervention n’était pas mise en cause, faisait valoir que « la stagiaire était la fille de l’infirmière anesthésiste et que l’organisation de son stage incombait à la Clinique (non assignée par la patiente), qu’en aucun cas cette stagiaire n’avait de lien de préposition occasionnel avec lui et qu’il ignorait même sa présence au bloc opératoire, n’ayant lui-même pénétré dans le bloc qu’après que les personnes présentes avaient revêtu leurs blouses et leurs masques. Il soutient également qu’il ne lui incombait pas d’informer la patiente de la liste des personnes présentes au bloc opératoire. »

   La patiente avait été déboutée en première instance par le Tribunal de Strasbourg, mais la Cour d’appel de Colmar infirme ce jugement, déclare le chirurgien « responsable du préjudice subi par la patiente du fait de la présence, non autorisée par elle, d’une collégienne stagiaire lors de l’intervention chirurgicale » et ordonne une expertise confiée à un psychiatre. On annonce depuis trente ans que les procès en responsabilité médicale en France vont évoluer comme aux USA, sans pourtant en constater un développement statistique majeur ; à lire cet arrêt on peut commencer à s’inquiéter !     

La Lettre du Cabinet - Décembre 2019


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Bloc opératoire Chirurgiens IADE

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Gastroplastie : faute technique du chirurgien dans le serrage de l’anneau
(Cour d’appel d’Aix en P., arrêt du 10 novembre 2010)
Isabelle Lucas-Baloup

S’agissant de l’indication opératoire, le rapport de l’Expert concluait à une faute, l’indice de masse corporelle du patient de 35 ne rendant pas licite la pose d’un anneau gastrique en l’absence d’autres complications menaçantes. La Cour n’homologue pas le rapport sur ce point, en critiquant l’Expert qui a retenu un IMC de 40 comme donnée acquise de la science, cet indice ne résultant du consensus de 6 sociétés savantes publié en 2003, alors que l’intervention avait été réalisée en 1997.


En ce qui concerne la faute per-opératoire, le chirurgien a, d’après le rapport, perforé l’œsophage du patient en raison d’un « serrage inadéquat de l’anneau ce qui constitue une maladresse ». Les deux autres causes possibles de perforation, le franchissement complet de la paroi œsophagienne ou la lésion vasculaire d’une artériole œsophagienne pendant la gastroplastie, constituent de la même façon des manifestations d’une maladresse du chirurgien. », déclaré entièrement responsable par la Cour.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010
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Harcèlement de la clinique pour augmenter la redevance contractuelle d’un chirurgien : manquement condamnable
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 13 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est impossible d’écrire cette Lettre du Cabinet sans rencontrer une opportunité de commenter un ou plusieurs arrêts récents portant sur les relations économiques chroniquement conflictuelles entre médecins libéraux et cliniques privées et plus particulièrement sur le partage des coûts et charges des moyens et services offerts aux premiers.
En l’espèce, la clinique, qui prélevait une redevance forfaitaire convenue sur les honoraires médicaux en rémunération de l’encaissement de ceux-ci et de la mise à disposition des moyens techniques et humains nécessaires à l’activité professionnelle considérée, a fait savoir, par une lettre circulaire envoyée aux médecins, qu’elle facturerait désormais à leur coût réel les prestations fournies, en précisant que les refus entraîneraient la transmission des dossiers au conseil de l’ordre des médecins et une réduction des services rendus à proportion des sommes effectivement versées. Un chirurgien, contestant ces nouvelles modalités de calcul, a fait savoir qu’il mettait fin à ses interventions, sous préavis d’un an et a assigné la clinique en rupture fautive, après vaine tentative de conciliation.
C’est cette fois le chirurgien qui gagne, et, comme c’est la Cour de cassation qui condamne, je vous invite à lire intégralement les quelques alinéas décisifs : « Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit la clinique responsable de la rupture du contrat d’exercice et tenue d’en indemniser le préjudice aux conditions contractuellement arrêtées, alors, selon le moyen, que, lorsqu’un contractant résilie unilatéralement un contrat, sans avoir saisi la justice d’une demande en résiliation aux torts de son contractant, seul le comportement d’une gravité particulière de ce contractant justifie que la rupture du contrat puisse lui être imputée ; qu’en l’espèce, pour imputer la rupture du contrat à la clinique, la cour d’appel a considéré qu’en modifiant le contrat, elle s’était rendue coupable d’un manquement contractuel qui justifiait que lui soit imputée la rupture ; qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le chirurgien avait pris l’initiative de la rupture par un courrier (...), et n’avait pas saisi la justice d’une demande de résiliation du contrat aux torts de la clinique, sans relever l’existence d’un comportement d’une particulière gravité de la clinique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du code civil ; Mais attendu que la cour a relevé, outre l’acharnement de la clinique à adresser périodiquement au chirurgien les factures contestées, concrétisant ainsi sa décision de modifier unilatéralement une clause substantielle du contrat d’exercice, les tracas ainsi provoqués et peu compatibles avec la sérénité indispensable à l’activité chirurgicale, ainsi que le respect néanmoins par l’intéressé d’un préavis ; que de ces constatations, elle a pu déduire un manquement d’une gravité suffisante pour permettre au praticien de mettre licitement fin au contrat sans saisine préalable de la juridiction compétente ». La Cour de cassation confirme l’arrêt à titre principal, qu’elle ne casse qu’au regard des dispositions de l’arrêt ayant refusé au chirurgien le rachat de ses actions aux conditions contractuelles.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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La faible activité d’un chirurgien ne peut fonder la résiliation du contrat par la Clinique(Cour d’appel de Paris, pôle 2, chambre 2, 11 mars 2016, n° 2016-004553)
Claire Périllaud

    Un chirurgien orthopédique et traumatologique s’est vu résilier son contrat d’exercice à durée indéterminée par la Clinique dans laquelle il exerçait sans indemnité en lui reprochant une insuffisance d’activité. Le praticien a alors saisi le Tribunal qui a condamné la Clinique au versement de l’indemnité de résiliation prévue contractuellement dans la mesure où le seul motif contractuel permettant une rupture sans indemnité était l’hypothèse d’une sanction ordinale d’interdiction d’un minimum de trois ans d’exercice qui n’était pas le cas en l’espèce. La Clinique a interjeté appel. La Cour d’appel ne fait pas droit à la demande de la Clinique et confirme le jugement du Tribunal de grande instance en ce qu’il retient que l’établissement ne peut reprocher au médecin sa faible activité alors qu’il n’était tenu contractuellement à aucun minimum d’activité chirurgicale ni à la réalisation d’un chiffre d’affaires équivalent au praticien avec lequel il partageait sa co-exclusivité. La Cour ne manque pas de relever que la Clinique ne pouvait d’ailleurs exiger du praticien le respect d’un minimum d’activité chirurgicale au sein de sa spécialité une telle clause violant l’article R. 4127-83 du code de santé qui prévoit qu’un « médecin ne peut accepter un contrat qui comporte une clause portant atteinte à son indépendance professionnelle ou à la qualité des soins, notamment si cette clause fait dépendre sa rémunération ou la durée de son engagement de critères de rendement ».

La Lettre du Cabinet - Août 2016


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Chirurgiens Contrat Résiliation

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Le chirurgien qui sort des limites de sa spécialité ou de sa compétence n’est pas coupable d’exercice illégal de la médecine
(Cour de cassation, ch. crim., arrêt du 8 mars 2011)
Isabelle Lucas-Baloup

Un médecin inscrit au Tableau de l’Ordre comme spécialiste en stomatologie et compétent en chirurgie maxillo-faciale, pratiquait des actes de chirurgie plastique, non seulement sur le visage mais sur tout le corps. Après instruction, il avait été renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour exercice illégal de la médecine. La Cour d’appel de Paris l’avait condamné pénalement, en retenant notamment que l’Ordre des médecins lui avait donné un avis défavorable pour l’exercice de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique, motivé par l’insuffisance de sa formation dans ce domaine. L’avis négatif avait été confirmé en appel puis par le Conseil d’Etat. Le chirurgien avait continué sa pratique. La chambre criminelle de la Cour de cassation annule l’arrêt de la Cour de Paris en jugeant qu’une personne titulaire du diplôme de Docteur en médecine et inscrite au Conseil de l’Ordre, qui sort des limites de sa spécialité ou de sa compétence, ne commet pas le délit d’exercice illégal de la médecine.
Pas de condamnation pénale donc.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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Chirurgiens Exercice illégal Stomatologie

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Limite du pouvoir d'appréciation d'un licenciement économique
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 8 juillet 2009, n° 08-40.046)
Bertrand Vorms

Un chirurgien urologue pédiatrique exerçant à titre salarié dans un établissement PSPH est licencié pour motif économique, en raison de la suppression de son service au profit du développement des activités de cancérologie et de gériatrie.
La Cour d’appel de Paris, par arrêt du 8 novembre 2007, juge ce licenciement sans cause réelle et sérieuse en s’estimant compétente pour vérifier la pertinence des mesures de restructuration prises au regard des objectifs économiques poursuivis. Elle constate alors que la suppression du service de pédiatrie n’est pas de nature à remédier au déficit de l’établissement, et ce d’autant moins qu’elle s’est accompagnée d’un redéploiement de l’activité au profit de services beaucoup plus onéreux (gériatrie, cancérologie, USIC) et d’un pôle mère-enfant, qui justifiait, selon elle, le maintien de la chirurgie pédiatrique.
La Cour de cassation censure en soulignant que, s’il appartient aux juges du fond « de vérifier l’adéquation entre la situation économique de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi ou le contrat de travail envisagées par l’employeur, ils ne peuvent se substituer à ce dernier quant au choix qu’il effectue dans la mise en œuvre de la réorganisation ».
En clair : le juge doit vérifier que le licenciement repose sur un motif économique, mais il ne lui appartient pas de se prononcer sur la pertinence des choix de gestion pris dans la perspective de pallier, pour l’avenir, cette situation.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009


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Panseuse incompétente, clinique et chirurgien condamnés
(arrêt du 23 juin 2006, 1ère ch. Cour d’appel de Paris, Juris-Data n° 306 800)
Isabelle Lucas-Baloup

En 1993, intervention chirurgicale en ORL avec usage d’une lumière froide et d’un bistouri électrique réservé exclusivement à l’hémostase pendant le temps de l’ablation des cornets inférieurs. Brûlures aux 2è et 3è degrés de la jambe droite du patient, loin du site opératoire. Expertise concluant à un défaut de contact de la plaque dite électrode indifférente servant de second pôle et à l’incompétence de l’aide-soignante intervenue comme panseuse, qui a accompli des actes fautifs, et ce en l’absence d’infirmière diplômée dans la salle d’opération. Il est imputé à faute à la clinique (condamnée à hauteur de 60%) que cette aide-soignante, employée depuis quelques mois seulement, « n’avait pas reçu de formation complémentaire pour être affectée, seule, au bloc opératoire ».
Le chirurgien est également condamné (40%) au motif ci-après : « S’il ne lui était pas possible de toucher la plaque, au risque de se dé-stériliser et prolonger anormalement l’opération, il devait s’assurer, avant d’utiliser le bistouri électrique, du bon emplacement de cette plaque, ne serait-ce que par questionnement de la panseuse, d’autant que la lumière froide n’avait pas été positionnée de manière habituelle et qu’il avait fallu bouger les jambes du patient, fait qu’il ne pouvait ou de devait pas ignorer ».

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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Pour la Cour administrative de Nantes : pas de présomption de nosocomialité après quinze jours d'hospitalisation !
Isabelle Lucas-Baloup

Un chirurgien ORL était poursuivi par une patiente, atteinte d'une mastopathie récidivante, sur laquelle il avait tenté de réaliser une reconstruction des seins autour d'implants gonflables dans le prolongement de la mastectomie sous-cutanée bilatérale réalisée par un confrère gynécologue. Il avait procédé tardivement, malgré l'échec de la cicatrisation puis l'objectivation d'un abcès sous-cutané et d'une nécrose des tissus des mamelons à l'occasion de 2 autres interventions chirurgicales inefficaces, à l'ablation des prothèses infectées en les remplaçant par des prothèses d'expansion cutanée. Les juges ont retenu qu'en omettant de faire procéder aux examens bactériologiques que justifiaient les signes d'infection apparus, en laissant en place trop longtemps les prothèses rejetées puis en les remplaçant par de nouvelles prothèses dans les loges rétropectorales largement ouvertes sur une zone infectée, le prévenu, a commis de graves fautes de négligence et d'imprudence ayant un lien de causalité certain avec le dommage subi par la victime dont l'incapacité totale de travail a été fixée à six mois. La Cour d'Aix-en-Provence avait condamné le chirurgien, pour blessures involontaires, à un an de prison avec sursis, et 7 500 € d'amende, outre une interdiction définitive d'exercice professionnel. La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette, le 19 octobre 2004, le pourvoi du chirurgien en retenant que " en l'état des énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuves soumis au débat contradictoire, il résulte que le prévenu est l'auteur direct des dommages subis par la victime, que rien ne permet d' attribuer à une infection nosocomiale. " Ainsi, la qualification d'infection nosocomiale est clairement refusée par la Cour de cassation à une infection postopératoire apparaissant immédiatement après la pose des implants.
Discréditer une décision juridictionnelle par un écrit de nature à porter atteinte à l'autorité de la Justice constitue un délit puni de 6 mois de prison, que je ne commettrai pas dans HMH. Je m'abstiens, en conséquence, de reproduire ici le commentaire au vitriol que j'avais préparé.
Bonne année ! Je vous souhaite 2005 raisons de ne pas désespérer...

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier 2005
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Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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