Base de données - Condamnation

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
Condamnation solidaire d’une clinique pour les fautes de l’orthopédiste non assuré
(arrêt Cass. civ. 1ère, 6 décembre 2007)
Isabelle Lucas-Baloup


Un médecin libéral dans une clinique commet des fautes grossières (pratique une ostéosynthèse d’une fracture infectée) dont le patient réclame réparation. Il assigne également la clinique, qui n’a commis aucune faute en lien de causalité direct avec le dommage.


Néanmoins, la Cour d’appel de Lyon (arrêt du 1er décembre 2005, n° 04/05893, 1ère chambre civ.) puis la Cour de cassation condamnent in solidum la clinique à indemniser le patient pour « n’avoir pas vérifié qu’il était dûment assuré, alors que cette assurance était prévue dans le contrat d’exercice » et juge « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. »
Les établissements de santé privés accueillant des praticiens libéraux sont bien fondés à leur réclamer périodiquement la preuve qu’ils sont dûment assurés pour leur exercice dans la discipline effectivement pratiquée, en portant particulièrement attention aux actes dits « frontière »...

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
Voir le contenu de l'article [+]
Publicité des médecins, une pluie de condamnations récentes
Isabelle Lucas-Baloup

    Les chambres disciplinaires des autorités ordinales sont de plus en plus occupées par des plaintes visant des faits de publicité, par internet ou autres communications publiques, et les sanctions pleuvent. Quelques exemples récents :

Sites de groupage de commandes à bas prix :

 

   La promotion d’un cabinet médical, dentaire ou paramédical sur internet tente régulièrement certains praticiens qui souhaitent faire connaître au public leur existence et leur expérience, parfois au prix d’une attractive réduction tarifaire annoncée sur un site dont ils ne sont pas les responsables directs.

   Ce n’est pas la première fois que la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins est saisie contre des praticiens qui collaborent avec le site Groupon, lequel offre aux consommateurs des services « shopping-voyage-forme et santé- bars et restaurants- maisons et petits travaux », à prix réduits.

   Une peine de 6 mois d’interdiction d’exercer la médecine dont 3 mois avec sursis a été prononcée, le 15 mars 2016, contre un médecin généraliste « qui exerçait notamment dans une clinique en Belgique où il effectuait des liposuccions ; ces interventions faisaient l’objet, sur le site « Groupon », de propositions mettant l’accent sur une économie de 51%, le prix de 1200 € étant ramené à 589 € […] », en violation de l’article R. 4127-19 du CSP qui interdit la pratique de la médecine comme un commerce ainsi que tous procédés directs ou indirects de publicité. La décision ajoute : « Il résulte également des conditions générales du contrat signé entre le Dr D et la société Groupon France que les montants versés par les patients pour bénéficier des prestations mentionnées dans l’annonce étaient partagés entre le Dr D et la société ; le Dr D a ainsi commis un acte de compérage prohibé par les dispositions de l’article R. 4127-23 du CSP et a consenti une commission prohibée par celles de l’article R. 4127-24 du même code. » (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 15 mars 2016, n° 12596).

   Le 30 septembre 2014, la même Chambre disciplinaire avait suspendu pendant 2 mois dont un et demi assorti du sursis un médecin ayant proposé sur le même site Groupon « une injection de botox front ou pattes d’oie pour 169 € au lieu de 350 » (décision n° 11754).

 

Toujours des interdictions d’exercer contre les médecins très médiatiques :

 

   « Un usage massif, systématique et répété des supports de communication » et sa « participation au site qui lui est entièrement dédié, Savoir maigrir avec Jean-Michel Cohen » vient de coûter à ce dernier 2 ans d’interdiction d’exercer dont un an assorti du sursis (décision de la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, n° 12336), après la radiation de son confrère Pierre Dukan, prononcée le 24 janvier 2014 (n° 11841) dans une décision retenant notamment : « que son nom, qui est notoirement connu comme celui d’un médecin engagé dans la lutte contre la surcharge pondérale et l’obésité, faisait l’objet d’une exploitation commerciale à des fins publicitaires sur les sites internet « regimedukan.com » […] ainsi que pour la « croisière Dukan pour maigrir en mer » ; que si le Dr Dukan fait valoir qu’il avait demandé que son titre de docteur ne soit pas utilisé par ces entreprises commerciales, il ne s’est néanmoins pas opposé à cette utilisation de son nom ; qu’il en résulte que […] s’il a complètement cessé cette activité à partir d’octobre 2011, […] il a néanmoins laissé utiliser son nom à des fins de publicité commerciale en méconnaissance des dispositions de l’article R. 4127-20. »

Et des sanctions plus mesurées pour les plus nuancés :

    Après avoir fait l’objet en première instance d’une interdiction d’exercer la médecine pendant un an dont 6 mois avec sursis, suite à la publication de leur ouvrage « Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux », les Professeurs Bernard Debré et Philippe Even ont su convaincre la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins qu’en soutenant « que le cholestérol ne présente aucun danger pour une très grande partie de la population et que, pour le restant, il s’agit d’un risque mineur et d’autre part que la prescription de statines présente des dangers dont certains sont graves », ils n’ont fait que contribuer aux controverses existant dans les milieux scientifiques notamment sur l’intérêt de la prévention de l’hypercholestérolémie dans les pathologies cardio-vasculaires et sur l’utilisation des statines et la désensibilisation en matière d’allergies, sans pouvoir être regardés comme ayant violé les articles R. 4127-13 et -21. « En revanche, en usant à l’égard de leurs confrères allergologues, d’un ton méprisant, en particulier par l’utilisation à leur sujet des termes de ²gourous², de ²marchands d’illusions², de ²charlatans² et d’²illuminés², ils ont manqué au devoir de confraternité de l’article R. 4127-56 du CSP », la Chambre d’appel réduisant l’interdiction d’exercer à un blâme (décision du 8 décembre 2015, n° 12284/5).

 

Enfin, les sites internet non « déontologiques » :

 

Ø  « En maintenant au moins jusqu’aux dernières semaines précédant l’audience de la chambre disciplinaire nationale un site qui, tant par les images qu’il comporte que par les textes qui les accompagnent (« Vieillir n’est pas une fatalité, prévenir et rajeunir, mon art de vivre »), présente un caractère manifestement commercial et publicitaire » […] « faisant la promotion de procédés et de techniques non strictement médicales, voire fantaisistes », le Dr F est interdite d’exercice pendant 6 mois (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 22 mars 2016, n° 12452).

 

Ø  « En faisant paraître dans un périodique japonais distribué en France une annonce et une plaquette vantant les mérites de la médecine esthétique pratiquée dans ses cabinets de Londres et Paris et dans lesquels il proposait, en outre, une première consultation gratuite ainsi que des ristournes sous forme d’implantation gratuite de 50 cheveux et de prise en charge d’une coupe et d’un massage capillaire », alors qu’il aurait dû demander que lui soit présenté le document avant impression, en se présentant comme « le médecin privé des célébrités » et en faisant valoir que la « carte privilège » d’une association de ressortissants japonais en France donne droit, en cas d’implantation de 1500 cheveux, à  des prestations gratuites et des ristournes, le praticien se livre à une publicité commerciale interdite, peu importe que « ces encarts aient été rédigés par son épouse japonaise ignorante des règles déontologiques s’appliquant en France » : interdiction d’exercer la médecine pendant 3 mois (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 28 janvier 2016, n° 12441).

 

Ø  Un an dont 6 mois avec sursis d’interdiction d’exercer sanctionne un autre médecin dont les mentions du site internet revêtaient un caractère publicitaire, et dont certaines étaient mensongères, les captures d’écran montrant que « le site comportait des photographies de patients réalisées avant et après certaines interventions, de façon à faire apparaître l’efficacité des traitements » et le site annonçant une activité à Paris, l’autre à Athènes, alors que le médecin n’avait jamais disposé d’autre lieu d’intervention que son cabinet à Grenoble (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 19 février 2016, n° 12465).

 

Ø  « Il résulte de l’instruction que le site internet du Dr B décrivait, en vantant leurs mérites, plusieurs interventions médicales à visée esthétique, dont l’injection de toxine botulique […] que les photos de visages accompagnant chacune des descriptions des différentes interventions à but esthétique présentées sur le site du Dr B ne visaient pas l’information du public mais donnaient un caractère publicitaire à ces descriptions […] ; que la circonstance que le site du Dr B aurait été ensuite modifié n’interdit pas de retenir à son encontre les griefs mentionnés ci-dessus » : 4 mois d’interdiction d’exercer la médecine, dont 2 mois assortis du sursis (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 14 janvier 2016, n° 12460).

 

Ø  « Considérant que plusieurs sites sont consacrés à la présentation de l’activité du Dr B qui s’y déclare Président d’honneur du syndicat national de médecine plastique ; que ces sites vantent parfois sur plusieurs pages, à destination du public essentiellement féminin, de façon extrêmement laudative, photographies, vidéos, procédés d’appel (première consultation gratuite) et témoignages de patients à l’appui, les différents types de programmes de soins esthétiques proposés par ce médecin notamment les programmes dits TMS (traitement médical de la silhouette) et PMR (protocole médical de rajeunissement) ; que, même si n’y figure pas l’adresse exacte du Dr B, […] l’ensemble de ces sites présente un caractère publicitaire » : 3 ans d’interdiction d’exercer, sans sursis (Chambre discipl. nat. de l’Ordre des médecins, 17 février 2016, n° 11980-12818).

    Toutes ces décisions sont publiées sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins, rubrique « Jurisprudence ».

La Lettre du Cabinet - Août 2016


Mots clefs associés à cet article :
Condamnation Publicité Publicité des médecins

Voir le contenu de l'article [+]
Traitement de la douleur : Clinique condamnée(Cour d'appel de Versailles, 3ème ch., arrêt du 4 février 2016, n° 14/05847)
Isabelle Lucas-Baloup

    Une clinique du Val d’Oise, dotée d’un service d’accueil des urgences, d’un service de garde et d’autorisations de traitement du cancer, est poursuivie par la veuve d’un patient, qui y était suivi depuis 4 ans pour un cancer du côlon, et qui se présente, la veille du week-end du 1er novembre, pour des douleurs abdominales violentes. Après une radiographie de l’abdomen et une prescription de Forlax®, il est renvoyé à son domicile. Il revient le lendemain et est hospitalisé dans d’effroyables souffrances et décède peu de temps après.

   L’expert nommé « conclut de manière catégorique au bien-fondé des griefs de la veuve, soulignant qu’il n’y a eu aucune prise en charge de la phase terminale dans laquelle était entré M. N. et surtout des douleurs dramatiques qu’il subissait et qu’en outre l’information due au malade et à sa famille n’a pas été apportée. […] Il considère que le décès ne pouvait être évité mais que la manière dont ce décès a eu lieu est contraire à ce que chacun est en droit d’attendre à la fin de sa vie, dans une clinique qui pratique la cancérologie et qui dispose d’un service d’urgence et d’un service de garde. Il ajoute enfin qu’il existe un réel défaut d’organisation des soins en urgence et de prise en charge de la douleur et des phases terminales à la Clinique. Il évalue à 7/7 les souffrances endurées par Michel N et celles de son épouse, traumatisée par la souffrance de ce dernier et le fait de n’avoir pas été informée de l’imminence du décès, à 4/7. » En appel, l’argumentation développée par la Clinique se limite à la répétition de celle présentée au tribunal, principalement que « les manquements reprochés sont imputables aux seuls médecins qui y exercent à titre libéral et qu’aucun grief n’a jamais été formulé en ce qui concerne la qualité des soins infirmiers », mais la Clinique a reconnu le manque de communication entre les soignants et la coordination des équipes, essentielle en matière de soins palliatifs, précise l’arrêt, qui confirme la responsabilité de la Clinique et la condamne à payer 40 000 € au titre des souffrances endurées par le malade décédé et 20 000 € pour celles subies par la veuve.

La Lettre du Cabinet - Août 2016


Mots clefs associés à cet article :
Clinique Condamnation Douleur Traitement

Voir le contenu de l'article [+]