Base de données - Expertise

Arrêt du 13 janvier 2015 : Léiomyosarcome, erreur de diagnostic, pas de faute de l’anapath.
Isabelle Lucas-Baloup
Les faits :


En 1997, Mme B. a souhaité recourir à la fécondation in vitro et consulte le Dr W. exerçant dans une clinique de Lyon. Celui-ci réalise une cœlioscopie, laquelle met en évidence deux fibromes transmis pour analyse au Dr L. exerçant au sein d’un Groupement de recherche cytologique. Le résultat, sous forme de réponse écrite, fait mention d’un léiomyosarcome bien différencié de bas grade.


Le 10 juillet suivant, le Dr W. revoit la patiente et lui annonce le diagnostic ainsi que l’indication thérapeutique d’hystérectomie totale.


Mme B. consulte pour second avis un gynécologue dans un hôpital proche, lequel l’adresse au chirurgien viscéral de l’établissement qui réalise en urgence, le 15 juillet 1997, l’hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale, ce qui s’entend de la suppression des ovaires.


La patiente présente un syndrome dépressif qui, après une phase aigüe, devient chronique, avec traitement au long cours, compliqué d’une boulimie à l’origine de l’obésité morbide traitée par gastroplastie en 1999 ainsi que des troubles liés à l’apparition d’une ménopause précoce.


Mme B. a appris par l’intermédiaire de son médecin traitant que les résultats des prélèvements effectués lors de l’intervention révélaient l’absence de cellules cancéreuses.



La procédure :


La patiente demande une expertise au juge des référés du Tribunal de grande instance de Lyon. Un rapport déposé dix ans après les faits, le 21 juillet 2007, conclut que « l’acte chirurgical du 15 juillet 1997 et ses conséquences physiques et psychiques sont liés de façon directe, certaine et exclusive à l’erreur de diagnostic concernant le myome utérin ». L’anatomopathologiste et le chirurgien viscéral de l’hôpital sont déclarés avoir, par leur action cumulée, été à l’origine du préjudice corporel de Mme B., avec une causalité respective égale à 50 %.


Sur la base de ce rapport, la patiente a sollicité de l’Hôpital une indemnité d’environ 200 000 €, le Tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure judiciaire.


Parallèlement, le Tribunal de grande instance de Lyon avait débouté la patiente de ses demandes contre le Groupement de recherche cytologique.
Par un premier arrêt du 15 janvier 2013, la Cour d’appel de Lyon a confirmé le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité d’expertise et a ordonné une nouvelle expertise. Celle-ci conclut qu’il n’y a eu aucun défaut dans la prise en charge par le premier médecin (dont on ignore la spécialité) et que la prise en charge chirurgicale a été conforme aux données acquises de la science compte tenu du diagnostic histologique retenu, en dehors cependant de l’ovarectomie bilatérale. L’expert et son sapiteur, anatomopathologiste, ne retiennent pas de manquement ou de faute dans la prise en charge de l’anatomopathologiste, et relèvent que « si le diagnostic posé par ce dernier est inexact au vu des connaissances actuelles, il s’agissait à l’époque des faits d’un diagnostic rare et difficile » et qu’une « seconde lecture ne s’imposait pas ».


La patiente a continué à se prévaloir d’une erreur de diagnostic imputable à l’anatomopathologiste, consistant en une grossière erreur d’interprétation à laquelle s’ajoute le fait de ne pas avoir demandé un second avis, ce à quoi le Groupement de recherche cytologique répliquait qu’il n’existait pas de lien de causalité entre le diagnostic posé et les préjudices subis par la patiente. Le Dr L., anatomopathologiste, soutenait que ce n’est pas lui qui a pris la décision d’opérer et que, même si le bon diagnostic avait été posé, le traitement aurait été identique, à savoir une hystérectomie totale.



Le jugement :


Le Groupement de recherche cytologique est mis hors de cause (groupement de moyens), seul le Dr L. était intervenu en nom propre.


En l’espèce, l’erreur de diagnostic commise par ce dernier est établie, puisqu’il a porté le diagnostic de « léiomyosarcome bien différencié de bas grade », alors que le diagnostic porté à partir des lames aurait dû être celui de « léiomyome mitotiquement actif ».


Mais le jugement a retenu que l’ensemble de la communauté médicale ayant appréhendé le dossier de Mme B. s’accorde pour affirmer que le diagnostic était rare et difficile, l’expert explique que les léiomyomes mitotiquement actifs correspondent à une entité de diagnostic difficile car très trompeur du fait de leur activité mitotique, et que ces léiomyomes constituent une variante de diagnostic très difficile et très inhabituelle des léiomyomes. Le sapiteur du premier expert judiciaire a indiqué : « Il faut reconnaître que le diagnostic de ce type de tumeur est difficile du fait d’une part de la rareté du léiomyome mitotiquement actif et d’autre part de l’évolution incessante des connaissances demandant une spécialisation de plus en plus accrue dans le domaine de l’anatomie pathologique ». Un des experts a précisé qu’il s’agit d’une pathologie frontière avec chevauchement entre aspects bénins et malins.


L’examen anatomopathologique du myome réalisé par le Dr L. a porté le diagnostic de « léiomyosarcome bien différencié de bas grade », la description de l’aspect microscopique de ce myome a révélé qu’il n’avait ni nécrose, ni atypie cellulaire et qu’ainsi le diagnostic a été fait exclusivement sur l’activité mitotique (somme des mitoses sur 10 champs à fort grossissement entre 9 et 11). Selon les données acquises de la science en juin 1997, le premier expert judiciaire a considéré que le diagnostic aurait dû être celui de léiomyome mitotiquement actif, la possibilité de diagnostiquer précisément le léiomyosarcome selon cette méthode étant acquise depuis un article publié en 1994. Ainsi, le Dr L. a commis une erreur dans son diagnostic en se limitant à une recherche qui ne prenait pas en compte la présence de nécrose de coagulation ou d’atypie nucléocellulaire. Dans la mesure où ces diagnostics sont difficiles, l’anatomopathologiste aurait dû se livrer à une deuxième lecture par un spécialiste d’autant que l’examen concernait une femme jeune.


Le second expert judiciaire qui s’est adjoint comme spécialiste un chef de service d’anatomie et de cytologie pathologique de l’Hôpital Nord de Marseille, n’a retenu aucune faute dans la prise en charge par le Dr L., son rapport retenant notamment :


- qu’en l’état des connaissances en 1997, il n’existait pas de référentiel consensuel à cette époque, ces référentiels étant apparus en 2003,

- qu’à l’époque des faits, un index mitotique élevé isolé signait habituellement la malignité,

- que sur la lame examinée, il n’existait pas de nécrose ni d’atypie,

- qu’à l’époque, il n’y avait pas d’obligation de demander une relecture des lames, ni de réseau organisé permettant de demander un avis complémentaire,

- qu’à l’époque des faits, la présence de nécrose n’était pas indispensable pour poser le diagnostic de léiomyosarcome.


Après avoir analysé la littérature médicale française et internationale, l’expert a considéré que s’il y a eu une évolution notable dans le diagnostic des léiomyomes mitotiquement actifs à partir de 1998, dans l’état des connaissances à l’époque des faits et en France il n’existait pas de recommandation, que ce soit au niveau anatomopathologique ou sur le plan chirurgical dans la prise en charge de ce type de lésion. Il a précisé qu’en 1997, la littérature française évoquait « un problème qui reste entier » et qu’une référence française de 2005 précisait que les critères de malignité des tumeurs musculaires lisses de l’utérus avaient beaucoup évolué dans la littérature. Il ajoutait, s’agissant des données internationales, qu’en 1992 a été décrite la découverte fortuite post mortem de léiomyomatose intravasculaire disséminée, qu’à cette époque la situation n’était pas claire sur le sujet, qu’en 1994 a été évoquée la notion de léiomyomes mitotiquement actifs, mais que le traitement est resté majoritairement radical (hystérectomie), que le potentiel métastasiant de ces lésions restait évoqué, que dans la littérature internationale postérieure à 1997 des publications ont indiqué que l’hystérectomie n’était pas une fatalité en cas de fibrome mitotiquement actif, en particulier lorsque l’index mitotique est inférieur à 10 sans atypie et sans nécrose, mais qu’en 1998 la question était loin d’être réglée au niveau international.



L’arrêt du 13 janvier 2015 :


Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Lyon retient qu’il ne peut être reproché à l’anatomopathologiste de ne pas avoir respecté les standards médicaux de l’époque, en soulignant qu’une relecture selon les recommandations en vigueur en 1997 aurait certainement conclu au même diagnostic. Si le bon diagnostic avait été posé, il ressort de la littérature médicale que le traitement à l’époque des faits était celui de l’hystérectomie totale.


Selon la Cour, il découle de ce qui précède que, compte tenu des avis divergents des experts judiciaires et des connaissances acquises de la science en 1997, il ne peut être reproché au Dr L., anatomopathologiste, d’avoir, dans le diagnostic qu’il a posé, adopté un comportement fautif à l’origine des préjudices dont se prévaut Mme B.


La Cour de Lyon confirme en conséquence le jugement qui a débouté la patiente de ses demandes.


Cet arrêt est rendu en 2015, 18 ans après le diagnostic contesté. Il est intéressant en ce qu’il analyse l’évolution de la science. Les juges n’ont pas hésité à lancer une contre-expertise pour être parfaitement informés. Il convient, pendant les expertises puis ensuite devant la juridiction qui statue, de retracer soigneusement l’état de la littérature dans le domaine concerné, afin d’identifier avec une précision incontestable l’état des connaissances médicales avérées à l’époque des faits…
Gynéco Online - Mai 2015


Mots clefs associés à cet article :
Anapath Erreur de diagnostic Expertise

Voir le contenu de l'article [+]
Arrêt du 29 janvier 2015 : Médecins experts judiciaires : impartialité et récusation
Isabelle Lucas-Baloup
La recrudescence des contentieux en matière médicale, plus spécialement en gynécologie et obstétrique, conduit à s’intéresser à l’impartialité des experts nommés dans quasiment tous les dossiers dans lesquels une patiente reproche un manquement à son praticien (gynécologue-obstétricien, cancérologue, radiologue, biologiste ou autre médecin intervenant pour le diagnostic ou le traitement de pathologies dans cette spécialité).

Le 29 janvier 2015, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a, de nouveau, confirmé un arrêt ayant refusé une demande de récusation d’un expert judiciaire, si bien qu’on peut observer qu’il est extrêmement rare que la partie qui sollicite qu’un expert judiciaire soit écarté obtienne satisfaction.


Impartialité de l’expert :

Le médecin expert est tenu à une obligation générale de « conscience, d’objectivité et d’impartialité », prévoit l’article 237 du code de procédure civile.

(cf. notamment « Expertise médicale judiciaire : 20 questions sur la méthodologie
et le statut de l’expert », Lucas-Baloup et Schuhl, Editions Scrof)

D’ailleurs les experts prêtent serment « d’accomplir leur mission, de faire un rapport et de donner leur avis en leur honneur et conscience » (quand il s’agit d’un expert nommé par une juridiction administrative, le serment est différent : « conscience, objectivité, impartialité et diligence », cf. article R. 621-3, code de justice administrative).

Tout médecin, dûment inscrit à l’Ordre des médecins, peut se voir confier une mission d’expertise judiciaire, sans être inscrit sur une des listes officielles, dont le rôle n’est que de faciliter le choix des magistrats en leur proposant des hommes de l’art qui présentent des garanties formelles de compétences, sans pour autant que cette liste soit exhaustive ou obligatoire pour les magistrats de l’Ordre judiciaire ordonnant une expertise civile.

En matière pénale, les magistrats qui entendent choisir un expert en dehors de la liste officielle doivent spécialement motiver leur décision, par exemple par l’absence dans la liste officielle d’un expert dans la spécialité requise, ou par l’indisponibilité connue de l’expert inscrit (article 157 du code de procédure pénale).

En matière administrative, les juridictions peuvent nommer toute personne en qualité d’expert dès lors qu’elle n’est pas frappée d’une incapacité (article R. 621-2, code de justice administrative).

Le principe est prévu d’une manière générale par l’article 1er de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires.

Les experts ne figurant sur aucune des listes officielles prêtent serment chaque fois qu’ils sont commis (article 6, loi n° 71-498).


Récusation de l’expert :

Les experts peuvent être récusés pour les mêmes causes que les juges (article 234 du code de procédure civile).

La récusation peut être demandée :

« 1° Si lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;
« 2° SI lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donateur de l’une des parties ;
« 3° Si lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l’une des parties ou de son conjoint jusqu’au 4ème degré inclusivement ;
« 4° S’il y a eu ou s’il y a un procès entre lui ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;
« 5° S’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties ;
« 6° Si le juge ou son conjoint est chargé d’administrer les biens de l’une des parties ;
« 7° S’il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l’une des parties ou son conjoint ;
« 8° S’il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l’une des parties. »

(article L. 111-6, code de l’organisation judiciaire)

Un médecin expert étant également soumis à son code de déontologie, aujourd’hui intégré dans le code de la santé publique, il doit lui-même et spontanément se récuser dans les cas prévus :

- à l’article R. 4127-105 :

« Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d’un même malade.

« Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services. »

- à l’article R. 4127-106 :

« Lorsqu’il est investi d’une mission, le médecin expert doit se récuser s’il estime que les questions qui lui sont posées sont étrangères à la technique proprement médicale, à ses connaissances, à ses possibilités ou qu’elles l’exposeraient à contrevenir aux dispositions du présent code de déontologie. »

Ce dernier article pose l’intéressant problème de la compétence des experts dans la discipline dans laquelle ils sont nommés : par exemple un gynécologue désigné pour un rapport sur les complications d’un accouchement alors qu’il ne pratique plus l’obstétrique depuis 20 ans.

S’il ne se récuse pas spontanément, l’expert doit alors prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre expert, généralement qualifié « sapiteur », mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne et à condition que la question pour laquelle il ne s’estime pas suffisamment compétent porte sur une partie marginale de la mission.

La Cour de cassation a jugé que l’expert n’a pas à solliciter d’autorisation avant de s’adjoindre le concours d’un technicien relevant d’une spécialité distincte de la sienne (arrêt Cour de cassation, 3ème chambre civile, 23 octobre 1984).

Aucun texte n’exige que le spécialiste consulté soit lui-même inscrit sur la liste des experts, mais le sapiteur intervient sous son contrôle et sa responsabilité (article 278-1, code de procédure civile et arrêt Cour de cassation, 3ème chambre civile, 17 juillet 1985).

S’il s’agit d’une expertise ordonnée par la juridiction administrative, l’expert qui estime nécessaire de faire appel au concours d’un ou plusieurs sapiteurs pour l’éclairer sur un point particulier doit préalablement solliciter l’autorisation de la juridiction (article R. 621-2, code de justice administrative).

La demande de récusation d’un expert nommé par une juridiction administrative présentée par un avocat doit être annexée d’un pouvoir spécial à cette fin (article R. 621-6-1, même code).


Jurisprudence récente :

Pour une illustration de ce qui précède, on peut citer un arrêt prononcé le 29 janvier 2015 par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, sur pourvoi contre un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 16 octobre 2013. En l’espèce, l’expert judiciaire nommé relevait d’un « laboratoire d’accessibilité et d’autonomie » et était à ce titre « régulièrement missionné par les compagnies d’assurance et le Fonds de garantie ».

La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’Aix et retient que celle-ci a souverainement apprécié « que si l’activité de l’expert n’était pas limitée à la réalisation de missions d’expertise judiciaire, rien ne permettait de retenir qu’il interviendrait à titre quasi exclusif pour le compte de tel ou tel assureur et d’autre part que l’unique correspondance d’un avocat produite à cet effet, se bornant à indiquer que ce même expert était régulièrement missionné par des compagnies d’assurance et le Fonds de garantie, était insuffisante à mettre sérieusement en cause son indépendance et plus particulièrement à faire douter de son impartialité dans l’accomplissement de la mission » litigieuse.

Dans une autre affaire relativement récente, une partie avait récusé un expert en invoquant le principe général d’impartialité, résultant du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), sur le droit à un procès équitable.

L’expert contesté appartenait, comme un des médecins mis en cause, au même « groupe de lecture » organisé par une société savante. Mais l’arrêt de la Cour de Paris (Pôle 1, chambre 3) en date du 4 novembre 2014 a jugé :

« […] l’expert et le chirurgien mis en cause sont spécialisés dans des disciplines proches, ce qui explique cette participation à des groupes de travail et lecture communs […] ;

« Dès lors, la seule appartenance à un comité ou groupe de réflexion dans un milieu restreint de professionnels spécialistes, en dehors de tout lien d’amitié ou de subordination établi ou allégué, n’est pas de nature à faire naître un doute raisonnable sur la neutralité, l’objectivité et l’indépendance de l’expert judiciaire désigné ».

A l’identique, il apparaît contestable, eu égard aux dispositions de l’article R. 4127-105 du code de la santé publique ci-dessus rappelé, qu’un médecin expert travaillant à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris ne soit pas récusé, conformément à la demande d’une des parties, s’agissant d’un conflit relevant d’un autre hôpital du même groupe de l’AP-HP. On peut ainsi citer l’alinéa essentiel de l’arrêt prononcé le 23 juillet 2014 par le Conseil d’Etat (5ème et 4ème sous-section réunies) :

« Considérant qu’eu égard d’une part, aux obligations déontologiques, et aux garanties qui s’attachent tant à la qualité de médecin qu’à celle d’expert désigné par une juridiction et, d’autre part, à la circonstance que l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris gère 37 hôpitaux et emploie plus de 20 000 médecins, l’appartenance d’un médecin aux cadres de cet établissement public ne peut être regardé comme suscitant par elle-même un doute légitime sur son impartialité, faisant obstacle à sa désignation comme expert dans n litige ou l’AP-HP est partie ; la Cour administrative d’appel, devant laquelle n’était pas alléguée l’existence de liens particuliers d’ordre professionnel entre l’expert ou le sapiteur et les médecins qui avaient pris en charge Mme C… A..., a constaté que ni Mme H…, praticien attaché au groupe hospitalier de la Pitié Salpêtrière, ni M. B…, praticien attaché à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, n’exerçaient leurs fonctions au sein de l’Hôpital Saint-Louis, mis en cause par les consorts A… ; en jugeant, dans ces conditions que la situation professionnelle de Mme H… et M. B… ne justifiait pas leur récusation, elle n’a commis ni erreur de droit, ni erreur de qualification juridique. »

En revanche, dans une décision encore un peu plus ancienne mais toujours de 2014, le Conseil d’Etat a accepté une demande de récusation, formée par une patiente souffrant de troubles après une vaccination contre l’hépatite B, dans les conditions ci-après :

« L’expert a, d’une part, déclaré au cours de la réunion d’expertise que ?nous sommes tous atteints de myofaciite à macrophages? et d’autre part, qu’il a sollicité, le 30 novembre 2013, un extrait de casier judiciaire et un curriculum vitae de l’intéressée ?afin de comprendre le cheminement d’esprit ayant conduit une responsable d’un établissement d’enfants autistes et agressifs à être licenciée, quelques années après la vaccination obligatoire contre l’hépatite B? ; en dépit de l’examen pratiqué le 28 novembre 2013 sur la patiente et des travaux d’études préparatoires du dossier déjà réalisés, de telles déclarations et une telle demande qui dépasse le cadre de la mission d’expertise constituent des raisons sérieuses pour Mme E… de douter de l’impartialité de l’expert ; dès lors elle est fondée à demander sa récusation ».


Il est donc bien difficile, en pratique, de savoir si une demande de récusation a des chances ou non d’aboutir. En tout cas, pour être recevable, elle doit être sollicitée, devant le Juge qui a commis l’expert ou devant le Juge chargé du contrôle des expertises « avant le début des opérations ou dès la révélation de la cause de la récusation » (article 234, paragraphe 2, code de procédure civile).
Gynéco Online - Mars 2015


Mots clefs associés à cet article :
Expertise Impartialité Récusation

Voir le contenu de l'article [+]
Expertise sur le montant de la redevance entre clinique et médecins libéraux : demande de récusation tardive
(TGI de Tours, ordonnance de référé, 24 février 2009, Clinique de l’Alliance)
Isabelle Lucas-Baloup

Quatre anesthésistes s’opposent à une clinique au sujet du coût des prestations facturé par cette dernière. Un expert comptable est désigné en référé, procède à sa mission et présente aux parties un pré-rapport à la lecture duquel la clinique demande au juge de « constater l’incompréhension manifeste par l’expert désigné des problématiques particulières liées au fonctionnement d’un établissement de santé et, en conséquence, de constater qu’il n’offre pas les garanties de connaissance et de compétence suffisantes pour l’accomplissement de sa mission et de le récuser pour désigner un autre technicien. »
Le juge des référés rappelle que « la récusation doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée dès que la partie a connaissance de sa cause » et « que le désaccord de la clinique avec les avis de l’expert ne saurait constituer une cause de récusation », que la procédure installée avec légèreté par la clinique, peu après le dépôt du pré-rapport d’expertise, a manifestement un objet dilatoire, constitue un abus de procédure qui cause aux médecins un préjudice réparé par une indemnité à chacun d’entre eux.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


Mots clefs associés à cet article :
Anesthésie Clinique Expertise Médecins Récusation Redevance

Voir le contenu de l'article [+]
Infections nosocomiales et responsabilités juridiques
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Guide pour la Prévention des Infections Nosocomiales en Réanimation" sous la direction du Docteur Jean Carlet.

Voir le contenu de l'article [+]
L'état de l'art en médecine
Isabelle Lucas-Baloup

L’état de l’art, en pratique quoditienne
L’état de l’art sur un sujet scientifique ou médical se compose d’une masse d’informations existant à une époque donnée. Chaque professionnel reçoit, de ses professeurs, de ses maîtres, une première approche théorique, pendant ses études, qu’il complètera par les connaissances acquises pendant les stages réalisés en milieu hospitalier notamment. Le professionnel développera sans arrêt ses compétences en lisant les revues spécialisées, françaises et internationales, en participant aux congrès professionnels de la discipline concernée, aux colloques y afférents, aux séminaires de formation professionnelle continue, aux enseignements post-universitaires, prendra connaissance et expérimentera les recommandations émanant des sociétés savantes, des organismes parapublics, des agences et, en exerçant régulièrement lui-même, opérera des options de protocole, des choix de gestes relevant de sa spécialité, ce qui lui permettra, individuellement, d’en évaluer l’opportunité et l’efficacité à court, moyen et long terme.
L’état de l’art est apprécié et mis en œuvre subjectivement par le praticien médical ou paramédical, par l’ingénieur biomédical, par les cadres des établissements de santé quelle que soit leur spécialité, en fonction de leur propre connaissance de la question concernée.
Si le professionnel a été performant dans sa démarche de recherche des données relatives au sujet, sa connaissance acquise est très proche de l’état de l’art objectif sur la question concernée, qui inclut une somme exhaustive d’informations, ou très proche de l’exhaustivité.


L’état de l’art, en droit
En droit, l’état de l’art est essentiellement observé à l’occasion des procès en responsabilité civile, administrative et pénale, impliquant des établissements de santé ou des professionnels intervenus.
Pour la Cour de cassation, depuis le célèbre arrêt Mercier (Cassation 20 mai 1936), l’état de l’art opposable est constitué des « données acquises de la science », notion reprise par les codes de déontologie médicale respectivement en 1955, en 1979 puis en 1995.
Par un arrêt du 6 juin 2000, les Hauts magistrats ont rejeté un moyen de pourvoi se référant à la « notion erronée de données actuelles de la science » pour réaffirmer que l’obligation qui pèse sur le médecin consiste à donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science. Ce débat qui a néanmoins duré plus de soixante ans sur le choix entre « données acquises » et « données actuelles » de la science traduit combien il est délicat de définir les limites de l’état de l’art opposable.
La loi Kouchner, le 4 mars 2002, a introduit la notion nouvelle de « connais-sances médicales avérées ». Ainsi, aujourd’hui, en application de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique, « toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. » En hygiène tout particulièrement le professionnel est débiteur de cette obligation d’assurer aux patients la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées.

La garantie de la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées
Nulle part, en droit français, la méthodologie permettant de définir les connaissances médicales avérées n’est décrite. La pratique du contentieux de la responsabilité médicale révèle que la conscience professionnelle de l’expert, sa formation, sa culture, son expérience personnelle et le soin qu’il apporte à la recherche documentaire, à la revue de littérature scientifique permettant la rédaction d’un rapport pertinent, ne suffisent pas à obtenir la certitude que le malade, l’établissement public ou privé de soins critiqué et le juge seront parfaitement informés sur l’état des connaissances médicales avérées. Comment dès lors se prémunir contre l’évaluation subjective, incomplète, maladroite, manquant de nuance ou de fondement scientifique, d’un sujet que l’expert est susceptible de mal maîtriser malgré l’obligation générale de compétence, de conscience, d’objectivité et d’impartialité à laquelle il est tenu.
Si la plupart des experts procède à des analyses et conclusions irréprochables, certains rapports révèlent néanmoins de vraies imperfections que les seules poursuites disciplinaires et sanctions qu’ils encourent ne permettent pas systématiquement d’éviter. La liste des experts ayant écrit des conclusions contestables, voire de véritables bêtises, est plus longue que celle des experts sanctionnés... Peu importe que, statistiquement, les affirmations contestables soient moins nombreuses que les conclusions dûment fondées sur l’état de l’art : pour le patient en demande, ou l’hygiéniste en défense, un défaut dans l’évaluation expertale d’un comportement médical ou paramédical constitue un manquement inacceptable et difficile à faire écarter par les juges scientifiquement incompétents dans la discipline technique, scientifique, médicale, pour laquelle ils ont justement ordonné une expertise.

L’état de l’art, en jurisprudence
Lorsque l’expert fournit une opinion, elle ne lie pas le juge, titulaire d’un pouvoir souverain d’appréciation des faits. Le jugement doit faire la part des choses, entre le fait et le droit. Aussi, le juge saisi devrait-il s’impliquer plus souvent dans le contrôle des sources d’informations dont l’expert a tenu compte pour rédiger les conclusions de son rapport. Il n’est pas sans intérêt d’observer certaines motivations de la jurisprudence pour retenir ou écarter des éléments contribuant à la définition de l’état de l’art opposable :
La Cour de Bordeaux a ainsi jugé (par arrêt du 18 février 2003) : « Des études postérieures aux faits, émanant exclusivement de services très spécialisés de centres hospitaliers, dont la diffusion et la connaissance par les praticiens devraient être relativement confidentielles, effectuées à partir d’observations limitées à quelques cas, ne sauraient constituer des règles de l’art consacrées par la pratique. [...] Ces données acquises ne recouvrent que des règles de l’art consacrées par la pratique. »
La Cour de Versailles sanctionne régulièrement le praticien dont le comportement viole des « recommandations » de sociétés savantes (cf. notamment arrêt du 27 juin 1996). Mais « l’absence de consensus franc de la communauté médicale » ne peut conduire à la condamnation d’un médecin, dès lors que sa décision « correspond aux pratiques médicales actuelles », juge la Cour de Rennes (le 8 octobre 2003).
La référence aux données de la littérature médicale est fréquemment retenue comme critère permettant d’inclure ou d’exclure un acte de l’état de l’art. Par exemple, la Cour de Besançon a écarté (par décision du 8 juin 2005) la responsabilité d’un praticien à l’occasion d’un accident « rarissime puisque l’expert n’a trouvé aucune publication identique dans la littérature. » En revanche, la Cour administrative d’appel de Paris retenait (le 12 juin 1995) la responsabilité de l’AP-HP, en raison du fait que le risque de prescription de produits sanguins concentrés non chauffés en juin 1983 constituait un risque de transmission du VIH par voie de transfusion sanguine chez les personnes atteintes d’hémophilie, dès lors qu’il ressortait du dossier « qu’à partir du mois de janvier 1983 et de façon de plus en plus précise au fil du temps, des revues médicales spécialisées françaises et étrangères, notamment le New England Journal of Medecine, The Lancet, la Lettre de la Prévention, la Revue française de transfusion et d’immuno-hématologie, en ont informé les milieux médicaux ».
La Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sur le même fondement (par arrêt du 16 décembre 2003) une action à l’encontre des Hospices Civils de Lyon lancée par une patiente qui ne produisait, à l’appui de ses affirmations critiques « aucune étude permettant de conclure que l’association de X + Y améliorait le pronostic de survie du patient » en cas de cancer du poumon.
Enfin, la Cour de cassation, dans son célèbre arrêt du 6 juin 2000 susvisé, écartant les données actuelles de la science pour retenir les données acquises, a ouvert la voie vers la prise en considération obligatoire des publications scientifiques, dans un arrêt dans lequel elle affirme clairement : « Il est raisonnable de ne fonder une condamnation que sur l’absence de prise en compte de connaissances médicales datant de plusieurs années, ayant fait l’objet de publications dans différents pays, étant utilisées dans de nombreux centres publics ou privés, étant prises en charge par les organismes de sécurité sociale et, si possible, ayant été validées par des conférences de consensus ». Ce faisant, elle écartait des travaux récents de spécialistes américains invoqués contre un médecin qui n’en avait pas tenu compte.
Le Conseil d’Etat en revanche a annulé en 2001 une décision du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) ayant sanctionné un confrère « en se fondant uniquement sur l’absence d’expérimentation en France, sans rechercher quelle était l’opinion de la communauté scientifique internationale ». Il était reproché au CNOM de n’avoir pas examiné l’ensemble des données scientifiques propres à établir sa conviction (Conseil d’Etat, 19 octobre 2001).
Devant les tribunaux, chaque partie fait valoir le résultat de sa propre recherche documentaire en ne sélectionnant que ce qui est favorable à son argumentation en demande ou en défense. Le problème est que les magistrats ne sont pas formés pour évaluer la pertinence des différents articles invoqués par les antagonistes, qui auront chacun interrogé leurs banques de données préférées (Medline, Healthstar, Embase, Pascal, Cochrane Database, etc.), outre celles spécifiques à la discipline concernée.
Les magistrats peuvent être aussi sensibles à une position émise dans un résumé de congrès, un document gouvernemental, une étude non publiée mais émanant de l’équipe connue d’un CHU, un rapport ou tout autre document non conventionnel : c’est ce qu’on appelle la « littérature grise », dont la prévalence jurisprudentielle constitue un danger en l’absence d’évaluation préalable par le juge de la pertinence des sources ainsi retenues.

De la littérature grise au rapport d’expertise,
en passant par l’évidence scientifique
En oncologie, les SOR, élaborés depuis 1993 par la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer, sont définis par leur degré de fiabilité : Standard, Option ou Recommandation. La FNCLCC souligne que les SOR sont un guide et non un mécanisme d’évaluation. Ils peuvent être qualifiés d’usages reconnus ou encore de bonnes pratiques en cancérologie. Décrivant les conduites les plus communément admises, ils n’ont pas de valeur absolue et ne sont pas exclusifs d’autres usages. Il s’agit d’une aide à la décision pour le praticien qui s’y réfère. Ils sont d’un usage facultatif, ne présentant aucun caractère obligatoire et ne sont assortis d’aucune sanction. Les SOR doivent présenter six qualités essentielles qui conditionnent leur pertinence : les informations y figurant doivent être sérieuses, exactes, fiables, complètes, actuelles et sécurisées, déclare la FNCLCC.
L’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES), avant la Haute Autorité de Santé (HAS), a publié un Guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations, en janvier 2000, que l’on trouve sur le site de cette dernière. Des grilles de lecture y sont proposées ainsi qu’une méthodologie pour l’analyse de la documentation obtenue et l’élaboration des recomman-dations.
Le niveau de preuve d’une étude (fort niveau de preuve, niveau intermédiaire ou faible niveau de preuve) en permet la classification. L’évidence scientifique est appréciée lors de la synthèse des résultats de l’ensemble des études sélectionnées s’appuyant sur :
- l’existence de données de la littérature pour répondre aux questions posées,
- le niveau de preuve des études disponibles,
- la cohérence de leurs résultats.
Si les résultats sont tous cohérents entre eux, des conclusions peuvent facilement être formulées. En cas de divergence des résultats, il appartient aux experts de pondérer les études en fonction de leur niveau de preuve, de leur nombre et, pour des études de même niveau de preuve, en fonction de leur puissance. La HAS, comme avant elle plusieurs auteurs que la place manque ici pour citer, propose ainsi d’apprécier la force des recommandations en fonction :
- du niveau d’évidence scientifique,
- de l’interprétation des experts.
L’évaluation des recommandations avant leur publication met ainsi en œuvre des instruments de « gradation » de leur pertinence, mais les publications imposent d’opérer des nuances que la jurisprudence ne prend pas systématiquement en considération.
Dans le cadre de la pratique de l’expertise judiciaire, la détermination de l’état de l’art, fondée sur une analyse des « connaissances médicales avérées », devrait donc respecter, dans la sélection des résultats de la recherche documentaire effectuée, une méthodologie rigoureuse qui pourrait s’inspirer de celle de l’analyse de la littérature en vue de la définition de recommandations objets d’une évaluation, d’une gradation et d’une mise à jour périodique.
Pourtant, il ne serait pas raisonnable de requérir d’un expert judiciaire, nommé pour donner un avis technique, scientifique, sur un comportement argué de faute à l’occasion d’un acte de diagnostic, de soin ou de traitement, d’emprunter les voies conseillées par la Haute Autorité de Santé pour la rédaction des recommandations de bonne pratique, ou alors il faudrait arrêter de sous-payer leurs travaux afin de leur donner les moyens d’y consacrer le temps opportun.

 

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juillet-Août 2007
Voir le contenu de l'article [+]
L'expert peut-il avoir tort ?
Isabelle Lucas-Baloup
Dans le numéro de décembre de Gynéco-Online, le Docteur Xavier Carcopino conclut son commentaire d’une étude publiée sur l’évaluation des experts en obstétrique par une observation qu’il conviendrait d’envoyer sur-le-champ à tous les magistrats français saisis d’affaires de responsabilité médicale : « En pratique, l’analyse rétrospective d’un dossier par un expert devant les tribunaux n’est pas ou très peu reproductible et reste un avis qui, s’il est informatif, est malheureusement trop subjectif pour permettre une décision impartiale. ». Merci à Xavier Carcopino et a. d’avoir publié cette double analyse de 30 dossiers d’obstétrique, conduite par des experts français de cette spécialité ayant travaillé dans une première phase en aveugle, puis trois mois plus tard après information de l’issue néonatale de l’accouchement compliqué par des anomalies du rythme cardiaque fœtal, en colligeant les qualifications à géométrie variable des erreurs et des liens de causalité retenus par les experts judiciaires consultés.

Quelques mois plus tôt, le Professeur Claude Sureau dénonçait « le règne de l’incertitude » en commentant les débats sur la loi de bioéthique.

Dans le Discours de la méthode, la description du doute cartésien a pourtant appris aux experts, aux magistrats et aux avocats, que le préjugé et la précipitation empêchent de bien juger. L’idée que la science permette d’accéder à une forme de vérité, « la vérité scientifique », qui impose une proposition construite par un raisonnement rigoureux et vérifiée par l’expérience, est-elle étrangère au débat judiciaire ?

Relire les 38 stratagèmes décrits par Arthur Schopenhauer dans L’art d’avoir toujours raison, en les transposant à l’expertise médicale, illustre d’une manière non pas caricaturale mais caractéristique de moments vécus par bien des patients, des experts et des avocats acteurs directs, volontairement ou pas, des errements qui écartent les parties de l’explication rationnelle pour demeurer sur la pensée unique que chacun des gloseurs veut imposer aux autres protagonistes du débat contradictoire. Quelques exemples - ô combien fréquemment utilisés pendant les expertises médicales - de stratagèmes décrits par le Philosophe qui refusait de suivre « la pente de la connaissance vulgaire » :

- la généralisation des arguments adverses,
- cacher son jeu,
- faux argument,
- postuler ce qui n’a pas été prouvé,
- atteindre le consensus par des questions,
- fâcher l’adversaire,
- poser les questions dans un autre ordre,
- prendre avantage de l’antithèse,
- généraliser ce qui porte sur des cas précis,
- choisir des métaphores favorables,
- faire rejeter l’antithèse,
- clamer victoire malgré la défaite,
- utiliser des arguments absurdes,
- argument ad hominem,
- se défendre en coupant les cheveux en quatre,
- interrompre et détourner le débat,
- généraliser plutôt que de débattre de détails,
- répondre à de mauvais arguments par de mauvais arguments,
- forcer l’adversaire à l’exagération,
- tirer de fausses conclusions,
- trouver une exception,
- la colère est une faiblesse,
- convaincre le public et non l’adversaire,
- faire diversion,
- argument d’autorité,
- je ne comprends rien de ce que vous me dites,
- principe de l’association dégradante,
- en théorie oui, en pratique non,
- accentuer la pression,
- les intérêts sont plus forts que la raison,
- déconcerter l’adversaire par des paroles insensées,
- une fausse démonstration signe la défaite.

Au cœur de cette agitation stratégique, l’expertise médicale est un art difficile.

C’est pour cette raison que les conclusions du rapport ne lient pas le Juge (article 246 du code de procédure civile) et parfois même le conduisent à une position totalement opposée à celle de l’Expert. Je n’aborde pas ici le cas de l’expert partial, dont la récusation sera demandée et obtenue par la partie y ayant intérêt (sujet déjà traité dans cette rubrique en mai 2015 « Médecins experts judiciaires : impartialité et récusation »), mais vise l’expert qu’on rencontre fréquemment en pratique qui, tout en proclamant sa modestie face à un exercice médical très complexe et éloigné d’une science exacte, adopte ab initio un comportement manichéen à l’encontre du confrère objet du contrôle de la qualité de ses actes professionnels : c’est bien/c’est mal, c’est un bon/c’est un mauvais, et, partant de cette posture, ce type d’expert va orienter le débat, écarter les éléments de fait qui contrarient la conclusion à laquelle il veut aboutir, va celer les éventuelles publications dans des revues à comité de lecture qui gênent en l’espèce la rigueur du raisonnement scientifique, se perdre dans des affirmations de détails sans incidence directe sur la complication rencontrée et surtout sans lien de causalité entre la faute et le dommage.

Dès lors qu’il n’existe pas un système de contrôle de la qualité du rapport d’expertise par d’autres experts médicaux, l’évaluation ne peut avoir lieu, avant le jugement, que grâce aux arguments développés par les parties elles-mêmes, et sur ce terrain bien évidemment les plaideurs ne sont pas tous égaux, selon les moyens qu’ils ont pour faire valoir leurs droits : médecin/patient, assisté ou pas d’un expert dans la spécialité, d’un avocat spécialisé, etc. Et encore, ce débat ne peut porter ses fruits que si l’expert a bien voulu présenter son pré-rapport aux parties pour leur permettre de débattre sur les griefs retenus ou écartés. Cet exercice allonge évidemment la durée de la mission, la complique et dès lors l’expert rechigne souvent à s’y plier si la décision le nommant ne l’a pas ordonné. Particulièrement si ses honoraires sont forfaitisés, comme souvent devant les Commissions de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI), à un montant qui ne permet pas de « jouer les prolongations ».

En l’absence de pré-rapport, c’est directement devant le tribunal que les parties contesteront les conclusions de l’expert, hors son audition le plus souvent au civil, parfois en sa présence s’il est cité devant la juridiction correctionnelle. On perçoit immédiatement la difficulté de convaincre les magistrats que l’homme de l’art qu’ils ont choisi est lui-même défaillant dans la pertinence de son appréciation.

Au pénal, une autre origine d’atteinte aux droits de la défense se multiplie : les parquets saisis de plaintes de patients (pour homicide involontaire, altération de l’état, mise en danger d’autrui, et autres) contre les médecins qui les ont traités, font diligenter des enquêtes préliminaires par les autorités de police ou de gendarmerie et une expertise sur dossier médical, sans convocation des parties devant l’expert ou le collège pluridisciplinaire désigné. Les juges d’instruction n’étant pas assez nombreux, l’instruction à charge et à décharge se raréfie en matière de contentieux de la responsabilité des professionnels et établissements de santé. Le médecin critiqué n’ayant aucun moment de dialogue avec les experts, ceux-ci peuvent ignorer certains faits non tracés dans le dossier auquel ils ont accès et ainsi orienter leur rapport d’une manière très critique contre leur confrère, puisqu’ils omettent du raisonnement médical des éléments à décharge du praticien concerné. Mais une fois le rapport, non fondé sur une connaissance exhaustive mais partielle des éléments de fait de l’espèce, déposé, le ou les hospitalo-universitaires signataires des conclusions ont beaucoup de mal à revenir sur ce qu’ils ont écrit, même en présence d’éléments ignorés à décharge.

On rencontre aussi des experts influencés par une attitude compassionnelle à l’égard du patient et/ou de sa famille lorsque l’écart est important entre l’état de la personne avant les soins et le résultat de ceux-ci, oubliant que l’expertise n’a pas pour objet de faciliter une indemnisation légitime dont la partie plaignante a besoin, en l’absence de faute démontrée à l’encontre du praticien poursuivi.

La France a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme lorsqu’une partie à l’instance a pu démontrer que le changement d’opinion de l’expert à l’audience (volte-face dit l’arrêt) a provoqué au détriment d’un plaideur une « situation de net désavantage par rapport à son adversaire», violant ainsi l’égalité des armes – l’un des éléments de la notion plus large du procès équitable - et les droits de la défense prévus à l’article 6 de la Convention des droits de l’homme (CEDH, c/ France, 2 octobre 2001, n° 44069/98). En l’espèce, l’expert avait pendant l’audience présenté des conclusions verbales totalement différentes de celles de son rapport écrit.

De l’avis péremptoire d’un expert manichéen à la volte-face de celui qui n’avait pas sérieusement travaillé son dossier avant de rendre ses conclusions, la variété des critiques possibles à l’encontre des experts ne doit pas faire oublier que la majorité de leurs rapports présentent un exposé complet des faits à l’occasion d’opérations respectueuses du contradictoire et des conclusions conformes aux données acquises de la science.

Les experts sont comme les avocats, les magistrats et les trains de la SNCF : on retient et commente plus souvent ceux qui dysfonctionnent ; pardon à tous les autres qui ne méritent pas les mêmes critiques. D’ailleurs, les fautifs poursuivis ne sont pas nombreux, puisque la jurisprudence sur la responsabilité des experts médecins est des plus ténue. A ce point que le débat demeure ouvert sur la juridiction compétente pour juger de la faute professionnelle de l’expert : selon la jurisprudence administrative, l’expert judiciaire relève du statut du collaborateur occasionnel du service public et doit être assimilé à un agent public, qui en tant que tel ne répond pas personnellement de ses fautes qui engagent la seule responsabilité de la personne publique, devant la juridiction administrative (Conseil d’Etat, 26 avril 1971). Pour la Cour de cassation, au contraire, la responsabilité des experts judiciaires relève de l’ordre judiciaire (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 10 septembre 2015), et doit être appréciée conformément au droit commun des obligations, en l’espèce la responsabilité délictuelle prévue à l’article 1382 du code civil « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La responsabilité de l’expert peut être engagée même si la juridiction a suivi son avis dans l’ignorance de l’erreur dont son rapport était entaché (Cour de cassation, 2ème civile, 4 avril 1973). La partie qui se plaint de l’expert doit établir la faute de celui-ci, le préjudice subi et un lien de causalité entre les deux. La réparation du préjudice ne tient compte que de la perte de chance subie par la partie à laquelle le rapport fautif a nui en la privant d’obtenir une décision judiciaire plus favorable à ses intérêts.

L’expert est donc un professionnel comme les autres, susceptible de grands moments de lucidité comme capable, coupable, d’incompétence et de négligence, à l’instar du confrère qu’il évalue, de l’avocat qui plaidera l’affaire, plus ou moins bien, du magistrat qui tranchera, comme il pourra. Et res judicata pro veritate accipitur, la chose jugée est tenue pour vérité.
Gynéco-Online - Décembre 2015


Mots clefs associés à cet article :
Expertise Responsabilité

Voir le contenu de l'article [+]
Nouvel arrêt sur la perte de chance : vers une réparation partielle du préjudice
Isabelle Lucas-Baloup

Une fois de plus, la Haute Juridiction vient encore de juger le préjudice :
« Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».

En l’espèce, il résultait des pièces du dossier et notamment des rapports d’expertise que le traite-ment inadapté de l’infection pulmonaire dont était atteint le patient n’a entraîné pour l’intéressé qu’une perte de chance d’échapper à l’aggravation fatale de son état.

Les jurisprudences tant administra-tive que civile sont constantes et identiques sur cette question, ainsi que l’illustre l’arrêt récent d’une Cour d’appel en ces termes : « Le Tribunal a donc décidé à bon escient que si la cause du préjudice subi par Monsieur B. était l’accident cardiaque lui-même, la rapidité insuffisante des soins consécutifs au défaut de surveillance avait occasionné une perte de chance d’éviter le préjudice. Cette perte de chance dont les implications sur l’état de santé de Monsieur B. ne peuvent être déterminées avec précision a été justement évaluée à la moitié du préjudice résultant de la complication post-opératoire survenue ».

La Cour a confirmé la responsabilité in solidum du médecin anesthésiste et de la Clinique de la perte de chance subie par le patient (Cour d’appel de Toulouse 1ère chambre section 1, arrêt du 19 novembre 2007, n° 06/05345, notamment).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mai-juin 2008
Voir le contenu de l'article [+]
Quand la Cour d’appel de Nancy applique strictement le droit nouveau de l’infection nosocomiale
Isabelle Lucas-Baloup

Commencer l’année 2007 dans une perplexité annoncée dès le début 2003 n’est pas enthousiasmant pour le commentateur de l’actualité jurisprudentielle des infections nosocomiales !
Pour tenter d’échapper à la rigueur d’un texte d’exception (la responsabilité en matière d’infection en hôpital public ou privé est engagée sans faute, contrairement aux autres domaines de la responsabilité médicale qui implique la démonstration d’une faute de l’établissement et/ou des soignants), nos juges, qui commencent à comprendre, éclairés par les experts, les effets pervers de l’article L. 1142-1 2° alinéa du code de la santé publique, tentent d’échapper au principe en s’interrogeant (enfin) sur la notion de cause étrangère. Mais la cause étrangère n’a pas été inventée pour le droit de la responsabilité en matière d’infection nosocomiale et la rédaction actuelle du texte légal s’oppose au succès des thèses incompatibles avec l’article L. 1142-1. La cour administrative d’appel de Nancy vient de le rappeler, à juste titre, au CHU de la même ville en confirmant la condamnation de ce dernier sous la motivation ci-après :
« Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1142-1 du CSP les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonnée par les premiers juges, que si M. Pierre Y., arrivé en relative bonne santé à l’hôpital, a présenté, à la suite de son opération, une insuffisance rénale, liée à la fois à sa cardiopathie et à son diabète, en raison de la longue durée de son hospitalisation, la cause de son décès est due à une complication infectieuse résultant de la présence d’un staphylocoque doré résistant, dont il était indemne à son entrée au CHU de Nancy, ainsi qu’à l’apparition, en cours d’hospitalisation, de nouveaux germes infectieux de type enterobacter et pseudomonas ; que l’hôpital n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que le décès de M. Pierre Y. ne serait pas dû à une infection nosocomiale, mais à la dégradation très avancée de son état cardio-vasculaire et de son état général et que sa responsabilité n’est pas engagée sur le fondement des dispositions sus-rappelées. ». En conséquence le CHU est condamné à indemniser la veuve et le fils de la victime dès lors « qu’en l’absence d’infection nosocomiale le pronostic vital n’était pas défavorable ».

Gare à la confusion

Infection nosocomiale ou non, il n’y a pas lieu de tergiverser, nous confirme la cour, sur l’état du patient ante.
Puisse cette jurisprudence être appliquée par les commissions régionales d’indemnisation (CRCI) dont les instructions données aux experts qu’elles nomment en cette matière, et les avis qu’elles rendent, mettent en œuvre une application de la loi qui, toute contestable qu’elle soit, ne peut être dénaturée au point de lui faire dire son contraire. Il convient de militer pour une réforme du droit de l’infection nosocomiale, mais certainement pas pour ajouter de la confusion dans l’application d’un texte dans lequel on cherche vainement la motivation du législateur.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier-février 2007
Voir le contenu de l'article [+]
Recommandation de bonne pratique HAS sur la césarienne programmée à terme (janv. 2012) Quelle opposabilité en cas de procédure judiciaire ?
Isabelle Lucas-Baloup

Les recommandations de bonne pratique (RBP) interpellent les professionnels concernés, qui y trouvent souvent, à leur première lecture, matière à évoquer divers cas de leur expérience personnelle à l’occasion desquels ils considèrent avoir eu raison de ne pas mettre en œuvre ce qui est aujourd’hui « recommandé », ou (?) « imposé »… La HAS vient de publier, en janvier 2012, ses Recommandations sur les indications de réalisation d’une césarienne programmée. Doivent-elles être respectées à la lettre, ou le gynécologue-obstétricien conserve-t-il une marge de liberté dans sa prise en charge de la parturiente ?

Sur quels fondements interviennent ces recommandations ?

La Haute Autorité de Santé est une autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale chargée notamment d’élaborer des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique, de procéder à leur diffusion, de contribuer à l’information des professionnels de santé et du public dans ces domaines, et d’établir et mettre en œuvre des procédures d’accréditation des professionnels de santé (articles L. 161-37 et suivants et R. 161-72 du code de la sécurité sociale).

Au titre de sa mission d’accréditation des médecins exerçant en établissements de santé, la Haute Autorité de Santé est chargée (par l’article L. 1414-3-3 du code de la santé publique) d’élaborer, avec les professionnels et les organismes concernés, selon des méthodes scientifiquement reconnues, ou de valider, des référentiels de qualité des soins et de pratiques professionnelles, de diffuser ces référentiels et de favoriser leur utilisation par tout moyen approprié et d’organiser la procédure d’accréditation des médecins ou des équipes médicales au regard des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles en veillant à la validation des méthodes et à la cohérence des initiatives relatives à l’amélioration de la qualité dans le domaine de la prise en charge des patients.

En l’espèce, la HAS a été saisie par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour élaborer une recommandation de bonne pratique sur le thème des indications de réalisation d’une césarienne programmée, visant à répondre aux questions suivantes : 

- quelles sont les indications de la césarienne programmée ? 

- quelles sont les informations à transmettre à la femme enceinte lorsqu’une césarienne programmée est envisagée ?

Les recommandations sont à lire sur le site de la HAS (www.has-sante.fr).


Les Recommandations de bonne pratique clinique sur les
« Indications de la césarienne programme à terme » publiées en janvier 2012 par la Haute Autorité de Santé :

Les indications de la césarienne programmée sont les suivantes :

- utérus cicatriciel,
- grossesse gémellaire,
- présentation par le siège,
- macrosomie,
- transmissions mère-enfant d’infections maternelles,
- et quatre autres indications (à discuter au cas par cas, en particulier : défaut de placentation, malformations fœtales et fœtopathies, antécédents et pathologies maternelles intercurrentes et problèmes périnéaux).

La HAS rappelle qu’un médecin peut décliner la réalisation d’une césarienne sur demande, à condition d’orienter la patiente vers un de ses confrères, en rappelant que la demande maternelle n’est pas en soi une indication à la césarienne et qu’il est recommandé de rechercher les raisons spécifiques à cette requête, de les discuter et de les rapporter dans le dossier médical.

Une deuxième partie des recommandations est consacrée aux informations à transmettre à la femme enceinte lorsqu’une césarienne programmée est envisagée et un document d’information destiné aux femmes enceintes est proposé en annexe des recommandations.

La définition de la césarienne programmée retenue dans ces recommandations est la césarienne programmée à terme (après 37 semaines d’aménorrhée), non liée à une situation d’urgence apparaissant en dehors du travail ou au cours du travail.

Sont exclues du champ de ces recommandations :

- les indications d’une césarienne programmée avant terme (< 37 SA) ;
- les indications d’une césarienne liée à une situation d’urgence apparaissant avant le travail ou au cours du travail.

Une césarienne programmée peut être réalisée en urgence antérieurement au terme initialement prévu.


Pertinence et opposabilité des RBP :

Les RBP sont normalement des synthèses de l’état de l’art et des données de la science à un temps donné, élaborées selon une méthode résumée dans l’argumentaire scientifique qui les accompagne et décrites dans le guide méthodologique de la HAS disponible sur son site à la rubrique « Elaboration de recommandations de bonne pratique, Méthode Recommandations pour la pratique clinique ».

La Haute Autorité de Santé a publié, en décembre 2010, un guide méthodologique d’élaboration des RBP, qu’on trouve également sur son site, décrivant le déroulement de l’élaboration d’une RBP :
- constitution du groupe de travail et du groupe de lecture,
- phase de revue systématique et de synthèse de la littérature,
- rédaction de la version initiale des recommandations,
- phase de lecture,
- phase de finalisation.

La pertinence d’une recommandation dépend du niveau de preuve scientifique fourni par la littérature classée en niveaux (le niveau 1 étant le plus fort, le niveau 4 traduisant des études comportant des biais importants) qui conduisent à donner aux recommandations un grade de pertinence :

- grade A : preuve scientifique établie,
- grade B : présomption scientifique,
- grade C : faible niveau de preuve.


Comme tout médecin, un gynécologue-obstétricien « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » en application de l’article R. 4127-32 du code de la santé publique (ancien article 32 du code de déontologie médicale).

Devant le juge, le débat a eu lieu sur le thème « données acquises de la science » versus « données actuelles de la science » : dans un arrêt du 6 juin 2000, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que l’obligation pesant sur un médecin est de donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins et qu’il n’y a pas lieu de se référer à la « notion erronée de données actuelles », laquelle est inopérante.

C’est également le sens de la loi Kouchner qui a introduit un nouvel article L. 1110-5 dans le code de la santé publique visant les « thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ».

L’état de l’art au moment du soin litigieux devra prendre en considération, en conséquence, diverses sources et, en pratique quotidienne, le médecin doit tenir compte d’une masse d’informations communiquées non seulement par ses professeurs, ses maîtres, pendant ses études, complétées par les connaissances acquises pendant les stages réalisés en milieu hospitalier notamment, mais également ses lectures des revues spécialisées, françaises et internationales, ce qu’il a retenu de ses participations aux congrès professionnels dans sa discipline, aux colloques y afférents, aux séminaires de formation professionnelle continue, aux enseignements post-universitaires ayant pour objet de divulguer les recommandations émanant des organismes parapublics et agences (Haute Autorité de Santé mais également Institut national du Cancer, Conseil supérieur de l’Hygiène Publique de France, Afssaps devenue l’Ansm pour les dispositifs médicaux et les médicaments, Comité Technique National des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins en hygiène, etc.) mais aussi des recommandations émanant des sociétés savantes.
Mais cette obligation est à mettre en œuvre en tenant compte également des dispositions de l’article R. 4127-8 du même code : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. […] Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

Dès lors, en cas de mise en cause de sa responsabilité professionnelle, le médecin devra convaincre ses pairs, systématiquement nommés pour conduire une expertise de sa prescription ou de ses choix et gestes pour le patient concerné. On passe alors de l’état de l’art médical à l’art judiciaire :

Quelle opposabilité en cas de procédure judiciaire :

L’état de l’art médical, en jurisprudence, est une notion très protéiforme.

Dans un monde parfait, on pourrait imaginer que l’état de l’art est une notion objective. Dans la réalité des hôpitaux et des palais de justice, chacun vient avec sa vérité, ses sources de ses banques de données préférées et l’évidence scientifique manque parfois d’évidence juridique.

On trouve alors des motivations de jugements et d’arrêts retenant ou écartant une pratique au bénéfice de commentaires variés. Quelques exemples :

- la Cour de Rennes a jugé, dans un arrêt du 8 octobre 2003 : « L’absence de consensus franc de la communauté médicale » ne peut conduire à la condamnation du médecin dès lors que sa décision « correspond aux pratiques médicales actuelles » ;

- « L’absence de consensus scientifique » ne permet pas la condamnation du médecin, a jugé la Cour de cassation le 25 novembre 2010 ;

- la Cour de Douai a pris en considération, dans un arrêt du 2 février 2006, les « recommandations du jury d’une conférence de consensus » pour condamner un médecin ;

- la Cour de Toulouse a visé, par arrêt du 18 janvier 2010, la violation du respect « des recommandations consensuelles » ;

- un médecin a été condamné par la Cour de Rouen, le 17 mars 2010, l’arrêt retenant qu’il « ne pouvait ignorer les recommandations de la Haute Autorité de Santé » ;

Bien sûr, les juridictions d’une manière constante visent « la littérature médicale », « la doctrine médicale diffusée et disponible », et les « études que le médecin ne pouvait ignorer en sa qualité de spécialiste ».

Une bonne décision doit être motivée, qu’elle soit médicale ou judiciaire. Il est regrettable que certains rapports d’expertise procèdent par affirmations péremptoires et ne citent pas les « recommandations professionnelles » qu’ils visent parfois sans en préciser l’auteur, la date, et surtout sans égard à la gradation de leur pertinence.

Il sera utile aux gynécologues-obstétriciens d’observer, à ce titre, le classement de ses recommandations par la HAS sur les indications de la césarienne programmée à terme : essentiellement de grade « C », donc de faible niveau de preuve, permettant aux praticiens une discussion scientifique au cas par cas, plus facile que pour les Recommandations de grade « A ».

Dans le cadre de la pratique de l’expertise judiciaire, la détermination de l’état de l’art, fondée sur une analyse des connaissances médicales avérées, devrait utilement respecter, dans la sélection des résultats de la recherche documentaire effectuée, une méthodologie rigoureuse qui pourrait s’inspirer de celle de l’analyse de la littérature en vue de la définition des recommandations.

Les experts nommés n’en ont pas toujours la compétence et, lorsqu’ils l’ont, certaines affaires et le niveau de rémunération qui leur est réservé, ne permettent pas systématiquement de se livrer à une méthodologie expertale et une analyse des publications et recommandations tracées, prouvées, mises à la disposition des parties et de la juridiction devant statuer.

C’est la raison pour laquelle il ne suffira pas à un gynécologue-obstétricien de critiquer par principe la recommandation en matière d’indication de la césarienne programmée mais il devra motiver son choix, le défendre par une analyse du bénéfice/risque pour cette patiente à cette date-là dans les conditions contemporaines à l’accouchement, avec discernement et références médicales à l’appui.

Une chose est certaine, le médecin devra, pendant l’expertise, être actif à la défense de ses choix thérapeutiques, avoir recherché lui-même les données expliquant sa prescription ou son geste, connaître parfaitement son dossier et se faire aider le cas échéant de confrères de sa discipline.

A noter : le Tribunal n’est jamais lié par les constatations du technicien qu’il a nommé et les conclusions d’un rapport d’expertise peuvent être écartées par un magistrat, en application de l’article 246 du code de procédure civile.

En conséquence, le débat demeure ouvert et possible, même après l’expertise contradictoire, même en présence de Recommandations de bonne pratique clinique de la Haute Autorité de Santé.

Gynéco Online - Mai 2012
Voir le contenu de l'article [+]
Retard au diagnostic (non) faute technique (oui) Décollement de rétine Indemnisation du préjudice
(Arrêt Cour d’appel Aix en Provence 10 septembre 2008, n° 07/00531)
Isabelle Lucas-Baloup

Victoria X, à l’occasion d’un effort physique, ressent une vive douleur à l’œil G, suivie de l’apparition d’un voile avec des points noirs. Elle consulte le jour même le Dr M., ophtalmologiste, qui lui prescrit un traitement pour une irritation oculaire, renouvelé 15 jours plus tard. Autre ophtalmologiste consulté 2 mois plus tard décèle un décollement de rétine, chirurgie, cécité non améliorable.

Expertise et jugement de première instance : manquements du Dr M. et perte de chance 30%. Appel par la patiente.

L’arrêt du 10 septembre 2008 retient :

- L’ophtalmologiste n’a réalisé lors de ses 2 consultations qu’un « examen avec une lentille de Volk de 60° et n’a pas examiné l’extrême périphérie rétinienne de l’œil G avec un verre de Golman à 3 miroirs, ce qui aurait permis de déceler un décollement postérieur du vitré avec peut-être déjà une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine » ;
- « Il ne s’agit pas d’une simple erreur de diagnostic non fautive en elle-même, mais d’une faute technique pour ne pas avoir diagnostiqué à temps une déchirure rétinienne ou un début de décollement de rétine, faute d’avoir employé les instruments médicaux indispensables. »
- confirmation de la perte de chance à hauteur de 30%.

- indemnisation du préjudice : IPP en rapport avec le décollement de rétine fixé à 20% compte tenu de l’état antérieur de Victoria X (cataracte bilatérale avec une acuité visuelle à 04/10 ; pretium doloris à 4/7 ; préjudice d’agrément pour abandon d’activités de loisirs : 3 000 €.

SAFIR - Mars 2009
Voir le contenu de l'article [+]
Transsexualisme et changement de prénom Arrêts récents
Isabelle Lucas-Baloup

L’article 60 du code civil prévoit que « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée. Si l’enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement personnel est requis. »

Les changements de prénoms interviennent notamment en cas de transsexualisme mais aussi d’intersexualisme ou d’hermaphrodisme. La modification du prénom sur les registres de l’état civil est souvent la conséquence d’un changement de sexe. La jurisprudence française avait beaucoup résisté aux demandes de changement de prénom liées au transsexualisme et il a fallu la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Strasbourg) pour violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en 1992, pour que la Cour de cassation admette la modification de l’état civil après une métamorphose thérapeutique, sur le fondement du principe du respect dû à la vie privée prévu à l’article 9 du code civil.

Quelques jurisprudences récentes : 

- Arrêt Cour d’appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 2 février 2012 (n° 10/04968) :

« Considérant qu’aux termes d’un rapport d’expertise parfaitement argumenté, le Professeur L. répond à la question de savoir s’il est possible ou non de déterminer le sexe d’Isabelle L. "que les avis concordants des psychiatres, du gynécologue et de l’endocrinologue ainsi que la période de suivi et de traitement qui, débutée en 2008, se poursuit actuellement de façon stable, à la satisfaction de Mme L., incitent à considérer qu’il s’agit bien d’une dysphorie de genre du sexe biologique féminin vers le sexe masculin."

« Qu’il conclut "qu’à ce jour, en l’état actuel de données dont nous disposons, Mme L. peut être considérée comme appartenant au plan psychologique, comportemental et dans son apparence extérieure, au sexe masculin".

« Considérant que l’ensemble des éléments du dossier ainsi que les conclusions péremptoires du Professeur L. justifient, conformément au principe du respect dû à la vie privée posé par les articles 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil de faire droit à la demande de modification de sexe et de prénom comme le demande l’appelante. » 


- Arrêt Cour d’appel de Nancy, 3ème chambre civile, 2 septembre 2011 (n° 11/02099, 09/02179) :

« Attendu que l’état civil d’une personne doit indiquer le sexe dont elle a l’appartenance.

« Attendu que la demande de changement d’état civil ne peut se fonder sur la notion de possession d’état, déjà invoquée dans les premières conclusions de l’appelant ; qu’il sera rappelé aux termes de l’arrêt du 11 octobre 2010, il a été expressément indiqué par la Cour que le fait que la personne appartienne au sexe féminin aux yeux des tiers compte tenu de son comportement social et de l’apparence qu’elle donne en faisant établir la plupart des documents de la vie courante sous un prénom féminin en l’espèce Delphine, ne peut valoir preuve d’un changement irréversible de son sexe de nature à justifier une telle demande ;

« Attendu que la modification d’état civil n’impose pas nécessairement que soient avérées chez la personne qui la sollicite des transformations de nature chirurgicale et donc une opération de "réassignation sexuelle" mais que soit établi le caractère irréversible du processus de changement de sexe engagé ;

« Qu’invité par la Cour à justifier médicalement des conséquences du traitement d’hormonothérapie auquel il se soumet depuis 5 ans, Thierry R.-G. a produit aux débats deux certificats médicaux, l’un du Docteur G., psychiatre, qui indique que "Delphine R.-G. a eu un traitement hormonal depuis 4 ans, est en inversion de genre depuis cette date, ceci de façon irréversible" ; que ce médecin ajoute qu’elle ne présente pas de troubles psychiatriques ;

« Qu’un second certificat médical du Docteur A., médecin traitant généraliste, confirme que le traitement hormonal substitutif féminisant a induit des modifications corporelles féminines parfaitement avérées ;

« Que ces constatations médicales et les termes mêmes employés par ces médecins, établissent le caractère irréversible du changement entrepris et des modifications du métabolisme qui en résultent ; qu’il convient donc […] de faire droit à la demande de changement de sexe ;

« Attendu que, par application de l’article 60 du code civil, toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut changer de prénom ; que le changement de sexe et la mention dans l’acte de naissance du sexe féminin rend légitime le changement de prénom masculin en un prénom féminin Delphine ; qu’il convient de faire droit à la demande. » 

- Arrêt Cour d’appel de Rennes, 6ème chambre, 7 juin 2011 (n° 10/03953) :

« Il résulte des pièces médicales versées aux débats que Monsieur H. présente un trouble de l’identité sexuelle, qu’il vit "sous habitus féminin", qu’il est animé de la volonté de changer de sexe et qu’il a entrepris des traitements pour mettre en harmonie son corps et son sentiment d’appartenir au sexe féminin.

« Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que depuis de nombreuses années il se comporte comme une femme dont il a l’apparence et est connu sous le nom de Janie H.

« Si Monsieur H. n’est pas allé jusqu’au bout de sa démarche en ne subissant pas de "réassignation chirurgicale", ainsi que le Tribunal l’a indiqué dans sa décision, il convient d’observer que la demande de changement d’état civil est fondée dès lors que les traitements hormonaux destinés à opérer une transformation physique ou physiologique ont entraîné un changement de sexe irréversible, même si l’ablation des organes génitaux n’a pas été réalisée.

« Il apparaît à la Cour que Monsieur H. qui présente le syndrome de transsexualisme ne possède plus à la suite du traitement subi tous les caractères de son sexe et a pris une apparence physique le rapprochant de l’autre sexe auquel correspond son comportement social et que sa transformation est irréversible.

« Dès lors, en application du principe du respect dû à la vie privée, il est bien fondé à demander que son état civil indique le sexe dont il a l’apparence. » 

- Arrêt Cour d’appel de Lyon, 2ème chambre, 14 février 2011 (n° 10/01752) :

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. demande à pouvoir substituer, à son prénom, celui de Myriam ; qu’il indique être connu sous ce prénom depuis de nombreuses années tant sur le plan personnel que sur le plan administratif, ce dont il justifie par des attestations et la production de divers documents et factures, ainsi que de l’intitulé de son compte bancaire où il figure sous les vocables de Madame Myriam D. ;

« Attendu que la question d’un intérêt légitime envisagée au regard d’un usage prolongé pourrait effectivement être débattue ;

« Mais attendu que cette question se heurte à un principe d’ordre public dans la mesure où l’attribution du prénom est étroitement liée au sexe ; que le sexe et le prénom sont des identifiants de l’identité d’une personne et constituent des mentions substantielles qui doivent conserver un caractère de permanence ; que l’identité ne peut recevoir de modification que dans des circonstances strictement limitées par la loi ;

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. a été enregistré à l’état civil comme étant de sexe masculin ; qu’il invoque un état de transsexualisme le conduisant à revendiquer un prénom qui soit en conformité avec ses aspirations et son comportement social, orientés vers la féminité ;

« Mais attendu qu’il n’y a pas de requête en modification de l’état civil, s’accompagnant d’une demande de changement de prénom pour mettre précisément l’identité en conformité avec l’état civil ; que Monsieur Jean-Michel D.C. ne justifie pas de démarches médicales en vue d’une transformation irréversible des caractères morphologiques et sexuelles pour changer de sexe ; qu’il produit un seul certificat médical, d’un médecin généraliste, indiquant qu’il suit ?avec son endocrinologue, Madame Myriam D., qui me dit souffrir d’un syndrome de transsexualité à évaluer?, que cette formulation vague et imprécise, qui se contente de rapporter les doléances d’un patient sans conclure par un diagnostic, ne présente pas un caractère suffisant pour considérer que le requérant est engagé dans un processus médical ;

« Attendu que c’est à bon droit que le premier juge a débouté Monsieur Jean-Michel D.C. de sa demande, faute d’éléments médicaux pour justifier la mise en conformité de son identité avec un état civil autre que celui enregistré lors de sa naissance ;

« Mais attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. justifie d’un intérêt légitime à modifier son prénom dans la mesure où l’apparence physique féminine qu’il s’est donnée et son comportement social suscitent des interrogations par rapport à son prénom masculin ; qu’il souhaite, pour mener une vie tranquille et discrète, ne pas donner prise à de telles interrogations qui peuvent faire douloureusement intrusion dans son intimité et sa vie privée ;

« Qu’il formule en appel une demande subsidiaire pour substituer à son prénom celui de "Camille" qui peut être porté par un homme ou une femme, sans que cela suscite de la curiosité ; qu’en outre, ce prénom le rattache étroitement à des liens familiaux puisqu’il est celui de sa grand-tante ;

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. présente bien un intérêt légitime en raison des inconvénients d’ordre psychologique résultant du port d’un prénom qui ne correspond pas à l’aspect extérieur de sa personne ; qu’il sera fait droit à sa demande de pouvoir substituer à son prénom "Jean-Michel" celui de "Camille". »

Attention donc à la manière dont les médecins rédigent les certificats médicaux utiles et demandés à l’occasion de procédures de changement d’état civil…

Gynéco Online - Avril 2012
Voir le contenu de l'article [+]