Base de données - Harcèlement

Fonction publique et harcèlement moral
(Conseil d’Etat, 11 juillet 2011, n° 321225)
Jonathan Quaderi

Par un arrêt du 11 juillet 2011, le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi formé contre un arrêt de cour administrative d’appel refusant de faire droit aux demandes d’un agent public territorial, tendant à obtenir la condamnation de son employeur en réparation du préjudice subi par lui du fait du harcèlement moral, a précisé ce qui suit : « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les relations de travail au sein des services de la commune […] ont été affectés par des tensions et des conflits persistant entre les membres du personnel et [la secrétaire générale de la mairie qui a pris ses fonctions en 1999] ; que les éléments de fait produits par [le requérant] sont susceptibles de faire présumer l’existence d’agissements constitutifs d’un harcèlement moral à son encontre ; que cependant le comportement de la secrétaire générale ne peut être apprécié sans tenir compte de l’attitude de Mme A ; qu’ainsi que l’établit la commune, l’attitude de cette dernière se caractérisait par des difficultés relationnelles avec ses collègues et avec les élus, des refus d’obéissance aux instructions qui lui étaient données et une attitude agressive, qui a par ailleurs valu à l’intéressée la sanction prononcée à son encontre par l’arrêté municipal du 2 juin 2004 ; que, dans ces conditions, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que les agissements de la secrétaire générale vis-à-vis [du requérant] ont excédé les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique au point de pouvoir être qualifiés de harcèlement moral ; que la circonstance qu’une plainte pour harcèlement moral ait été déposée à l’encontre de la secrétaire générale par le maire de la commune ne suffit pas à caractériser l’existence d’agissements revêtant cette nature ».
Aucune indemnité n’a donc été allouée au requérant de ce chef.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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Harcèlement de la clinique pour augmenter la redevance contractuelle d’un chirurgien : manquement condamnable
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 13 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est impossible d’écrire cette Lettre du Cabinet sans rencontrer une opportunité de commenter un ou plusieurs arrêts récents portant sur les relations économiques chroniquement conflictuelles entre médecins libéraux et cliniques privées et plus particulièrement sur le partage des coûts et charges des moyens et services offerts aux premiers.
En l’espèce, la clinique, qui prélevait une redevance forfaitaire convenue sur les honoraires médicaux en rémunération de l’encaissement de ceux-ci et de la mise à disposition des moyens techniques et humains nécessaires à l’activité professionnelle considérée, a fait savoir, par une lettre circulaire envoyée aux médecins, qu’elle facturerait désormais à leur coût réel les prestations fournies, en précisant que les refus entraîneraient la transmission des dossiers au conseil de l’ordre des médecins et une réduction des services rendus à proportion des sommes effectivement versées. Un chirurgien, contestant ces nouvelles modalités de calcul, a fait savoir qu’il mettait fin à ses interventions, sous préavis d’un an et a assigné la clinique en rupture fautive, après vaine tentative de conciliation.
C’est cette fois le chirurgien qui gagne, et, comme c’est la Cour de cassation qui condamne, je vous invite à lire intégralement les quelques alinéas décisifs : « Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit la clinique responsable de la rupture du contrat d’exercice et tenue d’en indemniser le préjudice aux conditions contractuellement arrêtées, alors, selon le moyen, que, lorsqu’un contractant résilie unilatéralement un contrat, sans avoir saisi la justice d’une demande en résiliation aux torts de son contractant, seul le comportement d’une gravité particulière de ce contractant justifie que la rupture du contrat puisse lui être imputée ; qu’en l’espèce, pour imputer la rupture du contrat à la clinique, la cour d’appel a considéré qu’en modifiant le contrat, elle s’était rendue coupable d’un manquement contractuel qui justifiait que lui soit imputée la rupture ; qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le chirurgien avait pris l’initiative de la rupture par un courrier (...), et n’avait pas saisi la justice d’une demande de résiliation du contrat aux torts de la clinique, sans relever l’existence d’un comportement d’une particulière gravité de la clinique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du code civil ; Mais attendu que la cour a relevé, outre l’acharnement de la clinique à adresser périodiquement au chirurgien les factures contestées, concrétisant ainsi sa décision de modifier unilatéralement une clause substantielle du contrat d’exercice, les tracas ainsi provoqués et peu compatibles avec la sérénité indispensable à l’activité chirurgicale, ainsi que le respect néanmoins par l’intéressé d’un préavis ; que de ces constatations, elle a pu déduire un manquement d’une gravité suffisante pour permettre au praticien de mettre licitement fin au contrat sans saisine préalable de la juridiction compétente ». La Cour de cassation confirme l’arrêt à titre principal, qu’elle ne casse qu’au regard des dispositions de l’arrêt ayant refusé au chirurgien le rachat de ses actions aux conditions contractuelles.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Harcèlement moral : l'employeur peut-il désormais s'exonérer de sa responsabilité ?(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 1er juin 2016, n° 14-19702)
Pauline Lugherini

    Par un arrêt du 1er juin 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a consacré pour l’employeur dont l’un des salariés est victime de harcèlement moral la possibilité de ne pas voir sa responsabilité engagée.

   Rappelons que l’article L. 1152-1 du code du travail dispose qu’« aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel », et que les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code prévoient les obligations de l’employeur en matière préventive.

   Au visa de ces articles, la Cour de cassation a énoncé que « ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ».

   Ce faisant, elle a étendu aux situations de harcèlement moral le principe qu’elle avait déjà posé, par un arrêt du 25 novembre 2015, en matière de sécurité physique et mentale des travailleurs (Cour de cassation, ch. sociale, 25 novembre 2015, n° 14-24444).

   L’employeur peut ainsi s’exonérer de sa responsabilité, mais à quelles conditions ?

   La Cour de cassation reste très exigeante. Il faut tout d’abord, en amont, qu’il ait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, mis en œuvre des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. Il faut, ensuite, dès qu’il en a eu connaissance, qu’il ait pris toutes les mesures immédiates aux fins de faire cesser le harcèlement moral, et qu’il l’ait fait cesser effectivement.

   En l’espèce, la cour d’appel avait débouté un salarié victime de harcèlement moral qui cherchait à engager la responsabilité de son employeur, aux motifs que ce dernier avait modifié son règlement intérieur pour y insérer une procédure d’alerte en matière de harcèlement moral, qu’il avait mis en œuvre dès qu’il avait eu connaissance du conflit entre le salarié et son supérieur hiérarchique une enquête interne et une réunion de médiation avec le médecin du travail, le directeur des ressources humaines et trois membres du CHSCT, et qu’il avait confié au directeur des ressources humaines une mission de médiation de trois mois.

   Ces mesures ne sont cependant pas suffisantes, selon la Cour de cassation, qui censure l’arrêt de la cour d’appel en considérant que l’employeur n’avait pas pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, notamment, mis en œuvre des actions d’information et de formation. 

La Lettre du Cabinet - Août 2016


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Employeur Exonération Harcèlement Responsabilité

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Nouvelle loi sur le harcèlement sexuel
(loi n° 2012-954 du 6 août 2012, article 222-33 du code pénal)
Isabelle Lucas-Baloup

Gare aux plaisanteries lourdingues ou aux insinuations, gestes et commentaires répétés sur ce qui se trouve sous la blouse des infirmières, ou derrière le tablier de plomb des manipulatrices. La loi nouvelle sur le harcèlement sexuel est arrivée au milieu de l’été, juste avant la canicule, et condamne de 2 ans de prison et 30 000 € d’amende celui ou celle qui impose « à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. ». La peine est portée à 3 ans et 45 000 € d’amende notamment si les faits sont commis par une « personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». Mais il n’est pas imposé qu’un lien de subordination existe entre l’auteur du harcèlement et la victime (un infirmier peut donc être condamné pour harcèlement d’une patiente hospitalisée, comme un directeur d’établissement sur la secrétaire personnelle d’un chirurgien, ou encore un biologiste libéral sur une pharmacienne salariée à temps partiel de la PUI).

L’article 222-33-2 qui prévoit la sanction du harcèlement d’autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, doit être affiché dans les lieux de travail, dans lesquels il est vivement conseillé en conséquence de ne pas afficher ses atomes crochus ou ses rêves de tendresse partagée avec un(e) subordonné(e), ou pas, avec lequel(laquelle) on s’abstiendra désormais de prendre seul(e) l’ascenseur qui conduit à la cafeteria, au bloc, ou au septième ciel. Dura lex, sed lex.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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