Base de données - Patients

"Chirurgien des stars": s'abstenir de médiatiser
(arrêt du 26 septembre 2018, Conseil d'Etat, 4ème et 1ère ch. réunies, n° 407856)
Isabelle Lucas-Baloup

   Un médecin spécialisé en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique avait fait l’objet de plaintes par le CDOM de Paris en raison de sa participation à des émissions pour lesquelles il avait accepté d’être filmé pendant des consultations et des interventions chirurgicales dont il avait lui-même commenté le succès sur son profil Facebook professionnel, notamment dans une émission « Tellement vrai – les chirurgiens de la beauté » diffusée sur la chaîne de télévision NRJ 12 et sur Youtube et de citations de ses propos dans un article d’un magazine « Public », portant en une de couverture un titre relatif à une vedette de téléréalité « Nabila, la vérité sur ses seins », dans lequel il était présenté comme le « chirurgien esthétique des stars », ce qui lui avait valu une interdiction d’exercice de deux ans prononcée par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins.

   Sur pourvoi du chirurgien, le Conseil d’Etat juge notamment : « alors même que les patients concernés auraient, par leur participation à ce type d’émissions ou leur consentement à l’article de presse mentionné ci-dessus, sciemment recherché la médiatisation et consenti à la révélation de leur identité, le concours apporté par [le chirurgien] à la divulgation de l’identité des patientes était constitutif d’une méconnaissance des dispositions de l’article R. 4127-4 du code de la santé publique », sur le secret professionnel qui « institué dans l’intérêt des patients s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris ».

   La violation du secret et l’infraction à l’interdiction d’utiliser des moyens publicitaires retenue par ailleurs conduisent au rejet du pourvoi, l’arrêt mentionnant que la sanction de suspension pendant deux ans n’est pas « hors de proportion avec la faute commise ».

   Pour le Conseil d’Etat, le consentement des patients s’avère en conséquence sans influence sur la commission de l’infraction au secret médical. Pour la Cour de cassation, le secret médical est moins absolu dès lors que sa 2ème chambre a, au contraire, jugé « que des informations couvertes par le secret médical ne peuvent être communiquées à un tiers sans que soit constaté l’accord de la victime ou son absence d’opposition à la levée du secret, de sorte qu’une CPAM ne pouvait être contrainte de communiquer à une société (employeur) de telles informations »  (Cass. civ. 2è ch., 19 février 2009, n° 08-11959).

La Lettre du Cabinet - Décembre 2019


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Brûlure d’un patient par le scialytique : clinique responsable (Cour d’appel d’Aix en Provence, 10ème ch., 19 mars 2015)
Isabelle Lucas-Baloup
Une patiente se fait opérer des paupières des deux yeux dans un but esthétique dans une clinique privée. Brûlure par le scialytique. Nombreuses réinterventions dont une greffe de cornée. Le problème était de savoir si seule la Clinique était responsable ou si le chirurgien l’était in solidum, comme jugé en première instance par le TGI de Toulon.
Le chirurgien soutenait qu’il n’est tenu, en ce qui concerne les matériels utilisés lors de ses interventions, que d’une obligation de sécurité de moyens et qu’il ne pouvait vérifier la conformité de tous les matériels du bloc opératoire avant chaque opération, le vice de la chose étant indécelable à l’œil nu.
Très normalement, la Cour d’Aix infirme le jugement et rappelle que, depuis la loi du 4 mars 2002, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables de leurs actes qu’en cas de faute. Il en résulte que le chirurgien n’est tenu que d’une obligation de moyens lorsqu’il utilise un objet dans l’exercice de son métier, et qu’une faute doit être établie à son encontre personnelle pour engager sa responsabilité.
Il ressort de l’expertise une « forte suspicion pour que cette brûlure ait été causée par la lampe utilisée pendant l’intervention, le scialytique examiné n’ayant pas été équipé des filtres semi-circulaires qui le ceinturent habituellement et qui limitent l’émission thermique de la lumière. Ces filtres doivent être retirés pour pouvoir accéder à l’ampoule et il n’est pas rare d’oublier de les remettre après le changement d’am-poule. ».
Responsabilité entière de la Clinique qui indemnise seule la patiente. La Lettre du Cabinet - Septembre 2015


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Brûlure Patients Scialytique

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Chirurgie esthétique : décès du patient après hémorragie interne non diagnostiquée, non traitée
(Cour d’appel Paris, 14ème ch., 24 octobre 2008, Clinique du Rond Point des Champs Elysées, JurisData n° 2008-371998)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt énonce qu’après une lipoaspiration du ventre, le diagnostic d’hémorragie interne n’est pas posé à temps. Le décès est la conséquence directe d’un arrêt cardio-respiratoire secondaire aux effets d’une spoliation sanguine provoquée par un saignement chirurgical, conséquence de la lipoaspiration. Le geste chirurgical est à l’origine de la constitution progressive d’un volumineux hématome de la paroi abdominale. La recherche d’un saignement au niveau abdominal n’a pas été effectuée, par plus qu’un bilan biologique avec dosage d’hémoglobine. L’anesthésiste a quitté la clinique vers 19 H sans avoir fait pratiquer ces examens et sans avoir recueilli l’avis d’un chirurgien. Le patient est décédé dans la nuit (à 2 H).
La responsabilité de la clinique est engagée pour moitié, le personnel infirmier, entre 22 H et 3 H du matin n’ayant alerté ni le chirurgien ayant effectué l’intervention ni tout autre chirurgien ni même l’anesthésiste qui ne le fut qu’à 4 H, trop tard.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Evolution de la communication patient/médecin
Isabelle Lucas-Baloup

 L’article R. 4127-35 du code de la santé publique impose au médecin « une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose » et l’article R. 4127-34 l’oblige à formuler ses « prescriptions avec toute la clarté indispensable, de veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et de s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution ».
   Vaste programme à une époque où le paternalisme éclairé du médecin de nos ancêtres, qui suffisait grâce à une relation de confiance bilatérale à les convaincre de la pertinence et de l’efficacité du diagnostic et du traitement prescrit, est remplacé par une méfiance du consommateur de soins à l’égard de son spécialiste si celui-ci n’a pas suffisamment verbalisé la liste des symptômes à prendre en considération pendant l’anamnèse tels qu’énumérés sur des sites de vulgarisation de qualité hétérogène explorés par l’internaute avant la consultation « en présentiel ».
  L’information « instinctive » de l’homme de l’art a vécu, les Facultés de médecine initient des DIU de « stratégies de communication des médecins dans la relation médecin-patient » - ou « patient/médecin » ? – le titre annonce lui-même les digressions et polémiques engendrées par le nouveau débat contradictoire qui a définitivement remplacé l’information bienveillante de celui qui, pendant le colloque singulier, seul savait.
  Le médecin demeure soumis à une obligation de moyens en ce qui concerne le résultat de son intervention, mais n’est-il pas tenu d’une obligation de résultat dans le respect de ses obligations en termes de communication sur ce que la loi Kouchner du 4 mars 2002, elle a donc déjà bientôt 20 ans, organisait à l'article L. 1111-2 du CSP : « le droit d’être informé sur son état de santé, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus » aux fins de garantir « la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » (article L. 1110-5).
  À 25 € la consultation, les champions de la communication médicale doivent gérer la forme – qui évidemment n’exclut pas le fond – avec rapidité et efficacité, sous peine d’avoir à réparer le nouveau « préjudice moral d’impréparation » inventé par la Cour de cassation pour indemniser le patient qui n’a pas bien compris, ou qui a oublié, et qui met judiciairement au défi son médecin d’apporter la preuve qu’il l’avait expressément prévenu de tel risque (même s’il ne s’est pas réalisé) car, mieux informé, il aurait renoncé à l’acte ou serait allé voir ailleurs… Nous vivons désormais les belles heures du deuxième avis, voire du troisième et du quatrième car le patient finit toujours par trouver le praticien qui lui dit ce qu’il a envie d’entendre. Sur les réseaux sociaux et blogs pas toujours bien intentionnés à l’égard de la communauté médicale il pourra alors discréditer anonymement et librement un spécialiste qui n’a pourtant pas démérité, sans que ce dernier puisse s’y opposer : la Cour de cassation n’a pas encore inventé les moyens rapides de faire cesser une diffamation par « avis » diffamatoire sur Google, il faut des mois pour obtenir l’identité de l’auteur de la déloyauté qui se cache sous un pseudonyme et des années pour encaisser un euro symbolique d’indemnité sensée réparer une « atteinte à l’honneur et à la probité » du praticien. Ici comme ailleurs, dans notre société moderne du grand bavardage fuligineux, les menteurs ne sont pas toujours les payeurs.
  En routine, la solution pour le médecin est simple : croiser les doigts chaque matin pour que le patient malintentionné, voire le quérulent processif, celui qui a compris qu’il est plus facile d’attaquer un médecin que pour celui-ci de se défendre contre des affirmations aberrantes, ne croise pas le chemin de son cabinet. Les codes de déontologie jouent leur rôle à l’égard des professionnels lourdement sanctionnés en cas de faux-pas ou de manquement à l’éthique. En contrepartie, ces mêmes professionnels n’ont que le droit commun et l’article 1240 du code civil pour agir contre leurs détracteurs malhonnêtes : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »        
  Développer les écrits contractuels pour se protéger est chronophage. Tout enregistrer n’est pas autorisé et compliqué à archiver. Les bonnes pratiques de communication et de télécommunication entre le médecin et son patient évoluent, les excès sont parfois partagés, les accès à l’information ne sont plus réservés à la consultation médicale, les patients-experts se multiplient, mais statistiquement la compétence, l’écoute et l’empathie du médecin continuent à servir l’intérêt supérieur du patient. Dans ce couple incontournable, à chacun de déterminer comment il met en œuvre sa propre lucidité.

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Fugue et décès d'un patient : une affaire de circonstance
(Cour adm. d’appel de Nancy, arrêt du 12 novembre 2009, n° 08NC00590)
Eglantine Lhermitte

Une patiente majeure, en hospitalisation libre depuis le 30 décembre 2003, fugue du Centre Hospitalier le 29 juillet 2004 et décède. Ses parents et sœurs attaquent l'Hôpital pour faute, estimant la surveillance insuffisante et considérant que l'Hôpital n'avait pas fait preuve de diligence pour retrouver la patiente.
La Cour retient, en premier lieu, que la patiente ne présentait pas de tendances suicidaires, ni de symptôme dépressif. En second lieu, elle ne manifestait aucun comportement particulier nécessitant le renforcement de la surveillance, même si elle avait montré, les jours précédant sa fugue, une agressivité dont elle était coutumière. Enfin, bien que la patiente avait déjà fugué précédemment trois fois, il n'y avait pas lieu de mettre en œuvre une surveillance constante.
En conséquence, la Cour retient l'absence de faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier.
Sur le second grief, la Cour relève que la patiente est partie vers 10h30 et son absence découverte à 11h30. Des recherches ont immédiatement été effectuées au sein de l'établissement et dans les villages situés à proximité dès la disparition constatée. Lorsqu'un signalement a indiqué la présence de la patiente dans un port, deux agents de l'hôpital se sont rendus sur les lieux pour poursuivre les recherches. Le délai après lequel a été découverte l'absence de la victime, tout comme le temps consacré aux démarches entreprises pour la retrouver, ne peuvent dès lors être constitutifs d'une faute de nature à engager le Centre Hospitalier.
La Cour annule le jugement du Tribunal administratif et rejette la demande des parents et sœurs de la victime.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Information du patient sur le risque d'allergie aux antibiotiques
(Arrêt du 15 juin 2004, Cour de cassation, 1re chambre civile)
Isabelle Lucas-Baloup

Un anesthésiste pratique un bloc péridural, qu'il va renouveler, sur une patiente atteinte de lombosciatalgies. S'ensuivent des séquelles neurologiques (paraplégie) que les experts considèrent directement imputables à l'hématome péridural provoqué par le cathéter, la patiente étant sous anticoagulants.
La Cour d'appel de Paris avait retenu (arrêt du 19 juin 2003) l'entière responsabilité du médecin auquel il est fait grief tout particulièrement de ne pas s'être informé de manière complète et approfondie sur les traitements suivis par la patiente, ayant présenté auparavant des phlébites à répétition et toujours sous traitement anticoagulant. L'anesthésiste s'était contenté de lui demander : "d'arrêter tous ses traitements cinq jours avant l'hospitalisation sans en préciser la nature", mentionne la Cour.
C'est vainement que le praticien a soutenu, en première instance, en appel, puis devant la Cour de cassation que la clinique était fautive, son personnel infirmier n'ayant pas assuré la surveillance de la patiente ni recherché si elle ne disposait pas de médicaments à son insu ni suspecté qu'elle prenait un traitement non prescrit au sein de la clinique.
La Cour de cassation retient que les infirmiers sont tenus "de vérifier la prise des médicaments prescrits lors du séjour dans l'établissement de santé et la surveillance de leurs effets". La solution aurait sans doute été différente si l'anesthésiste avait spécialement informé les infirmières d'un risque.
En conclusion, le médecin doit poser explicitement la question de la prise d'anticoagulants avant de pratiquer un bloc péridural et, s'il a manqué à cette obligation, ne peut, comme il était soutenu dans cette affaire, déplacer la responsabilité vers la patiente non informée suffisamment par le médecin la prenant en charge, pas plus que vers la clinique au titre de la surveillance par le personnel infirmier qui n'a pas été alerté sur le risque.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2005


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Anesthésie Lombosciatalgie Patients

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Les méfaits des patients d’un médecin dans l’immeuble bourgeois dont il est locataire n’engagent pas sa responsabilité personnelle
(Cour de cassation, 3ème ch. civ., 19 novembre 2008, n° 07-15.508)
Isabelle Lucas-Baloup

Tempête dans une copropriété : les patients du médecin du rez-de-chaussée causent des troubles, empêchent la jouissance paisible de l’immeuble bourgeois, affectent l’hygiène des parties communes, jettent leurs seringues, urinent et défèquent, il eût fallu Georges Brassens pour rédiger l’arrêt, qui en termes adaptés vole néanmoins au secours du praticien poursuivi par l’Académie des inscriptions et belles lettres, propriétaire des murs du cabinet litigieux : « Attendu que le fait que l’Académie reprochait au docteur T. d’exercer son activité auprès d’une clientèle « qu’il ne devrait pas recevoir dans un immeuble bourgeois » ne s’appuyait sur aucun comportement fautif du preneur au titre de l’accueil des patients fréquentant le cabinet ; Que l’autorisation donnée par le bail à ce praticien d’exercer sa profession de médecin dans les lieux loués impliquait le droit pour l’intéressé d’accueillir tous patients, lesquels ne constituent pas des personnes de la maison au sens de l’article 1735 du code civil ; Que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le médecin ne pouvait être personnellement tenu pour responsable du comportement de certains des patients dans les parties communes de l’immeuble. »
Il n’y a donc pas lieu à résiliation du bail, d’autant que le praticien fit poser un interphone pour filtrer les entrées dans l’immeuble.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Locataire Médecins Patients Responsabilité

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Les méfaits des patients d’un médecin dans l’immeuble bourgeois dont il est locataire n’engagent pas sa responsabilité personnelle :
(Cour de cassation, 3ème ch. civ., 19 novembre 2008, n° 07-15.508)
Isabelle Lucas-Baloup

Tempête dans une copropriété : les patients du médecin du rez-de-chaussée causent des troubles, empêchent la jouissance paisible de l’immeuble bourgeois, affectent l’hygiène des parties communes, jettent leurs seringues, urinent et défèquent, il eût fallu Georges Brassens pour rédiger l’arrêt, qui en termes adaptés vole néanmoins au secours du praticien poursuivi par l’Académie des inscriptions et belles lettres, propriétaire des murs du cabinet litigieux : « Attendu que le fait que l’Académie reprochait au docteur T. d’exercer son activité auprès d’une clientèle « qu’il ne devrait pas recevoir dans un immeuble bourgeois » ne s’appuyait sur aucun comportement fautif du preneur au titre de l’accueil des patients fréquentant le cabinet ; Que l’autorisation donnée par le bail à ce praticien d’exercer sa profession de médecin dans les lieux loués impliquait le droit pour l’intéressé d’accueillir tous patients, lesquels ne constituent pas des personnes de la maison au sens de l’article 1735 du code civil ; Que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le médecin ne pouvait être personnellement tenu pour responsable du comportement de certains des patients dans les parties communes de l’immeuble. »
Il n’y a donc pas lieu à résiliation du bail, d’autant que le praticien fit poser un interphone pour filtrer les entrées dans l’immeuble.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Locataire Médecins Patients Responsabilité

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Quelle responsabilité de l’établissement concernant le contenu des dossiers médicaux des patients ?
Julie Munier

De nombreuses actions en répétition d’indus engagées par les CPAM aboutissent en raison de lacunes des dossiers médicaux et de la difficulté qui en résulte de prouver la réalité de l’intervention ou ses caractéristiques. S’il est évident pour tous qu’il peut être reproché au praticien directement concerné de n’avoir pas porté au dossier médical de son patient l’intégralité des informations devant s’y trouver, ce qui sera inévitablement soulevé à son encontre lors d’un contentieux puisqu’il sera défaillant dans la charge de cette preuve, le médecin libéral n’est pourtant pas le seul responsable concernant les dossiers médicaux de ses patients. En effet, compte tenu de l’obligation des établissements de santé de recueillir et de traiter les données d’activité médicale, les cliniques doivent établir des RUM conformes au contenu du dossier du malade.
Se forme alors une chaîne de responsabilités. Conformément au guide méthodologique de production des résumés de séjours du PMSI en médecine, chirurgie et obstétrique et aux articles R. 6113-1 et R. 6113-4 du code de la santé publique :
- « Les données sont recueillies, pour chaque malade, par le praticien responsable de la structure médicale ou médico-technique ou par le praticien ayant dispensé des soins aux malades et elles sont transmises au médecin responsable de l’information médicale pour l’établissement ;
- Le praticien responsable d’une structure médicale ou médico-technique ou le praticien ayant dispensé des soins est garant, pour ce qui le concerne, de l’exhaustivité et de la qualité des informations qu’il transmet pour traitement au médecin responsable de l’information médicale pour l’établissement.
Le médecin responsable de l’information médicale conseille les praticiens pour la production des informations. Il veille à la qualité des données qu’il confronte, en tant que de besoin, avec les dossiers médicaux et les fichiers administratifs. Dans la perspective des contrôles externes de qualité de l’information produite, il doit en outre être en mesure d’assurer, lors de ceux-ci, le rapprochement entre dossier médical du malade et numéro de RSS correspondant.
S’agissant de la responsabilité des acteurs hospitaliers en cas de défaut de qualité de l’information, il convient de rappeler :
- que le directeur de l’établissement est responsable des informations transmises réglementairement à l’extérieur de l’établissement ;
- que le règlement intérieur du département ou du service de l’information médicale, approuvé par la commission médicale d’établissement et par le conseil d’administration, est de nature à fixer les responsabilités de chacun des acteurs (médecin chargé de l’information médicale, médecin responsable des soins...). »
Cette chaine de responsabilités a pour conséquence le refus de prise en charge des dossiers litigieux pour la clinique. En effet, c’est elle qui est responsable de l’information communiquée aux tiers, et donc à l’assurance maladie, devant ainsi vérifier, par l’intermédiaire du médecin DIM, que les dossiers médicaux sont complets, c’est-à-dire comprenant toutes les informations énumérées à l’article R. 1112-2 du code de la santé publique.
Certains établissements introduisent en conséquence dans leurs contrats d’exercice des dispositions leur permettant d’exercer un recours à l’encontre des praticiens en cas de procédure de répétition d’indus.
Il ne s’agit pas d’interférer dans la pratique médicale des libéraux, mais de les obliger à remplir leurs obligations concernant l’information et la traçabilité, dont les établissements sont également responsables.
L’objet des contrôles étant de vérifier « l’exécution des obligations législatives, réglementaires ou contractuelles qui s’imposent aux établissements », des manquements relatifs à l’information constituent des anomalies pouvant faire l’objet d’une sanction de l’ARH.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Quelques jurisprudences récentes sur les relations entre établissements de santé privés et personnel paramédical
Isabelle Lucas-Baloup

Mutation par l'employeur d'une IDE de nuit vers un poste de jour (arrêt Cour d'Aix-en-Provence, 9 avril 2003) :

Infirmière de nuit, une IDE est mutée contre son gré à un poste de jour par le centre privé qui l'emploie. Elle soutient qu'il s'agit d'une sanction déguisée et saisit le conseil de prud'hommes de Nice, qui la déboute de ses demandes. Elle interjette appel, en revendiquant que "le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour constitue une modification de son contrat de travail qui devait recevoir son assentiment". L'arrêt, pour la débouter une seconde fois, rappelle qu'un "employeur, responsable de la bonne marche de l'entreprise, exerce ses prérogatives en appréciant les qualités professionnelles de la salariée et en l'affectant au poste le plus approprié". Il n'était pas contesté que plusieurs évaluations professionnelles avaient mis en évidence les difficultés de l'infirmière à s'adapter à un service de nuit.
Son contrat de travail stipulait expressément : "Le directeur peut procéder à toute nouvelle affectation (jour ou nuit) nécessitée par les besoins du service". L'arrêt précise : "Si, nonobstant cette clause, le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit constitue à l'évidence une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de la salariée, tel n'est pas le cas d'un horaire de nuit à un horaire de jour". Une victoire dont les DRH de l'hospitalisation privée se souviendront !
En revanche l'établissement de santé a eu tort, juge la Cour, de considérer pouvoir "prendre acte de sa démission" lorsque l'infirmière s'est abstenue de venir travailler à compter de sa mutation, ce qui a constitué une acte de rupture de la part de l'employeur. L'abandon de poste, dans ce contexte conflictuel, ne caractérisait pas une faute grave, mais constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement, de telle sorte que l'arrêt condamne le Centre hospitalier privé au paiement des indemnités de licenciement, de préavis et de congés payés. (Juris-Data, n ° 2003-215742).

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ISAR : manque de respect aux patients (arrêt Cour de Paris, 21 janvier 2003) :

Une infirmière spécialisée en anesthésie-réanimation avait été mise à pied puis licenciée par un hôpital privé parisien qui lui reprochait : "Vous avez pratiqué un examen neurologique sur un patient avec une aiguille et ce malgré l'intervention de votre collègue de travail. Cet examen doit être pratiqué avec douceur et en aucun cas avec un objet tranchant ou piquant. De ce fait, il y a eu de nombreuses scarifications d'une profondeur suffisante pour faire saigner le malade. Cette pratique est inutile et mutilante."
Il était mentionné spécialement, dans ce service, au titre de la procédure de surveillance neurologique en réanimation, qu'en aucun cas la stimulation d'un patient dans le coma ne peut se faire à l'aide d'une aiguille, mais par "une manœuvre de frottement doux cutané, voire de pincement a minima".
Contrairement au conseil des prud'hommes - qui avait condamné l'établissement employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse - la cour juge que les faits commis "sont constitutifs d'une faute grave dès lors qu'ils rendaient impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis", la déboute de ses demandes et la condamne à rembourser les indemnités qu'elle a reçues en exécution du jugement prud'homal. (Juris-Data, n° 2003-201126).

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Comportement irrespectueux envers les résidents d'une maison de retraite (arrêt Cour de Bordeaux, 17 mars 2003) :

Employée comme agent de collectivité au sein d'une maison de retraite, la salariée ne peut être licenciée pour n'avoir pas respecté les consignes en levant une personne convalescente après une hospitalisation en cardiologie et en lui servant un petit-déjeuner alors que ces actes lui étaient interdits et ressortaient de la compétence d'une aide-soignante voire d'une infirmière.
Pourtant, la Cour de Bordeaux déclare bien fondé le licenciement de cet agent fondé sur "un comportement inadapté" et qui "tenait aux pensionnaires des propos grossiers et irrespectueux, accompagnés d'une attitude vexatoire, comportement qui s'avérait d'autant plus perturbant qu'il concernait des personnes âgées et dépendantes, dont certaines ont développé en réaction un état de stress."
L'arrêt ajoute : "Un tel comportement, que ne pouvait excuser un apparent manque de personnel faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail et constituait une cause réelle et sérieuse de rupture du contrat de travail. L'exécution du préavis de licenciement n'était cependant pas impossible, compte tenu de sa durée limitée et de la fonction polyvalente de la salariée." (Juris-Data, n° 2003-209554).

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Fautes dans la distribution des médicaments par une infirmière dans une maison de retraite (arrêt Cour de Nancy, 9 octobre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Nancy considère comme cause grave de licenciement, la Cour de Nancy seulement comme cause réelle et sérieuse de licenciement d'une IDE "le fait de prendre certaines libertés avec les soins et médicaments ordonnés par le médecin". L'arrêt atténue la responsabilité de l'infirmière en considérant deux points :
- les agissements n'ont pas revêtu un caractère dangereux pour les patients,
- seule infirmière pour 90 résidents, la tâche à elle impartie aux termes de son contrat de travail était extrêmement lourde et aurait nécessité la mise en oeuvre d'un personnel plus important.
Dans ces conditions, précise la Cour, "il convient de considérer qu'aucune faute grave ne peut lui être reprochée mais seulement une faute réelle et sérieuse justifiant son licenciement." (Juris-Data, n ° 2002-206152).

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Faute grave de la part de l'aide-soignante qui administre un hypotenseur à un malade dont la tension artérielle a augmenté, sans prescription médicale (arrêt Cour de Poitiers, 28 mai 2002) :

La lettre de licenciement visait une administration par l'aide-soignante "d'Adalate sublingual à une patiente, sans avoir au préalable obtenu l'avis du médecin, ni de l'infirmière de garde, et surtout sans ordonnance, ni prescription médicale" et lui reprochait "De plus, vous l'avez administré à des doses inhabituelles (deux gélules en même temps), ce qui montre que vous ne connaissez ni le médicament, ni les effets secondaires sur la personne" (le Vidal annonce le risque cumulé de chute de tension et d'augmentation de la fréquence cardiaque). L'infirmière d'astreinte pendant la nuit attestait ne pas avoir été appelée, malgré l'affirmation contraire de l'aide-soignante en cause.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Rochefort-sur-Mer est confirmé par la Cour de Poitiers en ce qu'il a décidé que le licenciement pour faute grave n'est pas abusif, le maintien de la relation de travail n'étant pas possible même pendant la durée limitée du préavis. (Juris-Data, n° 2002-222890).

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Licenciement justifié d'une IDE pour n'avoir pas prévenu un médecin de la chute d'un patient (arrêt Cour de Montpellier, 26 juin 2002) :

Un patient de 86 ans tombe de son lit à deux reprises dans la même journée et s'avèrera victime d'une fracture du col fémoral. L'infirmière reconnaît l'avoir relevé toute seule et replacé dans son lit. Il est établi qu'elle n'a pas prévenu le médecin du service, pourtant présent dans la clinique.
La Cour retient, au sujet de la première chute, qu'en "s'abstenant de prévenir le médecin de service afin de s'assurer que le patient ne présentait aucun symptôme de fracture, elle a incontestablement manqué à ses obligations ; qu'en effet, la chute d'une personne âgée de 86 ans est extrêmement dangereuse pour celle-ci, ce que l'infirmière ne pouvait ignorer". En ce qui concerne la seconde chute, intervenue deux heures plus tard, la salariée avait laissé le patient à terre pendant plus d'une heure. Ces faits caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement. (Juris-Data, n° 2002-191002).

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Absence prolongée d'une aide-soignante pour maladie depuis plus de six mois : licenciement pour cause réelle et sérieuse validé (arrêt Cour de Besançon, 26 novembre 2002) :

Le conseil de prud'hommes de Belfort, puis la Cour de Besançon en appel autorisent une maison de retraite hébergeant une soixante de personnes âgées dépendantes ne disposant pas à l'évidence d'un personnel soignant pléthorique, à licencier pour cause réelle et sérieuse une aide-soignante absente pour maladie depuis plus de six mois, obligeant l'employeur à recruter du personnel de remplacement en soulignant "qu'une telle rotation de personnel soignant est manifestement incompatible avec la continuité de la prise en charge de personnes âgées et les exigences minimales de régularité et de qualité des soins, tant du point de vue technique que psychologique. Elle est indiscutablement source de dysfonctionnements et même génératrice de risques sérieux d'erreurs dans la transmission des consignes de soins et des données propres à chaque pensionnaire d'où il suit que l'association établit suffisamment l'obligation dans laquelle elle se trouvait de procéder à l'embauche d'une aide-soignante à titre définitif".
De la sorte, le licenciement de l'aide-soignante absente depuis longtemps ne contrevient pas aux dispositions de l'article L. 122-45 du code du travail prohibant toute forme de discrimination, notamment en raison de l'état de santé, et repose sur une cause réelle et sérieuse malgré les prétentions contraires de la salariée. (Juris-Data, n° 2002-199200).

La Lettre du Cabinet - Janvier 2004
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