Base de données - Préavis

Contrat médecin/clinique : faute grave ou préavis
(arrêt du 14 novembre 2018, Cour de cassation, 1ère ch., n° 17-23135)
Isabelle Lucas-Baloup

   Arrêt extrêmement intéressant dans le cadre de la gestion des contrats d’exercice libéral entre médecins et établissements de santé privés : la Clinique a rompu le contrat d’exercice d’un radiologue, cédé avec accord écrit de l’établissement à une SELAS, pour l’exploitation d’un scanner. Le contrat prévoyait que chacune des parties pourrait y mettre fin en respectant un préavis de 6 mois et que la résiliation du contrat par la Clinique entraînerait au bénéfice du praticien le paiement d’une indemnité correspondant à une année de chiffre d’affaires, sauf si le praticien commettait une faute grave, privative de préavis et d’indemnité. La lettre de résiliation de la Clinique énonce un certain nombre de griefs à l’égard du radiologue et refuse de payer l’indemnité de résiliation prévue.

   La Cour d’appel de Paris avait écarté l’existence d’une faute grave et condamné la Clinique, auteur du pourvoi, à payer l’indemnité de résiliation (371 037 €).

   L’arrêt commenté confirme sur ce point la décision de la Cour d’appel au motif « qu’une faute grave, par son importance, rend impossible le maintien d’un contrat d’exercice conclu entre un professionnel de santé ou une société professionnelle et un établissement de santé pendant la durée même limitée du préavis ; elle ne peut dès lors être retenue que si la résiliation a été prononcée avec un effet immédiat. La Cour d’appel a relevé que la Clinique avait résilié le contrat en accordant à la SELAS de radiologie un préavis de six mois ; il en résulte que la qualification de faute grave ne pouvait qu’être écartée.» L’arrêt est en revanche cassé sur les modalités de calcul de l’indemnité.

   Il convient en conséquence de se poser la question au moment de la notification de la décision de rompre un tel contrat, avec les conséquences de droit y attachées, donc prudemment celle de l’affirmation de l’existence d’une faute grave rendant impossible le maintien du contrat d’exercice libéral pendant la durée du préavis.

   La Cour de cassation juge que la Clinique ne peut, dans le même temps, laisser travailler le médecin pendant la durée du préavis et refuser de payer l’indemnité de fin de contrat dès lors qu’une clause mentionnait que son règlement était écarté en cas de faute grave. Ce qui est souvent le cas dans les contrats entre médecins et établissements de santé privés.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2019


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Contrat Faute grave Préavis

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Les gynécologues-obstétriciens ne gagnent pas toujours leurs procès
(CA Montpellier, ch. 1, 17 mars 2010, n° 09/02100)
Isabelle Lucas-Baloup

La Cour d’appel de Montpellier (chambre 1, n° 09/02100) a débouté, par un arrêt du 17 mars 2010, une gynécologue-obstétricienne dont la Clinique ND de l’E. avait résilié le contrat verbal d’exercice libéral sans préavis et qui demandait des dommages-intérêts pour rupture abusive. L’arrêt expose : « Il résulte des nombreuses attestations versées au dossier, émanant de sages femmes, d’infirmières et de médecins ayant travaillé avec la requérante que cette dernière de manière habituelle manquait totalement d’hygiène et ne respectait pas les principes de base en matière d’asepsie tant en salle d’accouchement qu’au bloc opératoire. Toutes les attestations font état de fortes odeurs corporelles, d’urine et d’excréments de chats […] La Clinique produit deux articles de presse faisant état de la découverte dans un immeuble appartenant à la requérante de 45 chiens, 15 chats et 35 cadavres d’animaux. […] La situation est allée en se dégradant pour atteindre son paroxysme en 2005 à tel point que les sages femmes et un médecin anesthésiste ont manifesté leur refus de travailler avec le Dr P. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, la rupture sans préavis des relations contractuelles n’est pas fautive, la Clinique ne pouvant courir le risque de voir sa responsabilité engagée par les conséquences de tels manquements. »
La Clinique ND de l’E. ce n’est pas la SPA !...

Gynéco-Online - Mai 2011
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Obligation pour la Clinique qui transfère sa maternité vers un hôpital d'indemniser les gynécologues-obstétriciens faute d'avoir respecté le délai de préavis de deux ans
(CA Aix en Provence, ch. civ. 1, 26 janvier 2010, n° 08/19445)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt ne porte que sur la réparation du non respect par la Clinique la R. d’un délai de préavis de deux ans avant la fermeture de sa maternité et juge : « La Clinique la R. s’oppose au principe du paiement en invoquant, par son appel incident, le fait que la rupture du contrat de collaboration est imputable aux torts exclusifs du Dr A. […] ; Attendu que la lettre de rupture adressée le 24 décembre 2001 informant le Dr A. qu’il serait mis fin au contrat à compter du 31 janvier 2002 n’invoque aucun grief de sorte que c’est à juste titre que le premier juge a considéré que les problèmes auxquels la Clinique la R. a été confrontée face aux exigences de l’Agence Régionale d’Hospitalisation ayant abouti à la décision de fermeture de la maternité et à son transfert vers l’hôpital Saint-Joseph étaient de nature structurelle et généraux, sans aucune faute caractérisée de la part du Dr A. ». La Cour ordonne l’indemnisation du gynécologue-obstétricien en prenant en considération le nombre d’accouchements annuels réalisés dans l’établissement, dès lors qu’il avait un cabinet en ville et une activité non exclusive à la Clinique la R.

Gynéco-Online - Mai 2011
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Préavis de rupture : attention aux faux-départs ! (Cour de cassation, ch. civ. 1, 16 avril 2015, n° 13-26365)
Vincent Guillot
Par un arrêt du 16 avril 2015, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation est venue apporter une précision importante sur un aspect spécifique de la résiliation, par le médecin, du contrat d’exercice de fait.
Le médecin gastro-entérologue en cause avait signifié une première fois l’arrêt de son activité au sein de la Clinique pour laquelle il exerçait. Aucun contrat écrit n’existant au jour de la résiliation, le délai de préavis prévu par les usages était applicable, conformément à la jurisprudence constante des juridictions civiles.
Malgré l’expiration de ce délai d’usage, le médecin a poursuivi son activité au sein de l’établissement pendant deux années avant d’annoncer une seconde fois son intention de cesser toute activité dans un délai très bref.
Considérant qu’il devait se soumettre une nouvelle fois au délai de préavis, la Clinique a saisi la juridiction civile afin d’obtenir une indemnisation du préjudice causé par ce non-respect.
Faisant droit à cette demande, la Cour d’appel a retenu que la poursuite de l’activité, l’absence d’information sur la date de départ dans la première lettre et l’absence de présentation d’un successeur avaient pu laisser croire, « eu égard à l’annonce d’une précédente résiliation non suivie d’effet, qu’il ne donnerait pas suite à cette rupture, de sorte que son départ, résultant d’une décision unilatérale, a eu lieu en méconnaissance du délai de préavis conforme aux usages de la profession ».
Dans un attendu très explicite, la Cour de cassation a considéré que dans le cadre d’un contrat de fait, la simple poursuite de l’activité postérieurement au délai de préavis d’usage ne peut manifester sans équivoque la volonté de renoncer à la résiliation du contrat d’exercice et par conséquent d’initier un nouveau délai.
Autrement dit, seul un acte sans équivoque, manifestant la volonté de renoncer à la résiliation peut avoir pour effet de faire courir un nouveau délai de préavis, ce que ne peut constituer la simple poursuite de l’activité pour la Cour de cassation.
La Clinique n’a donc pu bénéficier d’aucune indemnisation du fait de la rupture du contrat passé avec le médecin.
Les cliniques devront donc être particulièrement vigilantes dans une situation similaire. Seul un acte positif de renonciation à la résiliation du contrat peut avoir pour conséquence d’imposer un nouveau délai de préavis. Il est donc vivement recommandé d’obtenir une telle preuve en cas de poursuite de l’activité du médecin.
La Lettre du Cabinet - Janvier 2016


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Préavis Rupture

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Raisons légitimes de ne pas effectuer le préavis avant rupture d’un contrat d’exercice libéral de la chirurgie
(Cour d’appel de Dijon, 1ère ch. civ., arrêt du 26 juin 2012, n° 11/01143)
Isabelle Lucas-Baloup

Une clinique de Dijon reprochait à un orthopédiste de ne pas avoir respecté, avant de la quitter, le préavis de 24 mois auquel il était tenu conformément aux usages professionnels et lui réclamait 1 223 645 € en réparation de son manque à gagner causé par le départ brutal du chirurgien. Ce dernier plaidait que ladite clinique, dépendant désormais du groupe Générale de Santé, avait entrepris une réorganisation de l’activité de ses blocs opératoires, avait modifié, dans leurs jours et amplitude, les vacations de bloc du chirurgien, la direction prenant l’initiative de supprimer les dernières opérations de la journée pour éviter au personnel infirmier de terminer tard.

La Cour d’appel a analysé la situation et l’arrêt mentionne : « Attendu que s’il appartient à l’administration de l’établissement de s’assurer que le programme des interventions chirurgicales est compatible avec la présence des autres praticiens, notamment les médecins anesthésistes et avec les horaires du personnel soignant, ainsi que plus généralement avec la sécurité des patients, il revient néanmoins au chirurgien seul d’apprécier l’ordre et la durée de ses opérations ; que si elle avait constaté des dépassements importants et réitérés du seul fait du chirurgien, la Clinique aurait été autorisée à rompre son contrat sans respecter le préavis de 24 mois ; que parallèlement le chirurgien constatant le non-respect de ses prérogatives pouvait légitimement souhaité partir rapidement ».

La Cour observe que l’orthopédiste avait, dans sa lettre de résiliation, annoncé son départ à l’issue d’un préavis limité à trois mois, compte tenu des modifications substantielles dont il était victime, mais avait, pendant la tentative de conciliation, dont la Clinique avait retardé l’organisation, proposé de continuer à exercer quelques mois de plus à temps partiel, ce qu’il a fait. La direction a alors déprogrammé les patients et immédiatement enlevé le nom du chirurgien de tous les panneaux et plannings, la Cour retenant que « cette attitude, après plusieurs mois d’échanges quasi quotidiens de lettres de récriminations réciproques, révèle que la Clinique ne tenait pas à ce que la collaboration du chirurgien perdure […] ; la demande de dommages et intérêts de la Clinique n’est donc pas justifiée, d’autant qu’elle-même est au moins pour partie à l’origine du préjudice qu’elle invoque, du fait qu’elle n’a expressément formulé son désaccord que juste avant l’échéance et qu’elle était manifestement peu encline à la recherche d’un compromis et a exigé que le chirurgien s’en tienne à sa première proposition ».

En revanche, le chirurgien est débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts à l’encontre de la Clinique en réparation des défaillances chroniques de celle-ci dont la fourniture des moyens et la réduction des vacations avaient limité l’activité de l’orthopédiste.

Cette décision est conforme à la jurisprudence habituelle : le délai de préavis doit être respecté sauf circonstances d’une particulière gravité dont la preuve incombe à l’auteur de la réduction unilatérale de la durée. Il ne suffit pas d’affirmer pour démontrer. En l’espèce, l’orthopédiste prouvait l’intrusion de la direction dans l’organisation de ses plannings et la suppression de plusieurs malades en fin de journée ainsi que le changement sans l’accord du praticien de ses vacations hebdomadaires. La Cour a donc parfaitement jugé que le chirurgien avait des raisons légitimes de ne pas effectuer le préavis d’usage de 24 mois et qu’il n’a pas commis de faute dans les conditions de la rupture de son contrat avec la Clinique.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Contrat d'exercice Préavis Rupture

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Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Rupture contractuelle entre une clinique et un médecin : le préavis de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce est inapplicable
(arrêt Cass. com. 23 octobre 2007, LexisNexis)
Isabelle Lucas-Baloup

Deux chirurgiens (orthopédiste et digestif) signent avec une clinique en 2000, après y avoir exercé depuis une vingtaine d’années, un nouveau contrat d’exercice libéral à durée indéterminée prévoyant en cas de rupture un préavis de six mois, pouvant être écourté moyennant paiement d’une indemnité.
En septembre 2003, la clinique, qui cesse son activité en décembre suivant, notifie aux chirurgiens la résiliation, puis règle l’indemnité prévue au contrat puisque les six mois de préavis n’étaient pas complètement respectés.
Les médecins demandent aux juges d’appliquer un préavis de deux ans « tenant compte de la durée contractuelle et de la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages professionnels », en se prévalant des dispositions du code de commerce dont l’article L. 442-6, I, 5° prévoit : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers [...] 5°) De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. [...]. »
La cour d’appel de Rennes, puis la chambre commerciale de la Cour de cassation, déboutent les chirurgiens en jugeant qu’en application de l’article 19 du code de déontologie médicale (devenu l’article R. 4127-19 du code de la santé publique), la médecine ne se pratique pas comme un commerce et que dès lors les conditions d’application de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ne sont pas réunies.
En résumé, le préavis de rupture du contrat médecin/clinique se présente comme il est exposé dans le tableau page 3 sous réserve bien évidemment de circonstances particulières impliquant d’autres solutions.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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