Base de données - Prescription

Chirurgie ambulatoire, dépassement des capacités autorisées : action des caisses, c’est la prescription de 30 ans qui s’applique, pas celle de deux ans
(arrêt du 12 juillet 2006, 2ème ch. civile, Cour de cassation, n° 05-11043)
Isabelle Lucas-Baloup

Une clinique est autorisée à exploiter 6 places de chirurgie ambulatoire. Elle dépasse cette capacité en 1995, 96 et 97 ; la CPAM locale lui réclame, par lettre recommandée de 2001, le remboursement des prestations prises en charge au-delà des 6 places. La cour d’appel de Paris a débouté la caisse déclarant son action prescrite, en application de l’article L. 332-1 du code de la sécurité sociale : prescription biennale.
La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt en jugeant que la prescription de deux ans de l’article L. 332-1 du CSS ne concerne que l’action de la caisse en répétition de prestations indûment versées au titre de l’assurance maladie et non l’action exercée pour le recouvrement de sommes perçues sans droit par un établissement de soins, laquelle reste soumise à la prescription de droit commun, donc celle de l’article 2262 du code civil : 30 ans.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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Covid-19, hydroxychloroquine et prescription hors AMM
Isabelle Lucas-Baloup

« Moi si j’attrape le virus j’veux le traitement du professeur marseillais, pas vous Maître ? ». Voilà comment, en achetant dimanche matin mon poisson pour la semaine, j’ai pris conscience que les controverses scientifiques n’agitent plus seulement la communauté médicale dans les revues à comité de lecture et les congrès spécialisés des sociétés savantes. Là où avant le débat portait sur l’intérêt d’écailler la daurade, aujourd’hui on prend position, c’est nouveau, sur la qualité des prescriptions d’une sommité internationale en microbiologie ; chacun y va de son commentaire et se positionne radicalement.

   Mine de rien, on passerait de l’evidence based medecine à la prescription populaire. Le Président de la République se déplace lui-même pour rencontrer in situ le Professeur Raoult. Les réseaux sociaux non confinés, qui ont remplacé le café du commerce fermé pour état d’urgence sanitaire, s’enflamment, le vocabulaire aussi, comme souvent dans une caricature binaire : « remède miracle » ou « fake news ». Les journalistes opposent dans des « éditions spéciales » l’expérience sur le terrain en région PACA incarnée par un savant échevelé et atypique qui caractérise brutalement le droit de chacun à choisir son traitement, à l’élégance de la mise en œuvre maîtrisée d’essais randomisés en double aveugle versus placebo au CHU d’Angers et à l’AP-HP, donc au nord de la Loire, où on pratique des études qui prennent du temps, dans le respect immarcescible des recommandations et contraintes réglementaires. Bref, une fois de plus la France « en guerre » est coupée en deux.

Au cœur de cette polémique singulière, il peut être utile au médecin de ville d’apprécier juridiquement s’il peut ou s’il doit, ou pas, prescrire un traitement médical précoce du covid-19 associant hydroxychloroquine et azithromicyne, ou l’association lopinavir/ritonavir en l’état des publications légales, réglementaires et médico-scientifiques.

Liberté de prescription du médecin :

La liberté de prescription est consacrée par tous les codes de déontologie (« logos » discours et « déontos » ce qu’il faut faire) médicale depuis 1947. L’article 8 du dernier d’entre eux (décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004) prévoyait : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. ». Le principe demeure sous l’article R. 4127-8 du code de la santé publique, mais un peu modifié puisqu’il est ajouté parmi les limites, après la loi : « et compte tenu des données acquises de la science », un concept que la jurisprudence doit définir au regard du droit des patients à recevoir des soins « les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » comme il est écrit à l’article L.1110-5 du même code depuis la Loi Kouchner (2002). Mais revenons à la liberté de prescription : l’article L.162-2 du code de la sécurité sociale rappelle qu’elle relève des principes déontologiques « fondamentaux », au même titre que le libre choix du médecin par le malade, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade et la liberté d’installation du médecin.

Comme la France est le pays des Libertés, affirmées par les parlementaires mais très vite encadrées par les ministères, sont apparues rapidement « les restrictions au principe de la liberté de prescription, dans l’intérêt de la santé publique », par voie de décrets dans une démarche vivement contestée par la communauté médicale que le Conseil d’Etat a néanmoins validée dans un arrêt Syndicat des médecins d’Aix du 16 février 1996.

La liberté de prescription a ainsi été écartée notamment pour les médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses, puis pour les médicaments soumis à prescription restreinte.

Aucun texte n’interdisait purement et simplement à un médecin de prescrire un médicament en dehors du champ de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’AFSSAPS, devenue l’ANSM, dans les conditions des article L. 5121-8 et R. 5142-20 à -29 du code de la santé publique, prévoyant aussi des autorisations temporaires d’utilisation délivrées par l’Agence, pour effectuer des prescriptions hors AMM - ATU dites « de cohorte » ou de « pré-AMM » - lorsque le laboratoire invoquait des résultats d’essais thérapeutiques laissant présumer fortement l’efficacité et la sécurité du médicament. Des ATU dites « nominatives » permettaient par ailleurs aux médecins d’obtenir à leur demande une autorisation pour des malades nommément désignés et de prescrire un médicament sans AMM en cas de maladie grave ou rare lorsqu’il n’existait pas de traitement approprié, mais « sous la responsabilité du médecin traitant » (article L. 5121-12, CSP). Une procédure particulière était également prévue pour utiliser des médicaments en cours d’essais cliniques dans le cadre de la recherche biomédicale (décret n° 90-872 du 27 septembre 1990). Mais ces procédures d’ATU ne sont pas applicables à des médicaments ayant déjà reçu une AMM dans une ou d’autres indication(s).

C’est dans ce contexte légal et réglementaire que les médecins ont développé des prescriptions en dehors des AMM, en exposant leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire dès que le traitement s’avère discutable à l’égard du patient, soit qu’il lui ait été proposé comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé insuffisamment éprouvé (article R. 4127-39 CSP) en lui faisant alors courir un risque injustifié (article R. 4127-40), soit qu’il ait été prescrit en dehors des fameuses « données acquises » de la science (article R. 4127-32). Jusqu’en 2011, la prescription hors AMM relevait de la liberté de prescription et n’était pas expressément autorisée sans être pour autant interdite.

Plusieurs lois ont successivement modifié le régime des prescriptions hors AMM : la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, intervenue dans le contexte de l’affaire du Médiator, a d’abord développé des charges opposables aux laboratoires qui doivent contribuer au bon usage des médicaments qu’ils commercialisent en veillant à ce qu’ils soient prescrits conformément à leur autorisation (AMM, ATU, AIP, enregistrement ou RTU), en prenant toutes les mesures d’information vis-à-vis des prescripteurs et en informant l’ANSM lorsqu’ils constatent des prescriptions non conformes au bon usage de leurs spécialités.

Aujourd’hui, après notamment l’entrée en vigueur de l’article 65 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale, le médecin doit observer, pour prescrire à un patient un médicament hors AMM, l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique rédigé dans les termes ci-après :

« I.- Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, sous réserve qu’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l’utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d’utilisation. Lorsqu’une telle recommandation temporaire d’utilisation a été établie, la spécialité peut faire l’objet d’une prescription dans l’indication ou les conditions d’utilisation correspondantes dès lors que le prescripteur juge qu’elle répond aux besoins du patient. La circonstance qu’il existe par ailleurs une spécialité ayant fait l’objet, dans cette même indication, d’une autorisation de mise sur le marché, dès lors qu’elle ne répondrait pas aux besoins du patient, ne fait pas obstacle à une telle prescription.

   En l’absence de recommandation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient. 

« II.- Les recommandations temporaires d’utilisation mentionnées au I sont établies pour une durée maximale de trois ans, renouvelable. Elles sont mises à la disposition des prescripteurs par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou par l’entreprise qui assure l’exploitation de la spécialité concernée.

« III.- Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n’est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, le cas échéant, de l’existence d’une recommandation temporaire d’utilisation, des risques  encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament et porte sur l’ordonnance la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché » ou, le cas échéant, « Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation ».

   Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées.

   Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient, sauf lorsqu’il existe une autre spécialité comparable disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou lorsqu’il existe suffisamment de recul sur les conditions d’utilisation de cette spécialité dans cette indication.

« IV.- Les recommandations temporaires d’utilisation mentionnées au I sont établies après information du titulaire de l’autorisation sur le marché. 

   Les recommandations temporaires d’utilisation sont élaborées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Concernant les maladies rares, l’Agence visée à l’article L. 5311-1 élabore les recommandations temporaires d’utilisation en s’appuyant notamment sur les travaux des professionnels de santé prenant en charge ces pathologies et, le cas échéant, les résultats des essais thérapeutiques et les protocoles nationaux de diagnostics et de soins.

   Ces recommandations sont assorties d’un protocole de suivi des patients, qui précise les conditions de recueil des informations concernant l’efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d’utilisation de la spécialité par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou l’entreprise qui l’exploite. Le protocole peut comporter l’engagement, par le titulaire de l’autorisation, de déposer dans un délai déterminé une demande de modification de cette autorisation. Il peut être dérogé à l’obligation d’un protocole de suivi des patients prévue au présent alinéa lorsqu’il existe une autre spécialité comparable disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou lorsqu’il existe suffisamment de recul sur les conditions d’utilisation de cette spécialité dans cette indication.

« V.- Le ministre chargé de la santé ou le ministre chargé de la sécurité sociale peut saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’une demande d’élaboration d’une recommandation temporaire d’utilisation. »

 

Schématiquement, on peut résumer ainsi les conditions de prescription hors AMM :

Principe :  La prescription d’une spécialité pharmaceutique doit être conforme à son AMM ou ATU.

Dérogations : La prescription non conforme à l’AMM est possible :

1er cas : RTU publiée par l’ANSM dans l’indication :

  • en l’absence de spécialité (disposant d’une AMM ou ATU dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées)
    • de même principe actif,
    • de même dosage,
    • et de même forme pharmaceutique,
  • et si le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique et son patient.

 

2ème cas : pas de RTU publiée par l’ANSM dans l’indication :

  • en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée,
  • il faut que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique et son patient.

En l’absence de RTU, le prescripteur supporte donc la charge de la preuve des données acquises de la science qui l’ont conduit à juger « indispensable » cette prescription dans l’intérêt du patient.

 

Les recommandations temporaires d’utilisation (RTU) :

L’article R. 5121-76-1 du code de la santé publique prévoit que les RTU sont élaborées par l’ANSM lorsque deux conditions sont réunies :

  • l’existence d’un besoin thérapeutique dans l’indication concernée,
  • et un rapport bénéfice/risque du médicament présumé favorable.

Les RTU, très peu nombreuses, sont publiées sur le site de l’ANSM, qui ne mentionne l’existence d’aucune à la date de rédaction de cette note (14 avril 2020) pour le traitement du covid-19.

 

Prescription de l’hydroxychloroquine (Plaquenil)

et de l’association lopinavir/ritonavir (Karetra) :

Le Parlement, par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 dite d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a ajouté au code de la santé publique un chapitre « Etat d’urgence sanitaire » puis a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 pour une durée de deux mois (article 4).

Trois décrets n° 2020-293 du 23 mars, n° 2020-314 du 25 mars et n° 2020-337 du 26 mars 2020 sont intervenus, au visa de cette loi, pour aboutir à une version consolidée de l’article 12-2 du premier d’entre eux ainsi rédigée :

« Par dérogation à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe.

Les médicaments mentionnés au premier alinéa sont fournis, achetés, utilisés et pris en charge par les établissements de santé conformément à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique.

Ils sont vendus au public et au détail par les pharmacies à usage intérieur autorisées et pris en charge conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale. Le cas échéant, ces dispensations donnent lieu à remboursement ou prise en charge dans ce cadre sans participation de l'assuré en application des dispositions de l'article R. 160-8 du même code. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est chargée, pour ces médicaments, d'élaborer un protocole d'utilisation thérapeutique à l'attention des professionnels de santé et d'établir les modalités d'une information adaptée à l'attention des patients.

Le recueil d'informations concernant les effets indésirables et leur transmission au centre régional de pharmacovigilance territorialement compétent sont assurés par le professionnel de santé prenant en charge le patient dans le cadre des dispositions réglementaires en vigueur pour les médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché.

La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL©, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin. […] »

 

Disponibles uniquement sur prescription médicale :

  • l’hydroxychloroquine (commercialisée depuis 60 ans en France sous le nom de Plaquenil, laboratoire Sanofi Aventis) est indiquée, dans le cadre de son AMM, dans le traitement de certaines maladies articulaires d’origine inflammatoire, telles que la polyarthrite rhumatoïde, du lupus et en prévention des lucites (allergies au soleil). Elle est différente de la Nivaquine (à base de chloroquine, laboratoire Sanofi Aventis) indiquée dans le traitement et la prévention du paludisme, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, de certaines formes du lupus et des lucites ;
  • l’association fixe lopinavir/ritonavir (disponible en spécialité de référence Kaletra du laboratoire Abbvie et son générique Mylan) est indiquée, dans le cadre de son AMM, dans le traitement de l’infection à VIH-1, chez l’adulte et le jeune enfant dans le cadre de multithérapies antirétrovirales.

 

L’article 12.2 susvisé du décret du 23 mars 2020, dans sa version consolidée, vise pour ces médicaments prescrits pour soigner les patients covid-19 un protocole d'utilisation thérapeutique à l'attention des professionnels de santé établi par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Deux protocoles d’utilisation thérapeutique ont donc été publiés par l’ANSM le 30 mars 2020, disponibles sur le site de l’Agence (www.ansm.sante.fr), le premier concernant « hydroxychloroquine et infection par le coronavirus SARS-CoV-2 (maladie covid-19) », le second « lopinavir/ritonavir et infection par le coronavirus SARS-CoV-2 (maladie covid-19) ».

Le Haut Conseil de la Santé Publique a communiqué son avis le 23 mars 2020 (disponible sur le site www.hcsp.fr). En ce qui concerne l’étude menée au sein de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille (Pr Raoult), il souligne qu’il s’agit d’une étude observationnelle sur 26 patients hospitalisés pour covid-19 et que « ses résultats doivent être considérés avec prudence en raison du faible effectif de l’étude, incluant en partie des patients asymptomatiques, de l’absence de bras témoin, du critère de jugement uniquement virologique (pas de données cliniques). Ils ne permettent pas de conclure à l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine ou de l’association hydroxychloroquine + azithromycine, mais demandent à être confirmés (ou infirmés) ». Ces faiblesses justifient, en raison du « très faible niveau de preuve de l’étude », la poursuite de la recherche clinique.

   Le Conseil d’Etat a statué, après la publication du décret du 23 mars 2020, en référé, sur une demande d’injonction au Gouvernement de saisir sans délai l’ANSM en vue de l’élaboration d’une recommandation temporaire d’utilisation destinée à permettre la prescription, y compris sans admission à l’hôpital autrement, le cas échéant, qu’en ambulatoire, de la spécialité Plaquenil aux patients manifestant des symptômes d’atteinte par le covid-19 sans attendre le développement d’une détresse respiratoire.

   Par une ordonnance de référé du 28 mars 2020 (n° 439765), le Conseil d’Etat a jugé « qu’il résulte de l’instruction que les études à ce jour disponibles souffrent d’insuffisances méthodologiques.  En particulier, l’étude observationnelle menée à l’institut hospitalo-universitaire de Marseille, qui a permis de constater une diminution ou une disparition de la charge virale pour 13 patients après six jours de traitement, portait sur 26 patients, dont 6 n’ont pas été analysés – 3 ayant été admis en réanimation, un étant décédé et 2 ayant arrêté le traitement dont un en raison d’effets indésirables – et ne comportait pas de groupe témoin comparable. L’existence d’une différence significative n’a pas été confirmée par les résultats, très récemment diffusés, d’une autre étude, réalisée en Chine du 6 au 25 février 2020 et portant sur 30 patients hospitalisés présentant une forme modérée de la maladie, qui relève que 13 des 15 patients auxquels était administré de l’hydroxychloroquine avaient une charge virale négative au 7ème jour, pour 14 des 15 patients du groupe témoin. En outre, ces études ne permettent pas de conclure à l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine. Or, l’essai clinique européen « Discovery », dont les premiers résultats seront connus dans une dizaine de jours et qui doit inclure, ainsi que l’a indiqué à l’audience le représentant du ministre des solidarités et de la santé, des patients pour lesquels le traitement est initié suffisamment tôt pour apprécier l’incidence de la molécule sur l’évolution de la maladie, permettra de recueillir des résultats plus significatifs. […]. »

Le Conseil d’Etat conclut : « Par les décrets des 25 et 26 mars 2020, le Premier ministre a permis la prescription de l’hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19 pris en charge dans un établissement de santé, sous la responsabilité du médecin prescripteur et dans le respect des recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique, notamment quant au développement de la pathologie. Il a en revanche limité l’usage de la spécialité pharmaceutique en médecine de ville, en interdisant sa dispensation en pharmacie d’officine en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché. De telles mesures, entrant dans le champ des dispositions de l’article L. 3131-5 du code de la santé publique et conformes aux préconisations du Haut Conseil de Santé Publique, à défaut de « données acquises de la science » à ce jour, sont susceptibles d’évolution dans des délais très rapides, conformément aux déclarations du ministre des solidarités et de la santé, au vu des premiers résultats de l’essai clinique européen. Dans ces conditions, le choix de ces mesures ne peut être regardé, en l’état de l’instruction, comme portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie et au droit de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu’appréciés par le médecin. […] Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des requérants tendant à ce que le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonne la suspension de l’exécution de l’article 12-2 du décret du 23 mars 2020, enjoigne au ministre chargé de la santé de saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’une demande d’élaboration à très bref délai d’une recommandation temporaire d’utilisation destinée à sécuriser l’usage du Plaquenil en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché et enjoigne au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la production et à la constitution de stocks d’hydroxychloroquine et d’azithromycine doivent être rejetées.»

Dès lors, à la date du 14 avril 2020 de rédaction de la présente note, les textes habituels, rappelés supra, qui gouvernent en France la prescription des médicaments et la faculté pour le médecin, en vertu de sa liberté de prescription encadrée mais réelle, de sortir du cadre stricto sensu de l’AMM, même en l’absence de RTU (recommandation temporaire d’utilisation), sont écartés grâce à la capacité conférée au gouvernement par la loi ayant déclaré l’état d’urgence sanitaire. Les dispositions nouvelles imposées par voie de décrets, réglementent la prescription de l’hydroxychloroquine (Plaquenil) et l’association lopinavir/ritonavir (Karetra) sans viser expressément les textes relatifs aux :

  • médicaments réservés à l’usage hospitalier (articles R. 5121-82 et suiv. du CSP),
  • médicaments à prescription hospitalière (articles R. 5121-84 et suiv. du CSP),
  • médicaments à prescription initiale hospitalière (articles R. 5121-87 et suiv. du CSP),
  • médicaments à prescription réservée à certains médecins spécialistes (articles R. 5121-90 et suiv. du CSP),
  • médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement (articles R. 5121-93 et suiv. du CSP),

mais l’article 12-2 sus-commenté produit les effets d’un tel classement…

   Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, vient donc de juger que le critère des « données acquises de la science » fait défaut à ce jour. Or, en l’absence de RTU, le prescripteur a la charge de la preuve des données acquises de la science qui l’ont conduit à juger « indispensable » cette prescription.

  Il faut donc convenir que le médecin de ville qui prescrit aujourd’hui du Plaquenil et/ou du Kaletra pour le traitement du covid-19 en dehors du cadre réglementaire qui vient d’être décrit s’expose dangereusement à la mise en cause de sa responsabilité professionnelle (civile, pénale et disciplinaire). Le débat juridique pour ceux qui ce faisant invoquent « l’intérêt supérieur du patient » n’est pas gagné, dès lors que le paternalisme éclairé en vertu duquel un patient demandait à son médecin « prescrivez pour moi comme vous le feriez pour votre propre mère » est écarté clairement par une conception du devoir de précaution élargie bien au-delà du primum non nocere.

   Mais j’ai bien évidemment épargné à mon poissonnier tous ces détails sordides et, un peu, angoissants, il s’agit de mesures provisoires, n’est-pas ?  

Gynéco-Online - 14 avril 2020
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Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 du Conseil constitutionnel : sur la loi « anti-jurisprudence Perruche »
Isabelle Lucas-Baloup

Depuis le 1er mars 2010, les justiciables peuvent solliciter que soient déférées au Conseil constitutionnel, sous certaines conditions, par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, des dispositions législatives qu’ils considèrent porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, selon la procédure de « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC). Parmi la soixantaine de QPC dont il a à connaître actuellement, le Conseil s’est prononcé, par décision du 11 juin 2010, sur la conformité à la Constitution de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, concernant le droit, pour les parents de l’enfant atteint d’un handicap non décelé pendant la grossesse, d’obtenir réparation au titre des charges particulières découlant de ce handicap tout au long de la vie de l’enfant et le droit, pour l’enfant né atteint d’un handicap ou d’une affection qui n’a pas été décelée pendant la grossesse de sa mère, d’être indemnisé.

Le sujet a déjà défrayé les chroniques et fait l’objet d’un dossier documentaire très complet sur le site web du Conseil constitutionnel(a). En résumant à l’extrême, on peut ainsi présenter le problème :

? Une femme enceinte est fondée à bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse en cas de forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (article L. 2213-1 du code de la santé publique).
? Le Conseil d’Etat a jugé, le 14 février 1997 (jurisprudence C.H. Nice/Quarez), que l’hôpital avait commis une faute en n’informant pas Madame Quarez, dont l’enfant était atteint de trisomie 21, que les résultats de l’amniocentèse, qui n’avaient fait état d’aucune anomalie, pouvaient être affectés d’une marge d’erreur, et que cette faute d’information était la cause directe des préjudices résultant pour les parents de l’infirmité dont était atteint leur enfant, indemnisant tout autant le préjudice moral que les troubles dans leurs conditions d’existence qu’enfin « les charges particulières notamment en matière de soins et d’éducation spécialisée » découlant de cette infirmité.
? La Cour de cassation , le 17 novembre 2000 (jurisprudence Perruche), a considéré que les fautes commises par le médecin et le laboratoire avaient empêché Madame Perruche d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap ; elle a reconnu à l’enfant un droit à réparation du préjudice résultant de son handicap et causé par les fautes retenues, jurisprudence confirmée par trois arrêts de l’assemblée plénière du 13 juillet 2001. Pourtant, et sans entrer dans la polémique, on peut convenir que le handicap de l’enfant n’avait pas pour cause la faute du médecin mais bien une infirmité congénitale.
? On se souvient du débat philosophico-juridico-politico-déontologique et éthique, mais également sociologique et religieux, provoqué notamment par la mise en oeuvre du « droit de ne pas naître » et de l’augmentation immédiate et vertigineuse des primes d’assurance de responsabilité civile des obstétriciens, puis de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, dite Kouchner, interdisant à l’enfant de réclamer en justice la réparation du préjudice « du seul fait de sa naissance » et limitant la réparation possible au préjudice directement provoqué par l’acte médical fautif ou son rôle aggravant ou la privation de mesures susceptibles de l’atténuer.
? Ces dispositions ont été modifiées et codifiées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, soumettant la prise en charge des personnes handicapées à la solidarité nationale (en instaurant une prestation de compensation qui complète le régime d’aide sociale) et déclarant le droit nouveau immédiatement applicable aux instances en cours .
? Un débat judiciaire est alors né, portant tant sur la rétroactivité de la loi à des dommages antérieurs à sa promulgation que sur le caractère limité de la compensation au titre de la solidarité nationale et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par des familles privées de pouvoir revendiquer le bénéfice des jurisprudences Quarez et Perruche, a prononcé deux arrêts, le 6 octobre 2005 (Draon et Maurice c/ France), concluant à la violation de la Convention européenne des droits de l’homme (article 1er du protocole n° 1).
? Depuis, la Cour de cassation continue à appliquer la jurisprudence Perruche lorsque l’enfant handicapé est né avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 si l’action en justice n’a été intentée qu’après cette date et si le dommage s’est révélé avant le 7 mars 2002 (arrêts des 30 octobre 2007 et 8 juillet 2008), tout comme le Conseil d’Etat (arrêt du 24 février 2006).
? Saisi par le Conseil d’Etat, dans une instance introduite par la mère d’un garçon né en 1995, atteint d’une myopathie de Duchenne, qui avait été déboutée de sa demande en indemnisation « en raison de l’erreur de diagnostic commise par le laboratoire de biochimie génétique de l’Hôpital Cochin en 1992 » sur le risque encouru de transmettre cette maladie à un enfant de sexe masculin, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2010-2 du 10 juin 2010 :

--> déclaré conformes à la Constitution les dispositions relatives à l’interdiction faite à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du fait de sa naissance, et à la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur, qui ne revêt pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; 

--> considéré « qu’en subordonnant à l’existence d’une faute caractérisée la mise en oeuvre de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l’état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic médical prénatal ; qu’à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être présumée ou déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute caractérisée » ne se confond pas avec celle de faute lourde ; que, par suite, eu égard à l’objectif poursuivi, l’atténuation apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être engagée n’est pas disproportionnée » ; 

--> jugé que « les parents peuvent obtenir l’indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap, l’a aggravé ou a empêché de l’atténuer ; qu’ils ne peuvent obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n’a pas été décelé avant la naissance par suite d’une erreur de diagnostic ; que dès lors la différence instituée entre les régimes de réparation correspond à une différence tenant à l’origine du handicap » ;

--> en revanche, le Conseil constitutionnel a décidé que le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005, appliquant le droit nouveau aux instances non jugées de manière irrévocable à la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, est contraire à la Constitution, en ce que ces dispositions sont relatives au droit d’agir en justice de l’enfant né atteint d’un handicap, aux conditions d’engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l’égard des parents, ainsi qu’aux préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée.

En conséquence, seul le dispositif de droit transitoire qui rendait applicable la loi nouvelle à toutes les instances dans lesquelles il n’avait pas été jugé de manière irrévocable sur le principe de l’indemnisation, est déclaré inconstitutionnel.

Dès lors, le délai de prescription de 10 ans (à compter de la consolidation du dommage, art. L. 1142-28, CSP) pour engager l’action ne démarrant qu’à l’âge de 18 ans, les procédures en indemnisation soumises au droit commun (= jurisprudences Perruche et Quarez) pourront être lancées au moins encore jusqu’en 2002 + 18 + 10 = 2030.

(a) cf. www.conseil-constitutionnel.fr

(b) les textes légaux et les jurisprudences sont disponibles sur www.legifrance.gouv.fr

(c) article L. 114-5, code de l’action sociale et des familles :
« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.
« Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »
article L. 114-1 : « [...] Les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation. [...]»

Gynéco Online - Septembre 2010
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En psychiatrie, seuls sont dus les actes de surveillance médicale justifiés. Idem pour les consultations de sortie
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 9 juillet 2009, n° 08-10.170)
Isabelle Lucas-Baloup

Le débat avait déjà eu lieu d’une manière très médiatisée sur la répétition d’indus lancée par les caisses primaires d’assurance maladie contre des psychiatres facturant des actes cotés Cx1 par jour et par malade, sans traces au dossier de la réalité de la surveillance médicale.
L’arrêt des juges suprêmes ne surprend pas en ce qu’il rappelle que « selon l’article 20(d) de la nomenclature générale des actes professionnels, l’honoraire de surveillance médicale prévu au profit des médecins qualifiés en neuropsychiatrie ou en psychiatrie assurant la surveillance constante dans une maison de santé pour maladies mentales est de Cx1 à condition que le nombre de médecins soit au moins d’un médecin pour 30 malades, étant entendu qu’un même spécialiste ne peut prétendre avoir examiné plus de 30 malades au cours d’une même journée ; […] l’article 20 n’instaure pas une présomption de réalisation de l’acte de surveillance […] et la cotation Cx1 n’est due que pour les actes dont l’accomplissement est justifié. »
De même l’arrêt oblige les juges à « rechercher si le médecin avait effectivement procédé à une consultation de sortie » lorsque le dossier médical n’est pas produit et il ne suffit pas de constater l’existence d’un compte-rendu d’hospitalisation avec éventuellement une prescription thérapeutique pour débouter la CPAM qui demande le remboursement des honoraires payés selon la lettre clé CNPSY qui correspond à une consultation par un neuropsychiatre qualifié, un psychiatre qualifié ou un neurologue qualifié comportant généralement un interrogatoire du malade, un examen clinique et, s’il y a lieu, une prescription thérapeutique.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Paiement des soins par la CPAM : prescription biennale (Cour de cassation, 2ème ch. civ., 28 mai 2015)
Isabelle Lucas-Baloup
Les soins dispensés aux assurés sociaux doivent faire l’objet d’une revendication de leur paiement dans les deux ans (articles L. 332-1 et 431-2 du code de la sécurité sociale). Passé ce délai, la prescription biennale éteint l’obligation par la CPAM de payer l’établissement de santé, comme les honoraires des professionnels intervenus, auxiliaires médicaux et fournisseurs. Un contrôle en temps utile du paiement des bordereaux S 3404 doit être opéré par tous les créanciers, médecins et autres professionnels, comme les établissements de santé et les sociétés chargées de l’affacturage… La Lettre du Cabinet - Septembre 2015


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Prescriptions hors AMM
Isabelle Lucas-Baloup

Les médecins savent que, depuis les dernières réformes du régime juridique des prescriptions hors AMM en 2011/2014, une prudence accrue s’impose.
Rapide tour d’horizon pour mieux maîtriser les risques encourus :

Un peu d’histoire :

Au commencement était « la liberté de prescription », consacrée par tous les codes de déontologie médicale (« logos » discours et « déontos » ce qu’il faut faire) depuis 1947. L’article 8 du dernier d’entre eux (décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004) prévoyait : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. ». Le principe demeure sous l’article R. 4127-8 du code de la santé publique, mais un peu modifié puisqu’il est ajouté parmi les limites, après la loi : « et compte tenu des données acquises de la science », un concept que la jurisprudence doit définir au regard du droit des patients à recevoir des soins « les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » comme il est écrit à l’article L.1110-5 du même code depuis la Loi Kouchner. Mais revenons à la liberté de prescription : l’article L.162-2 du code de la sécurité sociale rappelle qu’elle relève des principes déontologiques « fondamentaux », au même titre que le libre choix du médecin par le malade, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade et la liberté d’installation du médecin, consacrés par une célèbre loi promulguée par le Président Georges Pompidou le 3 juillet 1971 relative aux rapports entre les caisses d’assurance maladie et les praticiens et auxiliaires médicaux.
Comme la France est le pays des Libertés affirmées par les parlementaires mais très vite encadrées par les ministères, sont apparues rapidement « les restrictions au principe de la liberté de prescription, dans l’intérêt de la santé publique », par voie de décrets dans une démarche vivement contestée que le Conseil d’Etat a néanmoins validée dans un arrêt Syndicat des médecins d’Aix du 16 février 1996. La liberté de prescription a ainsi été écartée notamment pour les médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses, puis pour les médicaments soumis à prescription restreinte.
Aucun texte n’interdisait purement et simplement à un médecin de prescrire un médicament en dehors du champ de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’AFSSAPS, devenue l’ANSM, dans les conditions des article L. 5121-8 et R. 5142-20 à -29 du code de la santé publique, prévoyant aussi des autorisations temporaires d’utilisation délivrées par l’Agence, pour effectuer des prescriptions hors AMM - ATU dites « de cohorte » ou de « pré-AMM » - lorsque le laboratoire invoquait des résultats d’essais thérapeutiques laissant présumer fortement l’efficacité et la sécurité du médicament. Des ATU dites « nominatives » permettaient par ailleurs à un médecin d’obtenir à sa demande une autorisation pour des malades nommément désignés et de prescrire un médicament sans AMM en cas de maladie grave ou rare lorsqu’il n’existait pas de traitement approprié, mais « sous la responsabilité du médecin traitant » (article L. 5121-12, CSP). Une procédure particulière était également prévue pour utiliser des médicaments en cours d’essais cliniques dans le cadre de la recherche biomédicale (décret n° 90-872 du 2è septembre 1990).
Ces procédures d’ATU ne sont pas applicables à des médicaments ayant déjà reçu une AMM dans une ou d’autres indication(s).

C’est dans ce contexte légal et réglementaire que les médecins ont développé des prescriptions en dehors des AMM, en exposant leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire dès que le traitement s’avère discutable à l’égard du patient, soit qu’il lui ait été proposé comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé insuffisamment éprouvé (article R. 4127-39 CSP) en lui faisant alors courir un risque injustifié (article R. 4127-40), soit qu’il ait été prescrit en dehors des fameuses « données acquises » de la science (article R. 4127-32).

Jusqu’en 2011, on vient de le voir, la prescription hors AMM relevait de la liberté de prescription et n’était pas expressément autorisée sans être pour autant interdite.


La réforme de la prescription hors AMM :

Trois lois ont successivement modifié le régime des prescriptions hors AMM :

- la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 (article 18),
- la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 (article 57),
- et enfin la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, n° 2014-892 du 8 août 2014 (article 10).

La loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, intervenue dans le contexte de l’affaire du Médiator, a d’abord développé des charges opposables aux laboratoires qui doivent contribuer au bon usage des médicaments qu’ils commercialisent en veillant à ce qu’ils soient prescrits conformément à leur autorisation (AMM, ATU, AIP, enregistrement ou RTU), en prenant toutes les mesures d’information vis-à-vis des prescripteurs et en informant l’ANSM lorsqu’ils constatent des prescriptions non conformes au bon usage de leurs spécialités.


Les conditions actuelles de la prescription hors AMM :

L’article L. 5121-12-1 du CSP, dans sa dernière version issue de la loi du 8 août 2014, encadre très strictement les prescriptions hors AMM :



« I.- Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, sous réserve qu’une recommandation temporaire d’utilisation établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l’utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d’utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.
En l’absence de recommandation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient.

« II.- Les recommandations temporaires d’utilisation mentionnées au I sont établies pour une durée maximale de trois ans, renouvelable. Elles sont mises à disposition des prescripteurs par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou par l’entreprise qui assure l’exploitation de la spécialité concernée.

« III.- Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n’est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, le cas échéant de l’existence d’une recommandation temporaire d’utilisation, des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament et porte sur l’ordonnance la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché » ou, le cas échéant, « Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation ».
Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées.
Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient. […] »



Schématiquement, on peut résumer ainsi les conditions de prescription hors AMM :

Principe : La prescription d’une spécialité pharmaceutique doit être conforme à son AMM ou ATU.

Dérogations : La prescription non conforme à l’AMM est possible :

1er cas :
? en l’absence de spécialité
(disposant d’une AMM ou ATU dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées)
o de même principe actif,
o de même dosage,
o et de même forme pharmaceutique,

? si RTU établie par l’ANSM dans cette indication,

? et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique et son patient.

2ème cas :
? si absence d’alternative médicamenteuse appropriée,
et pas de RTU publiée par l’ANSM :

? il faut que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique et son patient.

? En l’absence de RTU le prescripteur a donc la charge de la preuve des données acquises de la science qui l’ont conduit à juger « indispensable » cette prescription dans l’intérêt du patient.

Les recommandations temporaires d’utilisation (RTU) :

L’article R. 5121-76-1 (tel que modifié par un décret n° 2014-1703 du 30 décembre 2014) prévoit que les RTU sont élaborées par l’ANSM lorsque deux conditions sont réunies :
- l’existence d’un besoin thérapeutique dans l’indication concernée,
- et un rapport bénéfice/risque du médicament présumé favorable.

Elles sont publiées sur le site de l’ANSM, qui en présente en octobre 2015 moins d’une dizaine, octroyées en 2014-2015 :

o Avastin (bevacizumab)
o Cicardin (mélatonine)
o Lioresal (baclofène)
o Rémicade (infliximab)
o Spécialités orales à base de vérapamil
o Thalidomide Celgene (thalidomide)
o Velcade (bortézomib),

c’est dire qu’en gynécologie-obstétrique les médecins qui prescrivent en dehors des AMM, sans RTU, sont exposés à devoir apporter la preuve qu’il n’existait pas d’alternative médicamenteuse appropriée, que la molécule utilisée dans cette indication était indispensable dans l’intérêt supérieur du patient et ce conformément aux données acquises de la science.


Les données acquises de la science et les connaissances médicales avérées :

La pratique des expertises judiciaires depuis trente ans me permet d’affirmer que rien n’est moins certain que « les données acquises de la science » et leur prise en considération – ou pas – par les tribunaux jugeant la responsabilité des prescripteurs ou par les instances disciplinaires professionnelles. L’état de l’art, en médecine, relève d’une approche subjective et non objective, à l’occasion de cas particuliers qui, selon la qualité des experts, avocats et magistrats intervenus, classera un acte dans ou hors les données « acquises » de la science…
Comme aujourd’hui pour la définition des « connaissances médicales avérées » (article L. 1110-5, CSP), aucune méthodologie n’est fixée pour établir les données acquises, si le patient se considérant victime d’une prescription fautive en demande réparation.
La Cour de cassation a écarté les données « actuelles » de la science par un arrêt du 6 juin 2000, alors que de nombreuses juridictions employaient indifféremment les adjectifs « acquis » et « actuels » depuis 1946. En conséquence, le caractère d’actualité d’une donnée médicale ne suffit pas à l’imposer comme critère d’une pratique médicale de référence que le prescripteur peut utiliser.
Depuis que la loi du 4 mars 2002, source de droit supérieure dans la hiérarchie des normes au dernier décret de déontologie médicale de 2004, permet au patient de revendiquer des prescriptions conformes aux connaissances médicales « avérées », ce qui signifie « reconnues comme vraies, authentiques après examen, attestées » (cf. www.cnrtl.fr), il est singulier que, malgré la réforme en 2014 de l’article L. 5121-12-1 qui organise les prescriptions hors AMM, demeure le renvoi aux données « acquises » de la science.
Les « données acquises de la science » et les « connaissances médicales avérées » ne constituent évidemment pas deux référentiels identiques. Sémantiquement, les données sont des faits, des observations, qui vont servir à un raisonnement, alors que la connaissance est personnelle et subjective. C’est la connaissance du professionnel qui lui permet de prescrire, plus que les seules données auxquelles il a accès. En fonction de sa spécialité, de son expérience, de son savoir-faire, de sa compétence, il va prendre en considération les données pour compléter sa connaissance et décider d’une prescription éventuellement hors AMM, dans l’intérêt supérieur du patient, primum non nocere.
Si le prescripteur entend consolider son dossier, il va rechercher des recommandations ou publications dans des revues à comité de lecture qui conforteront son projet de prescription en lui donnant une preuve forte de sa pertinence : la Haute Autorité de Santé a publié un Guide d’analyse de la littérature et gradation des recommandations (ancien mais toujours utile, janvier 2000) où l’on trouve des grilles de lecture pour l’analyse de la documentation obtenue et le niveau de preuve des études (fort-intermédiaire-faible). Mais le recours à l’evidence-based medecine n’est pas systématiquement pratiqué par nos experts qui communiquent souvent aux magistrats les ayant désignés des « rapports » dans lesquels les conclusions sont plus longues que les références sérieuses fondant leur opinion, ce qui a permis le développement de la « littérature grise » dont la prévalence jurisprudentielle constitue un danger en l’absence d’évaluation préalable de la pertinence des sources ainsi retenues (publication non contrôlée, document émanant de professionnels non indépendants etc.). Il est ainsi toujours possible de trouver un expert qui soutiendra le contraire d’un de ses collègues et jettera le doute sur la qualité d’une référence scientifique pourtant bien classée, devant des magistrats qui ne connaissent pas les règles de classification.

En gynécologie-obstétrique comme dans les autres spécialités médicales, des débats ont lieu sur l’usage hors AMM de certains médicaments. Ainsi par exemple des travaux sont conduits après le communiqué de l’ANSM mettant en garde les gynécologues-obstétriciens contre les risques liés à l’utilisation hors AMM du misoprostol dans le déclenchement artificiel de l’accouchement, alors que l’AMM concerne essentiellement le traitement de l’ulcère gastrique ou duodénal évolutif. D’autres travaux semblent en cours, sur les inhibiteurs calciques dans la tocolyse, le méthotrexate dans le traitement de la grossesse extra-utérine, ou les macroprogestatifs utilisés en contraception (cf. Collège national des gynécologues et obstétriciens français, CNGOF).

Il est vivement conseillé de ne pas prescrire hors AMM sans un solide dossier le permettant. En effet, mettre à la charge du médecin responsable d’une prescription hors AMM la preuve qu’il a « jugé indispensable au regard des données acquises de la science » le recours à la spécialité litigieuse contraint celui-ci à très sérieusement s’assurer par anticipation de la preuve de la qualité des motifs qui le conduisent à cette prescription, à en conserver la trace et en informer le patient :

Information renforcée du patient :

Le prescripteur doit informer le patient :

? que la prescription de la spécialité pharmaceutique n’est pas conforme à son AMM,
? le cas échéant de l’existence d’une RTU,
? des risques encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament,
? et porte sur l’ordonnance la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché » ou, le cas échéant, « Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation »,
? des conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées.

En cas de conflit, c’est au gynécologue-obstétricien qu’incombe la charge de la preuve qu’il a dispensé cette information, qu’elle a été comprise par la patiente et que celle-ci, bien informée, a dûment accepté la prescription hors AMM.

A défaut, la patiente – même sans préjudice subi – pourra obtenir des dommages et intérêts du seul chef de la carence du prescripteur dans la délivrance de l’information due (cf. arrêt Cassation civile 1ère ch., 23 janvier 2014, Gyneco online, mars 2014).

La patiente peut également reprocher à son gynécologue une absence de prise en charge par l’assurance maladie obligatoire du traitement prescrit hors AMM qui ne lui aurait pas été signalée, ou qu’elle n’aurait pas comprise. Si bien qu’on peut se demander si, toutes choses étant ce qu’elles sont par ailleurs, l’information renforcée imposée par l’article L. 5121-12-1, § III, ne doit pas conduire le praticien à exiger la signature d’un document écrit d’information et de consentement, compte tenu des risques judiciaires encourus.


Dans les établissements de santé :
le contrat de bon usage enregistre les prescriptions hors AMM

Parallèlement, au sein des établissements de santé publics, privés et ESPIC, a été mis en œuvre (article L. 162-22-7, CSS) un contrat-type de bon usage des médicaments et dispositifs médicaux (CBU), incorporé au contrat d’objectifs et de moyens conclus avec l’agence régionale de santé dont relève l’établissement, afin notamment d’améliorer les conditions de prescription (cf. décret du 27 septembre 2013 et instruction du 10 décembre suivant), en fixant des indicateurs et critères d’évaluation parmi lesquels il est tenu compte :
- du taux de prescription dans le cadre de l’AMM,
- du taux de prescription dans le cadre d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU),
- du taux de prescription dans le cadre du hors AMM hors RTU.

Lorsque le CBU n’est pas respecté, la part prise en charge par l’assurance maladie de certains médicaments, dispositifs médicaux et prestations peut être réduite dans la limite de 30% en tenant compte des manquements constatés.


Nul praticien, administration de tutelle ou association de patients ne peut contraindre un laboratoire à demander à l’ANSM une extension à d’autres indications de l’AMM d’un médicament déjà mis sur le marché, même si son efficacité est démontrée. Les raisons des laboratoires sont diverses et on sait les prescriptions hors AMM appelées à se développer. Les prescripteurs devront également multiplier leurs efforts pour se prémunir des preuves indispensables à prouver qu’ils ont satisfait aux obligations nouvelles rendues opposables par les trois réformes récentes du code de la santé publique à ce titre.

Gynéco-Online - Octobre 2015
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Radiologues : envoyer le compte-rendu au prescripteur ne suffit pas (Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 16 janvier 2013, n° 12-14.097 et Cour de cassation, ch. crim., arrêt du 4 juin 2013, n° 12-84.543)
Isabelle Lucas-Baloup
Les radiologues doivent, comme tous autres médecins, respecter l’obligation légale (article L. 1111-2 du code de la santé publique) et déontologique (article R. 4127-35 du même code) d’informer le patient, sauf urgence ou impossibilité, d’une manière « loyale, claire et appropriée sur son état », en tenant compte de la personnalité du patient dans leurs explications et en veillant à leur compréhension. 

 

La Cour de cassation rappelle, dans cet arrêt, que le compte-rendu envoyé au médecin prescripteur ne dispense pas les radiologues d’informer sur le résultat de l’examen d’imagerie d’une manière adaptée. En l’espèce, le compte-rendu d’un cliché du rachis mentionnait « solution de continuité sur tige inférieure droite », ce qui évoque clairement une fracture du matériel d’ostéosynthèse pour le médecin destinataire, mais pas pour le patient. Les radiologues n’ont donc pas satisfait à leur obligation d’information dont ils ne peuvent se libérer en se retranchant derrière l’envoi du compte-rendu parfaitement rédigé et envoyé au prescripteur.

 

Dans la deuxième affaire référencée, une radiologue intervenant à titre libéral dans une clinique est condamnée à 2 mois de prison avec sursis pour homicide involontaire pour ne pas s’être assurée que l’anesthésiste prescripteur de la radiographie, qui avait placé sur une malade hospitalisée pour colectomie un cathéter veineux sous-clavier, avait été informé de son mauvais positionnement et de la présence d’un épanchement pleural et médiastinal compressif dont l’importance témoignait d’une complication post-opératoire, cause exclusive du décès de la patiente. Pour se défendre, la radiologue invoquait l’absence de procédures internes de communication des résultats au sein de la clinique privée et de protocole relatif au circuit de la radiologie, argument écarté par les experts ayant décrit un « manque de professionnalisme » du médecin dont les constatations graves qu’elle venait de faire imposaient de retirer immédiatement le dispositif en cause et donc de s’assurer que l’anesthésiste était informé du résultat de son examen radiologique.
La Lettre du Cabinet - Janvier 2014


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