Base de données - Perforation

Gastroplastie : faute technique du chirurgien dans le serrage de l’anneau
(Cour d’appel d’Aix en P., arrêt du 10 novembre 2010)
Isabelle Lucas-Baloup

S’agissant de l’indication opératoire, le rapport de l’Expert concluait à une faute, l’indice de masse corporelle du patient de 35 ne rendant pas licite la pose d’un anneau gastrique en l’absence d’autres complications menaçantes. La Cour n’homologue pas le rapport sur ce point, en critiquant l’Expert qui a retenu un IMC de 40 comme donnée acquise de la science, cet indice ne résultant du consensus de 6 sociétés savantes publié en 2003, alors que l’intervention avait été réalisée en 1997.


En ce qui concerne la faute per-opératoire, le chirurgien a, d’après le rapport, perforé l’œsophage du patient en raison d’un « serrage inadéquat de l’anneau ce qui constitue une maladresse ». Les deux autres causes possibles de perforation, le franchissement complet de la paroi œsophagienne ou la lésion vasculaire d’une artériole œsophagienne pendant la gastroplastie, constituent de la même façon des manifestations d’une maladresse du chirurgien. », déclaré entièrement responsable par la Cour.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010
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Les adhérences en chirurgie gynécologique : un risque médicolégal
Isabelle Lucas-Baloup

Le lecteur assidu des décisions judiciaires en responsabilité médicale constate l’apparition de plus en plus fréquente de la mention que les adhérences post-opératoires constituent une cause de détérioration de la qualité de vie, une complication pour les ré-interventions chirurgicales, certaines pouvant être également à l’origine d’infertilité chez la femme.

Des moyens permettant aujourd’hui de limiter ce risque (films biorésorbables constituant une barrière entre les organes, liquides, gel) sont disponibles, sur lesquels le chirurgien doit incontestablement informer la patiente dans le cadre de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, qui prévoit une information sur « les risques fréquents ou graves normalement prévisibles ainsi que sur les autres solutions possibles ». Le risque d’adhérences postopératoires est fréquent et souvent grave.

Quelques exemples d’adhérences ayant constitué des complications citées dans des arrêts publiés ces dernières années :

- Arrêt du 19 janvier 2011, Cour d’Appel de Besançon, 1ère chambre :

« Souffrant de douleurs pelviennes, Mme B a consulté le Dr F, gynécologue, lequel a pratiqué une intervention chirurgicale ayant consisté, selon le compte-rendu opératoire, en une libération d’adhérences et une ligamento-plastie postérieure. […]
« Les deux experts désignés par la Cour ont considéré que les adhérences, causes de la position antéversée de l’utérus, avaient pu être aggravées par l’intervention pratiquée par le Dr F, comme elles peuvent l’être par tout geste chirurgical, qu’elles étaient aussi imputables aux deux césariennes subies par la patiente avant l’intervention du Dr F et au rôle prépondérant de la salpingite. […]
« Que selon les experts 63% des douleurs pelviennes demeurent d’origine indéterminée ; que beaucoup sont rebelles à tout traitement ; que le traitement chirurgical des adhérences n’aboutit à une guérison que dans 50% des cas ; que 38% des douleurs persistent après une hystérectomie. »

- Arrêt du 24 juin 2010, 6ème chambre, Cour Administrative d’Appel de Lyon :

« Il résulte de l’instruction que l’intervention pratiquée le 6.10.2000 a été entamée initialement par voie cœlioscopique avant d’être convertie en laparotomie compte tenu des adhérences importantes au niveau de la zone opératoire. »


- Arrêt du 18 décembre 2008, 3ème chambre, Cour Administrative d’Appel de Marseille :

« Il résulte de l’instruction […] que la cœlioscopie subie par Mme X en raison d’un kyste à l’ovaire G était justifiée et indispensable ; que les difficultés opératoires liées aux adhérences expliquent la perforation du sigmoïde de la patiente et que cette perforation méconnue de l’intestin constitue une des complications classiques de la cœliochirurgie qui survient lorsque les adhérences, comme au cas d’espèce, sont libérées. »

- Arrêt du 26 novembre 2009, 3ème chambre, Cour d’Appel de Versailles :

« Qu’en 2001, à l’occasion d’un épisode infectieux au niveau vaginal, il a été remarqué un petit col d’adénose et l’exposition au DES a été notée, puis des anomalies morphologiques de la trompe gauche ont été mises en évidence. Une intervention a libéré un certain nombre d’adhérences et permis de réaliser une salpingectomie gauche et d’assurer la libération d’une obturation tubaire droite. »


- Arrêt du 10 novembre 2009, 5ème chambre, Cour d’Appel de Bordeaux : 

« Postérieurement aux interventions de 1988, sont apparus de nombreuses adhérences dans la cavité abdominale et des kystes ovariens qui ont nécessité plusieurs opérations. »


- Arrêt du 1er février 2008, 1ère chambre, Cour d’Appel de Paris :

« Le chirurgien a pratiqué une nouvelle cœlioscopie pour vérifier l’état de l’appareil génital et procédé à la section d’une adhérence du méso-sigmoïde de la paroi abdominale antérieure ; que des douleurs thoraciques et de la fosse iliaque sont survenues à la suite de cette opération. »


- Arrêt du 18 décembre 2008, 2ème chambre, Cour Administrative d’Appel de Douai :

« Il résulte de l’instruction que Mme X, âgée de 23 ans à la date de la première opération, est atteinte de stérilité définitive ; que si l’endométriose dont elle était atteinte pouvait dans 20% des cas être à l’origine d’une stérilité, il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expert que les interventions multiples rendent impossible y compris une procréation médicalement assistée compte tenu de l’importance des cicatrices et des adhérences. »


- Arrêt du 20 mars 2007, 1ère chambre, Cour d’Appel de Montpellier :

« [kyste de l’ovaire] L’expert ajoute dans son rapport que la perforation est due aux adhérences résultant d’une précédente opération subie par Mlle B qui ont empêché l’intestin grêle de s’effacer au passage du trocart. »


- Arrêt du 20 avril 2005, 1ère chambre, Cour d’appel de Besançon :

« La perforation de l’appareil digestif et les complications qu’elle a entraînées ont trouvé leur origine dans les adhérences existant entre l’appareil génital et l’appareil digestif. »

- Arrêt du 16 septembre 2003, 2ème chambre, Cour Administrative d’Appel de Douai :

« Une laparotomie effectuée en 1981 avait révélé l’existence de nombreuses adhérences pelvipéritonéales résultant de la pelvipéritonite antérieure ; au cours de l’intervention du 12 mars 1993, qui avait été retardée et n’a été proposée qu’en raison de la progression de la masse tumorale et de douleurs de moins en moins supportables, des adhérences très importantes des organes de la cavité péritonéale et pelvienne ont dû être disséquées et sont à l’origine de la péritonite stectorale postopératoire. »


Il est certain que les patientes, dont les avocats lisent la jurisprudence publiée, sont fondées, compte tenu de la loi du 4 mars 2002, à se plaindre et obtenir réparation (= indemnité) en raison de dommages « collatéraux », même d’origine chirurgicale non fautive, dont le risque d’occurrence ne leur aurait pas été spécialement signalé dans le cadre de l’information préopératoire.
Il est permis de se demander si, dans l’avenir, les adhérences relèveront de l’aléa thérapeutique ou de la faute professionnelle, dès lors que des techniques (dispositifs médicaux) disponibles permettent de les éviter dans certaines chirurgies, au moins de les réduire. La jurisprudence dans le passé a ainsi pris des positions favorables aux patients en matière de douleur, d’infection nosocomiale, d’affections iatrogènes, lorsqu’elles pouvaient être évitées, au moins partiellement, en cas de carence de l’opérateur.
Dès lors qu’il existe des « méthodes scientifiques adaptées » permettant de réduire un risque, le chirurgien est tenu d’informer le patient de leur existence (article L. 1111-2 du CSP) et de s’en servir (article R. 4127-32 même code) si elles constituent un avantage dans le cadre de l’évaluation bénéfice/risque. La patiente doit en effet « recevoir les soins les plus appropriés et bénéficier des techniques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées », impose le nouvel article L. 1110-5 du code de la santé publique.

Gynéco Online - Juin 2011
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Lien de causalité non démontré : pas de condamnation de l’ophtalmologiste, après 15 ans de procédure
(Arrêt Cour d’appel de Nancy, 1ère chambre, 28 octobre 2010, n° 10/02676, 06/03250)
Isabelle Lucas-Baloup

Intervention opératoire en août 1994, en cabinet de ville, sur une petite fille de 2 ans victime d’un strabisme intermittent à partir de l’âge de 4 mois. Ecoulement postopératoire de l’œil G, traitement par Maxidrol®, ablation des fils sans relever aucune anomalie. En octobre 1994, resserrement de la pupille de l’œil G avec un changement de couleur, diagnostic d’un décollement rétinien complet, suivi de la perte complète de la vision de cet œil. Le Tribunal de Strasbourg relève que « la perte de l’œil G est vraisemblablement due à une perforation sclérale passée inaperçue » et condamne le chirurgien. Sur appel du chirurgien le Dr K., la Cour de Colmar n’a réformé le jugement que sur le montant des condamnations prononcées au profit de la patiente pour rejeter les demandes faites par ses parents à titre personnel, au motif que ces derniers n’étaient pas partie à l’instance en cette qualité. Cet arrêt a été cassé et annulé par la Cour de cassation en 2006, en ce qui concerne la responsabilité du Dr K. à indemniser les conséquences dommageables de l’intervention. Pour se prononcer ainsi la Cour de cassation a énoncé que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, « en s’abstenant de caractériser le lien de causalité entre la perforation sclérale ayant entraîné la perte de l’œil et une faute retenue à l’encontre du praticien ». Désignée comme juridiction de renvoi, la Cour de Nancy confirme la mise hors de cause de l’ophtalmologiste en statuant ainsi :
« Alors que la victime supporte la charge, et donc le risque, de la preuve, quant au lien de cause à effet entre l’intervention incriminée et le préjudice corporel dont elle poursuit la réparation, force est de constater que le premier expert judiciaire n’a pas formellement caractérisé l’existence d’une causalité, présentée au contraire comme une simple éventualité. Cette position n’est pas sérieusement contredite par le deuxième collège d’experts, qui se borne à affirmer, sans s’en expliquer, (…), que « l’origine de la perte de l’œil G est liée à l’atrophie postopératoire de l’œil sans que l’origine soit bien certaine : soit une inflammation, soit une perforation méconnue au cours de l’intervention du globe ; aucune certitude ne pouvant être donnée sur cette origine ». Aussi, par voie de réformation du jugement, la patiente sera déboutée de ses demandes. »
L’ophtalmologiste, qui a opéré l’enfant à 2 ans en 1994, a donc subi une procédure, lancée par une assignation en référé en 1995, qui a duré 15 ans avant que l’enfant et ses parents soient déboutés en octobre 2010…

SAFIR - Avril 2011


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Lien de causalité Ophtalmologie Perforation

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Perforation non fautive du colon pendant une coloscopie :
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 28 octobre 2010)
Isabelle Lucas-Baloup

Depuis la loi Kouchner : pas de responsabilité du médecin sans faute. La Cour de cassation applique très justement le principe en écartant la responsabilité du gastro-entérologue et en confirmant un arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui « se fondant sur les conclusions de l’expert, a retenu que la survenance de la perforation intestinale à la suite de l’endoscopie pratiquée sur un intestin particulièrement fragilisé et en l’absence de toute maladresse démontrée du médecin, ne pouvait être imputée à la faute de celui-ci et engager sa responsabilité ».

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010


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Coloscopie Gastro-entérologue Perforation Responsabilité

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Perforation utérine : responsabilité de l’hôpital public
(Tribunal administratif de Versailles, 6ème chambre, 2 janvier 2023, n° 2008562)
Isabelle Lucas-Baloup

A la suite d’une erreur commise sur la nature du tissu reséqué lors de l’hystéroscopie, la prise en charge de la patiente a causé une perforation utérine ayant nécessité la mise en place d’une colostomie de décharge pratiquée sous anesthésie générale. Le Tribunal administratif de Versailles retient, dans cette décision très récente, la responsabilité du Centre hospitalier et fixe les dommages-intérêts :

 

 

Texte du jugement :

 

« Par une requête enregistrée le 17 décembre 2020, Mme B C demande au tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier d’A. à lui payer la somme de 63 867,12 euros en réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis du fait des fautes commises par cet établissement, assortie des intérêts au taux légal ;

2°) de mettre à la charge de cet établissement la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— sa prise en charge par le centre hospitalier d’A. a été fautive comme cela ressort du rapport d’expertise, en raison d’une maladresse technique et d’un défaut de prise en charge de la complication initiale ;

— elle a subi des préjudices qui se décomposent comme suit : 3 090 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 2 691 euros au titre de l’assistance par tierce personne, 10 000 euros au titre des souffrances endurées, 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 3 500 euros au titre du préjudice esthétique permanent, 27 797,12 euros au titre de l’assistance par tierce personne après consolidation, 840 euros au titre des dépenses de santé future.

 

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2021, le centre hospitalier d’A., représenté par Me C., conclut à ce que les sommes allouées à Mme C soient ramenées à de plus justes proportions.

 

Il fait valoir que :

— les montants alloués au titre des préjudices subis doivent être limités à 2 069,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 624 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire, 7 200 euros au titre des souffrances endurées, 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, 10 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et 2 300 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

— rejeter les demandes présentées au titre des dépenses de santé futures et de l’assistance par tierce personne future ou, à titre subsidiaire, limiter l’indemnisation de ce poste de préjudice à 8 239,77 euros.

 

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de l’Essonne, représentée par son directeur général, conclut :

1°) à la condamnation du centre hospitalier d’A. à lui payer la somme de 44 302,97 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa première demande en justice ;

2°) à la condamnation du centre hospitalier d’A. à lui payer l’indemnité forfaitaire de gestion de 1 114 euros prévue par l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l’établissement le versement de la somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Elle fait valoir que :

— la responsabilité de l’établissement hospitalier est engagée en raison des fautes commises dans la prise en charge de Mme C ;

— sa créance est constituée des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport.

 

Par une ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture de l’instruction, initialement fixée au 28 septembre 2022 a été reportée au 14 octobre 2022.

 

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la santé publique ;

— le code de la sécurité sociale ;

— l’arrêté du 15 décembre 2022 relatif à l’indemnité forfaitaire de gestion ;

— le code de justice administrative.

 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

 

Ont été entendus, au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Gibelin, rapporteur,

— les conclusions de Mme Ghiandoni, rapporteure publique,

— et les observations de Me L, représentant le centre hospitalier d’A..

 

Considérant ce qui suit :

1. Mme C a été prise en charge par le centre hospitalier d’A. pour une hystéroscopie, réalisée le 24 mai 2018. Le lendemain, elle a été opérée par laparotomie dans le même établissement à la suite de douleurs et de fièvres, un scanner montrant un important pneumopéritoine diffus et un épanchement péritonéal liquidien, puis transférée en réanimation au centre hospitalier Sud Essonne en post opératoire pour choc septique sur péritonite par perforation, insuffisance rénale aiguë, pneumopathie d’inhalation, troubles hydro-électrolytiques, hypothyroïdie et syndrome de réponse inflammatoire systémique sans défaillance d’organe. Elle a été transférée au centre hospitalier d’A. le 4 juin 2018, où elle a été hospitalisée d’abord en service gynécologie puis en service de gériatrie jusqu’au 16 juillet 2018, puis est retournée à son domicile avec des soins de stomie par infirmier à domicile. Le 23 juillet suivant, elle a à nouveau été hospitalisée, à la clinique A-L. Un rétablissement de continuité a été effectué le 26 juillet, avec constatation d’une importante éventration péristomiale. Elle a été transférée en maison de convalescence le 1er août, mais a de nouveau été hospitalisée du 10 au 20 août à la clinique A.L. pour un abcès pariétal, avant d’être transférée en centre de convalescence et regagner son domicile le 10 septembre 2018. Elle a saisi la commission de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux d’une demande indemnitaire dirigée contre les centres hospitaliers d’A. et S.E. Les experts désignés ont conclu à l’existence d’une prise en charge et d’un suivi fautif de la part du centre hospitalier d’A.. La commission s’est cependant déclarée incompétente pour se prononcer sur la demande d’indemnisation. Par un courrier du 13 octobre 2020, Mme C a présenté une demande indemnitaire préalable auprès du centre hospitalier d’A., implicitement rejetée. Par la présente requête, Mme C demande au tribunal de condamner le centre hospitalier d’A. à réparer les préjudices qu’elle estime avoir subis.

 

Sur la responsabilité de l’établissement :

2. Aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : «  I.- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. () ».

3. Il résulte de l’instruction, notamment du rapport d’expertise des docteurs Hubinois et Milliez, que lors de la prise en charge de Mme C par l’équipe du service de gynécologie du centre hospitalier d’A., une erreur a été commise sur la nature du tissu reséqué lors de l’hystéroscopie réalisée le 24 mai 2018. Cet acte, qui a mal été réalisé, a causé une perforation utérine ayant nécessité la mise en place d’une colostomie de décharge pratiquée sous anesthésie générale. Ces manquements sont constitutifs d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d’A., non contestée par l’établissement.

4. Par suite, Mme C est fondée à solliciter du centre hospitalier d’A. la réparation intégrale des préjudices subis en lien direct avec ces manquements.

 

Sur les préjudices :

5. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, il résulte du rapport d’expertise que la date de la consolidation doit être fixée au 31 décembre 2018.

S’agissant du déficit fonctionnel temporaire :

6. Les experts ont retenu un déficit fonctionnel temporaire total subi par Mme C au cours des périodes allant du 25 mai au 16 juillet 2018 et du 23 juillet au 10 septembre 2018, correspondant aux hospitalisations et convalescences de l’intéressée, telles qu’elles résultent notamment du décompte produit par la CPAM, directement imputables aux manquements du centre hospitalier d’A.. Mme C a également subi un déficit fonctionnel à hauteur de 50% sur la période du 17 au 22 juillet 2018, puis un déficit fonctionnel à hauteur de 25% pour la période du 11 septembre au 30 novembre 2018 et, enfin, un déficit fonctionnel de 10% du 1er au 31 décembre 2018, date de la consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à l’intéressée une somme globale de 2 070 euros.

 

S’agissant des souffrances endurées :

7. Il résulte de l’instruction que Mme C a eu d’importantes douleurs abdominales et des fièvres qui ont persisté, l’expert ayant évalué ce préjudice à 4 sur une échelle de 1 à 7. Par suite, compte tenu des circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à l’intéressée la somme de 7 200 euros.

 

S’agissant du préjudice esthétique temporaire :

8. Le préjudice esthétique temporaire subi par la victime à raison des conséquences visibles liées à la colostomie a été évalué par l’expert judiciaire à 3/7, pour la période du 25 mai au 24 juillet 2018. Ce préjudice pourra être réparé par le versement de la somme de 3 000 euros.

S’agissant du déficit fonctionnel permanent :

9. Il résulte de l’instruction qu’à la date de consolidation du dommage, l’intéressée a toujours des douleurs au niveau des éventrations, le déficit fonctionnel permanent ayant été fixé à 10% par l’expert. Il y a lieu d’allouer à ce titre à Mme C la somme de 12 000 euros.

S’agissant du préjudice esthétique permanent :

10. L’expert a évalué ce chef de préjudice, résultant des cicatrices d’éventrations de 10 à 20 centimètres avec collets admettant deux travers de doigt, à 2,5 sur une échelle de 1 à 7. Il en sera fait une juste appréciation en l’évaluant à la somme de 2 500 euros.

S’agissant des dépenses de santé futures :

11. Les experts, qui ont indiqué que Mme C a eu une consultation psychiatrique le 27 juin 2018 relevant un « état anxieux majeur sous anti-dépresseurs et anxiolitiques » et que Mme A, psychologue, certifiait le 18 octobre 2019 qu’une psychothérapie s’avérait nécessaire pour surmonter les traumatismes, ont estimé que Mme C devait consulter un psychologue une fois par mois pendant un an à compter de la date de la consolidation. Mme C produit des factures permettant d’établir que chaque séance coûte 50 euros. Par suite, il y a lieu d’allouer à la requérante la somme de 600 euros à ce titre.

S’agissant de l’assistance par tierce personne :

12. Lorsque le juge administratif indemnise la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne, il détermine le montant de l’indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l’article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l’indemnisation de ces besoins sur la base d’une année de 412 jours.

13. Il résulte de l’instruction, en particulier de l’expertise des docteurs Hubinois et Milliez, que l’état de Mme C nécessitait l’assistance d’une tierce personne non qualifiée trois heures par semaine jusqu’à la date de consolidation, et nécessite une telle assistance deux heures par semaine depuis sa consolidation le 31 décembre 2018. Il sera fait une juste appréciation des besoins en assistance d’une tierce personne à domicile en les évaluant, compte tenu du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut augmenté des charges sociales, sur la base d’un taux horaire moyen de 15 euros, et après déduction des périodes d’hospitalisation et de placement en maison de convalescence. Ce préjudice peut ainsi être évalué à 856 euros pour la période du 25 mai au 31 décembre 2018, à 7 068 euros pour la période écoulée du 1er janvier 2019 à la date de la présente décision, et à 22 856 euros pour les besoins viagers en aide humaine en tenant compte d’un prix de l’euro de rente viagère de 12,913 euros fixé par le barème de capitalisation publié à la Gazette du Palais en 2022 pour une femme de soixante-dix-sept ans à la date du présent jugement. Il y a lieu de condamner le centre hospitalier d’A. à payer la somme de 30 780 euros au titre de ce poste de préjudice.

14. Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de condamner le centre hospitalier d’A. à payer à Mme C la somme de 58 150 euros.

 

Sur les débours de la caisse primaire d’assurance maladie :

15. Il résulte de l’instruction que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne a versé au bénéfice de Mme C, son assurée, la somme de de 44 302,97 euros au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillage et de transport.

16. Elle produit une attestation d’imputabilité qui établissent la réalité de ces dépenses et leur imputabilité à la faute médicale en cause.

17. Par suite, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne est fondée à obtenir du centre hospitalier d’A. le remboursement de la somme totale de 44 302,97 euros en application des dispositions de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

 

Sur les intérêts :

18. Mme C a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mentionnée au point 13 à compter de la date de réception de sa demande préalable indemnitaire.

19. La caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne a droit aux intérêts au taux légal sur la somme mentionnée au point 16 à compter du 28 septembre 2020, date d’enregistrement de son mémoire.

 

Sur l’indemnité forfaitaire de gestion :

20. En application de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de l’article 1er de l’arrêté du 15 décembre 2022 susvisé et eu égard à la somme dont elle obtient le remboursement dans le présent jugement, la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne est en droit d’obtenir le versement d’une indemnité forfaitaire de gestion d’un montant de 1 162 euros. Il y a lieu de mettre le versement de cette indemnité à la charge du centre hospitalier d’A..

 

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

21. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d’A. la somme de 1 500 euros à verser à Mme C en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

22. La CPAM de l’Essonne, qui s’est défendue sans l’intermédiaire d’un avocat, ne justifie d’aucun frais exposé et non compris dans les dépens. Les conclusions qu’elle présente sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent ainsi qu’être rejetées.

 

DECIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier d’A. est condamné à payer à Mme C la somme de 58 150 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable indemnitaire.

Article 2 : Le centre hospitalier d’A. est condamné à verser à la CPAM de l’Essonne la somme de 44 302,97 euros en remboursement de ses frais et débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2020.

Article 3 : Le centre hospitalier d’A. versera à la CPAM de l’Essonne la somme de 1 162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : Le centre hospitalier d’A. versera à Mme C la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la CPAM de l’Essonne en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C, au centre hospitalier d’A. et à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Essonne. »                                                                                    

Gynéco-online - janvier 2023


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Hystéroscopie Perforation Responsabilité

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