Base de données - Papillomavirus

L’HPV dans la jurisprudence (retard au diagnostic, faute de l’anapath)
Isabelle Lucas-Baloup

Résumé :

Exemple d’action judiciaire gagnée par la famille d’une patiente de 38 ans, pour retard de diagnostic à l’encontre de l’anapath.
Gynécologue et chirurgien non condamnés.

Arrêt Cour d’appel de Rennes, 3 mars 2010 :

La Cour présente dans sa décision l’évolution chronologique suivante :

- 3 septembre 2001 : F 37 ans, frottis cervico-vaginal, interprétation par anapath : « soit une inflammation dans un contexte régénératif, soit une dysplasie légère vraie (lésion de bas grade), soit une lésion intra-épithéliale plus évoluée », recommande examens complémentaires colposcopie et biopsie,
- 12 octobre 2001, biopsie du col utérin portant sur une zone blanche à contours nets, peu étendue, révèle une banale lésion de dysplasie légère sans lésion virale formellement identifiée,
- 11 mars 2002, frottis montre des lésions virales à Papillomavirus et une dysplasie moyenne et conclut à la nécessité de faire des biopsies multifocales,
- 16 mai 2002, biopsies révèlent un ectropion péri-orificiel du col sans caractère suspect,
- 3 juillet 2002, CS pour métrorragies abondantes depuis 2-3 mois,
- 9 juillet 2002, tumeur irrégulière au toucher de la cloison recto-vaginale découverte et biopsiée ; prolifération maligne à type de carcinome épidermoïde infiltrant bien différencié non kératinisant
- 23 juillet 2002, hystérectomie totale avec annextomie bilatérale élargie à la cloison recto-vaginale et au vagin avec colpectomie partielle, l’examen de la tumeur montre bien un carcinome épidermoïde bien différencié mature.
- 8 août 2002, le radiothérapeute constate le caractère insuffisant de l’exérèse, reprise le 29 août, nodules cancéreux prélevés sur le mésentère,
- chimiothérapie, radiothérapie et curiethérapie jusqu’à fin décembre 2002,
- 9 janvier 2003, volumineux nodules de carcinome péritonéal et un nodule métastasique hépatique mis en évidence, traitements,
- décès le 20 mai 2003 d’un cancer primaire du vagin (38 ans).

TGI de Saint-Brieuc, jugement du 10 juin 2008 :
- « Il résulte de l’expertise que les conclusions de l’analyse pratiquée sur le prélèvement du 3 septembre 2001 ne sont pas alarmantes alors que l’interprétation est ambiguë et incomplète et en outre inexacte. Le retard de diagnostic est en grande partie attribuable à ce compte-rendu qui ne soulignait pas le contexte de haut risque cancéreux. », condamnation du médecin anapath à payer dommages-intérêts à la famille de la patiente décédée,
- en revanche, pas de faute retenue à l’encontre de la gynécologue médicale qui a procédé à des investigations plus poussées après le 13 mars 2002. « S’il y a eu faute dans la prise en charge thérapeutique en juillet 2002, elle n’est pas en lien de causalité avec la perte de chance déjà constituée à ce moment ».
- appel de l’anapath.

Arrêt du 3 mars 2010, 7ème chambre Cour de Rennes :

- « Si l’anapath a recommandé, en septembre 2001, des examens complémentaires appropriés, elle n’a pas donné les éléments de description portant notamment sur diverses anomalies de cellules et sur une infection à Papillomavirus ; elle est restée hésitante sur les conclusions alors que la conclusion aurait dû être « dysplasie de haut grade selon la classification de Béthesda de 2001 et probable infection par Papillomavirus », contexte de haut risque cancéreux ; au contraire les anomalies signalées étaient soit légères soit modérées, en sorte que la gynécologue médicale n’a pas été perturbée par les résultats relativement rassurants de a biopsie et n’a pas poursuivi ses recherches. »
- « C’est à raison que le jugement a dit que l’erreur ainsi caractérisée ne constitue pas seulement une inexactitude de diagnostic mais une faute constituant un exercice non conforme aux données actuelles de la médecine. »
- « Considérant que le cancer primitif du vagin est une tumeur extrêmement rare en général et ne se retrouve que dans 7% des cas chez les femmes de moins de 40 ans ; en l’absence d’alerte suffisante donnée par le compte rendu de septembre 2001, on ne peut reprocher à la gynécologue médicale de ne pas avoir recherché un tel cancer qui ne pouvait être soupçonné. »
- « En outre en raison de son siège en haut et en arrière de la paroi vaginale, la lame postérieure du speculum cache la lésion. »
- « Le résultat du 13 mars 2002, moins inquiétant que celui du 10 septembre 2001, a conduit la gynécologue à procéder à des examens complémentaires portant sur le col de l’utérus. Compte tenu de la rareté de la pathologie présentée par la patiente, cette erreur de diagnostic ne peut être considérée comme fautive au regard des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé. »
- « Si la prise en charge de la patiente après le 12 juillet 2002 parait avoir été inadéquate, il n’est pas suffisamment établi qu’elle a contribué à l’aggravation de la perte de chance dès lors que l’expert indique que le traitement n’était pas nécessairement chirurgical, que l’insuffisance de la chirurgie a été reprise et surtout qu’aucune critique n’est apportée aux traitements dispensés sous forme de radiothérapie externe, curiethérapie et chimiothérapie. »
- « Le retard au diagnostic a entraîné une perte de chance de 50%. »
- dommages-intérêts à la famille, et la Cour déboute l’action en garantie lancée par l’anapath contre la gynécologue et le chirurgien.

Gynéco Online - Novembre 2011
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