Base de données - Biologistes

Cessions de LBM ou de radiologie : les conditions suspensives
(Arrêt Cour d'appel d'Angers, ch. civ. A, 22 novembre 2016, n° 16/01043)
Isabelle Lucas-Baloup
L’arrêt concerne la cession d’actions d’une SEL de biologie médicale, mais la solution peut être transposée à toute cession de titres de sociétés exploitant des plateaux techniques (imagerie médicale, anatomopathologie, radiothérapie notamment) qui, indépendamment de la valeur de l’activité médicale des professionnels, font sérieusement grimper le prix de vente de l’opération, soumise à des conditions suspensives diverses et le plus souvent à une clause pénale prévoyant le paiement d’une indemnité en cas de refus de signer l’acte définitif malgré la réalisation des conditions suspensives. En l’espèce, l’acte initial de cession prévoyait plusieurs conditions suspensives, telles que la signature d’un bail professionnel, l’agrément de la SELAS cessionnaire par diverses sociétés (dont une clinique dans laquelle elle devait exercer) et par l’Agence Régionale de Santé et les ordres de médecins et pharmaciens dont la SELAS relevait. La signature de l’acte définitif de cession, en cas de levée des conditions suspensives, devait intervenir dans les 10 jours de la réception de l’arrêté d’autorisation de l’ARS. La Cour s’est livrée à un examen attentif de la position des cédants et des cessionnaires au regard de chaque condition suspensive pour trancher : « Il est constaté que les conditions soit ont été accomplies (conditions 1, 3 et 5), soit sont réputées accomplies (condition 4), soit sont abandonnées (condition 2). ». Les cédants ne voulaient plus vendre mais revendiquaient le règlement de 500 000 € prévu par une clause pénale. La Cour confirme le jugement du TGI d’Angers, refuse de prononcer la résolution du contrat et d’appliquer la clause pénale et ordonne la signature des actes définitifs de cession sous astreinte de 500 € par jour de retard. Depuis quelques années, la concurrence s’avère exacerbée entre les candidats, souvent des groupes ou des holdings de financiers, pour acquérir des laboratoires de biologie médicale et les actes de cession doivent plus que jamais être rédigés par des professionnels rompus aux spécificités des entreprises de santé ; on ne vend pas un laboratoire de biologie médicale comme une société industrielle ou commerciale et il faut s’impliquer dans les délais opportuns pour réaliser les démarches auprès de la tutelle et des ordres, et éviter le dépassement des délais contractuellement fixés pour la réitération ou l’exécution des protocoles initiaux. La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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Clause de non-réinstallation écartée par la Cour de cassation
(Cour de cassation, ch. com., arrêt du 1er mars 2011)
Isabelle Lucas-Baloup

Un arrêt très important a été rendu le 1er mars 2011 par la Cour de cassation, à l’occasion d’un conflit entre masseurs-kinésithérapeutes entièrement transposable aux sociétés civiles de moyens de médecins, de biologistes, chirurgiens-dentistes, infirmiers(ères), sages-femmes, etc.
Le règlement intérieur annexé aux statuts de la société civile de moyens prévoyait qu’en cas de départ de l’un des associés, celui-ci s’interdirait d’exercer la profession de masseur-kinésithérapeute, à titre libéral ou salarié, pendant trois ans dans un rayon de vingt kilomètres du cabinet, sauf autorisation des associés restants. Un associé s’est retiré puis s’est réinstallé localement. Il a été assigné par ses confrères. La Cour d’appel de Riom (arrêt du 16 décembre 2009), confirmé par la Cour de cassation dans l’arrêt commenté, déboute les associés de la SCM :
« Après avoir rappelé, par motifs adoptés, que la SCM a, selon ses statuts, pour objet exclusif ?la mise en commun de tous moyens matériels et utiles à l’exercice de la profession de ses membres?, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la clause de non-réinstallation contenue dans le règlement intérieur ne peut être considérée comme conforme aux objectifs ainsi développés ; qu’il ajoute que son application aboutirait à restreindre considérablement les droits des associés manifestant la volonté de se retirer, voire à vider de leur substance les dispositions statutaires qui régissent cette faculté de retrait ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que la stipulation litigieuse du règlement intérieur, apportant des restrictions au libre exercice de leur profession par les associés retirés de la SCM, était incompatible avec les statuts de cette dernière, lui donnant pour seul but de faciliter l’exercice de l’activité de chacun de ses membres, la Cour d’appel a légalement justifié sa décision. » Le pourvoi des associés est donc rejeté.
Mais attention, cet arrêt n’est pas directement applicable aux sociétés d’exercice, SCP ou SELARL…

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011
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Des délits sexuels sans sexe ?
Isabelle Lucas-Baloup

En février, Théo L., 22 ans, a affirmé que quatre policiers d’Aulnay-sous-Bois lui ont « enfoncé une matraque dans les fesses volontairement » et un rapport médical postérieur évoque un prolapsus rectal modéré avec une probable perforation du rectum. Un policier - mis en examen pour viol - a admis avoir porté un coup de matraque télescopique au niveau des jambes et des cuisses pour faire tomber le jeune homme, alors qu’il se débattait à l’occasion de son interpellation ; un coup serait parti en direction de sa cuisse et l’aurait blessé, sans aucune intention du policier de commettre un délit ou un crime sexuel.

Cet événement invite à s’intéresser à jurisprudentielle de la définition du viol et plus généralement à la responsabilité pénale et disciplinaire de certains médecins ayant franchi les limites des bonnes pratiques professionnelles.

J’avais rappelé l’état du droit pénal français, dans le Quotidien du médecin (janvier 1999), lorsque Bill Clinton avait plaidé, devant le Sénat américain, qu’il n’avait pas menti en déclarant sous serment ne pas avoir eu une « relation sexuelle » avec Monica Lewinsky, dès lors que le Journal of the American Medical Association (JAMA) venait de publier les résultats d’une étude du Kinsey Institute for Sex Research de l’Université de l’Indiana aux termes de laquelle la fellation ne constituait pas une relation sexuelle.

Une jurisprudence protéiforme :

En France, la Cour de cassation juge que l’expression « relation sexuelle » implique nécessairement « un acte de pénétration sexuelle » (1) et, depuis 1984, que la fellation est viol dès lors qu’il y a eu pénétration non consentie de la verge dans la bouche de la victime (2), allant même, en 1997, jusqu’à juger que « tout acte de fellation constitue un viol dès lors qu’il est imposé à celui qui le subit ou à celui qui le pratique » (3), même en présence de fellations réciproques (4).

Pourtant, la jurisprudence se révèle protéiforme sur la présence effective du sexe (la verge ou le vagin) dans l’acte incriminé. C’est essentiellement à l’occasion de la définition des compétences respectives de la cour d’assises (jugeant les crimes, notamment celui de viol) et du tribunal correctionnel (sanctionnant les délits, notamment celui d’attentat à la pudeur) que les juges français ont eu à réfléchir sur la qualification des divers faits et gestes mettant en œuvre « le sexe ».

Traditionnellement, le viol s’entendait d’une « pénétration sexuelle » stricto sensu qui supposait que le sexe du coupable pénétrât dans le sexe de la victime (conjonction sexuelle), définition qui a évolué dès lors que des femmes ont été condamnées pour viol et que des hommes en ont été jugés victimes.

Aujourd’hui, l’article 222-23 du code pénal définit le viol comme « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise », puni de 15 ans de réclusion criminelle, portés à 20 ans « lorsqu’il est commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions » (un policier ou un médecin par exemple).

Bien qu’un texte de droit pénal s’applique restrictivement, les magistrats sont allés assez loin dans la définition de l’acte jusqu’à condamner pour viol des « pénétrations anales pratiquées avec le doigt ou avec des carottes, infligées par une mère à sa fille, dans un but d’initiation sexuelle » (5).

L’intromission d’un corps étranger dans l’anus devenait ainsi une pénétration « sexuelle », ce qui apparaît relever plus d’une approche répressive que d’une analyse strictement anatomique de la cause. La jurisprudence fut identique lorsque le coupable introduisit dans l’anus d’une femme le sexe d’un animal (6) et un pensionnaire « un manche de pioche recouvert à son extrémité d’un préservatif » dans le rectum d’un de ses camarades (7).

Ainsi disparut, au mépris du sens des mots « pénétration » et « sexuelle », l’élément matériel essentiel de l’infraction : la pénétration par le sexe (du coupable) et/ou dans le sexe (de la victime). La pénétration sans le sexe, mais « à connotation sexuelle » était née.

Puis la Cour de cassation a adopté une conception plus objective de la pénétration sexuelle, en refusant la qualification de viol pour l’intromission dans la bouche de ses patientes d’un objet de forme phallique par un médecin gynécologue, en jugeant : « Pour être constitutive d’un viol, la fellation implique une pénétration par l’organe sexuel masculin de l’auteur et non par un objet le représentant » (8).

Des médecins relaxés :

Le « mobile » a permis, dans certains cas, de légitimer l’acte de pénétration : ainsi un médecin-expert, nommé « pour procéder à l’expulsion de tout corps étranger », fut-il relaxé bien qu’ayant diligenté, avec l’aide de deux policiers, un toucher rectal « malgré les véhémentes protestations de la victime » sur une personne suspectée de trafic de stupéfiants après qu’un examen radiologique ait révélé la présence d’enveloppes en latex contenant de l’héroïne dans ses intestins (9).

Des médecins condamnés pénalement :

Un médecin proctologue a vu la Cour de cassation rejeter son pourvoi contre un arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Caen, après débat sur le choix entre la qualification de viol ou d’agression sexuelle et que les experts nommés aient conclu que « la pénétration digitale vaginale pouvait se justifier médicalement, mais pas des mouvements de va et vient », renvoyant devant la cour d’assises le praticien qui avait abusé de l’autorité que lui conféraient ses fonctions de médecin proctologue (10).

Un médecin biologiste n’eut pas plus de succès auprès des Hauts magistrats de la Cour suprême, lorsqu’il soutenait que le toucher vaginal pratiqué à main nue sur une patiente, sans son consentement et sans prescription médicale en ce sens, était dépourvu de connotation sexuelle, alors qu’il constitue un acte de pénétration sexuelle accompli par surprise sur la personne d’autrui, au sens de l’article 222-23 du code pénal (11).

Pas plus un interne en ORL n’obtint grâce aux yeux de l’assemblée plénière de la Cour de cassation après s’être livré à une exploration pelvienne et rectale d’une patiente bien qu’il prétendait que « ce geste n’était pas dénué de justification médicale », opinion non partagée par quatre experts désignés par le juge d’instruction, l’interne ayant par ailleurs reconnu pendant sa garde à vue avoir éjaculé sur la patiente à son insu (12).

Un dermatologue, au casier vierge et dont l’examen psychiatrique ne mettait en évidence aucune anomalie mentale de dimension aliénante ni de signe de perversion mais des traits de personnalité névrotique à dominante obsessionnelle avec une fragilité narcissique, décrit l’arrêt de la Cour d’appel de Rouen, fut condamné à 2 ans d’emprisonnement avec sursis et interdiction d’exercer la médecine pendant 2 ans à titre de peine complémentaire, du chef du délit d’atteintes sexuelles commises avec surprise sur sa patiente, personne particulièrement vulnérable, pour avoir, après l’examen de son cuir chevelu, « ouvert son pantalon pour en sortir un sexe en érection, le placer face à la bouche de la patiente afin de l’amener à lui faire pratiquer une fellation puis de la diriger vers la salle d’examen pour y avoir une relation sexuelle » (13).

Des gynécologues : Après que 20 femmes, clientes d’un gynécologue exerçant en cabinet privé, aient dénoncé de sa part des pénétrations digitales vaginales à visée non médicale accompagnées, pour certaines d’entre elles, de caresses à caractère sexuel, ce dernier a été renvoyé devant la cour d’assises sous l’accusation de viols aggravés (14). Ce qui fut le cas également, sur plainte de 29 patientes, d’un gynécologue pratiquant des va et vient pendant les échographies gynécologiques avec la sonde d’examen, outre des mouvements du bassin, des touchers anormalement longs, des positions non conformes des patientes et des manœuvres d’excitation du clitoris ne constituant pas des pratiques conformes pour un médecin gynécologue a conclu l’expert nommé (15). Cf. d’autres arrêts de même type (16) (17).

Et des condamnations de la Chambre disciplinaire de l’Ordre des médecins :

L’Ordre des médecins ne plaisante pas avec les errements en matière de mœurs et moralité de ses ressortissants :

  • radiation du Dr G après qu’il ait été condamné par le Tribunal correctionnel de Metz à 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour des faits d’exhibition sexuelle dans une clinique, puis introduction de deux doigts dans le vagin et deux dans l’anus sur une jeune patiente attachée sur un lit d’hôpital après une intervention (18),
  • radiation du Dr H, renvoyé devant la cour d’assises sous l’accusation de viols et agressions sexuelles aggravées (19),
  • radiation du Dr V, après plainte d’une patiente, 16 ans après les actes réprimés (20).

Mais les faits doivent être établis et il ne suffit pas d’affirmer pour démontrer. Une patiente est déboutée de sa plainte contre un gynécologue après que le rapport d’expertise ait conclu que « Melle G a mal interprété les gestes gynécologiques du Dr T, auquel aucun acte contraire à la déontologie médicale ne peut être reproché » à l’occasion d’un toucher vaginal après douleurs pelviennes chroniques, et classement sans suite de la plainte pénale visant des gestes « brusques, déplacés, non professionnels, relevant plutôt d’une perversité qu’au devoir d’un médecin » (21).

La Cour de cassation vérifie, dans ces dossiers, que les magistrats de cours d’appel ont « examiné tant la crédibilité des accusations de la victime que l’argumentation en défense présentée par le médecin » (22).

Les médecins, plus souvent que les policiers, sont exposés au risque de plaintes abusives qui ne défraient pas systématiquement la chronique car elles sont souvent classées sans suite. Quand le professionnel est jugé et relaxé, il se garde de donner à l’affaire une quelconque publicité, car même s’il sort de la procédure rétabli dans son honneur il en demeure à jamais profondément perturbé. De véritables mises en scène par des patientes ayant la volonté de tendre un piège à un praticien ont créé une légitime inquiétude au sein de la profession. J’ai assisté à plusieurs gardes à vue totalement illégitimes, après des dénonciations inventées de toutes pièces aux fins d’obtenir des dommages-intérêts dans le cadre d’une transaction proposée « pour éviter la publicité de l’affaire » annonce clairement la plaignante à son médecin qui sait ne pas avoir démérité mais qu’il sera compliqué de le démontrer car prouver une absence de fait n’est pas chose facile. Quid de ce chef de service qui, après un mois de détention préventive, s’est suicidé le jour de sa sortie de prison, n’ayant plus la force de vivre sereinement après une telle expérience et avant son jugement définitif.

Les personnes qui dénoncent des faits et agissements graves jamais intervenus sont rarement condamnées à la hauteur du préjudice causé. C’est l’une des raisons pour lesquelles, on ne cesse de le répéter en vain, il est impératif et urgent qu’enfin le secret de l’instruction soit respecté. Comme l’est le secret médical.

 

  1. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 28 mars 1990
  2. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 22 février 1984
  3. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 16 décembre 1997
  4. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 28 novembre 2001
  5. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 27 avril 1994
  6. Revue de Sciences Criminelles, 1992, p. 69
  7. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 6 décembre 1995
  8. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 21 février 2007
  9. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 29 janvier 1997
  10. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 20 août 2014
  11. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 22 mars 2000
  12. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 14 février 2003
  13. arrêt Cour d’appel de Rouen, chambre correctionnelle, du 8 février 2007
  14. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 19 septembre 2006
  15. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 17 mars 2010
  16. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 23 janvier 2013
  17. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 9 avril 2014
  18. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 24 avril 2007
  19. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 22 mars 2011
  20. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 30 septembre 2014
  21. décision Section disciplinaire du Conseil national de l’Ordre des médecins, 22 mars 2011
  22. arrêt Cassation, chambre criminelle, du 8 février 2017.

 

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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Redevance des biologistes aux cliniques privées
(TGI Paris, ord. de référé, 10 juillet 2014)
Isabelle Lucas-Baloup

   L’ordonnance prononcée pendant l’été par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris mérite d’être reproduite partiellement, en raison de ses conséquences pratiques dans les relations laboratoires de biologie médicale/établissements de santé privés :

   « La SA Orpéa exploite des résidences pour personnes âgées et des cliniques en France. Elle a lancé le 11 mars 2014 un appel d’offres privé auprès des laboratoires de biologie médicale aux fins de sélectionner ceux qui seraient amenés à effectuer des prestations dans les maisons de retraite et les cliniques. Les syndicats reprochent à Orpéa d’avoir sollicité de la part des laboratoires des ristournes, alors que celles-ci sont interdites par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique. (…) Il résulte des pièces produites que le 11 mars 2014, Orpéa a lancé un appel d’offres à destination des laboratoires de biologie médicale et il lui est reproché d’avoir adressé un mail aux pétitionnaires rédigé en ces termes : « Afin que votre offre soit complète, merci de bien vouloir, s’il vous plaît, préciser le pourcentage de redevance prévu. ». Les syndicats en concluent qu’en formant cette demande, Orpéa viole les dispositions de l’article L. 6211-21 du CSP en ce qu’elle sollicite de la part des laboratoires des ristournes, alors que celles-ci sont prohibées, les tarifs devant être exclusivement facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale, comme le rappelle expressément le ministère des affaires sociales et de la santé dans un courrier du 4 octobre 2013 produit aux débats. Orpéa réplique qu’elle n’a jamais sollicité de ristourne, mais qu’elle a demandé le pourcentage de redevance offert pour répondre aux services qu’elle propose aux laboratoires en application de l’article 11 du cahier des charges de l’appel d’offres. (…) Il est expressément précisé au cahier des charges que le montant de la redevance sera fixé d’un commun accord entre la SA Orpéa et le laboratoire. Le pourcentage de redevance, tel que sollicité a priori par Orpéa, ne peut donc pas être la contrepartie des services rendus, puisque ceux-ci ne sont pas connus, ni chiffrés, établissement par établissement, ce qui ne met pas en mesure le laboratoire pétitionnaire de préciser le montant de la contrepartie financière des services rendus. (…) Orpéa réplique qu’une régularisation mensuelle, trimestrielle ou annuelle de la redevance s’effectuera en fonction du coût effectif des prestations rendues en cours d’année. Mais cette régularisation n’est pas prévue au cahier des charges. Il n’y est pas plus fait allusion par Orpéa lorsqu’elle a sollicité des laboratoires qu’ils indiquent le pourcentage de la redevance qu’ils proposaient. »

 

   L’ordonnance poursuit sa motivation : « La demande du pourcentage de redevance, telle qu’elle a été formulée, sans aucune réserve et sans autre précision, s’apparente en conséquence à une demande de ristourne, d’autant que le cahier des charges indique expressément que la redevance sera fixée d’un commun accord entre Orpéa et le laboratoire, et non uniquement par le laboratoire, avant même que sa candidature soit retenue à la suite de l’appel d’offres. (…) La violation de la loi portant réforme de la biologie médicale constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. (…) Le juge des référés peut imposer à Orpéa de ne pas signer de convention nouvelle qui porterait la mention d’un taux de redevance qui ne serait pas la contrepartie de services rendus précisément définis. »

 

   C’est ce que décide la Présidente du Tribunal, en se fondant sur les articles L. 6211-21 et L. 4113-5 du CSP.

 

   Une décision dont devront tenir compte les cliniques et les biologistes dans la fixation du montant de redevances qui ont souvent été surévaluées en biologie, lorsque la clinique fournit peu de prestations réelles, ou lorsqu’elle loue, avec un bail, les locaux dans lesquels est installé le laboratoire, qui paie en contrepartie déjà un loyer et des charges. La redevance a alors pour principale contrepartie la gestion des honoraires en tiers payant pour les patients hospitalisés ou ambulatoires, ce qui, lorsque la prestation est forfaitisée, ne dépasse guère 5%. 

 

   Il peut être utile de rappeler ici que le Conseil d’Etat avait, par arrêt du 7 mai 2013 (n° 364833) déjà jugé qu’en dehors des exceptions prévues par le code de la santé publique, la facturation des examens de biologie médicale n’est susceptible de donner lieu à aucune forme de remise de la part des entités en assurant l’exécution. « Dès lors, lorsqu’un pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence afin d’attribuer un marché de prestation d’analyses médicales, le critère du prix des prestations prévues par la nomenclature des actes de biologie médicale est dépourvu de toute pertinence pour départager les offres. », pour confirmer une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Paris annulant une procédure d’appel d’offres en prestations d’analyses de biologie médicale lancée par le département et la ville de Paris.

 

   Les biologistes qui ont payé des redevances supérieures au coût réel des prestations fournies par l’établissement de santé privé peuvent agir en répétition du trop-perçu par la clinique à ce titre, et ainsi obtenir le remboursement de l’indu pendant les 5 dernières années, comme tout praticien peut le faire en ce qui concerne sa propre redevance. Le juge saisi vérifie alors si les prestations correspondent bien, tant par leur nature que par leur coût, à un service rendu au médecin, et si le coût de tout ou de certaines d’entre elles n’est pas assumé par un organisme de sécurité sociale et ce quand bien même serait fixé dans le contrat d’exercice une clause d’évaluation forfaitaire de la redevance, exprimée en pourcentage du montant conventionnel des actes médicaux effectués.

 

   Une expertise est souvent ordonnée.

 

   Cf. par exemple : Cour d’appel Orléans, 2 décembre 2013, n° 12/03286.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014
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Redevance des biologistes aux cliniques privées
(Cour d'appel de Paris, pôle 1. ch. 2, arrêt du 9 juin 2016, n° 374)
Isabelle Lucas-Baloup

    Redevance autorisée ou ristourne/remise prohibée ? Entre le possible et l’illégal… Là est la question, question de mesure et de contreparties, question aussi de vocabulaire, de termes manifestement dévoyés, selon qu’on y met de la déontologie ou de la politique de santé, de l’équilibre économique, ou encore du contractuel qui tente de respecter des ordonnances réformant la biologie et des lois qui les annulent puis d’autres les restaurant, le tout en quelques années perturbées, bref le droit ou l’interdiction de payer quelque chose et combien à un établissement de santé quand on est biologiste c’est pas facile à déterminer. Alors, quand la jurisprudence s’en mêle (en deux mots mais pas toujours), on ne peut s’empêcher de regarder de plus près, vous vous souvenez de Michel Audiard « quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute »…

 

   La Cour de Paris vient de donner raison à plusieurs syndicats de biologistes qui avaient contesté, avec succès déjà en référé (voir notre précédent commentaire dans La lettre du Cabinet de septembre 2014) les demandes de la société Orpéa, dans le cadre d’un appel d’offres. L’arrêt, rendu le 9 juin 2016,  retient : « En demandant aux laboratoires de biologie de lui proposer à l’avance un pourcentage de redevance à lui rétrocéder, alors même que les prestations et services n’ont pas encore été rendus et que seul l’établissement concerné est en mesure de communiquer le coût de ces services permettant aux parties de fixer le montant de la redevance, la SA Orpéa a manifestement sollicité une ristourne prohibée par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique alors que la facturation des examens de biologie médicale n’est susceptible de donner lieu à aucune forme de remise, sauf exceptions prévues dans le CSP de la part des entités en assurant l’exécution. »

 

   Redevance, ristourne, remise… en quelques lignes on saisit que les affaires qui vont être jugées ensuite ne seront pas simplifiées par cette jurisprudence qui pourtant interpelle les acteurs du marché de la biologie médicale en établissements de santé et le sujet continue à occuper les esprits concernés, diverses juridictions et autres chambres disciplinaires tant de l’Ordre des pharmaciens que des médecins devant trancher entre des positions antagonistes, chacun reprenant au soutien de son dossier certaines des grandes étapes protéiformes qui ont précédé le droit actuel, notamment :

 

§  L’article L. 6211-21 du CSP, dans sa version postérieure à la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 : « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de groupements hospitaliers de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. ».

 

§  On se souvient que l’ancien article L. 6211-6 du CSP, abrogé par l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, autorisait les laboratoires à consentir des ristournes sur les tarifs de la nomenclature dans le cadre de conventions passées notamment avec les établissements de santé publics ou privés, ce qui permettait indirectement des économies pour l’assurance maladie de près de 50 millions d’euros d’après le ministère de la santé cité par Mme Ségolène Neuville, député, dans son rapport n° 724 (Assemblée Nationale) du 13 février 2013 au nom de la Commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réforme de la biologie médicale, commentant le « retour aux ristournes » adopté par l’article 58 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

 

§  Ce rapport contenait par ailleurs, en page 39, une affirmation bien intéressante sur la portée de la énième réforme : « On peut s’interroger sur l’effet de cet article sur les contrats en cours. En l’absence de disposition spécifique, le principe qui s’applique en matière contractuelle est la survie de la loi du contrat. Toutefois, le renouvellement d’un contrat en cours s’opère en principe dans les conditions prévues par la loi du jour où il intervient. En l’espèce, les ristournes accordées en vertu de contrats signés alors qu’elles étaient autorisées, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2010, ainsi que dans la période courant entre l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi, doivent pouvoir continuer à être pratiquées jusqu’à l’expiration de ces contrats. ». Dont acte Madame le Député : les contrats à durée indéterminée signés dans ces conditions peuvent perdurer après l’entrée en vigueur de la réforme de la biologie médicale par la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 dont l’article 6 a de nouveau prohibé les ristournes dans la rédaction nouvelle de l’article L. 6211-21 susvisé.

 

§  Mais l’encadrement est bien moins libéral que celui envisagé par M. Michel Ballereau dans son Rapport à Mme Roselyne Bachelot alors ministre de la santé, du 23 septembre 2008, qui commentait « La suppression des ristournes », en son § 6.1. par : « Cette suppression des ristournes pour la biologie médicale n’emporte pas pour autant la suppression de toute négociation financière lors du passage d’une convention entre établissements de santé et laboratoires de biologie médicale privés ou publics ou entre laboratoires de biologie médicale, privés, publics ou publics et privés. De nombreux sujets peuvent faire l’objet de discussions et de négociations comme le transport des échantillons biologiques ou encore leur conservation, […]. »

 

§  L’indignation de certains fut telle qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été posée, sur requête de la Selas Bio Dômes Unilabs, par le Conseil d’Etat (7ème sous-sect, 1er octobre 2014, n° 382500) au Conseil constitutionnel aux fins de savoir si le nouvel article L. 6211-21 ne porte pas atteinte notamment à la liberté d’entreprendre ; ce à quoi « les sages du Palais Royal » ont répondu par la négative le 5 décembre 2014 (QPC n° 2014-434) en retenant que « ces dispositions n’entraînent pas une atteinte à la liberté d’entreprendre disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ». Ernest Hemingway a raison : « La sagesse des vieillards, c’est une grande erreur. Ce n’est pas plus sages qu’ils deviennent, c’est plus prudents. »

 

§  Pendant ce temps-là, à Luxembourg, la 9ème chambre du Tribunal de l’Union Européenne juge l’affaire T-90/11 - qui oppose l’Ordre national, le Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens et le Conseil central de la section G du même ordre, à la Commission Européenne, sur plainte initiale soutenue par Labco, dans le cadre d’une demande de réduction de l’amende de 5 millions d’euros infligée à l’Ordre français par la Commission, en sanction de l’infraction commise à l’article 101 du TFUE pour avoir pris des décisions ayant pour objet d’imposer des prix minimaux sur le marché français des analyses de biologie médicale et des décisions visant à imposer des restrictions au développement des groupes de laboratoires sur ce marché -, et prononce son célèbre arrêt du 10 décembre 2014, de 65 pages dans la version française, dont je recommande la lecture intégrale (sur http://curia.europa.eu) à quiconque s’intéresse au droit de la concurrence en matière de biologie médicale en France, le format de la présente Lettre du Cabinet ne me permettant pas d’en extraire tous les attendus parfaitement utiles à la réflexion qui nous occupe.

 

§  Le 26 janvier 2016, les députés Jean-Louis Touraine et Arnaud Robinet ont déposé leur Rapport d’information de la Commission des affaires sociales (Assemblée Nationale, n° 3441), dans lequel on peut notamment lire que « Les dérogations à l’interdiction des ristournes constituent encore une pierre d’achoppement » et « une question qui fait encore débat », mais les rapporteurs « n’estiment pas nécessaire de revenir sur une disposition dont les enjeux ont été largement débattus lors de l’examen de la loi de 2013 ». Ils ajoutent (page 38) que « certains marchés publics conclus avant l’entrée en vigueur de la loi courent toujours : de facto, les établissements de santé bénéficient toujours des ristournes préalablement négociées. Cette situation tend à se normaliser au fur et à mesure des renouvellements de marchés. ». Dont acte à nouveau et merci pour eux MM. les Députés.

 

   Les laboratoires de biologie médicale sont exploités par des pharmaciens et des médecins, qui relèvent, en France, d’institutions ordinales différentes. Il est interdit par la déontologie des médecins de consentir « toute ristourne en argent ou en nature, toute commission à quelque personne que ce soit » (article R. 4127-24 CSP), mais néanmoins les spécialistes qui interviennent en établissements de santé privés sont autorisés à payer à l’établissement de santé dans lequel ils interviennent, une redevance, licite à la condition que les dépenses, qui en constituent la contrepartie, correspondent, tant par leur nature que par leur coût, à un service rendu au médecin et qu’elles ne soient pas couvertes par les tarifs versés par les caisses d’assurance maladie, notamment dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A) (jurisprudence constante depuis un arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 1996, RDSS 1997, 338) et nombreux arrêts visant l’article L. 4113-5 du code de la santé publique. L’indépendance professionnelle du médecin pas plus que la qualité des soins qu’il prodigue ne sont par principe compromises parce qu’il règle périodiquement à la Clinique où il exerce une facture pour son occupation des locaux et du personnel mis à sa disposition, comme des consommables qu’il utilise.

 

   La Cour de cassation a même validé le paiement d’une indemnité, un droit d’apport ou droit d’entrée, en contrepartie de la signature d’un contrat conférant l’exclusivité de sa discipline au médecin spécialiste concerné.

 

   Les mêmes opérations sont considérées, si le spécialiste exerce la biologie médicale, au contraire comme des contraintes financières ou commerciales prohibées par l’article R. 4235-18 du CSP s’il est pharmacien, parce que « portant atteinte à son indépendance »…

 

   Ainsi, ce qui est obligatoire pour un médecin spécialiste non biologiste exerçant dans un établissement de santé privé, serait interdit en droit de la biologie ? Cela est contestable, puisque la facturation des actes de biologie au tarif de la nomenclature par le LBM n’empêche pas ce dernier qui respecte l’article L. 6211-21 en ne concédant aucune « ristourne » ou « remise » sur le tarif de la nomenclature, à payer à l’établissement la contrepartie des moyens qu’il met à sa disposition pour exercer son art libéral, comme le font les autres médecins en toute légalité, contrôlée via des expertises judiciaires lorsque le montant de la redevance apparaît s’éloigner du coût réel des prestations dont ils bénéficient. La remise, ou la ristourne, constituent des actes aujourd’hui prohibés, mais la prise en charge par un LBM du coût des prestations que lui sert l’hôpital privé ne constitue pas par principe une remise ni une ristourne sur le tarif de la nomenclature, il convient de distinguer avec discernement les définitions respectives et de requalifier parfois des opérations légalement mises en œuvre mais mal dénommées.

   D’une manière générale, la « ristourne » est une diminution du prix convenu, que le droit du commerce connait bien (cf. circulaire du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs), c’est aussi une restitution partielle du prix payé, souvent qualifiée en droit de affaires de « marge arrière ». Le droit de la concurrence analyse en permanence les différentes techniques de promotion qui ont pour objectif d’accroître le chiffre d’affaires d’une entreprise et la réglementation est sous-tendue par deux principes essentiels : la liberté des prix et la loyauté de la concurrence (cf. JurisClasseur Concurrence, fasc. 905 : Promotion des ventes par les prix), alors que les « rabais ou remises » désignent généralement les diminutions de prix consenties en faveur des consommateurs. Singulièrement, ristournes, rabais et remises sont employés dans le débat concernant les relations entre biologistes et établissements de santé avec une confusion qui ignore la réalité de la « cause » au sens juridique du terme de la convention passée, alors que les innombrables débats judiciaires sur la « redevance » ou la « participation aux frais » supportée par les autres spécialistes (= non biologistes) au sein des mêmes établissements de santé privés, n’ont pas été pollués par cette confusion…  

 

    Quid du coût de la gestion des bordereaux de facturation S 3404 par les établissements de santé privés, du suivi du paiement, des éventuelles relances des caisses tiers payants et de la distribution des honoraires via le compte mandataire de la Clinique si elle en est chargée ? La redevance est souvent justifiée, à la hauteur de son coût réel, même s’il est pour des raisons pratiques forfaitisé, avec l’aval de la Cour de cassation.

 

   Toute relation économique entre un laboratoire de biologie médicale et un établissement de santé ne relève pas de la concurrence déloyale ni de l’atteinte à l’indépendance professionnelle des pharmaciens et médecins qui consentent à facturer et/ou à payer le juste prix des prestations réalisées ou de celles obtenues de la Clinique, en toute transparence économique.

 

   Un autre sujet de discussion est relatif aux actes non facturés au tarif plein de la nomenclature parce que non réalisés par le personnel du LBM, par exemple la prise en charge partielle de la phase pré-analytique si l’établissement de santé privé pratique lui-même les actes de prélèvements sanguins par son propre personnel ? Il serait singulier d’affirmer que la réduction alors consentie par le LBM à hauteur de cette partie de la phase pré-analytique de l’acte qu’il n’a pas réalisée constituerait une « ristourne prohibée » alors qu’il ne s’agit que de l’absence de facturation d’un acte qui n’a pas été effectué par le personnel du laboratoire. Le LBM ne serait-il pas plus condamnable s’il facturait 100% du tarif de la nomenclature pour un acte partiellement non réalisé, c’est-à-dire ce que les sections d’assurances sociales de l’Ordre des médecins qualifient et sanctionnent « acte fictif néanmoins facturé » et dont les tribunaux des affaires de sécurité sociales ordonnent « la répétition d’indus » ?

 

   Comme souvent, les principes sont agités et le droit positif tend à s’imposer sans discernement rigoureux ; les volte-face successives du Parlement exposent à des sanctions inadaptées tant les biologistes que les établissements qui, sur le terrain, ne sont pas systématiquement animés de mauvais sentiments corporatistes mais essaient de mettre en œuvre un équilibre économique au sein de leurs relations contractuelles qu’il devient difficile de définir tant le corpus légal et réglementaire est protéiforme.

 

   Demain, c’est-à-dire à compter du 1er octobre 2016, le code civil réformé par l’ordonnance n° 216-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats offrira de nouvelles opportunités d’intervention du juge pour réparer le préjudice en cas d’abus dans la fixation du prix (article 1165 nouveau) et le droit commun des contrats viendra à son tour influencer le droit spécial des conventions entre les biologistes et les établissements de santé.

   Les acteurs de ce marché doivent donc réfléchir à l’opportunité soit de signer des contrats avant le 1er octobre, qui perdureront en étant soumis au droit actuel, soit de différer leur adoption en tenant compte de l’ensemble des éléments opposables après cette date. Le choix n’est pas facile. On vit une époque formidable !

La Lettre du Cabinet - Août 2016
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Redevances en biologie médicale
(arrêt Cour de cassation, 1ère civ., 9 juin 2017, n° 16-22094, Orpéa)
Isabelle Lucas-Baloup

Suite et fin du feuilleton sur la légalité de la demande, par la société Orpéa, dans un appel d’offres privé, aux laboratoires candidats de préciser le pourcentage de redevance qu’ils entendaient verser et leur indiquant que l’absence d’une telle mention empêcherait la présence de leurs dossiers au premier tour de sélection, ce qui revient à solliciter une ristourne pourtant prohibée par l’article L. 6211-21 du CSP, soutenaient plusieurs syndicats de biologistes. Nos précédentes éditions de la Lettre du Cabinet (septembre 2014 et août 2016) avaient rapporté l’état du droit, l’ordonnance de référé du 10 juillet 2014 et l’arrêt du 9 juin 2016 déboutant Orpéa de son appel. La société, qui exploite divers établissements sanitaires et médico-sociaux a également été déboutée de son pourvoi, par un arrêt du 9 juin 2017 de la Cour de cassation on ne peut plus clair malgré une lecture qui réclame un peu de concentration : « Attendu que, selon l’article L. 6211-21 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire, et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6 du code précité, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ; que cette disposition interdit aux laboratoires de biologie médicale de consentir des ristournes lors de la facturation de leurs examens consistant, selon l’article L. 6211-1 du CSP, en des actes médicaux, et n’autorise le paiement de redevances à des établissements sanitaires et médico-sociaux qu’à la condition que celles-ci constituent exclusivement une contrepartie des prestations fournies pour la réalisation de tels examens ; « Et attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la demande concernant le pourcentage de redevance a été adressée par la société Orpéa aux laboratoires avant que les services qui leur seraient rendus n’aient été déterminés et chiffrés, établissement par établissement, alors que seul l’établissement concerné est en mesure d’en communiquer le coût, et que cette demande, formulée de manière abstraite, n’a été assortie d’aucune réserve ni précision ; qu’il ajoute que les échanges écrits entre la société et divers laboratoires ayant accédé à sa demande, révèlent que certaines propositions de redevances étaient fondées sur le chiffre d’affaires qui serait réalisé par les laboratoires auprès des établissements de la société, laissant ainsi la possibilité à cette dernière de négocier le pourcentage de la redevance proposé ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a pu déduire que la société avait méconnu les dispositions de l’article L. 6211-1 du CSP et causé un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser ; […] Par ces motifs : rejette le pourvoi. » Cet arrêt permet aux LBM qui, par erreur compte tenu de l’évolution compliquée du droit de la biologie médicale depuis plusieurs années, auraient accepté contractuellement de payer des redevances aux établissements de santé ou sanitaires d’un montant supérieur au strict coût réel des « prestations fournies pour la réalisation des examens » de négocier un avenant, voire de réclamer sur cinq ans la répétition de l’indu, c’est-à-dire la différence entre le coût réel des prestations pouvant être légalement facturées et les sommes effectivement payées par le LBM, même en exécution d’un contrat signé. La jurisprudence est constante sur ce point, voir notamment un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse (2ème ch.) 20 juin 2006 : « la convention ne saurait interdire au laboratoire de soutenir que, compte tenu des prestations effectivement fournies par la Clinique le taux de 10 % fixé pour le calcul de la redevance est excessif au regard des dispositions de l’article L. 6211-6 du code de la santé publique ; que ces prestations se limitent en effet à la fourniture d’un local exigu et à la mise à disposition de secrétaires médicales mais ne comprennent pas la gestion des honoraires de biologie via le bordereau 615 [aujourd’hui S 3404] et qu’il est établi par voie d’attestations que les prélèvements étaient réalisés de jour comme de nuit par le personnel du laboratoire et non par des infirmières de la clinique ». Dans ce dossier, j’avais obtenu le remboursement par la clinique de la différence entre 10 % et le montant bien inférieur correspondant à la réalité des prestations fournies dans l’intérêt du Laboratoire. Voir également un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier (1ère ch.) du 14 mars 2006, saisie sur renvoi de la Cour de cassation, ayant prononcé la nullité du contrat fixant la redevance à 10 % du chiffre d’affaires au profit d’une maison de retraite, en ordonnant la répétition des sommes indument payées par le laboratoire d’analyses médicales.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
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Regroupement géographique de deux cliniques sur un nouveau site : refus de locaux aux biologistes, rupture imputable à la clinique
(Cour d’appel de Rouen, arrêt du 17 février 2011, Hôpital Privé de l’Estuaire)
Isabelle Lucas-Baloup

Là encore, jurisprudence classique : la Générale de Santé regroupe deux établissements, les Cliniques Colmoulins et François 1er, sur un nouveau site, sur lequel, malgré les engagements contractuels initiaux, le nouvel hôpital privé refuse de mettre à disposition de la Selarl de biologie médicale liée contractuellement à la première des deux cliniques, les locaux permettant de réaliser des prélèvements et analyses sur place. Après cassation, la Cour d’appel statue conformément à la demande des biologistes qui ont refusé dans de telles conditions de poursuivre leur activité dans le nouvel hôpital : « La résolution judiciaire du contrat sera donc prononcée aux torts de la société des cliniques aujourd’hui Hôpital Privé de l’Estuaire et celle-ci doit indemniser la société de biologie médicale du préjudice résultant pour elle de cette rupture. » Expertise comptable pour l’évaluation du préjudice.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011
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Une clinique qui se regroupe avec une autre doit respecter les contrats d’exercice ou indemniser
(Cour de cassation, 1ère civ., 19 novembre 2009, n° 08-17.202)
Anne-Sophie Grobost

Un laboratoire de biologie médicale, titulaire d’une convention d’exclusivité pour 40 ans au sein d’une clinique, s’est vu refuser la poursuite des relations contractuelles suite à un regroupement de l’établissement avec un autre.
La Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour de Rouen qui avait condamné la Clinique, n’ayant pas respecté les termes du contrat d’exclusivité, à réparer le préjudice en résultant pour le laboratoire évincé. Le contrat d’exercice prévoyait l’obligation pour la Clinique de garantir au laboratoire l’exclusivité d’installation et d’exercice « y compris dans de futurs locaux ».
Les tentatives des biologistes pour faire valoir leurs droits s’étant heurtées à l’attitude de la Clinique qui n’a cessé d’en nier l’existence tout en mandatant un tiers pour rechercher un autre laboratoire, la Cour en a justement déduit qu’elle ne pouvait prétendre avoir cherché à négocier avec les biologistes.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Une SELARL de biologistes, médecins et pharmaciens, doit être inscrite à chacun des ordres dont ses associés relèvent
(arrêt Conseil d’Etat, 29 octobre 2007, n° 284036)
Isabelle Lucas-Baloup

L’inscription s’impose tant au tableau de l’ordre des pharmaciens que de celui des médecins dès lors que des associés pharmaciens et des associés médecins composent la SEL, ... avec paiement des cotisations correspondantes.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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