Base de données - Infections nosocomiales

A la rentrée, faut-il brûler les livres des bibliothèques hospitalières ... pour les désinfecter ?
Isabelle Lucas-Baloup

Pendant que les hygiénistes de permanence en août dans nos hôpitaux veillaient au respect des normes de potabilité de l'eau de chaque machine à glaçons, contrôlaient la température de l'air et le bon fonctionnement des climatiseurs, ventilateurs (dont les pales doivent être dépoussiérées tous les jours) et autres rafraîchisseurs recommandés ou imposés par les plans " canicule " alors que le thermomètre ne dépassait pas 18° dans le Limousin, ou encore découvraient avec horreur les malheurs frappant des établissements victimes de légionellose, un hygiéniste-documentaliste pas triste bien qu'un peu juriste m'a posé la question qui manquait à mon bonheur à quelques heures de mon départ en vacances : " Les malades et les bénévoles qui prennent, transportent et redéposent sans précaution les livres dans la bibliothèque de mon hôpital peuvent-ils être responsables juridiquement d'une infection nosocomiale " ?
Vingt Dieux ! Après les fleurs et les plantes vertes, j'avais déjà conclu à l'expulsion des clowns et des conteuses qui contaminent dans les services pédiatriques, de chambre en chambre, ce qui avait fait rire tout le monde à mes dépens ; voudrait-on maintenant m'impliquer, en agitant la menace du droit, dans un nouveau fahrenheit, pas le nine/eleven de Mickael Moore, mais bien sûr celui de Bradbury, 451 degrés, la température à laquelle un livre s'enflamme et se consume ?
On sait que certains malades se soignent par les plantes, par le rire ou par la lecture. Même le droit guérit, d'après certains. On les entend au moins une fois par semaine, victimes de la route, de pédophiles ou de terroristes, confier aux journalistes : " nous ne pourrons pas aller mieux tant que le jugement n'aura pas lieu "... C'est faux : le droit ne guérit pas. Mais il console, il réconforte, il occupe, comme les pivoines dans le vase en matière plastique sur la table roulante permettaient de faire rêver de son jardin le malade qui ne voyait plus de sa fenêtre que l'entrée des urgences. Pensez-en ce que vous voulez, mais s'intéresser à son procès ça distrait, ça détourne du quotidien, du souvenir obsédant. Alors, imaginez un livre de droit, de droit de la santé de préférence, sur une étagère de bibliothèque de centre hospitalier... que les patients frappés, avant leur admission déjà, par le virus de la lecture, ne pourraient plus consulter parce qu'un irresponsable comme moi, dans le confort de son cabinet d'avocats, aurait conclu, mine de rien, en quelques tours de dictaphone, sur le pas de la porte les billets Air France déjà à la main, une " consultation " ayant pour conclusion : " Au sens de la loi du 4 mars 2002, relève de la nosocomialité l'infection qui a pour origine une bactérie ou un virus manuporté(e), au sein d'un établissement de santé, à cause d'un livre, objet mobilier par nature, ayant donc pour gardien le directeur de l'hôpital, ou son délégué, dans la mission duquel entre l'obligation de lutter par tous moyens contre le risque de contagion intrahospitalière en accord avec son C.L.I.N."...
Non, je ne me laisserai pas manipuler de la sorte ; je ne conclurai pas qu'il faut brûler les livres à la rentrée ; c'est de votre choix, l'autoclave ou la gluta, c'est pas du droit ; moi, je les envelopperais dans un film plastique nettoyable mais vous me direz encore que ça ne va pas, que staphylococcus epidermis ou un de ses cousins résistera, même si le lecteur se lave les mains, que votre microbiologiste propose la manière forte.
L'autodafé, c'est pas ma tasse de thé.
Qui sera condamné à réparer ? Je ne sais pas. L'hôpital, sûrement. Ça finit souvent comme ça, dans les livres de droit. Bonne rentrée et courage, on vit une époque formidable !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre 2004


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Contamination Infections nosocomiales Livres Nosocomial

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Aspects juridiques des infections nosocomiales en réanimation
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Risques infectieux en réanimation : gestion et prévention" sous la direction du Docteur Jean Carlet.

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Aspects juridiques des infections nosocomiales virales
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Les infections nosocomiales virales et à agents transmissibles non conventionnels" sous la direction scientifique de Bruno Pozzetto.

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Assurance et infections nosocomiales, responsabilité des cliniques et des médecins
Isabelle Lucas-Baloup

Le droit français actuel de l'infection nosocomiale relève de la caricature juridique. De celles, assez rares, procédant de plusieurs années de maltraitance d'un sujet, pourtant pas particulièrement compliqué, ni négligé (de la jurisprudence plein les gazettes professionnelles depuis cinquante ans, deux lois en 2002), ni encore frappé par l'émergence du droit européen, totalement inexistant en cette matière. En somme, un droit franco-français qui aurait pu s'inscrire, simplement, modestement, efficacement, dans la pure tradition de la responsabilité civile (une faute + un dommage + un lien de causalité entre les deux = une responsabilité encourue, individuelle ou collective et une obligation, à la charge de l'auteur (des auteurs) de la faute (active ou passive), de réparer le préjudice subi) mais qui, au contraire, procède, depuis la loi du 30 décembre 2002, d'une logique différente :
1° on n'identifie pas le payeur de l'indemnité selon son rôle causal dans la survenance de l'infection, on le détermine selon l'importance du dommage (l'assureur de la clinique paie si l'incapacité permanente du malade est inférieure ou égale à 25 %) ;
2° au-delà de 25% c'est la " solidarité nationale " qui prend en charge le dommage (via l'ONIAM) ;
3° en cas de faute, l'Office se retourne contre l'établissement et les professionnels défaillants pour se faire rembourser par leur assureur.
Dans un élan de pragmatisme favorisé par l'intérêt supérieur des patients et le souci de leur éviter autant que faire se peut les vicissitudes inhérentes à toute procédure, on pourrait admettre que le résultat est séduisant puisque la victime est a priori indemnisée rapidement et qu'en cas de faute avérée les personnes physiques ou morales défaillantes dans la lutte contre le risque infectieux finiront par payer. Plusieurs éléments empêchent malheureusement d'être satisfait de cette réforme :

Plus de 97 % de la réparation demeure à la charge des assureurs des établissements de santé
La statistique a été communiquée, sans être démentie, pendant les débats au Sénat précédant le vote de la loi du 30 décembre 2002, par M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur (1) " seuls 3% des sinistres débouchent sur des taux d'incapacité permanente supérieurs à 25% ", après que M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, ait affirmé : "La loi du 4 mars 2002 instituait une présomption de responsabilité des établissements en cas d'infections nosocomiales. La proposition de loi ne remet pas en cause ce principe mais elle opère un partage de la charge de l'indemnisation entre les assureurs et la solidarité nationale ". Les établissements de santé et leurs assureurs doivent apprécier avec discernement la mesure du " partage " ainsi annoncé : ils ne seront exonérés que de 3 % des dommages causés par infections nosocomiales, supportés par la solidarité nationale en première intention, et ce si l'ONIAM ne décèle pas, dans ce très faible pourcentage de dossiers, une faute de nature à fonder son action récursoire dans les termes de l'article L.1142-21 2e alinéa du code de la santé publique, hypothèse dans laquelle les assureurs des fautifs rembourseront le fonds d'indemnisation. C'est donc plus de 97 % des dommages qui demeurent à la charge des assureurs des établissements de santé principalement et, le cas échéant, des professionnels y exerçant.
En outre, est-il légitime, équitable, que l'intégralité de la réparation des infections nosocomiales d'origine non fautive soit ainsi supportée par les cliniques et leurs assureurs, lorsque l'incapacité permanente qu'elles ont induite est inférieure ou égale à 25 %, sans aucune prise en considération de leur rôle dans la survenance de la complication ?
La loi de Bernard Kouchner a introduit dans le code de la santé publique (article L. 1142-1.-I, 1er alinéa) le fondement, classique en droit civil, de la faute comme élément indispensable de la responsabilité médicale : les établissements et les professionnels " ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ", mais a ajouté deux exceptions au principe : le défaut d'un produit de santé (dispositif médical ou médicament par exemple) et l'infection nosocomiale (2è alinéa du même article L. 1142-1.-I) dont seuls les établissements de santé, publics et privés, sont déclarés responsables, sauf preuve d'une cause étrangère (jamais accueillie par la jurisprudence en matière d'atteintes à l'intégrité physique ou à la santé, outre le fait qu'une bactérie ou un virus s'avère rarement imprévisible, caractère à ce jour indispensable de la cause étrangère, laquelle doit être également irrésistible et extérieure ce qui pose le problème récurrent des infections endogènes...).
La réforme du 30 décembre 2002 aurait pu judicieusement placer l'infection nosocomiale dans le droit commun de la responsabilité médicale, ainsi redéfini par la loi Kouchner, en supprimant le 2ème alinéa de l'article L. 1142-1.-I ; l'infection d'origine fautive aurait alors systématiquement engagé la responsabilité de l'établissement (quel que soit le taux d'IPP) et l'infection sans faute relevé de l'aléa thérapeutique, donc de la solidarité nationale, en cas d'IPP supérieure à 24% (par application normale de l'article L. 1142-1.-II, 2è alinéa).
Au contraire, le nouveau régime condamne définitivement l'établissement de santé à indemniser 100% des victimes d'infections dont l'IPP est inférieure ou égale à 25%, sans aucune considération du comportement de l'établissement de santé au regard du risque infectieux, plus ou moins diligent, actif, organisé, de sa spécialité, de l'état du patient et de ses pathologies associées, pas plus que du service dans lequel il est accueilli et des risques particuliers auxquels son état l'expose (l'octogénaire immunodéprimé admis en réanimation après plusieurs transferts hospitaliers est juridiquement traité en cas d'infection dans les mêmes conditions qu'un jeune sportif passé en chirurgie ambulatoire pour une exploration du genou).
La doctrine a fréquemment démontré l'effet pédagogique positif de la sanction en cas de comportement fautif. La certitude d'une condamnation sans faute provoque un effet diamétralement opposé : l'établissement de santé assuré d'être condamné sans faute est susceptible de voir ses soignants démotivés (" à quoi bon la traçabilité en matière de stérilisation, puisque la preuve de l'absence de faute n'a aucun effet sur l'obligation d'indemniser dans 97% des cas ? "). Quid par ailleurs de la tentation redoutable en matière de santé publique de voir certaines directions d'établissements et leurs assureurs recommander une discrimination des patients à risque médico-légal élevé...
Aux effets pervers de ce droit nouveau de l'infection nosocomiale s'ajoutent les complications strictement inhérentes à une rédaction bâclée du texte lui-même, pour l'application duquel il faudra des décennies de jurisprudence - ou encore une sérieuse réforme législative - aux fins de pallier les carences et stabiliser les interprétations déjà divergentes des praticiens du droit de la santé les plus distingués.

Toujours pas de définition juridique de l'infection nosocomiale
Le microbe en liberté naturelle est une res nullius, une chose sans maître, qui perd son identité juridique à proximité immédiate d'un patient hospitalisé : la bactérie utile à notre organisme devient alors un germe caractérisé par son action nuisible uniquement, un risque infectieux, puis très vite une infection nosocomiale (du grec nosos, maladie, et komein, soigner), pour laquelle hygiénistes, bactériologistes et juristes rivalisent d'imagination ou d'expérience pour trouver une définition, à partir du lieu (dans la clinique d'accord, mais qu'en est-il de l'hospitalisation à domicile ?), ou du moment d'apparition (48 heures pour les infections de site opératoire, un an après une prothèse, etc.). Certaines juridictions ont distingué les infections exogènes et endogènes, ce qui n'a guère facilité les choses et conduit à des commentaires parfois réellement surprenants ! Par ailleurs, des contaminations sont intervenues sur le site d'un hôpital sans aucun lien avec les soins (le patient violé, et contaminé, dans le jardin d'un hôpital psychiatrique, par un autre malade HIV+, est-il victime d'une infection nosocomiale ? oui, si le critère du lieu prédomine, non, si on retient celui de l'acte de soins).
La difficulté de trouver une définition générale de l'infection nosocomiale (2) conforte dans l'opinion d'une impérieuse nécessité de reconstruire le droit de l'infection liée aux soins à partir de l'analyse des causes, fautives ou non, qui ont permis la contamination. Etre victime d'une bactérie de sa propre flore peut révéler une absence de précaution des soignants à l'occasion d'un acte invasif, mais pas forcément. Des experts sérieux et compétents dans la discipline savent déterminer objectivement les origines possibles. Les publications nombreuses, nationales et internationales, les recommandations en matière d'hygiène hospitalière, la rédaction des protocoles de soins au sein même des établissements, l'aide du CTIN et des C-CLIN, les normes proposant des conduites à tenir mais aussi des méthodes d'analyse des risques de contamination microbiologique (3), constituent des outils précieux facilitant l'identification de la ou des causes de la contamination, utilisés efficacement par les experts à l'occasion de leur mission scientifique également aidée par les moyens techniques nouveaux qui laissent peu de place au doute (génotypage, par exemple).
L'infection acquise en établissement de santé par un patient - qu'on continue à la qualifier de nosocomiale ou pas, peu importe si on veut bien cesser de donner à la nosocomialité une définition à géométrie variable - ne justifie pas un traitement exceptionnel au regard des responsabilités encourues, et pourrait entrer parfaitement dans le droit commun de la responsabilité civile (faute-dommage-lien de causalité entre les deux), avec ses nuances soigneusement définies par la jurisprudence civile et pénale, venant atténuer ou renforcer l'implication des acteurs fautifs (perte de chance d'éviter le dommage Þ responsabilité partielle Þ réparation partielle du préjudice, etc.). Le nouveau dispositif de la loi du 4 mars 2002 aurait parfaitement protégé le patient en cas de contamination sans faute des soignants, sans qu'il soit besoin ni de l'exception de l'infection nosocomiale, ni du régime nouveau introduit par la loi du 30 décembre 2002, puisque son préjudice relèverait alors de l'aléa thérapeutique et donc de la solidarité nationale. Telle n'a pourtant pas été, nous l'avons vu, la position du législateur en décembre 2002, qui a prétendu, d'une manière totalement contradictoire avec la réalité de l'importance du risque infectieux, " aider " les établissements et leurs assureurs, après protestations de ceux-ci, en mettant à la charge de l'ONIAM les infections à IPP > 25% dans le cadre de ce qui a été qualifié " partage ", plus proche d'un marché de dupes que d'une analyse lucide de la situation actuelle de l'infection nosocomiale en France. Outre le nouveau régime d'indemnisation, ses modalités apparaissent étonnamment mal adaptées.


Une rédaction décevante des modalités d'application
Quelques exemples de ce qui constituera un casse-tête pour les magistrats ayant à mettre en oeuvre la loi du 30 décembre 2002 :
Le nouvel article L. 1142-21 du CSP permet à l'ONIAM d'exercer une action récursoire contre le professionnel, l'établissement de santé, le service, l'organisme ou son assureur, en cas de " faute établie à l'origine du dommage, notamment le manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ". Cette hypothèse ne concerne que les dommages supérieurs à une IPP de 25% (" ainsi que les décès " ajoute l'article L. 1142-1-1.1° à destination de ceux pour qui un décès pourrait constituer un préjudice inférieur à 25% d'incapacité permanente). La faute doit être " établie " impose le texte, elle ne devrait donc plus être présumée, comme dans le passé dans certaines circonstances, mais démontrée. Dans quels cas ? L'article précise " notamment " (ce qui introduit un exemple et non une énumération exhaustive) " le manquement caractérisé aux obligations " réglementaires. Un manquement " caractérisé " doit présenter une certaine évidence dans sa commission, il suppose une incompétence, une négligence grave et/ou renouvelée d'une contrainte de prévention du risque infectieux que doivent observer les professionnels au sein d'un établissement de santé. Or, ne sont opposables, en l'état actuel du droit positif français, aux cliniques privées que très peu d'obligations réglementaires en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Le " règlement ", dans la hiérarchie des normes opposables, relève en effet des décrets, de certains arrêtés et de rares circulaires déclarées telles par le Conseil d'Etat (souvenez-vous que la circulaire du 27 octobre 1997 sur la stérilisation a été déclarée non réglementaire par la Haute juridiction par arrêt du 24 février 1999 et les circulaires sur la réutilisation de dispositifs médicaux à usage unique écartées parce que non opposables aux établissements par la Cour de cassation, etc.). Les décrets promulgués pour la lutte contre les IN sont rares (sur les CLIN, sur l'obligation de déclaration). Par voie de conséquence, l'exemple d'action subrogatoire précisé par l'article L. 1142-21 tel que modifié par la loi du 30 décembre 2002 apparaît sur ce point aussi d'une rédaction mal maîtrisée !
Le taux d'incapacité permanente supérieur à 25% détermine en matière d'infection nosocomiale " le droit à réparation au titre de la solidarité nationale " (article L. 1142-1-1. créé par la loi du 30 décembre 2002) - à ne pas confondre avec l'article L. 1142-1.-I. de la loi initiale du 4 mars 2002, " par référence au barème ", prévu au II de l'article L. 1142-1, qui renvoie à un décret, lequel a été promulgué le 4 avril 2003 et a retenu un taux de 24%. Ce taux ne devrait pas s'appliquer aux infections nosocomiales, soumises au régime d'exception de l'article L. 1142-1-1. qui précise directement le taux d'incapacité permanente " supérieur à 25% " et non, comme l'article L. 1142-1-II, 2e alinéa " un pourcentage au plus égal à 25% déterminé par décret ", i.e. 24% depuis le 4 avril 2003.
Vous dévorerez avec gourmandise le décret n° 2003-314 et sa longue annexe (c'est-à-dire le barème, lequel ne vise jamais l'infection), décret dont l'article 1er décrit quatre cas pour lesquels le critère de gravité peut également être reconnu : incapacité temporaire de travail " au moins égale à six mois consécutifs ", ou " à six mois non consécutifs sur une période de douze mois ", " lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de [...] l'infection nosocomiale ", ou encore lorsque " l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ". Ces critères supplémentaires de gravité s'appliquent-ils réellement aux victimes d'une infection nosocomiale ? oui, si on lit le texte du décret (art. 1er, 2e alinéa) : " Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité [...] " ; non, dans la logique de la loi puisque l'existence de ces critères de gravité est prévue à l'article L. 1142-1.-II, visé expressément par le 2e alinéa de l'article 1er du décret, qui ne concerne pas - normalement - l'infection nosocomiale, dont le sort " très particulier " est organisé par deux autres textes : l'article L. 1142-1.-I 2e alinéa, d'une part (4), que la loi du 30 décembre 2002 n'a pas modifié (!), le nouvel article L. 1142-1-1 qu'elle a ajouté à la loi Kouchner, d'autre part (5). Pourtant, ce II du L. 1142-1 contient, après " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit [...] " et revoilà l'infection nosocomiale qui apparaît dans ce texte général (6), comme si les logiciels du Parlement (ou du Journal officiel ?) étaient entachés d'un virus informatique ajoutant systématiquement " infection nosocomiale " après " affection iatrogène ", au risque avéré de contaminer le droit de la responsabilité médicale par le droit à l'indemnisation, et de frapper le modeste avocat du droit des microbes que je suis d'insatiabilité jurisprudentielle devant tant d'occasions de revendications et d'interprétations juridiques divergentes qu'un Etat de droit comme la France devrait être en mesure d'éviter à l'occasion de la promulgation de réformes destinées à améliorer une situation préexistante !
Un autre exemple d'ambiguïté rédactionnelle : le deuxième alinéa de l'article L. 1142-1.I vise les établissements de santé, mais pas les professionnels, au titre de la responsabilité des dommages résultant d'infections nosocomiales, mais l'article L. 1142-21 organise une action récursoire de l'ONIAM également contre les professionnels, en cas de manquement caractérisé aux obligations réglementaires en matière de lutte contre les IN. Comment peut-on ne pas harmoniser à ce point les principes de définition et de distribution des responsabilités encourues (je n'ai pas la place de développer la critique de même nature que provoquera la mise en œuvre du 7e alinéa de l'article L. 1142-17 à ce titre) !
Evaluer le préjudice causé par une infection selon un barème totalement muet sur cette complication ne s'avèrera pas toujours facile et on imagine déjà le nombre de contestations des conclusions expertales susceptibles d'intervenir, puisque, aux termes de l'article 3 du décret, " l'expert médical appelé à évaluer l'incapacité de la victime d'une lésion à laquelle le barème ne comporte pas de référence informe, par avis motivé, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales compétente des références à l'aide desquelles il procède à cette évaluation. Cette information est transmise à la Commission nationale, ainsi qu'aux parties intéressées et, le cas échéant, à leurs assureurs. La commission régionale fixe un taux d'incapacité sur la base de cette évaluation. " Le problème, que le décret ne traite absolument pas, est que l'infection nosocomiale se surajoute à une pathologie pour laquelle le patient a été accueilli en établissement de santé, et que les victimes, leurs associations et avocats, parfois certains magistrats, ont tendance à inclure, dans la réparation de l'infection, des troubles générés par la pathologie initiale et non d'une façon autonome par le virus ou la bactérie !

Une observation finale pour rester optimiste sur l'essentiel : très heureusement les hygiénistes travaillent mieux dans le cadre de la prévention du risque infectieux au sein de vos établissements qu'au sein du Parlement nos législateurs dans le cadre de la réparation du dommage aux patients ! Gageons que ce soit suffisant pour éviter la déprime des assureurs...


(1) Rapport du sénateur Lorrain, Doc. Sénat, n° 49, annexe au procès-verbal de la séance du 6 novembre 2002, page 22.

(2) cf. " Le microbe, une res nullius cause étrangère ? ", Isabelle Lucas-Baloup, Revue Générale de Droit Médical, 2001-91:110. et " A qui appartiennent les germes ? ", Infections nosocomiales, même auteur, pages 67 et suiv., Editions Scrof.

(3) par exemple la norme A2C publiée par l'Association Française de Normalisation (AFNOR) pour l'analyse qualitative des risques de contamination microbiologique d'un acte de soins.

(4) art. L. 1142-1.-I, 2e alinéa : " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. "

(5) art. L. 1142-1-1 : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; 2° [...]."

(6) pourtant, depuis le droit romain, specialia generalibus derogant, ce qui est spécial déroge à ce qui est général !

FHP - Juillet 2003


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Assurance Infections nosocomiales

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Cassation 27 mars 2001 : il appartient au patient de démontrer que l'infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial
Isabelle Lucas-Baloup

Enfin une bonne nouvelle ! La première chambre civile de la Cour de cassation vient de rejeter un pourvoi contre un arrêt ayant débouté un patient qui n'avait pas démontré le caractère nosocomial de l'infection dont il était atteint. Les Hauts-magistrats adoptent la motivation des juges de Toulouse : " Quelques heures après la réalisation de l'arthroscopie, le patient, dont le genou avait été pansé à la Clinique, avait regagné son domicile, fait changé le pansement pas un autre médecin quelques jours après et avait pu se livrer à des activités contre-indiquées de nature à favoriser une contamination ; les juges du fond, qui ont encore précisé que les premiers signes de l'infection s'étaient manifestés six jours après l'intervention, la présence de staphylocoques dorés étant constatée sur un prélèvement, ont par une appréciation souveraine estimé qu'il n'était pas possible de déterminer ce qui était à l'origine de la présence de ce bacille, ce dont il résultait que le patient ne rapportait pas la preuve du caractère nosocomial de son infection. "
Une jurisprudence à invoquer aujourd'hui systématiquement...

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mai 2001
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Circulaire DGS/DHOS/E n° 645 du 29 décembre 2000 : Obligation d'alerte pour les I.N.
Isabelle Lucas-Baloup

On sait qu'une circulaire a rarement une valeur réglementaire en droit français. C'est ainsi que le Conseil d'Etat a déclaré non réglementaire la circulaire sur la stérilisation en date du 27 octobre 1997 (arrêt du Conseil d'Etat en date du 24 février 1999) ou que la Cour de cassation a relaxé les personnes poursuivies pour avoir restérilisé des dispositifs médicaux à usage unique, cette interdiction n'étant, à l'époque des faits (1994) prévue que par voie de circulaires.
Celle du 29 décembre 2000 est importante, en matière d'hygiène à l'hôpital, puisqu'elle abroge à la fois celles du 13 octobre 1988 et du 19 avril 1995, bien connues des hygiénistes.
Elle rappelle que la responsabilité des établissements de santé publics est engagée pour faute présumée et celle des établissements privés, par application du principe d'obligation de sécurité de résultat, est reconnue même en l'absence de faute.
Au titre du programme d'action, la circulaire notamment invite le CLIN à définir le rôle de chacun des acteurs.
Au titre des mesures de prévention des IN, elle engage les établissements à établir des recommandations techniques de bonnes pratiques d'hygiène (fiches techniques ou protocoles), de procéder à un état des lieux des pratiques, à l'aide d'audits ou de tout autre outil approprié, en s'aidant des " Cent recommandations pour la surveillance et la prévention des IN " publiées par le CTIN.
Au titre du programme d'action, la circulaire donne une importance particulière à la surveillance des infections nosocomiales " outil indispensable " : outre la réalisation d'une enquête de prévalence initiale portant sur l'ensemble des patients hospitalisés, il est considéré comme absolument prioritaire la mesure de l'incidence des infections du site opératoire.
L'originalité de la circulaire est essentiellement d'organiser une alerte, par avis au CLIN et à l'équipe opérationnelle d'hygiène, d'évènements " inhabituels ou sévères dont l'origine nosocomiale peut être suspectée ", lesquels concernent notamment : la suspicion d'épidémies, les infections dues à des micro-organismes ayant un profil inhabituel de résistance aux anti-infectieux, celles ayant une source environnementale, les infections particulièrement graves (profondes sur prothèses articulaires ou cardiovasculaires) ainsi que les infections suspectées d'avoir entraîné un décès.
D'autres chapitres concernent la formation des professionnels et leur information, celle des patients, l'évaluation du programme d'action de lutte contre les infections nosocomiales, l'équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière, les correspondants en hygiène et enfin les actions de coopération.
Le texte intégral de cette circulaire est disponible sur le site web ouvert par la direction des vigilances de l'AP-HP : http://coviris.ap-hp.fr

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mai 2001
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Circulaire du 3 janvier 2003 : une nouvelle fiche de signalement des infections nosocomiales
Isabelle Lucas-Baloup

En application du décret n° 2001-671 du 26 juillet 2001, certains cas d'infections nosocomiales doivent être signalés conjointement à la DDASS et au C-CLIN de l'interrégion (article R. 711-1-14 du code da la santé publique).

La fiche de signalement à utiliser à partir du 1er janvier 2003 vient d'être publiée, en remplacement de celle fournie en annexe à la circulaire du 30 juillet 2001.

Non publiée au Journal Officiel, elle est disponible sur la plupart des sites des C-CLIN et sur Nosobase :
http://nosobase.univ-lyon1.fr/legislation/signalement/ci030103.htm

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Février 2003
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Configuration du bloc opératoire et responsabilités
(arrêt du 26 janvier 2007, Cour d’appel de Paris)
Isabelle Lucas-Baloup

Rendu récemment mais sous l’empire du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Kouchner (l’implantation de la prothèse de genou litigieuse ayant eu lieu avant le 5 septembre 2001), l’arrêt est néanmoins intéressant en ce qu’il retient la responsabilité solidaire d’une clinique et d’un chirurgien orthopédique et les condamne à réparer le préjudice subi par un patient victime d’une infection nosocomiale au motif notamment que : « Les experts, qui ont pris la précaution de solliciter un sapiteur spécialiste de l’hygiène hospitalière, relèvent de nombreux désordres dans l’organisation du bloc opératoire du Centre chirurgical et notamment que celui-ci, par son exiguïté et sa conception architecturale, ne permet pas de respecter les règles élémentaires d’asepsie ; cette carence exclut un contrôle rigoureux des accès et du sas de transfert des patients, provoque un défaut d’isolement des lavabos des chirurgiens, mélange les circuits propres et sales, fait que les couloirs aseptiques sont empruntés pour accéder aux parties sales de la stérilisation et le départ des déchets ; Est également relevé un défaut de ventilation empêchant de respecter les conditions sanitaires les plus élémentaires faute de renouvellement de l’air ; Ainsi un nombre important de particules porteuses de bactéries se déplaçant en fonction des mouvements des personnes présentes dans le bloc peuvent en outre se charger au cours d’une intervention et rester disponibles pour la suivante ; La stérilisation, qui n’est pas conforme aux exigences réglementaires, est de plus intégrée dans le bloc opératoire et, en l’absence de responsable spécifique, les tâches sont exécutées en confusion avec les autres tâches du bloc au détriment de la rigueur et au risque d’erreur démontrée dans la présente espèce ;

« Le centre n’a manifestement pas fourni pour l’accomplissement des actes médicaux des locaux adaptés et des appareils sans défaut, ayant fait l’objet des mesures imposées par les données acquises de la science. »

Une belle caricature d’un bloc opératoire au siècle dernier ? Oui, mais seulement à quelques kilomètres de Paris, en 1999…

Pas si loin, pas si vieux !

Revue Hygène en Milieu Hospitalier - Novembre-décembre 2007
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Création à l'AFSSAPS d'un groupe d'experts sur la sécurité virale des produits de santé
Isabelle Lucas-Baloup

Par décision du 29 octobre 2002, publiée au Journal Officiel du 16 novembre, P. Duneton, directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a créé un groupe d'experts sur la sécurité virale des produits de santé mentionnés à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique.
Le groupe est chargé de donner, à la demande du directeur général, un avis sur la sécurité, au regard des virus et autres agents transmissibles, des produits de santé contenant des produits biologiques, ou dont la méthode de fabrication fait appel à de tels produits. Les membres sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Décembre 2002


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales

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Définition des infections liées aux soins
Isabelle Lucas-Baloup

Si le CTIN est devenu le Comité Technique des Infections Nosocomiales et des Infections liées aux Soins (CTINILS), et s’il a travaillé tout particulièrement sur la définition de l’infection associée aux soins (IAS, cf. le rapport publié en mai 2007, disponible sur le site http//www.sante.gouv.fr), pour autant les dispositions du code de la santé publique n’ont pas été à ce jour modifiées et l’article L. 1142-1 vise toujours les « infections nosocomiales » et non les « infections associées aux soins ».
La jurisprudence, tenue de mettre en œuvre le code, et non les recommandations des organismes divers, agences, sociétés savantes, s’en tient donc à l’infection nosocomiale et non à l’infection liée aux soins ou associée aux soins.
A quand le toilettage législatif ?

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mars-avril 2008


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CTINILS Infections liées aux soins Infections nosocomiales

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Endophtalmie après intervention sur cataracte Clinique responsable. Indemnisation du préjudice
(Arrêt Cour d’appel Aix en Provence 22 avril 2008, n° 06/04099)
Isabelle Lucas-Baloup

Intervention sur cataracte de l’œil D, implant, dans clinique privée, en 2003, F ; endophtalmie aiguë avec staphylocoque coagulase négatif.
Réintervention, vitrectomie avec ablation du vitré opacifié.
Responsabilités encourues :
- Clinique responsable de l’infection nosocomiale, en application de l’article L. 1142-1 code de la santé publique (loi Kouchner applicable).
- Responsabilité de l’ophtalmologiste uniquement en cas de faute dans le cadre d’une obligation de moyens : pas de faute en l’espèce.
Evaluation du préjudice :
Pretium doloris : 3 sur une échelle de 1 à 7 : 5 000 €
Déficit fonctionnel temporaire : 1,5 mois, 1 050 €
Pas d’Incapacité Permanente Partielle, pas de préjudice esthétique, pas de préjudice d’agrément.
Total : 6 050 €.

SAFIR - Mars 2009


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Cataracte Endophtalmie Infections nosocomiales Ophtalmologie

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Endophtalmie après vitrectomie : responsabilité de la clinique
(Arrêt Cour d’appel d’Aix en Provence (ch. civile, 14 septembre 2011, n° 2011/328)
Isabelle Lucas-Baloup

Femme 58 ans. Souffrance maculaire œil G en raison de la présence d’une membrane épimaculaire avec œdème associé, vitrectomie doublée d’une injection de Kenacort®. Douleurs 36 H plus tard. Endophtalmie. Perte de la vision de l’œil G.
La Clinique n’ayant pas apporté la preuve d’une cause étrangère est jugée responsable de l’infection nosocomiale (art. L.1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique).
Incapacité permanente partielle imputable à l’endophtalmie de 22% (36000 €). Souffrances évaluées à 2,5/7 (6000 €). Préjudice esthétique : début d’extropie (5500 €). Préjudice d’agrément (privation des sports de montagne et de la bicyclette, 5500 €).

SAFIR - Mars 2012
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Endoscopies, contaminations et analyses sanguines préalables
Isabelle Lucas-Baloup

Un des derniers arrêts publiés en matière de présomption de contamination à l'occasion d'un examen endoscopique dans un service de gastroentérologie, prononcé avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 dont il est trop tôt pour analyser les effets jurisprudentiels, a jugé qu'il est difficile pour le patient d'apporter la preuve d'une faute d'asepsie et qu'il est " actuellement de jurisprudence constante que le médecin est tenu vis-à-vis de son patient en matière d'infections nosocomiales d'une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en apportant la preuve d'une cause étrangère ".
En l'espèce, la victime attribuait à l'exploration vidéo-endoscopique digestive haute et colique pratiquée l'origine de sa contamination par le virus de l'hépatite C. La Cour écrit " il appartenait au gastro-entérologue de conseiller ou de faire pratiquer préalablement à son intervention toute analyse sanguine qu'il estimait utile " afin d'apporter la preuve d'une cause étrangère, ou que le patient était déjà contaminé.
Dans cette affaire, comme il est arrivé à plusieurs reprises, la Cour considère qu'il existe " des présomptions précises, graves et concordantes pour conclure à l'existence d'un lien de causalité entre l'examen endoscopique et la contamination ". Faut-il conseiller aux endoscopistes de conduire ou prescrire systématiquement avant une exploration tous examens qui leur permettront d'établir avec précision l'état du patient ante ? Les magistrats de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (10ème chambre, arrêt 12 décembre 2001, n° 98/12567) pourraient y conduire. Les caisses d'assurance maladie, les mutuelles et les patients, en revanche, risqueraient de s'y opposer !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Octobre 2002


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales

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Infection nosocomiale en centre libéral : pas de responsabilité sans faute
(Cour d’appel de Caen, 1ère ch., arrêt du 30 janvier 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Les juges caennais ont commencé l’année 2007 en rendant un arrêt qui mérite d’être cité en exemple de parfaite application et respect du droit en matière d’infection à l’occasion des soins. En décembre 2001, un radiologue procède, dans son centre d’imagerie libéral, à une arthrographie de genou. Complications douloureuses dès le lendemain, avec diagnostic d’arthrite septique à streptococus oralis. Il résulte de l’expertise judiciaire sollicitée par le patient demandeur de dommages-intérêts que ce dernier était porteur de plusieurs foyers dentaires infectieux au moment de l’acte, et l’expert en déduit, sans exclure totalement que le germe ait pu être introduit lors de l’examen, qu’ils ont pu essaimer des bactéries dans le sang et entraîner l’atteinte du genou, ajoutant que le germe a pu profiter d’une réaction inflammatoire locale secondaire à l’injection du produit de contraste pour infecter le genou.
Pour la cour de Caen « c’est à juste titre que les radiologues soutiennent que le caractère endogène de l’infection ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit reconnue comme constituant une infection nosocomiale dès lors qu’elle a un lien de causalité avec l’examen invasif ». Cependant, en l’espèce, ce n’est pas la responsabilité d’un établissement qui est recherchée par le patient, mais celle du radiologue ayant pratiqué l’examen. En application de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, un médecin ne peut être condamné qu’en cas de faute prouvée. Le rapport d’expertise ayant au contraire estimé que la technique de réalisation et les précautions d’asepsie respectent « le minimum exigible », et aucune faute caractérisée n’étant démontrée, le radiologue n’a pas lieu d’être sanctionné du chef de cette infection nosocomiale intervenue en dehors d’un établissement de santé.
Une bonne nouvelle pour l’ensemble des médecins qui interviennent, explorent, traitent, quel que soit le type d’investigations, en cabinet libéral autonome (ophtalmologistes, gastro-entérologues, dermatologistes, petite chirurgie en office surgery, etc.). La Loi Kouchner les protège : pas de responsabilité sans faute, même en cas d’infection nosocomiale... tant qu’il ne sera pas dans la culture des patients français de choisir leur site d’explorations en tenant compte des chances d’être indemnisé dans l’hypothèse de telles complications !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre-octobre 2007
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Infection nosocomiale et cause étrangère
Isabelle Lucas-Baloup

Aux termes de l'article L. 1142-1.-I., 2ème alinéa du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, et sous réserve des dispositions de l'article L. 1142-1-1, créé par la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002, les établissements et services sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales " sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".
Avant la loi Kouchner, l'infection nosocomiale engageait déjà la responsabilité de l'établissement et des médecins intervenus dans le cadre d'une obligation de sécurité de résultat, dont les établissements ne pouvaient s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère (article 1147, code civil), laquelle doit présenter habituellement les caractères de la force majeure : imprévisibilité, irrésistibilité ou évitabilité, extériorité.
La preuve de l'absence de faute commise par un établissement de santé dans sa démarche de lutte contre le risque d'infection nosocomiale et de ses efforts de prévention ne modifie en rien l'engagement de sa responsabilité et son obligation à indemniser dès lors que l'incapacité permanente du malade est inférieure ou égale à 25%. Au-delà, c'est l'ONIAM qui paie, avec une possible action récursoire contre les professionnels et/ou établissements de santé " en cas de faute établie à l'origine du dommage " (art. L. 1142-21, 2è alinéa, code de la santé publique).
Dans une excellente étude intitulée " Une analyse de l'obligation de sécurité à l'épreuve de la cause étrangère ", publiée au Recueil Dalloz, le Professeur Fabrice Defferrard conclut : " La preuve de la cause étrangère n'est pas expressément interdite dans son principe, mais elle n'est jamais accueillie en pratique", s'agissant particulièrement d'atteintes à l'intégrité physique ou à la santé.
La jurisprudence devrait-elle dès lors modifier la définition de la cause étrangère, ce que certains ont cru discerner dans un arrêt rendu le 10 juin 1998 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, admettant qu'une " maladie irrésistible constitue un événement de force majeure bien que n'étant pas extérieure au malade " ? L'espèce s'avérait très particulière, puisque la force majeure était invoquée par une élève préparant dans une école privée un CAP de coiffure ayant arrêté, malgré une clause con-traire du contrat jugée abusive par l'arrêt, le paiement de ses mensualités de scolarité dès lors que, tombée malade, elle a cessé les cours, ce qui a été considéré comme un cas de force majeure exonératoire de l'obligation de payer, bien que l'évènement n'était pas " extérieur " à la demanderesse.
Les décisions postérieures n'ont pas réglé le problème en matière d'infection nosocomiale et la question demeure posée sur l'effet de la prévisibilité de la cause étrangère.
Le droit français actuel de l'infection nosocomiale relève de la caricature juridique, procédant de plusieurs années de maltraitance d'un sujet sur lequel le souci de favoriser l'intérêt supérieur des patients et de leur éviter la charge de la preuve, et celle de procédures parfois longues et compliquées, a con-duit à la contamination du droit de la responsabilité médicale par le droit à l'indemnisation.
Il est urgent de réformer le droit de l'infection nosocomiale, ou de modifier la définition de la " cause étrangère ", puisqu'elle ne constitue pas une cause exonératoire admise, en pratique, en cette matière où néanmoins l'exonération (en l'absence de faute) serait légitime, en droit, ce qui ne signifie pas que le patient ne serait pas indemnisé, et motivante pour les équipes soignantes !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juillet 2005
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Infection nosocomiale et soins à domicile (chambre implantable)
(arrêt du 5 octobre 2017 de la Cour d'appel de Nîmes, ch. civ. 1, n° 14/02893)
Floriane Lhuillier

Dans le cadre de son traitement contre le cancer du larynx qui impliquait plusieurs cures de chimiothérapie précédées de la pose d'une chambre implantable puis de radiothérapie, un patient a fait l’objet de soins infirmiers à domicile. Lors d'une hospitalisation faisant suite à une hyperthermie, les prélèvements ont révélé la présence d'un staphylocoque néolithique sous forme d'une levure au niveau de la chambre implantable, qui a nécessité la poursuite de son hospitalisation. Il a été par la suite hospitalisé à diverses reprises pour de nouvelles infections.

Quelques années plus tard le patient est décédé.

La Cour d’appel de Nîmes, devant qui l’affaire a été portée, a tout d’abord rejeté la responsabilité pour faute des infirmières qui intervenaient au domicile du patient. Elle a considéré que les deux expertises qui avaient été réalisées ne permettaient pas d’établir qu’elles avaient commis une faute, lors de leurs manipulations quotidiennes, à l'origine de l'infection sur chambre implantable qui a affecté le patient.

Ensuite, elle a conclu que l’indemnisation du dommage subi par le patient ne relevait pas de la solidarité nationale. Elle a en effet considéré que si l'existence d'une infection nosocomiale était directement imputable à des actes de soins, en revanche, le dommage subi par le patient ne constituait pas une conséquence anormale au regard de son état de santé et de l’évolution prévisible de son état. Ainsi que l’avaient souligné les rapports d’expertises, les infections dont il avait été affecté résultaient d’une complication grandement prévisible du traitement sur un terrain favorable du cancer du larynx. Enfin, pour appuyer sa décision, la Cour souligne que les dommages résultant de l'infection n'ont pas entraîné pour le patient d'incapacité permanente et que son décès n'était pas lié à l'infection nosocomiale.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2018


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Infections nosocomiales soins à domicile

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Infections nosocomiales : la charge de la preuve incombe au patient
(Cass. Civ. 1, 30 octobre 2008, n° 07-13.791, Clinique Chantecler, EFS)
Anne-Sophie Grobost

Dans le cadre de la contamination d’une patiente par le virus de l’hépatite C suite à des transfusions sanguines reçues lors d’une intervention chirurgicale, la Cour de cassation censure l’arrêt d’une cour d’appel qui retient qu’en matière d’infections nosocomiales la charge de la preuve n’incombe pas au patient.
L’arrêt rappelle qu’au contraire il appartient au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, fût-ce par présomptions graves, précises et concordantes.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Infections nosocomiales : la loi du 30 décembre 2002 n’est pas d’application rétroactive
(Cass. Civ. 1, 16 octobre 2008, n° 07-17.605, Centre Chirurgical Marie Lannelongue)
Anne-Sophie Grobost

Statuant sur l’indemnisation des conséquences d’une infection nosocomiale contractée fin mai 2002 à l’occasion d’une intervention chirurgicale, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’une cour d’appel ayant jugé que la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale n’est pas d’application rétroactive.
Cet arrêt marque l’alignement de la jurisprudence de la Cour de cassation sur celle du Conseil d’Etat qui avait rendu déjà deux arrêts en ce sens le 13 juillet 2007 (CE, sous-sections 5 et 4 réunies, 13 juillet 2007, n° 293196 et 299693).

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Infections nosocomiales Intervention chirurgicale

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Infections nosocomiales : responsabilités encourues(Conseil constitutionnel, arrêt du 1er avril 2016, n° 2016-531 et Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 14 avril 2016, n° 14-23909)
Claire Périllaud

    Le 6 janvier 2016, la Cour de cassation a saisi le Conseil Constitutionnel d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) relative à l’article L. 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique qui prévoit que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins est responsable des dommages résultant d’infections nosocomiales, même sans faute, sauf s’il rapporte la preuve d’une cause étrangère. Alors, qu’à l’inverse, le professionnel de santé libéral verra sa responsabilité engagée en matière d’infection nosocomiale en cas de faute de sa part.

   La question était donc de savoir si l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 « La loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » n’était pas violé.

   Le 1er avril 2016, le Conseil Constitutionnel, après avoir rappelé que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente les situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et/ou l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit, considère qu’il existe « au sein d’un établissement, service ou organisme de santé une prévalence des infections nosocomiales supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé exerçant en ville, tant en raison des caractéristiques des patients accueillis et de la durée de leurs séjours qu’en raison de la nature des actes pratiqués et de la spécialité des agents pathogènes de ces infections ». Le Conseil Constitutionnel retient que le législateur a entendu prendre en compte les spécificités des risques en milieu hospitalier et que, dès lors, la différence de traitement qui découle des conditions d’engagement de la responsabilité pour les dommages résultant d’infections nosocomiales repose sur une différence de situation et qu’il n’y a pas de méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

   Le Conseil Constitutionnel juge donc conforme à la Constitution le deuxième alinéa de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

   Cet avis du Conseil constitutionnel ne modifie pas la définition de la cause exonératoire entendue strictement par la Cour de cassation comme le confirme l’arrêt du 14 avril 2016 qui considère que, même si l’infection avait pu être provoquée par la pathologie de la patiente, cette infection demeurait consécutive aux soins dispensés au sein de la Clinique et ne procédait pas d’une circonstance extérieure à l’activité de cet établissement. Celui-ci devait donc répondre des conséquences de l’infection nosocomiale contractée par la patiente, conséquences dommageables qui en l’espèce étaient partagées pour moitié entre l’établissement de santé privé et le médecin dans la mesure où ce dernier avait commis une faute, dans les faits de l’arrêt une négligence coupable à l’égard du malade, qui avait été à l’origine d’un retard préjudiciable dans le traitement de l’infection aggravant les séquelles de la patiente mais non à l’origine exclusive de l’infection nosocomiale.

La Lettre du Cabinet - Août 2016


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Infections nosocomiales Responsabilité

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Infections nosocomiales : un cabinet libéral de dermatologie n’est pas un établissement
(Cour d’appel de Paris, 1ère ch., 3 avril 2009, n° 07/00267)
Isabelle Lucas-Baloup

Un cabinet médical n’est pas une personne morale et ne constitue pas une entité juridique distincte du professionnel exerçant à titre libéral. Il n’est pas assimilé à un « établissement, service ou organisme de santé » visé à l’article L. 1142-11 I du code de la santé publique et n’est donc responsable d’une infection qu’en cas de faute, dont la preuve incombe au patient demandeur.
L’arrêt profite de cette affaire pour rappeler que, pour les infections de site opératoire, on considère habituellement comme nosocomiales ou associées aux soins les infections survenant dans les 30 jours suivant l’intervention. La qualification d’infection nosocomiale n’est pas limitée aux infections dites exogènes dues à des micro-organismes acquis dans l’établissement de santé. Les infections dites « endogènes » comme provenant des germes propres du patient constituent également des infections nosocomiales dès lors que leur présence n’est pas pathologique, qu’il n’existe donc pas de tableau infectieux et que leur migration dans le site opératoire résulte directement de l’acte invasif.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Cabinet médical Dermatologie Infections nosocomiales

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Infections nosocomiales : un risque connu de complication ne peut constituer une cause étrangère
(Cass. Civ. 1 , 18 février 2009, n° 08-15.979, Polyclinique de Franche Comté)
Anne-Sophie Grobost

La Cour de cassation annule, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, l’arrêt d’une cour d’appel au motif qu’un risque connu de complication (sepsis du genou) lié à l’intervention postopératoire non fautive du chirurgien ayant pratiqué des infiltrations péri-articulaires de corticoïdes à sa patiente ne peut être retenu comme cause étrangère. L’établissement ne peut ainsi être exonéré de son obligation de sécurité de résultat.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Infections nosocomiales et réforme de la loi Kouchner : texte adopté au Parlement
Isabelle Lucas-Baloup

Le 18 décembre, l'Assemblée Nationale a adopté, en première lecture, la proposition votée par le Sénat quelques jours auparavant, qui modifie la loi du 4 mars 2002 en ce qui concerne les responsabilités encourues au titre des infections acquises dans les hôpitaux publics et privés :

- si le taux d'incapacité permanente est supérieur à 25 % déterminé par référence à un barème en cours d'établissement, ou en cas de décès provoqué par une infection nosocomiale : réparation au titre de la solidarité nationale,

- sinon : responsabilité de plein droit des établissements de santé.

Le Sénat a adopté définitivement le même texte dès le lendemain, 19 décembre.

Pour apprécier la portée de la loi nouvelle au regard de la charge finale de l'indemnisation, il est utile de savoir que 97 % des préjudices causés par des infections nosocomiales entraînent une incapacité permanente inférieure à 25 % !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier 2003


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Infections nosocomiales Loi Kouchner

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Infections nosocomiales et responsabilités juridiques
Isabelle Lucas-Baloup

Chapitre extrait de l'ouvrage "Guide pour la Prévention des Infections Nosocomiales en Réanimation" sous la direction du Docteur Jean Carlet.

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L'Ordre des chirurgiens-dentistes condamné pour entente illicite ou prohibée, en matière de nettoyage des prothèses dentaires
(Cour d'appel de Paris, arrêt du 7 mars 2006)
Isabelle Lucas-Baloup

En adressant une lettre circulaire à l'ensemble des maisons de retraite d'un département faisant état de sa position en matière de nettoyage des prothèses dentaires, l'Ordre profes-sionnel des chirurgiens dentistes est sorti de sa mission de service public. En effet, en déclarant que " seul un chirurgien dentiste est habilité et possède la compétence nécessaire pour faire face à toutes les situations qui peuvent être créées par le nettoyage de prothèses ", l'Ordre s'est livré à une interprétation de la législation applicable à son activité, en prenant position sur un point de technique médicale, sous une forme qui ne peut être considérée comme un simple avis.
Le Conseil de la concurrence était donc compétent pour apprécier ce comportement, au regard des textes réprimant les pratiques abusives en matière de concurrence.
La 1ère chambre de la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 7 mars 2006, juge que le Conseil de la concurrence a pu justement relever qu'il existait deux types de nettoyage :
- le nettoyage quotidien au moyen de comprimés ou par brossage,
- et le nettoyage ponctuel utilisant des procédés particuliers et destiné à une remise en état d'une prothèse mal entretenue, lesquels constituent deux marchés différents.
L'envoi de la lettre circulaire, le refus de déférer à un rappel de la loi par la DGCCRF et la qualification dénigrante de la prestation effectuée par un prothésiste constituent des pratiques d'action concertée entrant dans les prévisions de l'arti-cle L. 420-1 du code de commerce.
La Cour de Paris constate que le Conseil National et le Conseil départemental de l'Ordre des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme ont manifestement voulu, en intégrant dans le champ de leur monopole l'activité de nettoyage des prothèses amovibles, en fermer l'accès à d'autres professionnels. Cette pratique a eu pour effet de priver les consommateurs d'un service de soins à domicile utile et même indispensable à l'hygiène buccale.
La sanction pécuniaire infligée au Conseil départemental est réduite à un euro, dès lors qu'il a suivi la position du Conseil National et la mesure de publication est confirmée par la Cour d'appel de Paris.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juillet-Août 2006


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales

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La loi relative aux droits des malades adoptée en séance du Sénat du 19 février
Isabelle Lucas-Baloup

Bien qu'elle ne soit pas encore publiée au Journal officiel, HMH vous livre ci-après quelques extraits du texte définitivement voté. Après l'affaire Perruche, la presse nationale a surtout fait l'écho des dispositions concernant le préjudice des enfants nés handicapés. Pourtant, certains articles de cette loi, qui en compte une centaine, méritent bien des commentaires et soulèvent des problèmes juridiques qu'il faudra certainement plusieurs décrets et jurisprudences pour résoudre :

Obligation de déclaration des I.N. à l'autorité administrative compétente : art. L. 1413-14. " Tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté ou suspecté la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé doit en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente. " Un grand nombre de CLIN étaient contrariés, après le décret du 26 juillet 2001, par les difficultés d'application du signalement obligatoire devant les carences présentées par certains des critères de définition des I.N. concernées. Vous aurez maintenant à déclarer la " suspicion " d'I.N !

Responsabilité systématique des établissements en cas d'I.N. : art. L. 1142-1. II " Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " La loi entérine la jurisprudence de la Cour de cassation, que nous avons tant critiquée (obligation de sécurité de résultat). La seule possibilité désormais, pour un établissement, de ne pas être condamné en cas d'infection nosocomiale, est de prouver l'intervention d'une cause étrangère. Mais à ce jour aucune jurisprudence n'a reconnu le bénéfice de la cause étrangère en matière de réparation de préjudice corporel et on ne voit pas bien sur quel argument nouveau les juridictions modifieraient leurs décisions sur ce point... Les établissements seront en conséquence responsables des infections " nosocomiales ", sans aucune chance d'y échapper. Par ailleurs, la loi n'apporte aucun élément utile à la définition de la nosocomialité. Il n'y a donc pas lieu de distinguer entre l'origine endogène ou exogène. En instituant par ailleurs une automaticité de responsabilité des établissements, quid de la responsabilité des professionnels auxquels la jurisprudence faisait application de la même obligation de sécurité de résultat ?

Prescription décennale des actions en responsabilité : Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage (art. L. 1142-28). Il est ainsi mis un terme à la disparité des prescriptions administrative de 4 ans et civile de 30 ans. Les dispositions de la loi nouvelle s'appliquent immédiatement sur ce point, en tant qu'elles sont favorables à la victime ou à ses ayants droit, aux actions en responsabilité, y compris aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable.

On reviendra évidemment sur le contenu de la loi nouvelle dans les prochaines rubriques, et notamment sur l'accès au dossier, les commissions régionales de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et sur les dispositions particulières pour l'indemnisation en cas d'hépatites B et C.
Un recours devant le Conseil constitutionnel est annoncé.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Février 2002


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Assurance Droit des malades Hépatite C Infections nosocomiales

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Le Conseil d'Etat précise la définition de l'infection nosocomiale
(arrêt Conseil d'Etat, 23 mars 2018, n° 402237)
Mathilde Darricau

   Dans un arrêt remarqué du 23 mars 2018, le Conseil d’Etat précise les contours du renversement de la présomption de responsabilité qui pèse sur les établissements de santé publics en matière d’infection nosocomiale.

   Madame C. avait été admise au service des urgences d’un centre hospitalier intercommunal en raison d’un accident vasculaire cérébral, puis transférée en réanimation pour détresse respiratoire liée à une inhalation broncho-pulmonaire et avait par la suite fait l’objet de nombreuses hospitalisations et présenté des complications de nature infectieuse.

   Ensuite de son décès, sa fille a saisi le Tribunal administratif de Rouen aux fins de voir condamner l’établissement à lui verser des indemnités en réparation des préjudices subis par sa mère au titre, notamment, des infections contractées dans le centre hospitalier. Le Tribunal a fait pour partie droit aux demandes de la requérante retenant que sa mère avait bien été victime d’une infection nosocomiale qui n’était toutefois pas à l’origine du décès mais qui avait entraîné des souffrances et un déficit fonctionnel temporaire.

   La Cour administrative d’appel de Douai, saisie par les parties, a annulé le jugement au motif que le préjudice subi par la patiente n’était pas imputable à une infection nosocomiale. Elle s’est fondée sur la circonstance que l’infection avait été provoquée par la régurgitation du liquide gastrique qui avait pénétré dans les bronches de Madame C. en raison d’un trouble de la déglutition résultant de son accident vasculaire cérébral. Dès lors, la Cour a relevé que « cet épisode infectieux, dont les hommes de l'art indiquent au demeurant qu'il aurait pu survenir de la même manière en dehors de toute hospitalisation, n'est pas en rapport, ne fût-ce que partiellement ou indirectement, avec les soins prodigués ».

   Le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt de la Cour administrative d’appel et a ainsi précisé la définition du caractère nosocomial de l’infection issue d’un arrêt du 21 juin 2013 (CH du Puy-en-Velay, n° 347450) laquelle devait être regardée, au sens de l’article L. 1142-1 I alinéa 2 du code de la santé publique, comme « une infection survenant au cours ou au décours d’une prise en charge et qui n’était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci » à moins que la preuve d’une cause étrangère soit rapportée, c’est-à-dire d’un évènement extérieur, imprévisible et irrésistible, ce qui rendait compliquée l’exonération des établissements de leur responsabilité.

   Par l’arrêt commenté, la Haute cour administrative reprend la définition adoptée par décision du 21 juin 2013 en permettant toutefois aux établissements concernés d’établir que l’infection présente une autre origine que la prise en charge du patient pour se dégager de toute responsabilité. Concernant les établissements privés de santé, la Cour de cassation, de son côté, retient uniquement la cause étrangère comme exonératoire de responsabilité.

La Lettre du Cabinet - Mai 2018


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Le microbe : une res nullius ?
Le microbe : une res nullius cause étrangère ?
Isabelle Lucas-Baloup

Depuis 3,5 milliards d'années, notre planète est occupée par des bactéries. L'homme a beau réfléchir sur l'ordre souverain de la nature et la théorie des équilibres ponctués, développer la génétique et la biologie moléculaire, le débat n'est pas près de s'épuiser, chez les scientifiques, les microbiologistes et les paléontologistes, sur le pouvoir et l'évolution des microbes .
A l'hôpital, public ou privé, les hygiénistes analysent l'eau, l'air, les surfaces, prélèvent sans répit, traquent, de l'endoscope au syphon des éviers de blocs opératoires, ces micro-organismes qui contaminent les patients, et parfois les soignants .
En droit, la loi du 1er juillet 1998 oblige tous les établissements de santé à organiser en leur sein " la lutte contre les infections nosocomiales et autres infections iatrogènes ", comme avant elle divers textes réglementaires et recommandations d'origines variées qu'il n'est pas utile ici de rappeler. Mais, singulièrement, jamais les bactéries, virus et champignons ne font l'objet d'une définition juridique autonome. En droit de l'infection, les microbes n'existent pas. Ils évoluent dans une discrétion juridique absolue. Les complications qu'ils génèrent s'apprécient au regard des responsabilités encourues, par présomption d'une faute de l'homme, d'un dysfonctionnement dans le service, d'une défaillance, d'une incompétence, d'une négligence, ou encore d'un manquement à une obligation de sécurité de résultat dont sont rendus débiteurs tout à la fois les soignants et les établissements de santé, tant par la Cour de cassation que par le Conseil d'Etat .
Pourtant, les choses ne vont pas de soi. Ou plus exactement ces choses-là, puisque c'en sont, posent, en droit, quelques problèmes de définitions.


I - Le microbe, une res nullius

Si les travaux de Pasteur avaient précédé ceux de Sieyès, peut-être la discussion eût-elle été engagée plus rapidement sur la place des microbes dans notre ordonnancement juridique.


Le microbe, animal ou chose ?

Ces bactéries, virus et champignons, c'est-à-dire les éléments les plus nombreux de notre environnement, souffrent singulièrement d'une crise d'identité qui perdure plus d'un siècle après la rédaction du code civil. Dans la summa divisio, ce sont des " biens meubles ", des corps qui, par leur nature, peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, décrits à l'article 528 du code civil, que le législateur vient de modifier après qu'il ait été reproché à la définition initiale de ne distinguer l'animal des autres meubles que par le critère de mobilité autonome , d'une part, et d'occulter sa qualité d' " être vivant " , " doté de sensibilité ", d'autre part. Les avocats de tout poil de la cause animale s'en étaient d'autant plus émus qu'une première loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature affirmait que tout animal est " un être sensible " , avant que la Déclaration des Droits de l'Animal ne lui reconnaisse, à l'Unesco, le 15 octobre 1978, " des droits particuliers ". Il était en conséquence dans l'ordre logique des choses (ou plutôt des animaux ?) que la loi du 6 janvier 1999 réformât l'article 528.
Malheureusement, et bien que fréquentant chaque jour des millions de micro-organismes, l'auteur de ces lignes n'a aucune opinion scientifiquement sérieuse sur la définition de la sensibilité des choses et, par voie de conséquence, sur la pertinence d'une distinction animal/microbe/chose fondée sur les critères qui ont présidé à la récente réforme de l'article 528 (distinction animal/chose). L'étymologie, empruntée au Dictionnaire Historique de la Langue Française (animal : " du latin animalis, être vivant mobile, doté du souffle vital [ …] opposé à " homo ", homme, mais normalement il inclut l'espèce humaine et exclut toujours les plantes.[…] L'évolution des connaissances, s'agissant des êtres vivants moins évolués, compromet l'opposition conceptuelle animal/végétal "), n'aide guère à la décision. La trilogie classique homme/animal/chose s'est vue promue depuis quelques années au cœur de problématiques passionnantes pour la résolution desquelles on ne peut limiter le débat à des considérations strictement juridiques. La Cour Suprême des Etats Unis n'a rejeté que par une courte majorité de quatre juges contre trois une action engagée au nom de séquoias centenaires que la société Walt Disney voulait remplacer par une station de sports d'hiver, dans la Mineral King Valley. Chaque jour se posent, dans le monde, des questions éthiques, sociologiques, philosophiques, techniques et par voie de conséquence juridiques sur les implications de l'intervention humaine dans la nature, jusques et y compris sur le corps humain, conduisant à envisager les conditions de brevetabilité de la matière biologique de celui-ci ou encourageant à légiférer régulièrement en droit de la santé, en bioéthique et biotechnologies , ce que dénoncent avec un talent qu'ils qualifient " impertinence " certains de nos plus éminents médecins et juristes .

Si on exclut du débat toute préoccupation d'ordre moral, affectif ou syndical sur la relation de l'homme à l'animal, aucun argument dirimant ne contraint à écarter " par nature ", en tout cas par une stricte application du code civil, certains microbes du règne animal. A tout le moins peut-on convenir qu'ils s'en rapprochent dans la mesure où, par exemple, les bactéries et les champignons sont des êtres vivants considérés par l'homme de l'art comme ayant une existence autonome : les bactéries se construisent et se multiplient grâce à l'utilisation de substances naturelles inertes et de l'énergie solaire ; beaucoup d'entre elles jouissent d'un système de locomotion qui leur permet d'évoluer dans leur environnement proche, tel le mucus digestif ou le mucus pharyngonasal, et de se déplacer de cellule en cellule ou d'une zone à l'autre ; aux fins de survivre et proliférer, les bactéries disposent d'un ensemble de moyens pour s'adapter vite et pratiquement à toutes les situations (par ex. résister à la méticiline ou à d'autres antibiotiques) ; cette adaptabilité leur tiendrait lieu de ce que nous appelons " intelligence " dans une mesure infiniment plus performante que la plupart des hommes et des animaux ; enfin, il existerait un continuum entre les différentes espèces bactériennes, dont certaines échangeraient du matériel génétique au cours de phénomènes qui pourraient ressembler à la sexualité des animaux (et donc des hommes) si bien que, lorsqu'un juriste confère avec un bactériologiste des qualités d'autonomie et d'intelligence qui président à la distinction entre un animal et un autre bien meuble, le classement des bactéries dans la deuxième catégorie ne va pas de soi en s'en tenant strictement aux définitions du droit. Il est subséquemment tentant de se demander si le microbe est ou non dangereux, dans les termes du code rural modifié par la loi du 6 janvier 1999 attribuant au maire des responsabilités dans la prévention du danger. A l'instar d'un animal, domestique ou sauvage, un micro-organisme peut s'avérer, on le sait, selon les circonstances et l'environnement, utile ou nuisible et seulement une très faible minorité des bactéries (environ 3%) provoquerait des maladies chez l'homme .
Mais ce débat présente-t-il un intérêt pratique, en l'état du droit positif français, dès lors que les animaux, distingués aujourd'hui d'autres " corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre ", restent des biens meubles, par leur nature, tous ensemble soumis aux dispositions du chapitre II " Des meubles " du Titre I " De la distinction des biens " du Livre Deuxième de notre code civil, c'est-à-dire notamment à celles concernant l'exercice du droit de propriété sur les choses ? Quel peut-être le fondement de cet ostracisme récurrent et encombrant qui conduit à refuser au staphylocoque doré l'intégralité du bénéfice de son statut ? Qui est son propriétaire, puisque toute chose est l'objet d'un droit de propriété ? et bien sûr d'évoquer sans désemparer les rapports du droit de propriété et de la garde de la chose : qui est le maître du staphylocoque doré ? qui en est le gardien ? qui est gardien de la chose ? voire de l'animal, entendez du staphylocoque, pas de l'infection, pas du bloc opératoire, ce qui relève d'une autre question !
La réponse est certainement plurielle, comme pour les autres choses au statut desquelles le juriste s'est intéressé.

"Microbes en liberté naturelle
cherchent propriétaires"

Le " bon père de famille " au comportement raisonnable, celui qui se reconnaît volontiers maître de mille choses, n'a jamais songé à s'affirmer propriétaire de microbes qu'il ne connaît pas, qu'il ne voit pas, qu'il ne maîtrise pas, contrairement à son pitbull, et dont il bénéficie de l'action utile sans en prendre réellement conscience dans son environnement personnel, souvent intime (sauf lorsque son gastro-entérologue lui recommande de consommer des yaourts pour " reconstituer sa flore intestinale "). Point d'usus, d'abusus ni de fructus dans cette relation là !
Les bactéries et les virus "en liberté naturelle", faute de propriétaires, entrent manifestement dans la catégorie des res nullius, des choses qui n'ont jamais eu de maître, qui s'avèrent vierges d'appropriation, avec toutes conséquences de droit, notamment l'application de l'article 539 du code civil : " Tous les biens vacants et sans maître […] appartiennent au domaine public." et 713 du même code : " Les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à l'Etat ". On cherche vainement en effet en vertu de quel argument ces dispositions ne s'appliqueraient qu'à certaines catégories (plus " nobles " ?) de biens meubles ou immeubles, là où le code ne distingue pas. Il incombe à l'Etat de prendre la mesure de sa responsabilité encourue du chef de ces res nullius qui peuvent contaminer plusieurs victimes, comme l'inondation peut noyer ou l'invasion d'insectes détruire un champ de maïs.
Le fait que le microbe soit, dans la vie quotidienne, le plus souvent invisible ne modifie en rien son statut sur ce point ; dans le droit positif des biens meubles " la matérialité des choses ne cesse pas aux frontières de l'invisible, de l'inaudible et de l'impalpable " , ce qui permet la condamnation pénale du voleur d'électricité, considérée comme une chose, au titre des articles 311-1 et suivants du code pénal.
En revanche, la question se pose de savoir si le microbe relève de la catégorie des " choses communes " visées à l'article 714 du code civil, comme l'air, la lumière du soleil ou l'eau de mer, ce qui autoriserait l'homme à en jouir " conformément aux lois de police ", et par voie de conséquence en évaluant lui-même - et sous sa seule responsabilité ? - le bénéfice/risque de cet usage… L'Etat, on y revient, devrait alors, en application du code civil, entrer en voie de réglementation, comme il en a l'obligation, pour organiser les rapports de l'homme et des bactéries, virus et autres champignons qui " appartiendraient à la communauté humaine " .
En tout état de cause, notre droit actuel fait obligation à l'Etat de ne pas s'intéresser qu'au risque sériel , aux catastrophes nationales qui concernent un grand nombre de personnes, mais également au préjudice individuel causé par cette chose sans maître : le microbe en liberté naturelle, qui relève de son domaine aux termes des articles 539, 713, voire 714.
L'application stricte du code civil n'ayant jamais eu lieu en cette matière, l'évoquer provoque habituellement des ricanements de ceux qui préféreraient, à défaut de propriétaires, trouver implicitement à chaque microbe, particulièrement s'il s'avère potentiellement dangereux en raison de son environnement, un gardien.


" Germes pathogènes cherchent gardiens "

Res nullius dans l'absolu du droit positif, le microbe perd-il sa nature juridique à proximité d'un patient, en même temps qu'il change de dénomination et devient un " germe ", brutalement caractérisé par son action nuisible uniquement ? Chaque étudiant en médecine apprend que l'homme est un réservoir de micro-organismes potentiellement pathogènes dans certaines circonstances et l'infection endogène se définit comme celle acquise à partir de la propre flore du patient. On observe que la " flore " en microbiologie (à distinguer de la liste des espèces végétales de l'ordre botanique) est constituée de " l'ensemble des micro-organismes vivant, à l'état normal ou pathologique, sur les tissus ou dans les cavités naturelles de l'organisme ", ce qui implique immédiatement de la considérer collectivement, et non plus bactérie par bactérie, virus par virus, etc.
Le microbe devient " risque infectieux ", notion qui apparaît alors dans un certain nombre de textes réglementaires comme une somme de " micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu'en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l'homme ou chez d'autres organismes vivants ", ainsi que définit ce risque l'article R.44-1 du code de la santé publique relatif aux déchets d'activités de soins. Le " micro-organisme " lui-même n'a pas fait l'objet de nombreuses définitions et on remarque celle de la directive n° 98-81/CE du Conseil du 26 octobre 1998 : " toute entité microbiologique, cellulaire ou non, capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique, y compris les virus, les viroïdes et les cultures de cellules végétales et animales ".
Si le virus (plus facilement que la bactérie) peut être contesté comme " être vivant " à part entière, dans la phase d'éclipse de sa vie à l'intérieur d'une cellule du corps humain pendant laquelle il n'est plus visible au microscope que par les altérations qu'il peut engendrer, on se demande s'il ne constitue pas alors une partie intégrante de la cellule. Notre corps renferme d'ailleurs dix fois plus de bactéries que de cellules humaines, soit cent mille milliards de microbes dits commensaux, parfaitement adaptés à l'individu, qui l'utilisent comme source d'alimentation et de chaleur sans lui nuire, parfois en produisant des vitamines : les micro-organismes présents dans le tube digestif sont la seule source de vitamine K indispensable à l'homme puisque intervenant dans la synthèse de certains facteurs impliqués dans la coagulation, etc.
Puisqu'il y remplit " une fonction nécessaire à la vie " , le microbe ne devient-il pas lui-même un " élément du corps humain ", voire " une personne par destination ", ce que les magistrats reconnaissent à d'autres éléments, par une fiction juridique qui tient compte, de plus en plus, que le corps humain comprend des choses d'origine et de nature diverses ? On y intègre des tissus, des greffons, des prothèses devenant des organes artificiels, qui relèveront, une fois implantés, du statut particulier du corps de l'homme défini aux articles 16 et suivants du code civil et L. 665-10 et suivants du code de la santé publique (une juridiction a refusé sur ce fondement à un chirurgien-dentiste la récupération d'un dentier resté impayé par le patient).
L'homme est-il le gardien de ce que contient son corps ? Est-il responsable des micro-organismes installés dans ses propres cellules, ce qui impliquerait qu'il exerce sur la chose un pouvoir de surveillance et de contrôle ? Doit-on condamner sur le fondement de l'article 1384 1er alinéa le visiteur qui éternue, dans la chambre d'un ami hospitalisé, en expulsant des microbes susceptibles de le contaminer ? Faut-il aussi condamner la maman de l'enfant qui postillonne sur son voisin dans le salon d'attente du cabinet du médecin, et le clown qui, en faisant sourire de chambre en chambre dans le service d'oncologie pédiatrique, manuporte sans le savoir, sans le vouloir, des centaines de bactéries, certaines pathogènes ? La réponse est encore plurielle !
Le microbe est une chose que son porteur ne garde pas facilement, dans tous les sens de l'acception du verbe " garder ", et particulièrement dans sa définition juridique. Il y a peu de corpus et d'animus domini dans cette relation-là et manifestement le " bon père de famille " n'en est ni le propriétaire, ni le gardien. A l'impossible, nul n'est tenu. Sauf les médecins ! puisqu'au travers de cette obligation de sécurité de résultat dont ils sont débiteurs depuis les arrêts de la Cour de cassation du 29 juin 1999 op. cit. (qui a jugé des interventions ayant eu lieu dix ans plus tôt, à une époque où la traçabilité des actes n'était pas ce qu'elle est devenue), les soignants et les établissements de santé sont présumés capables de maîtriser totalement le risque infectieux, sinon de l'indemniser, en dehors désormais de toute recherche d'une faute, puisque ce n'est plus l'objet du débat en droit.
Seule une cause étrangère serait alors susceptible d'intervenir à leur décharge, ce qui conduit à se demander si, justement, la res nullius ne serait pas elle-même une cause extérieure au contrat médical, dont elle vient compliquer l'exécution.


II- Le microbe, une cause étrangère

Le développement du droit prétorien de l'obligation de sécurité de résultat dans les contrats verbaux, inauguré en 1911 pour faciliter l'indemnisation du voyageur victime d'un accident de transport, interpelle et il est singulier que son irruption dans le contrat de soins ne motive pas plus de protestations chez les médecins, parmi les patients, qui en seront immanquablement les victimes à très court terme, et chez les parlementaires, tellement défaillants il est vrai dans le vote de la loi sur la réparation des accidents sanitaires d'origine non fautive ! D'excellentes plumes ont décrit dans le passé combien cette jurisprudence est artificielle et injuste . Mise en œuvre dans le cadre du risque infectieux elle méprise la réalité scientifique, elle dénature l'objet du contrat et conduira à une sélection des malades, guidée par les assureurs de responsabilité professionnelle des soignants et des établissements de santé. Mais surtout cette jurisprudence omet de considérer que le microbe, res nullius, souvent insurmontable, parfois produit par le patient lui-même, peut constituer une cause étrangère à l'objet du contrat.
L'impossible limite

" Tout s'emmêle. Je ne sais plus où est la limite. J'y pense constamment. Où est-elle ? La devancer, l'accepter, la renier, la comprendre. A la limite on vit, à la limite on meurt, à la limite on n'existe pas". Dans ses Carnets d'un chirurgien , le professeur Maurice Mimoun a planté le décor.
Dans leurs rapports annuels, publications, recommandations, les sociétés savantes en hygiène hospitalière, les organismes techniques et spécifiques, le Comité Technique National de Lutte contre les Infections Nosocomiales (le C.T.I.N.), les structures inter-régionales (les C-C.L.I.N.) et bien d'autres organisations et associations, notamment de spécialistes, développent les outils épidémiologiques qui permettront l'identification et la mise en œuvre des protocoles de prévention. Pourtant si staphylocoques, klebsielles, Acinetobacter, Pseudomonas et autres, sont solidement implantés à l'hôpital, une étude américaine de grande envergure (senic project) a montré que 30% des infections nosocomiales sont théoriquement évitables, 10% d'entre elles le seraient effectivement aux Etats-Unis . Pas un congrès d'hygiène n'a lieu aujourd'hui sans qu'il soit répété que si " l'infection n'est pas une fatalité, pour autant le risque zéro n'existe pas " et que toute contamination, favorisée par des techniques plus invasives, dans le cadre de nouvelles stratégies thérapeutiques sur des malades plus jeunes, plus âgés, plus vulnérables, parfois immunodéprimés, qu'on ne soignait pas tous autrefois, ne relève pas, par nature, d'une origine fautive.
Les protocoles de bonnes pratiques, les normes et recommandations de toute nature, les formations ad hoc, les publications mieux accessibles , les structures de vigilances internes aux établissements, la traçabilité des actes, les contrôles de qualité, l'émergence de nouveaux métiers en hygiène, comme les procédures d'évaluation en vue de l'accréditation, conduisent évidemment les acteurs de soins à une prise de conscience généralisée du risque infectieux, qui n'est pas nouvelle pour tout le monde , mais aussi à une meilleure connaissance des limites de l'efficacité de la prévention du risque.
Sur quel fondement, dès lors, imposer juridiquement une obligation de sécurité de résultat, en présence d'un état de l'art scientifique, médical, hospitalier qui ne permet que de réduire le risque sans jamais garantir une évitabilité totale de l'infection, dite nosocomiale ? L'absence de définition juridique de celle-ci a sans doute favorisé l'installation jurisprudentielle de cette impossible obligation.


Une nosocomialité à géométrie variable

Le débiteur d'une obligation de sécurité de résultat doit au moins savoir sur quoi elle porte. La Cour de cassation, pas encore à ce jour saisie de la question, n'a pas précisé ce qu'elle entend par " infection nosocomiale ". On peut s'interroger sur le point de savoir s'il s'agit d'ailleurs d'une définition qui relève de la compétence des magistrats ou de celle des experts que les juges du premier degré désignent systématiquement dans les affaires de responsabilité médicale, ou bien des sociétés savantes, ou encore qui devrait émaner du domaine réglementaire, des autorités de tutelle ou des agence de sécurité sanitaire et institut de veille récemment créés pour orienter les démarches de santé publique. Le problème devient brutalement d'actualité, il l'était moins avant le revirement de jurisprudence de la première chambre, au temps des arrêts Pougheon, Matsoukis, Clinique Bouchard ou Clinique Belledonne .

L'infection " nosocomiale ", du latin nosocomium (hôpital) et du grec nosos, (maladie) et komein (soigner), est couramment définie comme " toute infection contractée à l'hôpital ", ce qui révèle un critère géographique prédominant. La
Recommandation n° R (84) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur la prévention des infections hospitalières, adoptée le 25 octobre 1984, donne, dans son Annexe " Stratégie pour la prévention ", les indications suivantes :
" Définitions :
a. Infection hospitalière : toute maladie contractée à l'hôpital, due à des micro-organismes, cliniquement et/ou microbiologiquement reconnaissables, qui affecte soit le malade du fait de son admission à l'hôpital ou des soins qu'il y a reçus, en tant que patient hospitalisé ou en traitement ambulatoire, soit le personnel hospitalier, du fait de son activité, que les symptômes de la maladie apparaissent ou non pendant que l'intéressé se trouve à l'hôpital.
b. Infection : multiplication de micro-organismes avec :
- sur le plan local : envahissement des structures saines d'emblée ou en cours d'évolution ;
- sur le plan régional : présence de lymphangites et d'adénopathies ;
- sur le plan général : existence de bactériémies ou d'une septicémie avec ou sans métastases septiques.
Afin d'éviter toute ambiguïté linguistique, les définitions retenues sont les suivantes :
c. Contamination : processus entraînant la présence de micro-organismes pathogènes ou potentiellement nocifs sur le matériel ou la personne.
d. Inoculation : introduction de micro-organismes susceptibles de se multiplier dans les tissus, notion microbiologique et non clinique.
e. Colonisation : multiplication localisée de germes qui peut dériver d'une contamination ou d'une inoculation, sans la réaction tissulaire et qui devient partie de la flore du sujet. "

Dans sa circulaire n° 263 du 13 octobre 1988 " relative à l'organisation de la surveillance et de la prévention des infections nosocomiales ", Claude Evin, ministre de la Santé, reprend la définition donnée par l'Organisation Mondiale de la Santé, en 1978, dans les termes suivants :
" Par infection nosocomiale, on entend :
- toute maladie provoquée par des micro-organismes,
- contractée dans un établissement de soins par tout patient après son admission, soit pour hospitalisation, soit pour y recevoir des soins ambulatoires,
- que les symptômes apparaissent lors du séjour à l'hôpital ou après,
- que l'infection soit reconnaissable aux plans clinique ou microbiologique, données sérologiques comprises, ou encore les deux à la fois.
Ces caractéristiques concernent aussi les personnels hospitaliers en raison de leurs activités. "

Le docteur Jean Carlet, président du C.T.I.N., en introduisant un ouvrage collectif de référence intitulé " Les infections nosocomiales et leur prévention " , souligne qu'il est " important de bien distinguer deux catégories d'infections nosocomiales : d'une part les infections exogènes qui sont dues à des germes transmis aux malades, parfois par voie aérienne, mais plus souvent par les mains et qui peuvent ainsi coloniser un site initialement stérile (site opératoire), et d'autre part, les infections endogènes où le malade s'infecte avec ses propres bactéries, modifiées ou non par une antibiothérapie. Certaines infections sont secondairement endogènes des bactéries transmises par voie exogène (souvent manuportées) pouvant s'installer silencieusement dans la flore du patient receveur. Tout doit être mis en œuvre pour éviter la survenue des unes comme des autres. C'est cependant vers les infections exogènes que porte essentiellement la stratégie préventive visant à éviter la transmission des germes, en particulier multirésistants. La prévention des infections endogènes doit certes être recherchée, mais son efficacité est plus aléatoire. De nombreux micro-organismes différents peuvent entraîner une infection nosocomiale, en dehors des bactéries. C'est le cas des champignons et des virus. L'infection nosocomiale virale risque d'être un problème important dans le futur proche. "
Le Conseil Supérieur d'Hygiène de France a publié Cent Recommandations pour la surveillance et la prévention des infections nosocomiales et en donne une définition qui tient compte d'un délai d'acquisition, chez le patient hospitalisé, de 48 heures après l'admission, que reprendra le ministère de la Santé sur son site internet (www.sante.gouv.fr).

Il est néanmoins certain que la définition - qui devra être juridiquement opposable - ne peut se limiter à une considération aussi simple, voire simpliste, compte tenu du cadre imposé par la Cour de cassation d'une obligation de sécurité de résultat à la charge des établissements et des soignants ! Quelques exemples illustrent cette incomplétude : dans le Guide de définition des Infections nosocomiales , le professeur Gilles Brücker annonce " L'infection est extraordinairement protéiforme dans ses aspects cliniques et microbiologiques et le caractère nosocomial peut être également difficile à retenir suivant les périodes de latence ou d'incubation. Ainsi, pour chaque localisation, plusieurs définitions sont nécessaires pour rendre compte de cette diversité ", avant d'en proposer 75 pages retenues au niveau international par les C.D.C. (Centers for Disease Control), au niveau national par le C.S.H.P.F. (Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France) et par une conférence de consensus de Toronto pour les patients en moyen et long séjour ! En ce qui concerne les infections nosocomiales virales, le professeur B. Pozzetto expose le caractère particulier de la définition en soulignant que l'infection peut se déclarer après la sortie du sujet de l'hôpital ou être asymptomatique, étant observé que certains virus peuvent persister dans le milieu extérieur pendant des durées extrêmement variables, de quelques minutes à plusieurs années. Le professeur Gilles Beaucaire recommande d'apprécier la possibilité du lien causal entre hospitalisation et infection en tenant compte d'un délai de 30 jours pour les infections de plaie opératoire et d'une année s'il y a mise en place d'un matériel étranger (une prothèse par ex.), de leur côté P. Veyssier et Y. Domart, dans leur ouvrage " Infections nosocomiales " visent des délais de plusieurs années après une transplantation tissulaire ou une injection d'hormone de croissance d'origine humaine avant la survenue d'une maladie de Creutzfeld-Jakob " à l'évidence nosocomiale ".

Les choses ne vont pas de soi, disions-nous plus haut, les définitions de la nosocomialité non plus. Peut-on fonder un droit jurisprudentiel qui implique la condamnation automatique de l'établissement et des soignants en cas d'infection nosocomiale, sans s'entendre préalablement sur une définition opposable à tous de celle-ci ? En l'état de l'obligation de sécurité de résultat affirmée sans encadrement du contenu du risque infectieux concerné, il est à craindre un développement important de précautions juridiques tendant à limiter l'objet du contrat médical.
Le microbe hors contrat


Le contrat verbal présente le danger, en cas de conflit, de l'indétermination de son contenu, qui permettra à chacune des parties d'y introduire les éléments " substantiels " qui auront prétendument conduit à son consentement. Dans un établissement de santé, la mission de soin est complexe et relève de compétences multiples : le chirurgien orthopédique qui prescrit puis implante une prothèse de hanche agit avec le concours d'un anesthésiste-réanimateur (lui-même souvent assisté d'un infirmier spécialisé en anesthésie), d'aide-opératoires, mais aussi, en décalage avec l'intervention elle-même, d'un chef de bloc qui a organisé l'opération et vérifié la disponibilité des implants, d'un infirmier spécialisé dans la stérilisation du matériel ancillaire, d'un pharmacien responsable des dispositifs médicaux, d'aide-soignants et agents qui ont nettoyé la salle entre deux interventions, selon des protocoles validés par le comité de lutte contre l'infection nosocomiale, un laboratoire surveillant par prélèvements réguliers l'air, l'eau et les surfaces de celle-ci, un ingénieur procédant à la maintenance du flux laminaire, du scialitique etc. Si le patient entretient un rapport privilégié avec le chirurgien qu'il a rencontré dans le colloque singulier de son cabinet, c'est toute une équipe pluridisciplinaire qui prend en charge, directement ou indirectement, l'environnement favorable à une intervention réussie, chacun étant responsable personnellement - et pénalement - de l'accomplissement des tâches qui lui incombent, selon une distribution abondamment commentée .
Il entre incontestablement dans les obligations du médecin de prendre toutes mesures pour éviter une complication infectieuse, tant en raison des dispositions de l'article 71 du code de déontologie , que de son obligation de moyens de dispenser des soins consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données actuelles ou acquises de la science, dans sa spécialité. De même, le malade hospitalisé dans un service de cancérologie ou de réanimation, dans lequel le taux de prévalence des infections est traditionnellement élevé, y séjournera après une évaluation du bénéfice/risque conduite avec la mise en œuvre du principe de la " raison proportionnée " favorisée par une information du médecin dans les conditions de l'article 35 du code de déontologie .
Le contrat qui se forme ainsi entre le patient, le médecin et l'établissement de soins, relève du droit commun des conventions, défini à l'article 1108 du code civil, qui exige notamment un consentement réciproque et un objet certain. Les meilleurs efforts diligentés par le personnel médical et paramédical conduiront à un résultat qui ne peut exclure l'aléa thérapeutique, c'est-à-dire une complication, un effet indésirable, non produit directement par une faute des soignants, éventuellement une infection post-opératoire. Introduire dans ce contrat une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne le défaut de complication infectieuse ajoute à la volonté des parties qui n'ont pas - sauf hypothèses exceptionnelles - contracté spécifiquement et automatiquement sur la prise en charge de ce risque. Lorsque, dans un service dans lequel les patients sont exposés particulièrement, tel un service de grands brûlés, de réanimation, d'oncologie, la contamination constitue statistiquement un risque prévisible et non exceptionnel. Quand le patient en est informé, ou sa famille s'il est inconscient, et qu'un accord intervient néanmoins pour l'hospitalisation dans le service concerné, l'obligation de sécurité de résultat ne doit-elle pas être écartée au profit d'une obligation de moyens mieux indiquée et en tout cas plus conforme au contenu du contrat conclu avant l'admission du patient ?
A défaut par la Cour de cassation d'atténuer dans de prochains arrêts la rigueur de sa jurisprudence inaugurée le 29 juin 1999, on imagine facilement le développement d'une contractualisation écrite, redoutée déjà après les arrêts récents sur la preuve de l'information, formalisme qui serait encouragé par les principales compagnies d'assurance de la responsabilité des soignants et des établissements, aux fins d'exclure expressément du contrat médical le risque nosocomial dans l'hypothèse où l'infection n'a pas été produite par une faute du personnel médical ou paramédical, ladite faute conduisant sinon à leur condamnation en application de l'article 1147 du code civil. En présence d'un contrat écrit excluant la garantie du risque nosocomial d'origine non fautive, qui tiendra lieu de loi entre les parties, aucun texte d'ordre public actuellement en vigueur ne permettrait au juge d'opposer aux soignants une telle obligation de sécurité de résultat.
Des exclusions formelles de cette nature existent déjà : l'arrêté du 24 juillet 1996 , qui précise la nature des examens à réaliser avant une greffe d'organe pour la détection des marqueurs biologiques de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH 1 et VIH 2) et celui de l'hépatite C, autorise des dérogations à ce contrôle en cas d'urgence de greffe de cœur, de foie ou de poumon et après en avoir informé le receveur potentiel ou sa famille, si celui-ci n'est pas en état de recevoir cette information.
Lorsqu'on connaît le montant d'indemnisations déjà consenties par certaines juridictions en réparation d'une contamination par le virus de l'hépatite C (2,5 millions de francs) et l'augmentation du nombre de contentieux de ce type, on imagine aisément les précautions susceptibles d'être diligentées - et les investigations préopératoires multipliées - aux fins d'identifier une bactérie préexistante, utile dans le cadre de la plaidoirie prévisible du caractère " endogène " de l'infection, ou du renversement de la présomption d'imputabilité, d'une part, d'une sélection des patients à risques, récusables, d'autre part, comme il est déjà fait dans la quasi-intégralité des hôpitaux privés d'Amérique du Nord.

Reste que, dans le cadre de l'obligation de sécurité de résultat récemment affirmée, le microbe, res nullius, lui-même pourrait être considéré comme une cause étrangère exonératoire de responsabilité.

Le droit du contrat contaminé
par le droit à la réparation

Il est devenu difficile, dans un certain nombre d'hypothèses, pour le praticien du droit civil, de distinguer avec discernement et une relative confiance dans son analyse, les limites respectives de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle du fait des choses, à la lumière de la jurisprudence. Le droit médical n'est pas le seul espace où s'exprime cette angoisse. Un restaurateur prépare et sert à un consommateur un turbot-sauce-hollandaise, conformément aux normes de l'art culinaire. Le client tombe malade parce qu'un bacille botulinique, parfaitement indécelable en cuisine, occupait le poisson. La Cour de Poitiers condamne le restaurateur , sur le fondement d'une " obligation contractuelle de sécurité sous-jacente à tout contrat de restauration, le client entendant non seulement faire un repas comestible, mais encore ne point être empoisonné par les aliments absorbés ", en ajoutant : " la présence dans des aliments, de ce vice ou d'un analogue, ou encore de substances toxiques dont le monde moderne use largement, polluant tant les mers que les continents, ne saurait présenter le caractère d'imprévisibilité requis par les articles 1147 et 1148 du code civil, et cela est si vrai que les restaurateurs prennent soin de s'assurer contre de pareilles éventualités qui font partie des risques inhérents à leur profession ". L'arrêt provoqua un commentaire du professeur Gérard Mémeteau sur la capacité des professionnels "à combattre avec succès les puissances malignes " dans le cadre d'une obligation de sécurité qui " n'est pas nécessairement une obligation de résultat : elle peut aussi bien être une obligation de moyens, une obligation de prudence et de diligence […]. Il n'est pas satisfaisant de voir un principe adopté dans le seul but de permettre l'indemnisation des victimes ", lignes qu'on relit avec bonheur à l'occasion du sujet qui nous occupe … trente ans plus tard !

La cause étrangère, événement non imputable au défendeur, ainsi qu'aux personnes et aux choses dont il répond, de nature à l'exonérer de tout ou partie de la responsabilité qui pèse sur lui, recouvre une grande variété de faits et particulièrement des événements qualifiés traditionnellement de " cas fortuit " ou " cas de force majeure " . Dans une récente " Analyse de l'obligation de sécurité à l'épreuve de la cause étrangère ", Fabrice Defferrard décrit " la recherche des éléments constitutifs de l'obligation de sécurité entreprise à l'aune des conditions traditionnelles de la cause étrangère - extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité (inévitabilité) - de l'événement ", pour observer, en conclusion qu' " en matière d'atteintes à l'intégrité physique ou à la santé, la jurisprudence ne veut pas qu'une cause libératoire puisse, en pratique, triompher aux dépens de la victime. Cette volonté prétorienne a pour conséquence de modifier de facto le régime de l'obligation de sécurité de résultat […] que nous choisirons de nommer obligation de sécurité de quasi-garantie. La preuve de la cause étrangère n'est pas expressément interdite dans son principe, mais elle n'est jamais accueillie en pratique". Ce pertinent commentaire, apprécié au regard du risque nosocomial, montre, s'il en était besoin, l'acuité du problème posé aux médecins et établissements de soins et à leurs assureurs, depuis le 29 juin 1999 !

Ne peut-on espérer faire prospérer néanmoins cette idée que le microbe, res nullius, n'est pas l'objet du contrat conclu (verbalement et sans doute par écrit prochainement) avec le patient ? Son autonomie et son indépendance rendent sa présence prévisible certes, mais la 1ère chambre de la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de marginaliser l'imprévisibilité pour privilégier l'inévitabilité de l'événement extérieur à la chose du débiteur. " En matière de responsabilité, il [le débiteur] mérite l'exonération dès lors que l'on ne saurait blâmer son comportement face à l'événement " écrivait le professeur Paul-Henri Antonmattei dans une étude passionnante intitulée " Ouragan sur la force majeure " , commentant l'arrêt op. cit. du 9 mars 1994.
Le microbe n'est pas plus la chose du contrat qu'il n'est utilisé par le soignant pour exécuter celui-ci.
Les intérêts du patient sont par ailleurs sauvegardés dès lors que, si l'infection provient d'un produit ou d'un implant, les dispositions nouvelles du code civil (art. 1686-1 et suiv.) , applicables aux produits de santé, le protègent s'il " n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ", dans le cadre d'une responsabilité, objective, sans faute, du producteur ou du distributeur, c'est-à-dire de l'établissement de santé, voire du médecin, qui peuvent agir à l'encontre du fabricant le cas échéant. La 1ère chambre de la Cour de cassation a conscience des limites possibles de l'obligation de sécurité et d'assistance dont les médecins sont débiteurs. Dans une décision non encore publiée, prononcée le 9 novembre 1999 (arrêt dame Morisot, n° 1719 P), elle a jugé que " s'il est exact que le contrat formé entre le patient et son médecin met à la charge de ce dernier, sans préjudice de son recours en garantie, une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels qu'il utilise pour l'exécution d'un acte médical d'investigation ou de soins, encore faut-il que le patient démontre qu'ils sont à l'origine de son dommage ; que la cour d'appel, statuant par motifs propres ou adoptés, a constaté que la table d'examen, dont Mme Morisot avait pris l'initiative de descendre sans l'autorisation du médecin, ne présentait aucune anomalie ; que c'est par une appréciation souveraine tirée de ces constatations que la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a retenu que ce matériel n'était pas à l'origine du dommage subi par Mme Morisot ".
La victime, dans certains cas, cèle elle-même au praticien un risque d'infection endogène qu'elle connaît et va concourir ainsi à la production de son propre dommage, en privant le médecin d'être en mesure de multiplier les précautions adaptées. L'information doit être bilatérale.

En tout état de cause, les établissements et soignants n'échappent pas à leur responsabilité dès lors qu'une faute est établie, à leur encontre, éventuellement par présomption, dans leurs diligences de prévention du risque infectieux, lesquelles devraient s'apprécier à la lumière du possible, et non de l'économiquement inconcevable en l'état de la maîtrise des dépenses de santé (on peut souvent faire mieux mais à quel prix ?), et surtout des caractéristiques de chaque malade en termes de sévérité de la pathologie sous-jacente et d'activité thérapeutique, en particulier des procédures invasives utilisées.

A une époque où la transparence s'installe à l'hôpital, où les autorités de tutelle ont perçu que la lutte contre les infections nosocomiales constitue un formidable enjeu de santé publique, parce qu'une gigantesque cause de mortalité (10.000 morts/an) et de complications postopératoires (environ 800.000 malades/an), où les professionnels médicaux et paramédicaux se forment et multiplient leurs efforts de prévention de ce risque, il est regrettable qu'ils soient, directement ou au travers des établissements de santé dans lesquels ils interviennent, tenus responsables de tous les microbes, alors qu'ils ne peuvent - en toute raison proportionnée - accepter et assumer un devoir de totale maîtrise de ceux-ci. Il n'est pas nouveau que les Hauts Magistrats expriment, par une jurisprudence audacieuse, l'impérieuse nécessité d'aider les victimes. Il est urgent que les parlementaires légifèrent en matière de réparation des accidents sanitaires d'origine non fautive et on comprend mal que le " Rapport sur le droit de la responsabilité et de l'indemnisation applicable à l'aléa thérapeutique ", prévu à l'article 14 de la loi du 19 mai 1998 pour être déposé sur le bureau des deux assemblées avant le 31 décembre suivant, ne soit pas encore rédigé. Le droit évolue moins vite que les infections nosocomiales !

Revue générale de droit médical n° 2 - Décembre 1999
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Le patient doit démontrer le caractère nosocomial de l’infection
Isabelle Lucas-Baloup

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 30 octobre 2008, confirme sa précédente jurisprudence en matière de charge de la preuve qui incombe au patient demandeur à une réparation du préjudice subi en raison d’une infection nosocomiale :
« Vu les articles 1147 et 1315 du code civil ; Attendu qu’il incombe au patient ou à ses ayants droit de démontrer le caractère nosocomial de l’infection, fût-ce par présomptions graves, précises et concordantes. »
Les hauts magistrats cassent et
annulent un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui avait affirmé, au contraire, qu’en matière d’infection nosocomiale la charge de la preuve n’incomberait pas au patient...
La loi Kouchner n’ayant créé, sur ce point, aucune exception aux grands principes de droit commun selon lesquels la charge de la preuve incombe au demandeur et que celui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, cet arrêt pourra être invoqué dans la plupart des contentieux relatifs aux infections liées aux soins.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Novembre-décembre 2008
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Légionellose acquise dans une clinique : infection nosocomiale (Cour d’appel de Reims, ch. civ. 1, 24 novembre 2015)
Isabelle Lucas-Baloup
Une patiente entrant en Clinique pour se faire implanter une prothèse de hanche, prend une douche qui la contamine et elle décède un mois plus tard de légionellose.
Par application de l’article L. 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique, les réseaux d’eau de la Clinique ayant été contaminés pendant la période d’incubation de la maladie par la patiente, la Cour juge que cette circonstance constitue une présomption précise, grave et concordante sans démonstration d’une quelconque cause étrangère à l’origine de l’infection, la Clinique a donc engagé sa responsabilité et doit indemniser pour leur préjudice d’affection les enfants (15 000 € chacun), les petits-enfants (7 500 € chacun), les brus et gendres (2 000 € chacun).
La Lettre du Cabinet - Janvier 2016


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Infections nosocomiales Légionellose

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Les rumeurs aussi peuvent être malsaines...
Isabelle Lucas-Baloup

La cour d'appel de Montpellier a prononcé un arrêt disant justifié le licenciement de deux aides-soignantes qui, à plusieurs reprises, ont affirmé qu'une de leurs collègues avait obtenu un poste définitif rapidement " pour avoir couché avec le directeur ".
Il était établi que ces insinuations sur les raisons de l'embauche, dont le sens et le contenu ne sont pas contestés, avait présenté un caractère répété et ont ainsi alimenté au sein de l'établissement une " rumeur particulièrement malsaine et perturbatrice ".
Le fait de répandre sur le lieu de travail de tels propos, à la teneur précise et vulgaire, ne saurait être qualifié de plaisanterie anodine, dit l'arrêt, en ce qu'ils portent directement atteinte à la dignité des personnes visées, qu'ils sont de nature à nuire à leur réputation et, qu'au surplus, ils mettent en cause la probité de la politique de recrutement de l'employeur.
Néanmoins, eu égard à l'ancienneté des salariées, à leur fonction, aux mises au point rapidement intervenues, il y a lieu de considérer que cette faute ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée d'un préavis.
(arrêt 10 novembre 2004).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre 2005


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Assurance Infections nosocomiales

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Médecins contaminés par le VIH, le VHC ou le VHB : requalification professionnelle ?
Isabelle Lucas-Baloup

Les 1er et 2 avril derniers, l'Ordre national des médecins a reçu le Pr W. Dab (DGS) aux fins de poursuivre la réflexion déjà entreprise sur le devenir professionnel des médecins contaminés et la suspension, volontaire pour l'instant en libéral qui deviendrait obligatoire, de leur possibilité de continuer à pratiquer des actes invasifs, eux-mêmes potentiellement à risque de contamination vers les patients. Un sujet sur lequel il conviendrait maintenant de cesser de réfléchir, mais d'agir, puisque cela fait des années que les instances ordinales et de tutelle " prennent conscience de " et " invitent " ou " incitent " … et qu'en pratique rien ne change

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Avril 2004


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales

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Nouvelles recommandations pour le signalement des infections nosocomiales : circulaire du 22 janvier 2004
Isabelle Lucas-Baloup

En application de l'article L. 1413-14 du code de la santé publique (introduit par la loi Kouchner) et du décret n° 2001-671 du 26 juillet 2001, le signalement de certaines infections nosocomiales et l'information aux patients qui en sont victimes a été légalement et réglementairement organisé.
Deux circulaires des 30 juillet 2001 et 3 janvier 2003 avaient déjà été publiées, pour expliquer et faciliter l'organisation des procédures de signalement. Elles sont abrogées et remplacées par cette nouvelle circulaire DHOS/E 2/DGS/SD5C n° 2004-21 du 22 janvier 2004 " relative au signalement des infections nosocomiales et à l'information des patients dans les établissements de santé ".
Signée par le directeur général de la santé, W. Dab, et le directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, E. Couty, cette circulaire est surtout intéressante par ses fiches annexes dont la première contient les recommandations du CTIN dans leur rédaction finalisée le 15 novembre 2003, qui proposent une définition des infections nosocomiales à signaler aux autorités sanitaires et aux C-CLIN avec des exemples commentés et des informations complémentaires qui devraient aider les équipes hospitalières dans la mise en place du signalement externe.
La Fiche 1 donne ainsi des exemples d'IN ayant un caractère rare ou particulier (espèces à Gram négatif saprophytes et autres). Elle décrit ce qu'il convient d'entendre par localisation rare ou particulière : " infection consécutive à un geste invasif, ex. : intervention sur un site a priori stérile, pose d'un dispositif intravasculaire, et inhabituelle et grave sur le plan fonctionnel ou vital, ex. : infection du segment postérieur de l'œil, fasciite nécrosante, endocardite, … ou encore l'IN intervenant à l'occasion de l'utilisation d'un dispositif médical suspect d'avoir été préalablement contaminé, ex. : générateur de dialyse, endoscope, phacoémulsificateur. Les recommandations du CTIN décrivent ensuite les procédures ou pratiques pouvant exposer ou avoir exposé d'autres personnes, ex. : procédure insuffisante de préparation du site opératoire.
La Fiche 2 est constituée de la fiche de signalement des infections nosocomiales publiée le 1er janvier 2003 : rien de nouveau.
La Fiche 3 a pour objet de décrire les étapes importantes de la mise en place par le CLIN du dispositif de signalement dans un établissement de santé, décrit le rôle du praticien en hygiène, auteur de la décision de signaler, la mission de l'équipe opérationnelle d'hygiène, responsable de l'investigation de l'épisode signalé afin d'identifier et mettre en œuvre des mesures correctives adaptées.
La Fiche 4 synthétise le rôle des intervenants extérieurs à l'établissement : DDASS, C-CLIN, InVs, et parfois : ARH, DRASS, CIRE, AFSSAPS et administration centrale du ministère chargé de la santé.
La Fiche 5 décrit les moyens de communication et d'articulation des procédures entre DDASS, C-CLIN et InVs.
Un document qui, s'il ne présente manifestement pas le caractère innovatoire qui lui conférerait l'obligatoriété d'une circulaire dite " réglementaire ", constituera néanmoins un guide utile des obligations des établissements de santé en matière de signalement de certaines IN. A noter : le ministère annonce la publication d'un décret qui définira les modalités de déclaration des IN par les professionnels de santé exerçant en dehors d'un établissement de santé.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales

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Parturiente obèse et diabétique : aggravation du risque d'infection
Titre complément
Isabelle Lucas-Baloup

Sur appel d'un jugement du Tribunal de grande instance de Guingamp, la Cour d'appel de Rennes a confirmé la condamnation d'un gynécologue obstétricien dans les conditions suivantes : admise dans une clinique privée pour le déclenchement de son accouchement, la parturiente subit une césarienne. Le lendemain, elle se plaint de douleurs abdominales et présente le même jour un collapsus avec tension artérielle, sans fièvre. Elle est transférée à l'hôpital local et décède le surlendemain d'un choc septique lié à une septicémie à streptocoque A avec péritonite.

La Cour retient que le praticien qui suivait la parturiente connaissait ses problèmes d'obésité et de diabète gestationnel qui sont des facteurs d'aggravation du risque d'infection chez la femme enceinte, lesquels auraient dû conduire le médecin à mettre en place rapidement un traitement antibiotique.

Ce médecin est considéré comme ayant commis une erreur d'appréciation en diagnostiquant un coma diabétique alors que la patiente souffrait d'une infection. Cette erreur de diagnostic et ce manque de précaution ont entraîné un transfert tardif de la patiente vers l'hôpital de Saint-Brieuc. L'arrêt juge, comme le Tribunal, que la patiente a été privée d'une chance de guérison et de survie en raison de la faute de l'obstétricien, qui n'est condamné qu'à une réparation pour perte de chance évaluée à 50 % au motif que " l'entière réparation ne peut être mise à la charge du médecin puisqu'on ne peut savoir avec certitude quelle aurait été l'issue de l'acte médical si la faute n'avait pas été commise "…

Le préjudice économique subi par l'enfant, dont la mère est ainsi décédée, a été fixé à 20 % de la part de revenus de la mère affectée à l'enfant, en multipliant par le prix du franc de rente, en y ajoutant les frais d'obsèques et en déduisant le capital décès, ce qui aboutit à un préjudice indemnisé d'environ 15 000 €, outre 15 000 € de préjudice moral (Cour d'appel de Rennes, 5 février 2003, Juris-Data n° 210 899).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier (HMH)
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Piéton renversé + infecté = conducteur condamné
Isabelle Lucas-Baloup

Certains piétons n'ont vraiment pas de chance !
Alors qu'il traversait dans un passage protégé, l'un d'entre eux se fait renverser par un véhicule dont le conducteur a été ébloui par le soleil. Victime d'une fracture du calcaneum et de plaies superficielles à la cheville droite et au genou, le malheureux piéton décède dix jours plus tard d'une infection nosocomiale.
Pour déclarer le chauffeur coupable de l'homicide involontaire reproché, la Cour d'Aix en Provence (arrêt du 19 septembre 2002, Juris-Data n° 202713) a examiné les faits au regard de la loi du 10 juillet 2000 tendant à définir les délits non intentionnels et a retenu qu'en omettant de céder le passage à un piéton régulièrement engagé dans un passage clouté, ce qui est la cause de l'accident, le chauffeur a créé la situation qui a permis la réalisation du dommage et ainsi commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer.
Dans la relation entre le piéton et le conducteur, il est donc fait abstraction du caractère nosocomial de l'infection que néanmoins le chauffeur pourrait opposer à l'établissement de santé dans lequel le piéton avait été accueilli (peine contre le chauffeur : deux mois d'emprisonnement avec sursis, six mois de suspension du permis de conduire, 150 € d'amende).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juin 2003


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Assurance Infections nosocomiales

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Pour la Cour administrative de Nantes : pas de présomption de nosocomialité après quinze jours d'hospitalisation !
Isabelle Lucas-Baloup

Un chirurgien ORL était poursuivi par une patiente, atteinte d'une mastopathie récidivante, sur laquelle il avait tenté de réaliser une reconstruction des seins autour d'implants gonflables dans le prolongement de la mastectomie sous-cutanée bilatérale réalisée par un confrère gynécologue. Il avait procédé tardivement, malgré l'échec de la cicatrisation puis l'objectivation d'un abcès sous-cutané et d'une nécrose des tissus des mamelons à l'occasion de 2 autres interventions chirurgicales inefficaces, à l'ablation des prothèses infectées en les remplaçant par des prothèses d'expansion cutanée. Les juges ont retenu qu'en omettant de faire procéder aux examens bactériologiques que justifiaient les signes d'infection apparus, en laissant en place trop longtemps les prothèses rejetées puis en les remplaçant par de nouvelles prothèses dans les loges rétropectorales largement ouvertes sur une zone infectée, le prévenu, a commis de graves fautes de négligence et d'imprudence ayant un lien de causalité certain avec le dommage subi par la victime dont l'incapacité totale de travail a été fixée à six mois. La Cour d'Aix-en-Provence avait condamné le chirurgien, pour blessures involontaires, à un an de prison avec sursis, et 7 500 € d'amende, outre une interdiction définitive d'exercice professionnel. La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette, le 19 octobre 2004, le pourvoi du chirurgien en retenant que " en l'état des énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuves soumis au débat contradictoire, il résulte que le prévenu est l'auteur direct des dommages subis par la victime, que rien ne permet d' attribuer à une infection nosocomiale. " Ainsi, la qualification d'infection nosocomiale est clairement refusée par la Cour de cassation à une infection postopératoire apparaissant immédiatement après la pose des implants.
Discréditer une décision juridictionnelle par un écrit de nature à porter atteinte à l'autorité de la Justice constitue un délit puni de 6 mois de prison, que je ne commettrai pas dans HMH. Je m'abstiens, en conséquence, de reproduire ici le commentaire au vitriol que j'avais préparé.
Bonne année ! Je vous souhaite 2005 raisons de ne pas désespérer...

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier 2005
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Pour la Cour de cassation : l'infection postopératoire d'un implant n'est pas non plus nosocomiale !
Isabelle Lucas-Baloup

Un chirurgien ORL était poursuivi par une patiente, atteinte d'une mastopathie récidivante, sur laquelle il avait tenté de réaliser une reconstruction des seins autour d'implants gonflables dans le prolongement de la mastectomie sous-cutanée bilatérale réalisée par un confrère gynécologue. Il avait procédé tardivement, malgré l'échec de la cicatrisation puis l'objectivation d'un abcès sous-cutané et d'une nécrose des tissus des mamelons à l'occasion de 2 autres interventions chirurgicales inefficaces, à l'ablation des prothèses infectées en les remplaçant par des prothèses d'expansion cutanée. Les juges ont retenu qu'en omettant de faire procéder aux examens bactériologiques que justifiaient les signes d'infection apparus, en laissant en place trop longtemps les prothèses rejetées puis en les remplaçant par de nouvelles prothèses dans les loges rétropectorales largement ouvertes sur une zone infectée, le prévenu, a commis de graves fautes de négligence et d'imprudence ayant un lien de causalité certain avec le dommage subi par la victime dont l'incapacité totale de travail a été fixée à six mois. La Cour d'Aix-en-Provence avait condamné le chirurgien, pour blessures involontaires, à un an de prison avec sursis, et 7 500 € d'amende, outre une interdiction définitive d'exercice professionnel. La chambre criminelle de la Cour de cassation rejette, le 19 octobre 2004, le pourvoi du chirurgien en retenant que " en l'état des énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuves soumis au débat contradictoire, il résulte que le prévenu est l'auteur direct des dommages subis par la victime, que rien ne permet d' attribuer à une infection nosocomiale. " Ainsi, la qualification d'infection nosocomiale est clairement refusée par la Cour de cassation à une infection postopératoire apparaissant immédiatement après la pose des implants.
Discréditer une décision juridictionnelle par un écrit de nature à porter atteinte à l'autorité de la Justice constitue un délit puni de 6 mois de prison, que je ne commettrai pas dans HMH. Je m'abstiens, en conséquence, de reproduire ici le commentaire au vitriol que j'avais préparé.
Bonne année ! Je vous souhaite 2005 raisons de ne pas désespérer...

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier 2005


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Dispositifs médicaux Implant Infections nosocomiales Preuve

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Poursuites pénales du chef d'homicide involontaire par infection nosocomiale : mise en examen de l'AP-HP et des chirurgiens et anesthésistes intervenus
Isabelle Lucas-Baloup

C'est par un arrêt de 44 pages (!) que la Cour de cassation a rejeté les pourvois et confirmé l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris écartant les arguments tendant à voir prononcer l'annulation de certains actes de procédure.
Des expertises ont conclu que le décès d'un patient, 5 jours après son admission à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière pour une rupture d'anévrisme cérébral, était lié à une infection à clostridium perfringens. Des anomalies et dysfonctionnements ont été décelés dans l'environnement opératoire et dans la prise en charge du patient. Le juge d'instruction a donc mis en examen tant l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, personne morale, que divers praticiens intervenus et chefs de services, auxquels il est notamment reproché le non-respect des protocoles du champ opératoire et la préparation cutanée du patient, absence de procédures de décontamination, lavage du matériel et stérilisation, absence de programme d'assurance-qualité en stérilisation et de traçabilité de stérilisation en particulier des clips réutilisables à l'encontre du pharmacien-chef, et de fautes concernant " la prévention des infections nosocomiales, la fourniture des moyens nécessaires à cette prévention, le contrôle de leur application de même que l'organisation et les moyens mis en œuvre concernant les gardes " à l'encontre de l'AP-HP.
La mise en examen n'implique pas la responsabilité pénale finale, mais le risque d'être jugé en correctionnelle pour une infection nosocomiale doit inciter - c'est le sens de cette décision exemplaire - tous les acteurs à être en mesure de justifier de leur comportement par des preuves (des " traces ") sérieuses de la qualité de leurs interventions respectives.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre 2005


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales

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Preuve de l'imputabilité d'une contamination par le VHC
Isabelle Lucas-Baloup

L'article 102 de la loi Kouchner a prévu un renversement de la présomption d'imputabilité en cas de contamination par le virus de l'hépatite C dans les termes suivants :
" En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.
Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. "
C'est donc bien à l'hôpital de prouver, en application des textes nouveaux, que la transfusion ou l'injection n'est pas à l'origine de la contamination au VHC.
Dans un arrêt qui vient d'être rendu public, prononcé juste un an après la loi du 4 mars 2002, opposant un patient contaminé à l'Etablissement français du sang et son assureur, la chambre civile de la Cour de cassation a annulé un arrêt de la Cour d'appel de Bourges qui avait débouté un patient en retenant qu'il lui appartenait de " rapporter la preuve du lien existant entre la transfusion subie et sa contamination, que le fait que l'un des deux donneurs soit décédé et n'ait pu être testé ne permettait pas de retenir que la transfusion était à l'origine de la transmission du virus, que les probabilités de transmission en présence de seulement deux donneurs étaient insuffisantes et qu'il existait d'autres sources possibles de contamination dont certaine étaient encore ignorées " (arrêt du 4 mars 2003, Juris-Data n° 018000).
La non-imputabilité de la contamination à la transfusion pour renverser la présomption incombe donc clairement au défendeur, Centre de transfusion sanguine aux droits duquel se trouve aujourd'hui l'Etablissement français du sang et ses assureurs successifs, UAP puis AXA assurances IARD.
Plusieurs questions ayant été posées par des hôpitaux à la suite de la publication de cet arrêt, il convient de préciser que le régime ainsi institué pour les contaminations à l'hépatite C est totalement dérogatoire au principe général de la responsabilité médicale pour faute, organisé par la loi du 4 mars 2002, d'une part, au régime spécifique de la responsabilité pour infection nosocomiale, institué par la même loi et réformé par celle du 30 décembre 2002, commenté dans nos précédentes rubriques.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juin 2003


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Assurance Infections nosocomiales

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Quand la Cour d’appel de Nancy applique strictement le droit nouveau de l’infection nosocomiale
Isabelle Lucas-Baloup

Commencer l’année 2007 dans une perplexité annoncée dès le début 2003 n’est pas enthousiasmant pour le commentateur de l’actualité jurisprudentielle des infections nosocomiales !
Pour tenter d’échapper à la rigueur d’un texte d’exception (la responsabilité en matière d’infection en hôpital public ou privé est engagée sans faute, contrairement aux autres domaines de la responsabilité médicale qui implique la démonstration d’une faute de l’établissement et/ou des soignants), nos juges, qui commencent à comprendre, éclairés par les experts, les effets pervers de l’article L. 1142-1 2° alinéa du code de la santé publique, tentent d’échapper au principe en s’interrogeant (enfin) sur la notion de cause étrangère. Mais la cause étrangère n’a pas été inventée pour le droit de la responsabilité en matière d’infection nosocomiale et la rédaction actuelle du texte légal s’oppose au succès des thèses incompatibles avec l’article L. 1142-1. La cour administrative d’appel de Nancy vient de le rappeler, à juste titre, au CHU de la même ville en confirmant la condamnation de ce dernier sous la motivation ci-après :
« Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1142-1 du CSP les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise ordonnée par les premiers juges, que si M. Pierre Y., arrivé en relative bonne santé à l’hôpital, a présenté, à la suite de son opération, une insuffisance rénale, liée à la fois à sa cardiopathie et à son diabète, en raison de la longue durée de son hospitalisation, la cause de son décès est due à une complication infectieuse résultant de la présence d’un staphylocoque doré résistant, dont il était indemne à son entrée au CHU de Nancy, ainsi qu’à l’apparition, en cours d’hospitalisation, de nouveaux germes infectieux de type enterobacter et pseudomonas ; que l’hôpital n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que le décès de M. Pierre Y. ne serait pas dû à une infection nosocomiale, mais à la dégradation très avancée de son état cardio-vasculaire et de son état général et que sa responsabilité n’est pas engagée sur le fondement des dispositions sus-rappelées. ». En conséquence le CHU est condamné à indemniser la veuve et le fils de la victime dès lors « qu’en l’absence d’infection nosocomiale le pronostic vital n’était pas défavorable ».

Gare à la confusion

Infection nosocomiale ou non, il n’y a pas lieu de tergiverser, nous confirme la cour, sur l’état du patient ante.
Puisse cette jurisprudence être appliquée par les commissions régionales d’indemnisation (CRCI) dont les instructions données aux experts qu’elles nomment en cette matière, et les avis qu’elles rendent, mettent en œuvre une application de la loi qui, toute contestable qu’elle soit, ne peut être dénaturée au point de lui faire dire son contraire. Il convient de militer pour une réforme du droit de l’infection nosocomiale, mais certainement pas pour ajouter de la confusion dans l’application d’un texte dans lequel on cherche vainement la motivation du législateur.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier-février 2007
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Reconnaissance d’une cause étrangère par la Cour d’appel de Paris
(Arrêt du 16 novembre 2007, CA Paris, 1ère chambre section B n° 05/17960)
Isabelle Lucas-Baloup

Récemment publié mais faisant une application du droit antérieur à l’entrée en vigueur de la loi Kouchner, l’arrêt du 16 novembre 2007 de la Cour d’appel de Paris surprend en acceptant exceptionnellement l’existence d’une cause étrangère de l’infection contractée par une patiente à la suite d’une intervention chirurgicale.
Elle avait présenté une poliomyélite aigue à l’âge de six ans. Une détérioration progressive de son genou a rendu nécessaire une intervention orthopédique complexe, en 1992. Neuf jours plus tard apparaît une nécrose cutanée liée à une insuffisante vascularisation des tissus nécessitant au total 24 interventions chirurgicales ul-térieures pour obtenir une consolidation définitive.
L’expert a relevé que « l’infection était la conséquence directe, non d’une contamination directe per-opératoire telle qu’on en rencontre dans une infection nosocomiale en chirurgie, mais la réinfestation nécessaire, en quelque sorte obligatoire, d’une nécrose cutanée ouverte à la contamination extérieure, comme une brûlure est en quelque sorte, obligatoirement toujours surinfectée et qu’étant une conséquence directe de la nécrose, l’infection n’était pas de type nosocomiale ».
La Cour en a déduit qu’« il résulte de ces constatations que l’infection n’est pas liée aux soins et actes chirurgicaux réalisés mais à l’évolution obligatoire de la nécrose, survenue à l’issue de la pose de la prothèse en raison d’une insuffisante vascularisation des tissus, et ne peut donc être qualifiée de nosocomiale ; Considérant, au surplus, que même dans l’hypothèse discutée où le seul élément chronologique, constitué par l’apparition de l’infection après plusieurs inter-ventions, serait suffisant pour retenir l’origine nosocomiale de l’infection, la polyclinique établit que cette infection a été causée par la nécrose et est donc, en elle-même, extérieure à l’activité de soins de l’établissement et du Docteur P., caractérisant ainsi l’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité ».
La Cour d’appel de Paris semble, dans cette affaire, distinguer de façon très inha-bituelle l’infection liée à un acte de soins, laquelle pourrait être qualifiée de nosocomiale, et celle résultant nécessairement d’une complication de l’intervention, constituant une cause étrangère exonératoire.
Néanmoins, cette décision reste extraordinaire, la 1ère chambre section B de la Cour d’appel de Paris ayant, depuis, appliqué la jurisprudence de la Cour de cassation en jugeant notamment qu’une « infection peut être qualifiée de nosocomiale si elle survient au cours ou au décours de la prise en charge d’un patient et n’était ni présente ni en incubation au début de la prise en charge ; qu’il n’est pas contesté que l’infection est apparue à la suite de l’hospitalisation à la clinique C. et était absente lors de l’admission de M.L. » (cf. notamment CA Paris, 1ère chambre section B, 11 janvier 2008, 05/11913 et 22 février 2008).
Dans ces deux arrêts, la Cour d’appel de Paris réaffirme la notion d’infection nosocomiale et, ce faisant, la difficulté d’apporter la preuve d’une cause étrangère.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Juillet-août 2008
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Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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Responsabilité en cas d'infection post-endoscopique : ce qui revient à l'établissement et ce qui peut revenir au praticien
Isabelle Lucas-Baloup

1. Répartition des responsabilités d'après la loi :
IN => responsabilité de l'hôpital, public ou privé

Aux termes de l'article L. 1142-1.-I., 2ème alinéa du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, et sous réserve des dispositions de l'article L. 1142-1-1, créé par la loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002 (1), les établissements et services sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales " sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ".
Avant la loi Kouchner, l'infection nosocomiale engageait la responsabilité de l'établissement et des médecins intervenus dans le cadre d'une obligation de sécurité de résultat, dont les établissements ne pouvaient s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère (article 1147, code civil), laquelle doit présenter habituellement les caractères de la force majeure : imprévisibilité, irrésistibilité ou évitabilité, extériorité.
La preuve de l'absence de faute commise par un établissement de santé dans sa démarche de lutte contre le risque d'infection nosocomiale et de ses efforts de prévention ne modifie en rien l'engagement de sa responsabilité et son obligation à indemniser dès lors que l'incapacité permanente du malade est inférieure ou égale à 25%. Au-delà, c'est l'ONIAM qui paie, avec une possible action récursoire contre les professionnels et/ou établissements de santé " en cas de faute établie à l'origine du dommage " (art. L. 1142-21, 2è alinéa, code de la santé publique). De la sorte, plus de 97% de la réparation demeure à la charge des assureurs des établissements de santé, puisque " seuls 3% des sinistres débouchent sur des taux d'incapacité permanente supérieurs à 25% "(2).
Dans une excellente étude intitulée " Une analyse de l'obligation de sécurité à l'épreuve de la cause étrangère ", publiée au Recueil Dalloz (3), le Professeur Fabrice Defferrard conclut : " La preuve de la cause étrangère n'est pas expressément interdite dans son principe, mais elle n'est jamais accueillie en pratique", s'agissant particulièrement d'atteintes à l'intégrité physique ou à la santé.

A ce jour, aucune décision publiée ne retient, pour exonérer l'établissement, une cause étrangère causée par une bactérie ou un virus.

2. Les fautes imputables au gastro-entérologue :

Le médecin est responsable de ses fautes et peut, à ce titre, être recherché. Il relève de la mission des experts, lorsqu'ils en sont saisis, d'identifier le fait générateur de la contamination et de donner leur opinion sur leur conformité à l'obligation de donner des soins " consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science " (art. R. 4127-32 code de la santé publique).
On a vu récemment décrits par le CCLIN Paris-Nord (4) quatre épisodes de cas groupés d'hépatite C d'origine nosocomiale, manifestement liés à des écarts des anesthésistes par rapport aux recommandations de la SFAR, en matière de partage de matériel et de produits d'injection.
La faute médicale est appréciée par rapport aux normes opposables et à l'état de l'art. Quelles fautes un gastro-entérologue est-il susceptible de commettre favorisant et/ou provoquant la contamination de son patient à l'occasion d'une endoscopie ?

s'il exerce dans un établissement de santé, public ou privé, le respect des recommandations en matière de désinfection du matériel incombe à l'hôpital, qui doit par tous moyens en assurer la maîtrise ; en centre indépendant, le professionnel est responsable de son matériel bien évidemment ; c'est néanmoins une obligation professionnelle, pour un gastro-entérologue, de " veiller à la stérilisation et à la décontamination des dispositifs médicaux qu'il utilise (...) il ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées " (art. R. 4127-71, code de la santé publique) ; aussi, le G.E. ne peut se désintéresser du respect des procédures, protocoles, recommandations ad hoc, même si la responsabilité de l'établissement est principalement engagée du chef d'une infection nosocomiale post-endoscopique ;
ainsi réutiliser plusieurs fois une pince à biopsie endoscopique digestive à usage unique constituerait une faute imputable partiellement au gastro-entérologue qui doit refuser de la commettre (décision AFSSAPS, 18 juin 2001) ;
en revanche, aucune recommandation opposable n'impose au gastro-entérologue un dépistage systématique avant une endoscopie et il ne peut lui être reproché de n'avoir pas tenu compte de la sérologie HIV ou HVC d'un patient pour fixer l'ordre des endoscopies dans le programme de la journée ; si un expert croyait pouvoir l'écrire, il aurait à fonder les conclusions de son rapport sur des publications sérieuses pouvant constituer " l'état de l'art ", ou sur des recommandations de sociétés savantes (SFED, SFHH), de la Haute Autorité en Santé, de circulaires ministérielles ou autres sources qui, à ma connaissance, n'existent pas à ce jour ; par ailleurs, aucun texte ne permet aujourd'hui à un gastro-entérologue d'imposer au patient toutes analyses utiles à connaître son statut sérologique ; il conviendrait également de mesurer les incidences économiques d'une telle démarche si elle devenait systématique et la position des caisses d'assurance maladie quant à leur prise en charge ;
la violation des circulaires relatives à la prise en charge des personnes atteintes d'ESST et visant à réduire les risques de transmission d'ATNC : un gastro-entérologue n'ayant pas évalué ou mal évalué le niveau de risque d'un patient à l'occasion de la consultation préalable (qui a par exemple oublié de poser la question sur les antécédents de traitement par hormone de croissance extractive) ne peut directement être considéré comme l'auteur d'une faute pénale, celle-ci ne pouvant résulter de la violation d'un simple circulaire non réglementaire (5) ; en revanche, un expert pourra en déduire qu'il a, ce faisant, privé les patients suivants d'une chance d'éviter un risque de contamination, en ne provoquant pas la procédure de traitement et d'inactivation prévue par la circulaire 138 ;
une faute parfois invoquée à l'encontre du praticien consiste à avoir mal apprécié le bénéfice/risque du geste interventionnel ou mal informé le patient des complications possibles ; l'information préalable à l'acte doit porter sur le risque nosocomial, dès lors que l'article L. 1111-2 du CSP impose une information " sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus " ; le dernier alinéa de ce même article prévoit que la preuve de l'information incombe au professionnel et qu'elle peut être apportée par tout moyen ; on se souvient néanmoins que cette faute éventuelle du gastro-entérologue ne provoque pas elle-même la contamination, mais prive le patient d'une chance de l'éviter ; la réparation du préjudice sera donc partielle, le vice du consentement n'étant pas lui-même la cause de l'infection post-endoscopique intervenue et non annoncée ;
on pourrait reprocher à un gastro-entérologue de n'avoir pas conduit avec diligence les procédures de signalement (décret 2001-671 du 26 juillet 2001 et circulaire du 30 juillet 2001) et éventuellement de rappel imposées par les articles L. 1111-2 (" Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences (...). Elle a lieu au cours d'un entretien individuel. ") ;
le patient, et/ou ses ayants droit, est susceptible enfin de reprocher au gastro-entérologue qui le suit un retard au diagnostic de l'infection post-endoscopique et/ou une défaillance dans le traitement de cette dernière s'il s'en est chargé, mais cette hypothèse appert rarement en pratique.

La rigueur du droit implique de caractériser le lien de causalité entre la faute éventuelle du gastro-entérologue et l'infection post-endoscopique. Trop souvent, il est tiré d'une situation des conclusions contestables à cet égard, notamment à l'occasion des procédures devant les CRCI (commissions régionales de conciliation et d'indemnisation) qui ne prononcent que des avis - et non des décisions faisant jurisprudence -, dans des conditions où le débat juridique et scientifique s'avère en pratique très décevant. Leurs positions influencent néanmoins depuis un ou deux ans les experts chargés de donner leur opinion sur les infections acquises à l'occasion des soins, traitements, interventions et hospitalisations, auxquels toutes les questions ne sont toujours posées à ce titre, qui permettraient d'étayer d'une façon plus pertinente la distribution des responsabilités dans la réalité du dommage causé.
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1 (...) ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : 1° les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'incapacité permanente supérieur à 25% déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...). "
2 cf. Rapport du Sénateur Lorrain, Doc. Sénat, n° 49, annexe au PV de la séance du 6 novembre 2002, p. 22.
3 Dalloz 1999, chr. p. 365.
4 A. Carbonne, V. Thiers " Transmissions nosocomiales de l'hépatite C liées à l'anesthésie générale dans l'inter-région Paris-Nord en 2001-2002, Annales Françaises d'Anesthésie et de Réanimation 23(2004)550-553.
5 cf. Conseil d'Etat arrêt du 24 février 1999 ayant déclaré la circulaire " stérilisation " du 20 octobre 1997 " dépourvue de caractère réglementaire ", ou encore la jurisprudence sur la restérilisation de dispositifs médicaux à usage unique ayant relaxé les praticiens et établissements à une époque où des circulaires organisaient la matière, à l'exception d'une loi ou d'un décret.

17ème Vidéo-Digest - Novembre 2005


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Assurance Hépatite C Infections nosocomiales ONIAM

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Responsabilité médicale hospitalière : demande préalable indemnitaire, devoir d’information, infection nosocomiale et hépatite C
(Conseil d’Etat, 16 mars 2011, n° 320734 ; 20 avril 2011, n° 336721 ; 4 mai 2011, n° 339983 et 11 juillet 2011, n° 328183)
Jonathan Quaderi

Comme le précise l’article R. 421-1 du code de justice administrative, « sauf en matière de travaux publics, la juridiction [administrative] ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision […] », que celle-ci soit intervenue explicitement ou implicitement. Il résulte de l’application de ce texte qu’un patient ne saurait rechercher, devant le juge, la responsabilité d’un établissement public de santé sans avoir formé auprès de son directeur une demande préalable indemnitaire. Aux termes d’un arrêt du 4 mai 2011, le Conseil d’Etat a précisé, s’agissant de cette réclamation, que « seule la notification d’une décision expresse [de l’hôpital] rejetant une demande d’indemnité valablement présentée au nom [de la patiente] pouvait faire courir à l’encontre de cette dernière le délai pour former une action en réparation devant la juridiction administrative ». Cependant, ne sauraient être regardés comme une telle demande les courriers rédigés par l’assureur de la victime à l’attention du directeur d’établissement, se bornant « à demander les coordonnées de l’assureur de l’hôpital » ou, encore, « à interroger le destinataire sur la prise en charge de ce dossier, sans autres précisions ». En conséquence, le centre hospitalier n’a pu utilement faire valoir que la requête présentée par la requérante n’était plus recevable, car tardive, la décision expresse mentionnée plus haut ne pouvant être regardée comme une réponse à une demande de la plaignante.
En ce qui concerne le devoir d’information, le 11 juillet 2011, la Haute juridiction, rappelant « qu’un manquement des médecins à leur obligation d’information n’engage la responsabilité de l’hôpital que dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l’intervention », a purement et simplement annulé l’arrêt d’une cour administrative d’appel au motif que « bien qu’ayant à bon droit recherché si [l’intervention litigieuse] présentait un caractère indispensable, [ladite cour] a toutefois dénaturé les faits de l’espèce en reconnaissant un tel caractère à l’ostéotomie subie par M. A alors qu’elle relevait seulement la circonstance qu’une abstention thérapeutique aurait comporté un risque de complication cardio-vasculaire sensiblement supérieur à la moyenne, d’asthénie prononcée et de somnolence diurne et qu’il n’existait pas d’alternative thérapeutique moins risquée ; que l’arrêt attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu’il statue sur la responsabilité [de l’hôpital] au titre d’un manquement à [son] obligation d’information ».
Enfin, par deux décisions des 16 mars et 20 avril 2011, le Conseil d’Etat a jugé, d’une part, qu’en matière de contamination par le virus de l’hépatite C, « le juge ne [peut] se fonder, pour rejeter la demande d’indemnité dont il est saisi, sur une hypothèse qui, à la supposer exacte, aurait engagé la responsabilité de la même [structure de santé] à laquelle le requérant imputait l’origine de son dommage » (en l’espèce, la cour administrative d’appel s’était fondée sur la circonstance que le requérant avait été exposé à d’autres sources de contamination que les transfusions de produits élaborés par le centre de transfusion sanguine de l’hôpital, alors qu’il ressortait des pièces du dossier que ces autres sources de contamination en cause, et tout particulièrement la séance de dialyse, correspondaient à des actes pratiqués dans le même établissement) ; d’autre part, et sur le terrain des infections nosocomiales, la responsabilité de l’établissement public de santé ne saurait être engagée quand « les prélèvements et examens bactériologiques effectués par le centre hospitalier, [la] veille de la sortie de la patiente, ont établi l’absence d’infection à cette date ».

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011
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Risque infectieux, rappel des patients, devoir de précaution et loi Kouchner
Isabelle Lucas-Baloup

La médiatisation récente de l'invitation à effectuer, par précaution, une sérologie VIH de contrôle, adressée à plusieurs centaines de ses patients en contact avec un soignant séropositif, par une clinique privée de l'Essonne, a provoqué, au sein des équipes opérationnelles d'hygiène et d'un certain nombre de CLIN d'hôpitaux publics et privés, quelques interrogations juridiques sur la portée de leurs obligations respectives, ainsi que de celles de la direction des établissements et des autorités de tutelle sanitaire.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades oblige (nouvel article L. 1413-14 du code de la santé publique) " tout professionnel ou établissement de santé ayant constaté ou suspecté la survenue d'un accident médical, d'une affection iatrogène, d'une infection nosocomiale ou d'un événement indésirable associé à un produit de santé, à en faire la déclaration à l'autorité administrative compétente. "
" Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel", ajoute le nouvel article L. 1111-2 de la loi dite Kouchner.
Le décret n° 2001-671 du 26 juillet 2001 relatif au signalement des I.N. prévoit que sont signalées les infections nosocomiales " ayant un caractère rare ou particulier, par rapport aux données épidémiologiques locales, régionales et nationales, du fait […] de procédures ou pratiques pouvant exposer ou avoir exposé, lors d'un acte invasif, d'autres personnes au même risque infectieux " (art. R. 711-1-13 CSP).
Sa circulaire d'application n° 2001-383 du 30 juillet 2001 ajoute :
" Exposition de plusieurs patients au même risque infectieux : Lorsque l'exposition a été établie, les praticiens concernés, avec l'aide du CLIN et de l'équipe opérationnelle d'hygiène, déterminent, en liaison avec la direction de l'établissement, la stratégie d'information et, le cas échéant, de suivi des patients, qui sera mise en œuvre par l'établissement. Ils s'appuient, selon les besoins, sur l'aide du C.CLIN, de l'InVS ou de la DDASS. La procédure d'information et de suivi adoptée est écrite, notamment pour assurer la traçabilité de sa mise en œuvre. "
Cette obligation d'informer les patients est parfaitement légitime, dès lors que le risque de contamination est avéré, même s'il n'est pas encore démontré. Il convient que les intervenants déterminent, avec discernement, les limites du rappel utile (service, période, soignants impliqués). Tout patient potentiellement exposé à un risque identifié, qui n'aurait pas été invité à procéder à un test de dépistage ad hoc, pourrait en effet revendiquer la réparation du préjudice éventuellement généré par un retard dans le diagnostic et la mise en œuvre d'un traitement thérapeutique.
Les responsabilités alors encourues pourront être distribuées entre les divers acteurs ayant mal apprécié la liste des patients à informer…
En cas de carence, l'autorité administrative peut mettre en demeure les professionnels et les établissements de procéder à l'information des personnes concernées (article L. 1413-13 du code de la santé publique).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Décembre 2002
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Transfert des patients entre établissements de santé
Isabelle Lucas-Baloup

La note que vient de publier l’Institut National de Veille Sanitaire (bilan au 28 août 2006) sur l’« émergence d’infections digestives liées à Clostridium difficile de type 027, Nord-Pas-de-Calais, janvier à août 2006 » mentionne en conclusion que la diffusion est très probablement « liée au transfert des patients entre établissements de santé au sein d’un réseau de soins très dense, comme cela avait déjà été observé en 2003 lors d’une épidémie d’infections à Acinetobacter baumannii multi-résistants ».
L’InVS invite évidemment à une « application stricte des recommandations de signalement, de prévention et de contrôle déjà diffusées ».
La diffusion progressive des infections à C. difficile 027 me donne l’occasion de rappeler que, juridiquement, les responsabilités encourues par les établissements personnes morales, voire les soignants personnes physiques, sont très difficilement analysées et distribuées tant par les juridictions civiles que pénales, en cas de transfert de patients entre établissements.

Réparer le préjudice
L’infection nosocomiale, ou l’infection liée aux soins pour reprendre une terminologie qui a la faveur aujourd’hui des hygiénistes mais qui n’est pas encore consacrée par le code de la santé publique en ses articles L. 1142-1 et L. 1142.-1-1, engage la responsabilité des « établissements, services et organismes » au titre des « dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».
Si les épidémiologistes sont capables scientifiquement de réaliser des expertises aux fins d’identifier les souches et de tracer la transmission de l’infection, encore faut-il que, dans le cadre non plus de la maîtrise et de la prévention du risque, mais dans celui de la réparation du préjudice subi par les patients, une autorité judiciaire nomme à cette fin des experts qui ne se contentent pas de conclure à l’existence d’une infection nosocomiale et un défaut de cause étrangère !
Il est en effet avéré, en pratique, que les missions d’expertise ordonnées par les juridictions et par les commissions régionales d’indemnisation (CRCI) ne contiennent pas, en première intention, de précisions à ce titre et qu’il est bien difficile, à l’occasion du débat contradictoire, quand il l’est vraiment ( !...) d’obtenir que des recherches sérieuses soient diligentées pour permettre une distribution des responsabilités entre les personnes physiques et/ou morales successivement intervenues.

Modifier le droit
Dans certains cas, en effet, il serait juridiquement opportun de se donner les moyens de contrôler si, dans certains services, à l’occasion d’un transfert de malades, une carence en termes d’informations et de communication des données médicales utiles, ne constitue pas purement et simplement une faute dans l’organisation des soins.
Il n’est pas rare qu’un établissement d’accueil soit tenu responsable et condamné à réparer le préjudice subi en raison d’une infection nosocomiale contractée dans un établissement en provenance duquel le patient a été transféré, qui, pour diverses raisons souvent critiquables, n’a pas été mis en cause directement.
Nous avons, dans ces colonnes, à nombreuses reprises, souligné combien il est souhaitable de modifier le droit de l’infection nosocomiale, et particulièrement la charge de la preuve, comme la recherche de la faute éventuellement commise à l’occasion des opérations de transfert entre établissements.
Mais un dépistage systématique, utile en cas de recherche de l’origine de la contamination, s’avère en pratique impossible tant scientifiquement (que contrôler systématiquement ?) qu’économiquement (qui prend en charge ?), que juridiquement puisque le patient doit consentir expressément au dépistage, ce qui n’est pas acquis dans tous les cas !

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Septembre-octobre 2006
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Une QPC pour les infections nosocomiales… Cour de cassation, 1ère civ, 6 janvier 2016, n° 15-16894)
Isabelle Lucas-Baloup
Dans son 1er alinéa, l’article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ne permet la condamnation d’un médecin libéral qu’en cas de faute, démontrée à son encontre, y compris en matière d’infection nosocomiale. Dans le 2ème alinéa, le même article rend responsable de plein droit l’hôpital public ou privé au sein duquel le patient a été contaminé, même sans preuve d’une faute, sauf cause étrangère. Un plaideur a donc convaincu la Cour de cassation de saisir le Conseil constitutionnel d’une passionnante Question Prioritaire de Constitutionnalité ayant pour objet de dire si cet article est ou non conforme au principe d’égalité des citoyens devant la loi garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Suspense !
La Lettre du Cabinet - Janvier 2016


Mots clefs associés à cet article :
Infections nosocomiales QPC

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Une réforme envisagée du droit de l’infection nosocomiale ? Les réflexions du rapport Alain Vasselle
Isabelle Lucas-Baloup

Le rapport de Monsieur Alain Vasselle, sénateur, sur « la politique de lutte contre les infections nosocomiales » (Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé, document n° 3188 Assemblée Nationale et n° 422 Sénat), mentionne, eu égard à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 telle qu’elle a été réformée par celle du 30 décembre 2002 : « Après quatre années de mise en œuvre, il est encore difficile d’établir un bilan au plan du droit. Le nouveau mécanisme de réparation des infections nosocomiales est utile et intéressant. Il n’est probablement pas encore parfait et pourrait être amélioré ».
Puis, en page 92 offre une voie de réflexion qui consiste, en harmonie avec ce que je revendique notamment dans ces colonnes en permanence :
- à revenir à un régime de responsabilité pour faute, de droit commun, à l’occasion duquel l’assureur n’assumerait que la responsabilité des infections nosocomiales fautives « par exemple celles liées à un non respect de la réglementation applicable en matière de lutte contre les infections nosocomiales et cela quel que soit le degré de gravité du dommage »,
- « les infections nosocomiales obéiraient à un régime de présomption de faute ». Le professionnel ou l’établissement de santé pourrait s’exonérer de sa responsabilité par la preuve de l’absence de faute, en démontrant le respect des règles d’hygiène et d’asepsie,
- avec réintroduction de la prise en charge de l’infection nosocomiale non fautive par la solidarité nationale, de manière à ne pas laisser tomber un patient atteint par un acte lié aux soins qui, pourtant, n’a pas pour origine la faute des services de santé.
Puisse 2008 voir progresser cette « troisième » voie de réflexion du rapport Alain Vasselle qui m’apparaît frappé au coin du bon sens du droit « légitime » tant pour les soignants que pour les patients.
Dans ce premier numéro d’HMH de l’année, je formule des vœux à cette fin

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier-Février 2008
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