Base de données - Suspension

L’Ordre des médecins doit motiver suffisamment ses décisions, rappelle le Conseil d’Etat
(arrêt Conseil d’Etat, 5 octobre 2007, Legifrance)
Isabelle Lucas-Baloup

Bien souvent le plaideur est déçu par la motivation quasi-inexistante d’une décision le déboutant (quand on gagne on est beaucoup plus tolérant sur les petites imperfections de la rédaction des jugements !).
C’est donc avec satisfaction que je signale cet arrêt de la section du contentieux du Conseil d’Etat annulant une suspension de deux mois prononcée à l’encontre d’un médecin par la section assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins s’étant bornée à relever que « les arguments du praticien ne parviennent pas à démentir les reproches formulés par le médecin-conseil chef de service de l’échelon local de la caisse d’assurance maladie ».

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008


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Déontologie Médecins Motivation Suspension

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Procédure ordinale : délai, vous avez dit délai ? (Conseil d’Etat, 4ème sous-section, 23 décembre 2015, n° 389759)
Isabelle Lucas-Baloup
La suspension temporaire du droit d’exercer la médecine pour infirmité ou état pathologique, prévue à l’article R. 4124-3 du code de la santé publique, ne peut être ordonnée que sur un rapport motivé établi à la demande du Conseil de l’Ordre par trois médecins spécialistes désignés comme experts, qui doivent déposer leur rapport dans les six semaines de leur saisine par le Conseil régional.
L’arrêt juge que ce délai n’est pas prescrit à peine de nullité et que les droits de la défense ne sont pas violés dès lors que l’avocat du médecin concerné a pu disposer des pièces une semaine avant l’audience.
La Lettre du Cabinet - Janvier 2016


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Procédure disciplinaire ordinale Suspension

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Suspension d'un ophtalmologue pour cotations frauduleuses
(décision du 16 mars 2017 de la section Assurances sociales du CNOM, n° 5258)
Isabelle Lucas-Baloup

Un nouvel exemple de suspension du droit de donner des soins aux assurés sociaux pendant 6 mois dont 2 avec sursis, prononcée par le Conseil national de l’Ordre des médecins, après contrôle par une CPAM et plainte du médecin chef de l’échelon local. Les griefs retenus étaient les suivants :

  • association et facturation, sans justification, d’un examen de la vision binoculaire et un examen fonctionnel de la motricité oculaire : en méconnaissance de la règle fixée à l’article I-5 des dispositions générales de la classification commune des actes médicaux (CCAM), l’ophtalmologue n’a rédigé aucun compte-rendu permettant de distinguer les 2 actes successifs avec descriptions des techniques et des résultats des tests relevant de chacun des deux actes ; dans les dossiers litigieux, l’examen de la vision binoculaire préalable ne montrait pas d’anomalies pouvant justifier une telle association ;
  • facturation d’actes en utilisant la cotation BZQP002, correspondant à une fluoroscopie, alors que les fiches médicales présentées ne décrivaient pas cet acte technique ;
  • utilisation de la cotation BDGA005, correspondant à l’ablation d’un corps étranger profond de la cornée, alors qu’aucun des dossiers ne comportait un compte-rendu d’examen, comme l’exige l’article I-5 des dispositions générales de la CCAM, et qu’il n’y a pas eu d’ablation chirurgicale d’un corps étranger, soit qu’il n’en ait pas existé, soit qu’il se soit agi d’un corps étranger non profond ou accessible à la lancette sans nécessité d’un acte chirurgical ;
  • abus de facturation d’actes au moyen de la cotation BFPP001, correspondant à une capsulotomie laser pour cataracte secondaire ; absence de compte-rendu réglementaire et témoignages de patients en cause faisant ressortir que le chirurgien a soit facturé des actes non réalisés, soit réalisé l’acte trop précocement au regard des référentiels médicaux et de l’état des patients, soit réalisé certains actes sans indication médicale, soit en utilisant une technique de réalisation non conforme aux référentiels médicaux, sans rechercher le consentement éclairé du patient comme le prévoit l’article R. 4127-36 du code de la santé publique ;
  • utilisation abusive de la cotation BFQM001 prévue pour une biométrie oculaire par échographie pour déterminer la présence des implants destinés à des patients atteints de cataracte : facturation systématique d’une biométrie pour le 2ème œil, alors que des mesures avaient été recueillies pour le 1er œil, et que la 2ème biométrie n’était justifiée par aucune circonstance particulière ;
  • facturation C2 pour des actes correspondant à des avis ponctuels émis en qualité de médecin consultant ; aux dires des médecins traitants, pour 7 patients si le chirurgien ophtalmologue les a reçus à la suite d’une demande d’avis il n’a pas donné sa réponse ; pour 11 patients il a appliqué cette cotation sans avoir été sollicité par un médecin traitant ; il a aussi abusivement coté C2 pour des consultations réalisées dans le cadre de séquences de soins.

La section Assurances sociales a donc retenu que ces faits présentent le caractère de fautes, abus et fraudes prévus par l’article L. 145-1 du code de la sécurité sociale et confirme la sanction prononcée en première instance, avec publication dans les locaux de la CPAM par affichage.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2018


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Cotations Ophtalmologue Suspension

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Suspension en référé d’une autorisation délivrée à un établissement de santé par l’ARH
(arrêt Conseil d’État, 9 juillet 2007, n° 297001)
Benoît Marcheteau

Depuis 2000, le juge administratif est, à l’instar de son homologue de l’ordre judiciaire, doté d’importants pouvoirs en référé. Parmi ceux-ci, le référé-suspension a connu un franc succès auprès des justiciables dans la mesure où il permet, dans des délais très courts, de paralyser les effets d’une décision administrative par ailleurs contestée au fond. L’article L. 521-1 du code de justice administrative exige cependant que le requérant démontre qu’il existe une forte probabilité que l’acte de l’administration est entaché d’illégalité, et surtout que l’urgence justifie la suspension de celui-ci. Difficile à démontrer, cette dernière condition est remplie lorsqu’il est fait état d’une atteinte grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre (CE, Section, 19 janvier 2001, Conféd. nat. des radios libres). En revanche, le juge administratif évite en pratique de remettre en cause en référé les décisions des autorités sanitaires.
Il est donc intéressant de signaler un arrêt du 9 juillet 2007 aux termes duquel le Conseil d’Etat, à la demande d’une clinique, a prononcé la suspension de l’exécution d’une décision de l’ARH ayant autorisé une clinique concurrente à exercer l’activité de soins et de réadaptation fonctionnelle polyvalente.
Dans cette affaire, l’autorisation obtenue en 2006 par la clinique E. avait été contestée par l’établissement concurrent F., qui, après avoir lui-même déposé une demande en ce sens en 2005, puis en 2006, s’était vu opposer un refus par l’autorité administrative.
La Haute Assemblée fit droit par cet arrêt à la requête en référé-suspension en jugeant notamment que la condition d’urgence était bien remplie, eu égard au faisceau de circonstances suivantes : l’autorisation accordée à E. pour une durée de 5 ans, empêchait D. d’en obtenir une pendant le même laps de temps, selon la procédure normale, aucune des conditions pour pouvoir présenter une demande dérogatoire ne pouvaient en l’espèce être alléguée, la clinique requérante s’était conformée aux plages de demandes d’autorisation et n’avait fait preuve d’aucune négligence, la suspension de l’autorisation n’était pas de nature à porter atteinte aux intérêts de la santé publique. Tout est cependant question d’espèce, l’urgence étant appréciée au vu des circonstances précises des dossiers soumis au juge.
Qu’elle effraie ou qu’elle rassure, cette décision du Conseil d’Etat démontre que le référé-suspension est une arme redoutable eu égard aux effets concrets (« paralysie » d’un acte administratif) qui s’y attachent.
Les établissements de santé ne sont donc pas dépourvus de moyens juridiques face aux autorités sanitaires, comme le rappelle ici avec force le juge administratif.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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