Base de données - Contrat d'exercice

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Anesthésiste titulaire d’un contrat d’exercice non respecté à l’occasion du regroupement de deux cliniques : elles sont condamnées à réparer son préjudice
(arrêt du 15 juin 2006, 1ère ch. cour d’appel de Riom, Juris-Data n° 206-313477)
Isabelle Lucas-Baloup

Voici un arrêt intéressant, compte-tenu du nombre important – et croissant - de contentieux de cette nature opposant des médecins à des établissements de santé privés qui se vendent, se transfèrent, fusionnent, juridiquement, économiquement et/ou géographiquement. Dans chaque cas, la juridiction doit examiner attentivement les éléments qui lui sont présentés pour identifier si les parties ont ou non respecté le contrat qui les lie.
Plutôt qu’un commentaire sur les conditions critiquables dans lesquelles manifestement ce regroupement de deux cliniques a eu lieu, il apparaît utile de reproduire plusieurs alinéas de la décision des juges du second degré :
« Attendu que si ce regroupement des deux cliniques, programmé sur plusieurs années, répondait à la nécessité de s’adapter à la restructuration du secteur sanitaire de Vichy suite aux directives de politique nationale de santé, il se devait néanmoins de respecter les droits des praticiens de chacun des établissements qui se sont trouvés en conflit en raison des doublons des spécialités ; qu’au lieu de renégocier les clauses d’exclusivité, la direction commune des deux cliniques a pratiqué une politique d’absence totale de communication et de transparence, s’abstenant volontairement de répondre aux diverses demandes formées tant par les CME que par les praticiens sur les conditions de poursuite de leur exercice, et ce même si elles étaient formulées par lettre recommandée avec A.R ;
« Attendu que le contrat du Dr C. stipule que : « En cas de cession de l’établissement, que celle-ci résulte d’une vente à une personne physique ou morale, ou d’une fusion, ou absorption au profit d’une société entendant poursuivre l’exploitation de la clinique, le présent contrat sera opposable, en toutes ses dispositions, aux ayants droit qui devront en continuer l’exécution » ;
« Qu’il en résulte que la Clinique J. s’est portée fort de son cessionnaire et qu’elle ne peut en tout état de cause dégager sa responsabilité contractuelle en cas de non reprise du contrat par la Clinique P. en application de l’article 1120 du code civil ;
« Attendu que cette dernière prétend qu’elle n’a pas accepté la poursuite du contrat de 1988 mais a seulement accepté le Dr C. en son sein dans le cadre d’un contrat verbal, en invoquant le caractère intuitu personae ;
« Qu’il convient toutefois d’observer qu’elle est mal fondée à arguer de ce caractère dès lors qu’en demandant par courrier-circulaire du 16 mai 2002 au Dr C. de transférer son activité sur le site de la Clinique P. à compter du 24 juin 2002, elle agréait nécessairement sa personne connue de la direction commune depuis des années ; [...]
« Attendu que le Tribunal a ainsi constaté à juste titre que les deux cliniques n’avaient pas loyalement exécuté le contrat les liant à l’intimé en n’ayant pas organisé ni assuré la poursuite du contrat lors du changement de site négocié entre elles, et que par leurs fautes conjointes, se trouvant à l’origine exclusive de la résiliation du contrat d’exercice, elles se devaient indemniser in solidum le Dr C. » (condamnation des cliniques à payer à l’anesthésiste-réanimateur 205 000 euros, indemnité conventionnelle de rupture calculée sur la moyenne de ses recettes des trois dernières années).
On observe que la Cour n’a pas suivi les arguments de la clinique soutenant que le transfert était « inéluctable en application de la politique de santé instaurée par la loi de juillet 1991 et les ordonnances Juppé de 1996 afin d’éviter sa fermeture administrative et la perte subséquente des lits ».
En cette matière, le résultat judiciaire dépend des circonstances ayant présidé à la restructuration et aux efforts respectivement réalisés par les parties pour respecter le contrat.
Entre la bonne foi contractuelle (imposée par l’article 1134 du code civil) et l’abus de droit (qui permet de sanctionner les excès), la jurisprudence est protéiforme et il est recommandé aux médecins comme aux cliniques de ne lancer une procédure qu’après avoir manifesté clairement une volonté non équivoque de poursuivre le contrat et d’être capable d’en apporter la preuve au tribunal saisi.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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Indemnité de résiliation d’un contrat d’exercice : impôt au titre des plus-values professionnelles
(Cour administrative d’appel de Douai, 3è ch., arrêt du 7 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est fréquent que l’administration fiscale tente de soumettre à l’impôt sur le revenu l’indemnité de rupture d’un contrat libéral d’exercice de la chirurgie entre un praticien et une clinique privée. Une fois de plus, la juridiction administrative saisie sanctionne cette position dans un alinéa qu’il est utile de reproduire intégralement : « Attendu que M. X a conclu avec la clinique Ste I. une convention en vue de lui permettre d’exercer dans cette clinique sa profession de chirurgien ; qu’aux termes de cette convention, si la clinique met fin au contrat elle devra verser au praticien une somme égale au montant de la moyenne des honoraires réalisés par le praticien dans le cadre de son activité à la clinique pendant les trois années civiles précédant celle au cours de laquelle l’avis de rupture aura été envoyé au praticien ; que la clinique Ste I. a rompu le contrat et le conseil d’administration fixé le montant de l’indemnité à (...) ; que l’administration a regardé cette indemnité comme compensatrice de perte de recettes professionnelles et l’a imposée à l’impôt sur le revenu ; (...) que les requérants précisent que la décision de rompre le contrat par anticipation a été inspirée par la crainte que le renom de la clinique soit affecté par les démêlés judiciaires du chirurgien ; (...) considérant toutefois que le chirurgien, par la convention lui permettant d’exercer sa profession dans le cadre de la clinique Ste I. et de soigner la clientèle de cet établissement, a acquis un droit constituant, sur le plan fiscal, un actif professionnel qui, en vertu de cette même convention, aurait pu être cédé ; que la résiliation du contrat à l’initiative de la société Ste I. a fait disparaître ce droit d’exercice ; que cette indemnité doit donc être regardée comme destinée à compenser cette perte d’actif et doit être imposable selon le régime des plus-values et non, comme le soutient l’administration, comme recettes professionnelles ».
Jurisprudence classique : taxation à 16 % + prélèvements sociaux = 27 %.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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La clause de tentative de conciliation est obligatoire quand elle est prévue
(arrêt Cass. civ. 1ère ch., 30 octobre 2007, LexisNexis)
Isabelle Lucas-Baloup

Cà n’est pas nouveau mais souvent les parties (et/ou leurs avocats) oubliant de respecter ce préalable, la jurisprudence continue à le répéter : une procédure amiable de tentative de conciliation, prévue dans un contrat d’exercice libéral entre un établissement de santé et des médecins, s’impose avant d’engager une procédure judiciaire et doit être observée dans toutes ses dispositions. S’il est prévu qu’elle est confiée à deux membres du conseil de l’ordre des médecins c’est ainsi qu’elle doit être conduite et non autrement, sauf à ce que les deux parties modifient d’un commun accord, impérativement explicite sur ce point, leurs relations contractuelles.
Dans l’arrêt visé, deux médecins avaient tenté une « médiation » sous l’égide d’un tiers, qui ne correspondait pas à ce que le contrat entre eux prévoyait. La transaction proposée n’avait finalement pas été adoptée et les juges ont été saisis. La cour d’appel de Versailles rendit un arrêt considérant que la tentative de conciliation avait eu lieu. Cet arrêt est cassé par la Cour suprême qui s’attache au respect du contrat (article 1134, code civil) pour en déduire une fin de non recevoir, la procédure de conciliation n’ayant pas été diligentée dans les termes précis du contrat.
Ainsi, en matière de clauses de tentative de conciliation :

? dans un contrat entre un établissement de santé et un médecin : elle n’est pas obligatoire. Mais, si elle est prévue, elle doit être impérativement respectée, sinon les juges ne peuvent être saisis utilement. Si les parties sont d’accord pour ne pas recourir à ce préalable, elles doivent constater, par un avenant ou toute autre convention écrite, qu’elles se dispensent expressément de la procédure de tentative de conciliation, ce qui constituera entre elles un nouvel accord contractuel faisant « la loi des parties ». L’une ou l’autre pourra ensuite avoir recours à la justice. Elles peuvent également décider de substituer à la clause initiale une autre, prévoyant un collège différent de conciliateurs, mais là encore elles devront l’écrire clairement entre elles, et signer, en précisant pour éviter tout différend ultérieur, que « le présent accord modifie en tant que de besoin la clause de tentative de conciliation contractuelle» en mentionnant la date du contrat et l’article modifié. Lorsque ce formalisme n’est pas respecté, une des parties y ayant intérêt (dilatoire) peut soulever comme fin de non recevoir l’absence de tentative de conciliation diligentée dans les termes du contrat. Dans un contrat d’exercice libéral entre médecin et clinique, il est conseillé de ne pas mentionner la qualité des conciliateurs, afin de laisser à chacun une totale liberté de choix, en fonction de l’objet du litige (pour une interprétation d’un contrat d’exercice libéral, un membre du conseil de l’ordre est parfois moins efficace qu’un professionnel rompu à la rédaction et au contentieux entre cliniques et médecins, ou un expert comptable pour une conflit portant sur la redevance, etc.). Il arrive que les conseillers ordinaux, souvent débordés par diverses autres activités relevant directement de leurs missions, refusent d’intervenir lorsqu’il ne s’agit pas d’un litige médecin/médecin.

? dans un contrat entre médecins : c’est une obligation déontologique (article R. 4127-56 du csp) que de rechercher la conciliation préalablement au contentieux judiciaire. Néanmoins, dans le contrat d’exercice en commun, de société civile de moyens ou toutes autres conventions entre praticiens, on peut librement choisir les conciliateurs, sauf dispositions impératives introduites dans le contrat, ainsi que l’illustre l’arrêt commenté.
Pour d’autres commentaires et jurisprudence sur cette question : "Médecins/Cliniques, Le contrat d’exercice", I. Lucas-Baloup, B. Vorms, Ed. Scrof, pages 553 à 562.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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Raisons légitimes de ne pas effectuer le préavis avant rupture d’un contrat d’exercice libéral de la chirurgie
(Cour d’appel de Dijon, 1ère ch. civ., arrêt du 26 juin 2012, n° 11/01143)
Isabelle Lucas-Baloup

Une clinique de Dijon reprochait à un orthopédiste de ne pas avoir respecté, avant de la quitter, le préavis de 24 mois auquel il était tenu conformément aux usages professionnels et lui réclamait 1 223 645 € en réparation de son manque à gagner causé par le départ brutal du chirurgien. Ce dernier plaidait que ladite clinique, dépendant désormais du groupe Générale de Santé, avait entrepris une réorganisation de l’activité de ses blocs opératoires, avait modifié, dans leurs jours et amplitude, les vacations de bloc du chirurgien, la direction prenant l’initiative de supprimer les dernières opérations de la journée pour éviter au personnel infirmier de terminer tard.

La Cour d’appel a analysé la situation et l’arrêt mentionne : « Attendu que s’il appartient à l’administration de l’établissement de s’assurer que le programme des interventions chirurgicales est compatible avec la présence des autres praticiens, notamment les médecins anesthésistes et avec les horaires du personnel soignant, ainsi que plus généralement avec la sécurité des patients, il revient néanmoins au chirurgien seul d’apprécier l’ordre et la durée de ses opérations ; que si elle avait constaté des dépassements importants et réitérés du seul fait du chirurgien, la Clinique aurait été autorisée à rompre son contrat sans respecter le préavis de 24 mois ; que parallèlement le chirurgien constatant le non-respect de ses prérogatives pouvait légitimement souhaité partir rapidement ».

La Cour observe que l’orthopédiste avait, dans sa lettre de résiliation, annoncé son départ à l’issue d’un préavis limité à trois mois, compte tenu des modifications substantielles dont il était victime, mais avait, pendant la tentative de conciliation, dont la Clinique avait retardé l’organisation, proposé de continuer à exercer quelques mois de plus à temps partiel, ce qu’il a fait. La direction a alors déprogrammé les patients et immédiatement enlevé le nom du chirurgien de tous les panneaux et plannings, la Cour retenant que « cette attitude, après plusieurs mois d’échanges quasi quotidiens de lettres de récriminations réciproques, révèle que la Clinique ne tenait pas à ce que la collaboration du chirurgien perdure […] ; la demande de dommages et intérêts de la Clinique n’est donc pas justifiée, d’autant qu’elle-même est au moins pour partie à l’origine du préjudice qu’elle invoque, du fait qu’elle n’a expressément formulé son désaccord que juste avant l’échéance et qu’elle était manifestement peu encline à la recherche d’un compromis et a exigé que le chirurgien s’en tienne à sa première proposition ».

En revanche, le chirurgien est débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts à l’encontre de la Clinique en réparation des défaillances chroniques de celle-ci dont la fourniture des moyens et la réduction des vacations avaient limité l’activité de l’orthopédiste.

Cette décision est conforme à la jurisprudence habituelle : le délai de préavis doit être respecté sauf circonstances d’une particulière gravité dont la preuve incombe à l’auteur de la réduction unilatérale de la durée. Il ne suffit pas d’affirmer pour démontrer. En l’espèce, l’orthopédiste prouvait l’intrusion de la direction dans l’organisation de ses plannings et la suppression de plusieurs malades en fin de journée ainsi que le changement sans l’accord du praticien de ses vacations hebdomadaires. La Cour a donc parfaitement jugé que le chirurgien avait des raisons légitimes de ne pas effectuer le préavis d’usage de 24 mois et qu’il n’a pas commis de faute dans les conditions de la rupture de son contrat avec la Clinique.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Contrat d'exercice Préavis Rupture

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Résiliation de 4 contrats d’exercice d’anesthésistes sans respecter la procédure contractuelle prévue : condamnation de la Clinique
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 26 janvier 2012)
Isabelle Lucas-Baloup

Quatre anesthésistes ont assigné une clinique de Tours, dont la direction avait prononcé la rupture unilatérale de leur contrat d’exercice, qui prévoyait notamment : « Si la résiliation résulte du fait de la Clinique, cette résiliation devra avoir été agréée par les trois quarts des praticiens actionnaires exerçant au sein de la Clinique et ne pourra intervenir que pour motif sérieux et légitime. […] En l’absence de motif sérieux et légitime de résiliation par la Clinique, l’indemnité servie par elle sera alors de deux annuités si l’exercice du praticien a duré moins de dix ans, de trois annuités s’il a exercé plus de dix ans ». Outre un débat sur les motifs invoqués par la Clinique pour justifier cette résiliation de leurs quatre contrats d’exercice, les anesthésistes reprochaient à cette dernière de ne pas avoir respecté l’obligation contractuellement prévue de faire agréer la résiliation par les trois quarts des praticiens actionnaires exerçant au sein de la Clinique.

Par un précédent arrêt que la Clinique contestait également devant la Cour de cassation, la Cour d’appel d’Orléans avait jugé qu’à la date de la résiliation plusieurs actionnaires étaient médecins et qu’il importe peu qu’un Groupe ait détenu 99,99 % des parts de la Clinique et que chacun des actionnaires personne physique n’ait été détenteur que d’une unique action, puisqu’aux termes du contrat d’exercice qui liait les parties et faisaient la loi entre elles la résiliation des contrats devait impérativement avoir été agréée par les trois quarts des praticiens actionnaires exerçant au sein de la Clinique sans qu’il ne soit fait état d’une exigence relative au nombre de parts détenues par ces médecins. L’absence de consultation de ces praticiens a rendu en conséquence irrégulière la décision de rupture entrainant le paiement des indemnités de trois annuités d’honoraires puisque chacun des quatre anesthésistes justifiait d’une durée d’exercice supérieure à dix années au sein de l’établissement de soins.

Par arrêt du 26 janvier 2012, la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi de la Clinique, considérant qu’aucun des moyens invoqués à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’Orléans n’était de nature à remettre en cause la décision des juges du second degré.

La lettre du Cabinet - Septembre 2012


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Anesthésiste Contrat d'exercice Résiliation

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Une clinique qui se regroupe avec une autre doit respecter les contrats d’exercice ou indemniser
(Cour de cassation, 1ère civ., 19 novembre 2009, n° 08-17.202)
Anne-Sophie Grobost

Un laboratoire de biologie médicale, titulaire d’une convention d’exclusivité pour 40 ans au sein d’une clinique, s’est vu refuser la poursuite des relations contractuelles suite à un regroupement de l’établissement avec un autre.
La Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour de Rouen qui avait condamné la Clinique, n’ayant pas respecté les termes du contrat d’exclusivité, à réparer le préjudice en résultant pour le laboratoire évincé. Le contrat d’exercice prévoyait l’obligation pour la Clinique de garantir au laboratoire l’exclusivité d’installation et d’exercice « y compris dans de futurs locaux ».
Les tentatives des biologistes pour faire valoir leurs droits s’étant heurtées à l’attitude de la Clinique qui n’a cessé d’en nier l’existence tout en mandatant un tiers pour rechercher un autre laboratoire, la Cour en a justement déduit qu’elle ne pouvait prétendre avoir cherché à négocier avec les biologistes.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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