Base de données - Commission Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (CESDH)

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Arrêt du 8 juillet 2004 : la Cour de cassation déboute un fabricant de phacoémulsificateurs condamné pour endophtalmies
Isabelle Lucas-Baloup

Le fournisseur d'un phacoémulsificateur mis en cause à l'occasion d'endophtalmies par deux patients successifs est-il fondé dans une demande de dessaisissement de la juridiction devant laquelle l'a assigné le deuxième patient, après qu'elle ait retenu la responsabilité partielle du fabricant ? Telle était la belle question posée à la Cour de cassation, ayant pour fondement le droit reconnu à l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales que " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial ".
Le fabricant soutenait que l'exigence d'impartialité doit s'apprécier objectivement et que lorsqu'un juge a pris publique-ment parti sur des faits, il n'est plus impartial. Il en résultait, d'après le fabricant, que ce magistrat ne pouvait connaître une deuxième fois du même litige, après avoir condamné le fournisseur du phacoémulsificateur à garantir à hauteur des 2/3 la polyclinique et l'ophtalmologiste intervenus.
La Cour de cassation a jugé que " la seule circonstance que les faits soient semblables à ceux déjà jugés entre d'autres parties n'interdit pas au juge de statuer, à défaut de démontrer l'existence d'autres éléments de nature à faire peser un doute raisonnable sur l'impartialité de ce juge ".
Le motif du recours a bien dû amuser les magistrats, qui se seraient vu priver ainsi de pouvoir juger deux fois la même chose si le pourvoi en cassation du fabricant avait été déclaré bien fondé ! Une nouvelle conception assurément de l'adage " non bis in idem ".
L'argumentation risquait de se heurter à une difficulté pratique : je crains que le nombre d'infections nosocomiales soit supérieur au nombre de cours d'appel compétentes pour les juger.

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Octobre 2004
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Refus d’autorisation et procès durant 11 ans : Etat condamné à payer ... 10 000 €
(Conseil d’Etat, Sect. Cx, 4ème sous-section, arrêt du 21 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

La durée d’un procès doit être « raisonnable », garantit la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, au titre du procès équitable.
La victime d’un refus illégal d’autorisation d’exploiter une clinique s’est fondée sur ces dispositions, se plaignant d’avoir saisi le ministre de la santé d’une demande indemnitaire préalable en 1992, puis le tribunal administratif de la décision implicite de rejet en 1993, qui a prononcé un jugement en 1998 faisant droit à la demande dont il a été interjeté appel lequel a été jugé en 2002, condamnant l’Etat à indemniser à hauteur de moins de 100 000 €, d’où un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat jugé en 2004.
Le procès a donc duré onze ans (ce qui n’est pas rare en France). Le Conseil d’Etat considère qu’« eu égard à l’importance du préjudice professionnel et financier subi dont M. C. demandait réparation, à l’ancienneté de ce préjudice résultant de l’illégalité, constatée par des décisions de justice passées en force de chose jugée, de décisions prises entre 1981 et 1992, et à ce que l’affaire ne présentait pas de complexité particulière, cette durée est excessive et a causé au demandeur des désagréments qui vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par M. C. en condamnant l’Etat à lui verser une indemnité de 10 000 €, tous intérêts compris. », c’est-à-dire environ 10% du principal.
Le silence est d’or, mais pas la patience !

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
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