Deux affaires récentes illustrent la distribution des responsabilités lorsque certaines patientes n’ont pas la chance d’un diagnostic et traitement rapide et efficace de leur cancer du sein.
Le premier arrêt (Cour d’appel de Montpellier) constitue une illustration d’un cumul de comportements jugés fautifs, avec distribution de la charge indemnitaire entre le radiologue, le chirurgien et le radiothérapeute.
L’arrêt suivant (Cour d’appel de Paris) retient l’entière responsabilité du radiologue.
Cour d’appel de Montpellier, 6 octobre 2010 (n° 09/00161)
Cet arrêt constitue un exemple d’analyse par les Juges, après expertise, des responsabilités respectivement encourues par :
- un radiologue, pour retard au diagnostic d’un cancer du sein, puis de sa récidive,
- un chirurgien, pour retard au traitement de la récidive cancéreuse,
- un radio-chimiothérapeute, pour avoir inversé les traitements de radiothérapie et de chimiothérapie,
faisant perdre à la patiente 50% de chances de survie.
Le radiologue : 70% de responsabilité
L’expert a relevé que le radiologue n’avait pas vu sur les mammographies les micro-calcifications situées à proximité du nodule, classées en ACR4, ce qui imposait un contrôle histologique qui n’a donc pas eu lieu. C’est à partir d’un compte rendu radiographique erroné que le chirurgien a décidé une chirurgie conservatrice plutôt qu’une mastectomie totale. Après l’intervention chirurgicale, le même radiologue n’a toujours pas diagnostiqué la récidive du cancer du sein bien que la patiente soit revenue le voir devant l’élargissement d’une plaque fibreuse près de la cicatrice.
Le chirurgien : 10%
Il a décidé de pratiquer une chirurgie conservatrice plutôt qu’une mastectomie compte tenu des résultats des examens radiographiques interprétés par le radiologue, ce qui ne lui est pas imputé à faute compte tenu du compte rendu reçu du radiologue.
Cependant, lorsqu’il constate la présence d’une zone nodulaire évoquant un noyau fibreux dans la périphérie du sein traité, avec modifications de la cicatrice, il aurait dû immédiatement prescrire des examens complémentaires tels que mammographie, biopsie, lesquels auraient permis de détecter une récidive du cancer, ce qu’il n’a pas fait.
Le radio-chimiothérapeute : 20%
Le chimiothérapeute a procédé d’abord à un traitement de radiothérapie puis à un traitement de chimiothérapie, alors que « la littérature médicale prescrit l’inverse» déclare l’expert. De même, après avoir constaté la présence d’un nodule au niveau de la cicatrice, il n’a pas prescrit de mesures urgentes avec des examens approfondis, ce qui a généré un retard de 9 mois dans le traitement de la récidive concernée par une équipe pluridisciplinaire oncologique alors que la patiente présentait un stade avancé compte tenu de la dissémination métastatique ganglionnaire.
La patiente est décédée des suites de sa maladie.
Cour d’appel de Paris, 12 novembre 2010 (n° 08/23503)
Cette décision condamne le radiologue au motif ci-après :
« Le cancer du sein a été diagnostiqué le 18 juin 2003. A cette date il s’agissait d’une lésion classée T2 (3 cm de diamètre) N1, avec un ganglion palpable et suspect. En février 2003, la lésion était beaucoup plus petite (T1<2cm) et l’adénopathie n’était pas perçue par la patiente. Elle semble néanmoins avoir été perçue par le gynécologue, qui l’a dessinée dans son dossier. Il semblerait qu’on soit passé d’un stade I (T1 N0) à un stade IIb (T2 N1). Il existe un retard de diagnostic de 4 mois, qui a entraîné une perte de chance. Pour une lésion classée T1, la survie à 10 ans après un traitement est de plus de 80%. Elle n’est plus que de 60% pour les tumeurs T2. Il y a donc une diminution des chances de survie que l’on peut quantifier à 20%. L’apparition de ganglions métastatiques préjore l’évolution de façon semblable. Par contre, le retard de diagnostic n’a pas eu de réelle incidence sur les traitements, seulement une aggravation du traumatisme psychologique. »
La Cour conclut : « Le radiologue a interprété de façon erronée la mammographie effectuée le 21 février 2003 et cette faute, à l’origine d’un retard de diagnostic de 4 mois, est en relation directe et certaine avec la perte de chance subie par la patiente. Sa responsabilité est engagée. »
La patiente est décédée de son cancer. La perte de chance de survie a été évaluée à 20% (15 000 euros de dommages-intérêts à sa fille).
Base de données - Diagnostic
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Adénopathie Biopsie Cancer Chimiothérapie Diagnostic Ganglions métastatiques Mammographie Nodule Perte de chance Radiologue Radiothérapeute Récidive Responsabilité
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Diagnostic Gynécologie obstétrique Information du patient
Résumé :
Exemple d’action judiciaire gagnée par la famille d’une patiente de 38 ans, pour retard de diagnostic à l’encontre de l’anapath.
Gynécologue et chirurgien non condamnés.
Arrêt Cour d’appel de Rennes, 3 mars 2010 :
La Cour présente dans sa décision l’évolution chronologique suivante :
- 3 septembre 2001 : F 37 ans, frottis cervico-vaginal, interprétation par anapath : « soit une inflammation dans un contexte régénératif, soit une dysplasie légère vraie (lésion de bas grade), soit une lésion intra-épithéliale plus évoluée », recommande examens complémentaires colposcopie et biopsie,
- 12 octobre 2001, biopsie du col utérin portant sur une zone blanche à contours nets, peu étendue, révèle une banale lésion de dysplasie légère sans lésion virale formellement identifiée,
- 11 mars 2002, frottis montre des lésions virales à Papillomavirus et une dysplasie moyenne et conclut à la nécessité de faire des biopsies multifocales,
- 16 mai 2002, biopsies révèlent un ectropion péri-orificiel du col sans caractère suspect,
- 3 juillet 2002, CS pour métrorragies abondantes depuis 2-3 mois,
- 9 juillet 2002, tumeur irrégulière au toucher de la cloison recto-vaginale découverte et biopsiée ; prolifération maligne à type de carcinome épidermoïde infiltrant bien différencié non kératinisant
- 23 juillet 2002, hystérectomie totale avec annextomie bilatérale élargie à la cloison recto-vaginale et au vagin avec colpectomie partielle, l’examen de la tumeur montre bien un carcinome épidermoïde bien différencié mature.
- 8 août 2002, le radiothérapeute constate le caractère insuffisant de l’exérèse, reprise le 29 août, nodules cancéreux prélevés sur le mésentère,
- chimiothérapie, radiothérapie et curiethérapie jusqu’à fin décembre 2002,
- 9 janvier 2003, volumineux nodules de carcinome péritonéal et un nodule métastasique hépatique mis en évidence, traitements,
- décès le 20 mai 2003 d’un cancer primaire du vagin (38 ans).
TGI de Saint-Brieuc, jugement du 10 juin 2008 :
- « Il résulte de l’expertise que les conclusions de l’analyse pratiquée sur le prélèvement du 3 septembre 2001 ne sont pas alarmantes alors que l’interprétation est ambiguë et incomplète et en outre inexacte. Le retard de diagnostic est en grande partie attribuable à ce compte-rendu qui ne soulignait pas le contexte de haut risque cancéreux. », condamnation du médecin anapath à payer dommages-intérêts à la famille de la patiente décédée,
- en revanche, pas de faute retenue à l’encontre de la gynécologue médicale qui a procédé à des investigations plus poussées après le 13 mars 2002. « S’il y a eu faute dans la prise en charge thérapeutique en juillet 2002, elle n’est pas en lien de causalité avec la perte de chance déjà constituée à ce moment ».
- appel de l’anapath.
Arrêt du 3 mars 2010, 7ème chambre Cour de Rennes :
- « Si l’anapath a recommandé, en septembre 2001, des examens complémentaires appropriés, elle n’a pas donné les éléments de description portant notamment sur diverses anomalies de cellules et sur une infection à Papillomavirus ; elle est restée hésitante sur les conclusions alors que la conclusion aurait dû être « dysplasie de haut grade selon la classification de Béthesda de 2001 et probable infection par Papillomavirus », contexte de haut risque cancéreux ; au contraire les anomalies signalées étaient soit légères soit modérées, en sorte que la gynécologue médicale n’a pas été perturbée par les résultats relativement rassurants de a biopsie et n’a pas poursuivi ses recherches. »
- « C’est à raison que le jugement a dit que l’erreur ainsi caractérisée ne constitue pas seulement une inexactitude de diagnostic mais une faute constituant un exercice non conforme aux données actuelles de la médecine. »
- « Considérant que le cancer primitif du vagin est une tumeur extrêmement rare en général et ne se retrouve que dans 7% des cas chez les femmes de moins de 40 ans ; en l’absence d’alerte suffisante donnée par le compte rendu de septembre 2001, on ne peut reprocher à la gynécologue médicale de ne pas avoir recherché un tel cancer qui ne pouvait être soupçonné. »
- « En outre en raison de son siège en haut et en arrière de la paroi vaginale, la lame postérieure du speculum cache la lésion. »
- « Le résultat du 13 mars 2002, moins inquiétant que celui du 10 septembre 2001, a conduit la gynécologue à procéder à des examens complémentaires portant sur le col de l’utérus. Compte tenu de la rareté de la pathologie présentée par la patiente, cette erreur de diagnostic ne peut être considérée comme fautive au regard des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé. »
- « Si la prise en charge de la patiente après le 12 juillet 2002 parait avoir été inadéquate, il n’est pas suffisamment établi qu’elle a contribué à l’aggravation de la perte de chance dès lors que l’expert indique que le traitement n’était pas nécessairement chirurgical, que l’insuffisance de la chirurgie a été reprise et surtout qu’aucune critique n’est apportée aux traitements dispensés sous forme de radiothérapie externe, curiethérapie et chimiothérapie. »
- « Le retard au diagnostic a entraîné une perte de chance de 50%. »
- dommages-intérêts à la famille, et la Cour déboute l’action en garantie lancée par l’anapath contre la gynécologue et le chirurgien.
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Anapath Diagnostic Gynécologue-obstétricien HPV Jurisprudence Papillomavirus Perte de chance
En janvier 2002, le Dr G. pratique des examens de fonds d’œil qui ne révèlent pas de pathologie particulière, et notamment aucun signe de rétinopathie diabétique ou hypertensive, l’acuité visuelle étant par ailleurs normale de loin. Le patient affirme avoir subi des troubles visuels en mai 2002, qui auraient cessé pour se manifester à nouveau en novembre 2002 mais que, ne pouvant obtenir un rendez-vous du Dr G. avant mai 2003, il s’était adressé à son médecin traitant, lequel l’avait dirigé vers un autre ophtalmologiste qui diagnostiquait, en février 2003, une rétinopathie diabétique œdémateuse proliférante bilatérale, compliquée d’une hémorragie du vitré à G.
Le patient saisit la commission régionale d’indemnisation des victimes (CRCI), qui désigna un expert, lequel retient que « le diabète mal équilibré, sa durée et les problèmes tensionnels devaient faire craindre un développement de la maladie et inciter à une surveillance accrue » et conclut à une perte de chance dont le Dr G. est à l’origine de 50% d’éviter le dommage. L’assureur de l’ophtalmologiste refuse de payer, l’affaire arrive devant le tribunal de grande instance de Nanterre qui juge, le 5 septembre 2008, que le « Dr G. n’a pas exercé une surveillance adaptée à l’état de son patient et que ce défaut de surveillance est à l’origine pour le patient d’une perte de chance à hauteur de 50% d’éviter les complications qu’il a présentées à la suite du développement d’une rétinopathie diabétique », et ordonne des dommages-intérêts.
Appel du médecin et de son assureur, qui conduit à l’arrêt rapporté qui retient, en mai 2010 :
« Considérant que le Docteur E. expert a conclu comme suit :
« - l’hypertension artérielle et le diabète mal équilibré constituaient des facteurs favorisant l’apparition de la rétinopathie, cause majeure de cécité,
« - la rétinopathie est une complication quasi constante du diabète au bout d’un certain temps, qui est de 10 ans à 67%,
« - en l’espèce, toutes les conditions étaient réunies, déséquilibre glycémique et tensionnel, durée du diabète, pour développer cette rétinopathie, et il est probable qu’elle était présente à l’état minime en janvier 2002,
« -lorsqu’une le diagnostic d’un diabète est posé, un bilan ophtalmologique est recommandé, qui comprend, outre l’acuité visuelle et l’examen du fond de l’œil, la mesure de la pression et l’examen du cristallin, une fois par an, et une fois par semestre ou trimestre en cas de rétinopathie modérée ou sévère,
« - ces deux derniers examens (pression et cristallin) n’ont pas été pratiqués par le Dr G. en janvier 2002, mais cela est sans incidence sur la rétinopathie, car l’acuité était bonne et aucun traitement n’étant indiqué, hors une surveillance du fond de l’œil tous les 12 ou 6 mois,
« - cependant le nombre trop faible de médecins de cette spécialité ne permet pas de proposer un tel suivi aux patients,
« - la baisse de l’hémoglobine glyquée au mois de mai 2002, reflet des sauts glycémiques, a aggravé de façon importante la rétinopathie, situation qui nécessitait une surveillance accrue du fond de l’œil, surveillance qui n’a pas eu lieu malgré les signes oculaires présentés aux mois de mai, puis octobre/novembre 2002, qui signalaient une hémorragie du vitré secondaire, (…)
« - c’est dans l’intervalle de 11 mois, d’avril 2002 à avril 2003, où M. N. n’a pas pu obtenir de rendez-vous de son ophtalmologue habituel, que se sont amplifiées les lésions constatées au mois de février 2003, le dommage est directement lié à un défaut de prévention et de surveillance de l’équilibre glycémique, par absence de rendez-vous, dans la mesure où cette surveillance aurait permis la prévention par traitement au laser,
« - le retard au diagnostic est à l’origine d’une perte de chance d’éviter les séquelles qu’il présente, une bonne surveillance lui donnant 75% de chances de les éviter. »
Au vu de ce rapport, la Cour de Versailles confirme le jugement de Nanterre en soulignant : « Que la surcharge des cabinets ne constitue pas une excuse, ainsi que l’oppose à bon droit l’ONIAM, le médecin devant réserver les cas d’urgence ».
--> Il est toujours très difficile pour un médecin d’apporter la preuve qu’il a recommandé un suivi et une surveillance régulière. On sait qu’un ophtalmologiste, même si son cahier de rendez-vous est encombré à plusieurs mois, réserve des créneaux libres pour les urgences, encore faut-il qu’il puisse en justifier pendant le procès ! Tracer la demande de rendez-vous non satisfaite implique une organisation performante du secrétariat téléphonique, qui n’existe pas dans tous les cabinets. Des actions correctives peuvent améliorer ce suivi et permettre la preuve de l’absence de demande ou de l’absence de l’indication de l’urgence par le patient, lorsqu’un rendez-vous n’a pas été accordé immédiatement par la secrétaire du cabinet.
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Défaut de surveillance Diagnostic Ophtalmologie Responsabilité Rétinopathie
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Cancer Deuxième avis Diagnostic Responsabilité civile