Base de données - HAS

Délégation de tâches : le rythme des avis de la HAS s’accélère
Jonathan Quaderi

Au vu des résultats plutôt positifs des deux séries d’expérimentations de coopération entre professionnels de santé, autorisées par arrêtés ministériels en 2004 et 2006 (cf. art. 113 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique) et des recommandations de la HAS d’avril 2008, la loi HPST (cf. art. 51) du 21 juillet 2009 a entériné le dispositif juridique dérogatoire aux conditions légales d’exercice de la médecine, en permettant le transfert d’actes ou d’activités de soins d’un corps de métier à un autre ou la réorganisation du mode d’intervention des professionnels de santé auprès du patient.
Cette nouvelle législation, inscrite aux articles L. 4011-1 à -3 du code de la santé publique et dont les conditions d’application ont été précisées par deux textes des 21 juillet et 11 octobre 2010, prévoit, notamment, que les acteurs intéressés soumettent au Directeur général de l’ARS des protocoles de coopération répondant à un besoin spécifique, celui-ci autorisant leur mise en œuvre « par arrêté pris après avis conforme de la Haute Autorité de Santé ».
S’il a fallu, à l’échelle nationale, attendre deux ans avant la signature du premier protocole (juillet 2011), force est de constater que depuis trois mois, le rythme des avis rendus par la HAS s’accélère.
En octobre 2011, quatre avis ont été émis, dont trois favorables « sous réserve », portant ainsi leur nombre total à une dizaine.
Parmi les professionnels concernés, figurent, entre autres, les tandems médecins « gastroentérologues et infirmiers », « médecins oncologues et infirmiers », « médecins cardiologues échocardiographistes et infirmiers », « médecins urologues et infirmiers », médecins radiologues et manipulateurs d’électroradiologie », ou encore, « ophtalmologistes et orthoptistes » pour, à titre d’illustration, la réalisation de ponctions médullaires ou d’actes de dépistage itinérant de la rétinopathie diabétique, la prise en charge de patients atteints d’hépatite chronique C dans le cadre d’une consultation infirmière, l’acquisition technique des images écho-cardiographiques de niveau 1, etc.
Toutefois, nombre d’entre ces projets ne sont pas d’emblée validés par la Haute Autorité de Santé, qui les considère parfois insuffisamment précis et/ou détaillés.
Dans ces conditions, plusieurs mois peuvent s’écouler entre leur transmission à l’autorité de tutelle et leur entrée en vigueur effective, d’où l’importance particulière à accorder à la rédaction de ces documents.
Pour mémoire : faute d’arrêté de l’ARS, chacun engage sa (ses) responsabilité(s).

La Lettre du Cabinet - Décembre 2011


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Délégation de tâches HAS

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Déremboursement des pilules de 3è génération
Isabelle Lucas-Baloup

Publié au Journal Officiel du 6 mars 2013, l’arrêté du 28 février 2013 du ministre des affaires sociales et de la santé radie, à compter du 31 mars 2013, de la liste des médicaments remboursables aux assurés sociaux, les 48 présentations de pilules oestroprogestatives de 3ème génération contenant du gestodène ou du désogestrel, jusqu’ici remboursées (cf. www.legifrance.gouv.fr).

Cet arrêté fait suite notamment à la position adoptée par :

- l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments (ANSM, qui a succédé à l’AFSSAPS),

- la Haute Autorité de Santé qui a publié, en juin 2012, une réévaluation des contraceptifs oraux de 3ème génération effectuée par sa Commission de la transparence concluant :

« En 2012, la Commission de la transparence prenant en compte d’une part le surrisque d’événements thromboemboliques veineux et d’autre part l’absence d’avantage démontré en termes de tolérance clinique pour les femmes exposées aux contraceptifs oraux de 3ème génération par rapport aux contraceptifs oraux de 2ème ou de 1ère génération, considère que le service médical rendu par ces spécialités doit être qualifié d’insuffisant pour une prise en charge par la solidarité nationale. »

Une fiche de bon usage destinée aux professionnels de santé a été diffusée par la HAS en collaboration avec l’ANSM, mentionnant notamment :

« Tous les contraceptifs estroprogestatifs (COEP) sont associés à une augmentation du risque d’accident thromboembolique artériel ou veineux. Avant leur prescription, il est indispensable de rechercher des facteurs de risque thromboembolique personnels ou familiaux. Chez les femmes ayant des facteurs de risque constituant une contre-indication, un autre mode de contraception devra être proposé.

« Les COEP dits de 3ème génération (C3G, contenant du désogestrel, du gestodène ou du norgestimate) exposent les femmes à un surrisque d’accident thromboembolique veineux par rapport aux COEP dits de 1re ou 2ème génération (C1G ou C2G).

« Aucune étude n’a démontré que les C3G apportaient un bénéfice supplémentaire par rapport aux C1G/C2G sur les effets indésirables comme l’acné, la prise de poids, les nausées, les mastodynies, la dysménorrhée, l’aménorrhée et les ménométrorragies.

« Du fait de leur moindre risque thromboembolique veineux pour une efficacité comparable, la HAS considère que les contraceptifs oraux de 1ère ou de 2ème génération doivent être préférés à ceux de 3ème génération. »

Dans son dossier thématique intitulé « Pilules estroprogestatives et risque thrombotique » (cf. http://ansm.sante.fr/Dossiers-thematiques), l’ANSM précise :

« Qu’en est-il des pilules comportant un progestatif seul comme Cérazette (désogestrel) ou Microval (lévonorgestrel) ? Les données montrant un surrisque thromboembolique veineux ou artériel ne concernent que les contraceptifs oraux qui contiennent à la fois un estrogène et un progestatif (appelés contraceptifs oraux combinés (COC) ou pilules estroprogestatives ou encore pilules combinées). Les pilules comportant un progestatif seul telles que Cérazette (désogestrel) ou Microval (lévonorgestrel) ne font pas partie des pilules entraînant ce surrisque. »


Les pilules radiées de la liste des médicaments pris en charge par les caisses d’assurance maladie peuvent-elles être encore prescrites ?

Oui, mais avec une double obligation renforcée à la charge du médecin prescripteur :

- d’évaluer le bénéfice/risque spécifique compte tenu des publications à sa disposition (cf. notamment, pour des données chiffrées, l’estimation du nombre de cas d’accidents thromboemboliques veineux attribuables aux contraceptifs oraux combinés en France entre 2000 et 2011 publiée par l’ANSM sur son site web le 26 mars 2013) et de l’état de la patiente. Il veillera ainsi notamment au respect de : 

- l’article L. 1110-5 du code de la santé publique :

« Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. […] »

- l’article R. 4127-40 du même code :

« Le médecin doit s’interdire, dans les investigations et interventions qu’il pratique comme dans les thérapeutiques qu’il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié. »

 

- l’article R. 4127-8 du même code :

« Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance.
« Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins.
« Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

- d’informer tout spécialement la patiente sur le surrisque encouru, en respectant ainsi les dispositions ci-après : 

- l’article L. 1111-2 du code de la santé publique :

« Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé.
« Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
« Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
« Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel. […]
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.» 

- l’article L. 1111-3 du même code :

« […] Les professionnels de santé d’exercice libéral ainsi que les professionnels de santé exerçant en centres de santé doivent avant l’exécution d’un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d’assurance maladie. » 

- l’article L. 1111-4 du même code :

« […] Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. […] 

- l’article R. 4126-35 du même code :

« Le médecin doit à la personne qu’il examine, qu’il soigne ou qu’il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose. »

Enfin, il est rappelé que c’est une obligation pour le médecin de choisir, à qualités égales, le traitement le moins cher, en application de : 

- l’article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale :

« Les médecins sont tenus, dans tous les actes et prescriptions, d’observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins. »

En conclusion, les pilules de 3ème génération peuvent encore être prescrites, mais le médecin devra diligenter une toute particulière vigilance au respect formel de ses obligations légales et réglementaires, notamment celles qui viennent d’être rappelées.

Gynéco Online - Avril 2013
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Recommandation de bonne pratique HAS sur la césarienne programmée à terme (janv. 2012) Quelle opposabilité en cas de procédure judiciaire ?
Isabelle Lucas-Baloup

Les recommandations de bonne pratique (RBP) interpellent les professionnels concernés, qui y trouvent souvent, à leur première lecture, matière à évoquer divers cas de leur expérience personnelle à l’occasion desquels ils considèrent avoir eu raison de ne pas mettre en œuvre ce qui est aujourd’hui « recommandé », ou (?) « imposé »… La HAS vient de publier, en janvier 2012, ses Recommandations sur les indications de réalisation d’une césarienne programmée. Doivent-elles être respectées à la lettre, ou le gynécologue-obstétricien conserve-t-il une marge de liberté dans sa prise en charge de la parturiente ?

Sur quels fondements interviennent ces recommandations ?

La Haute Autorité de Santé est une autorité publique indépendante à caractère scientifique dotée de la personnalité morale chargée notamment d’élaborer des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique, de procéder à leur diffusion, de contribuer à l’information des professionnels de santé et du public dans ces domaines, et d’établir et mettre en œuvre des procédures d’accréditation des professionnels de santé (articles L. 161-37 et suivants et R. 161-72 du code de la sécurité sociale).

Au titre de sa mission d’accréditation des médecins exerçant en établissements de santé, la Haute Autorité de Santé est chargée (par l’article L. 1414-3-3 du code de la santé publique) d’élaborer, avec les professionnels et les organismes concernés, selon des méthodes scientifiquement reconnues, ou de valider, des référentiels de qualité des soins et de pratiques professionnelles, de diffuser ces référentiels et de favoriser leur utilisation par tout moyen approprié et d’organiser la procédure d’accréditation des médecins ou des équipes médicales au regard des référentiels de qualité des soins et des pratiques professionnelles en veillant à la validation des méthodes et à la cohérence des initiatives relatives à l’amélioration de la qualité dans le domaine de la prise en charge des patients.

En l’espèce, la HAS a été saisie par la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour élaborer une recommandation de bonne pratique sur le thème des indications de réalisation d’une césarienne programmée, visant à répondre aux questions suivantes : 

- quelles sont les indications de la césarienne programmée ? 

- quelles sont les informations à transmettre à la femme enceinte lorsqu’une césarienne programmée est envisagée ?

Les recommandations sont à lire sur le site de la HAS (www.has-sante.fr).


Les Recommandations de bonne pratique clinique sur les
« Indications de la césarienne programme à terme » publiées en janvier 2012 par la Haute Autorité de Santé :

Les indications de la césarienne programmée sont les suivantes :

- utérus cicatriciel,
- grossesse gémellaire,
- présentation par le siège,
- macrosomie,
- transmissions mère-enfant d’infections maternelles,
- et quatre autres indications (à discuter au cas par cas, en particulier : défaut de placentation, malformations fœtales et fœtopathies, antécédents et pathologies maternelles intercurrentes et problèmes périnéaux).

La HAS rappelle qu’un médecin peut décliner la réalisation d’une césarienne sur demande, à condition d’orienter la patiente vers un de ses confrères, en rappelant que la demande maternelle n’est pas en soi une indication à la césarienne et qu’il est recommandé de rechercher les raisons spécifiques à cette requête, de les discuter et de les rapporter dans le dossier médical.

Une deuxième partie des recommandations est consacrée aux informations à transmettre à la femme enceinte lorsqu’une césarienne programmée est envisagée et un document d’information destiné aux femmes enceintes est proposé en annexe des recommandations.

La définition de la césarienne programmée retenue dans ces recommandations est la césarienne programmée à terme (après 37 semaines d’aménorrhée), non liée à une situation d’urgence apparaissant en dehors du travail ou au cours du travail.

Sont exclues du champ de ces recommandations :

- les indications d’une césarienne programmée avant terme (< 37 SA) ;
- les indications d’une césarienne liée à une situation d’urgence apparaissant avant le travail ou au cours du travail.

Une césarienne programmée peut être réalisée en urgence antérieurement au terme initialement prévu.


Pertinence et opposabilité des RBP :

Les RBP sont normalement des synthèses de l’état de l’art et des données de la science à un temps donné, élaborées selon une méthode résumée dans l’argumentaire scientifique qui les accompagne et décrites dans le guide méthodologique de la HAS disponible sur son site à la rubrique « Elaboration de recommandations de bonne pratique, Méthode Recommandations pour la pratique clinique ».

La Haute Autorité de Santé a publié, en décembre 2010, un guide méthodologique d’élaboration des RBP, qu’on trouve également sur son site, décrivant le déroulement de l’élaboration d’une RBP :
- constitution du groupe de travail et du groupe de lecture,
- phase de revue systématique et de synthèse de la littérature,
- rédaction de la version initiale des recommandations,
- phase de lecture,
- phase de finalisation.

La pertinence d’une recommandation dépend du niveau de preuve scientifique fourni par la littérature classée en niveaux (le niveau 1 étant le plus fort, le niveau 4 traduisant des études comportant des biais importants) qui conduisent à donner aux recommandations un grade de pertinence :

- grade A : preuve scientifique établie,
- grade B : présomption scientifique,
- grade C : faible niveau de preuve.


Comme tout médecin, un gynécologue-obstétricien « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » en application de l’article R. 4127-32 du code de la santé publique (ancien article 32 du code de déontologie médicale).

Devant le juge, le débat a eu lieu sur le thème « données acquises de la science » versus « données actuelles de la science » : dans un arrêt du 6 juin 2000, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que l’obligation pesant sur un médecin est de donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins et qu’il n’y a pas lieu de se référer à la « notion erronée de données actuelles », laquelle est inopérante.

C’est également le sens de la loi Kouchner qui a introduit un nouvel article L. 1110-5 dans le code de la santé publique visant les « thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ».

L’état de l’art au moment du soin litigieux devra prendre en considération, en conséquence, diverses sources et, en pratique quotidienne, le médecin doit tenir compte d’une masse d’informations communiquées non seulement par ses professeurs, ses maîtres, pendant ses études, complétées par les connaissances acquises pendant les stages réalisés en milieu hospitalier notamment, mais également ses lectures des revues spécialisées, françaises et internationales, ce qu’il a retenu de ses participations aux congrès professionnels dans sa discipline, aux colloques y afférents, aux séminaires de formation professionnelle continue, aux enseignements post-universitaires ayant pour objet de divulguer les recommandations émanant des organismes parapublics et agences (Haute Autorité de Santé mais également Institut national du Cancer, Conseil supérieur de l’Hygiène Publique de France, Afssaps devenue l’Ansm pour les dispositifs médicaux et les médicaments, Comité Technique National des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins en hygiène, etc.) mais aussi des recommandations émanant des sociétés savantes.
Mais cette obligation est à mettre en œuvre en tenant compte également des dispositions de l’article R. 4127-8 du même code : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. […] Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

Dès lors, en cas de mise en cause de sa responsabilité professionnelle, le médecin devra convaincre ses pairs, systématiquement nommés pour conduire une expertise de sa prescription ou de ses choix et gestes pour le patient concerné. On passe alors de l’état de l’art médical à l’art judiciaire :

Quelle opposabilité en cas de procédure judiciaire :

L’état de l’art médical, en jurisprudence, est une notion très protéiforme.

Dans un monde parfait, on pourrait imaginer que l’état de l’art est une notion objective. Dans la réalité des hôpitaux et des palais de justice, chacun vient avec sa vérité, ses sources de ses banques de données préférées et l’évidence scientifique manque parfois d’évidence juridique.

On trouve alors des motivations de jugements et d’arrêts retenant ou écartant une pratique au bénéfice de commentaires variés. Quelques exemples :

- la Cour de Rennes a jugé, dans un arrêt du 8 octobre 2003 : « L’absence de consensus franc de la communauté médicale » ne peut conduire à la condamnation du médecin dès lors que sa décision « correspond aux pratiques médicales actuelles » ;

- « L’absence de consensus scientifique » ne permet pas la condamnation du médecin, a jugé la Cour de cassation le 25 novembre 2010 ;

- la Cour de Douai a pris en considération, dans un arrêt du 2 février 2006, les « recommandations du jury d’une conférence de consensus » pour condamner un médecin ;

- la Cour de Toulouse a visé, par arrêt du 18 janvier 2010, la violation du respect « des recommandations consensuelles » ;

- un médecin a été condamné par la Cour de Rouen, le 17 mars 2010, l’arrêt retenant qu’il « ne pouvait ignorer les recommandations de la Haute Autorité de Santé » ;

Bien sûr, les juridictions d’une manière constante visent « la littérature médicale », « la doctrine médicale diffusée et disponible », et les « études que le médecin ne pouvait ignorer en sa qualité de spécialiste ».

Une bonne décision doit être motivée, qu’elle soit médicale ou judiciaire. Il est regrettable que certains rapports d’expertise procèdent par affirmations péremptoires et ne citent pas les « recommandations professionnelles » qu’ils visent parfois sans en préciser l’auteur, la date, et surtout sans égard à la gradation de leur pertinence.

Il sera utile aux gynécologues-obstétriciens d’observer, à ce titre, le classement de ses recommandations par la HAS sur les indications de la césarienne programmée à terme : essentiellement de grade « C », donc de faible niveau de preuve, permettant aux praticiens une discussion scientifique au cas par cas, plus facile que pour les Recommandations de grade « A ».

Dans le cadre de la pratique de l’expertise judiciaire, la détermination de l’état de l’art, fondée sur une analyse des connaissances médicales avérées, devrait utilement respecter, dans la sélection des résultats de la recherche documentaire effectuée, une méthodologie rigoureuse qui pourrait s’inspirer de celle de l’analyse de la littérature en vue de la définition des recommandations.

Les experts nommés n’en ont pas toujours la compétence et, lorsqu’ils l’ont, certaines affaires et le niveau de rémunération qui leur est réservé, ne permettent pas systématiquement de se livrer à une méthodologie expertale et une analyse des publications et recommandations tracées, prouvées, mises à la disposition des parties et de la juridiction devant statuer.

C’est la raison pour laquelle il ne suffira pas à un gynécologue-obstétricien de critiquer par principe la recommandation en matière d’indication de la césarienne programmée mais il devra motiver son choix, le défendre par une analyse du bénéfice/risque pour cette patiente à cette date-là dans les conditions contemporaines à l’accouchement, avec discernement et références médicales à l’appui.

Une chose est certaine, le médecin devra, pendant l’expertise, être actif à la défense de ses choix thérapeutiques, avoir recherché lui-même les données expliquant sa prescription ou son geste, connaître parfaitement son dossier et se faire aider le cas échéant de confrères de sa discipline.

A noter : le Tribunal n’est jamais lié par les constatations du technicien qu’il a nommé et les conclusions d’un rapport d’expertise peuvent être écartées par un magistrat, en application de l’article 246 du code de procédure civile.

En conséquence, le débat demeure ouvert et possible, même après l’expertise contradictoire, même en présence de Recommandations de bonne pratique clinique de la Haute Autorité de Santé.

Gynéco Online - Mai 2012
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