Base de données - Rupture conventionnelle

Attention au contexte de la rupture conventionnelle !
Céline Hullin

Depuis la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, l’employeur et le salarié disposent d’un autre mode de rupture du contrat de travail. Ils peuvent, désormais, décider d’une rupture conventionnelle pour mettre fin d’un commun accord à la convention qui les lie sans recourir au licenciement ou à la démission. Ce dispositif présente l’avantage indéniable pour le salarié dont la rupture conventionnelle a été homologuée de bénéficier du versement des allocations d’assurance chômage en application de l’article L. 5421-1 du code du travail.
Toutefois, cette disposition permettant à l’employeur et au salarié de sortir du lien contractuel qui les unit doit respecter des conditions de fond et de forme, sous peine de voir la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi (DIRECCTE) refuser son homologation ou le salarié obtenir du Conseil de prud’hommes l’annulation de la convention et la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il n’existe, cependant, que peu de jurisprudence en ce domaine et encore moins de la Cour de cassation.
La rupture conventionnelle ne doit pas permettre à l’employeur de contourner ses obligations. En effet, sa conclusion ne saurait intervenir lors d’une période de suspension du contrat selon l’article L. 1226-9 du code du travail, à savoir lors d’un congé maternité, d’un arrêt imputable à un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (Circulaire DGT n° 2009-04 du 17 mars 2009 relative à la rupture conventionnelle d’un contrat à durée indéterminée).
Ainsi la Cour d’appel de Poitiers a, dans un arrêt du 28 mars 2012, annulé l’acte de rupture, le salarié étant en arrêt depuis 18 mois pour un accident du travail et la chronologie des faits démontrant que l’employeur tentait d’échapper à son obligation de reclassement (CA Poitiers, 28 mars 2012, Juris-Data n° 2012-006479).
De même, la Cour d’appel de Toulouse a jugé que, dès lors que l’employé a été victime de harcèlement moral, la convention de rupture conventionnelle devait être annulée, le salarié ayant le choix de quitter librement l’entreprise ou de rester et non uniquement celui de décider de la forme de son départ (CA Toulouse, chambre sociale 4, section 2, 3 juin 2011, Juris-Data n° 2011-011488). Il est donc très risqué d’engager une procédure de rupture conventionnelle dans un contexte conflictuel susceptible de déboucher sur un contentieux afférent au libre consentement des parties.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2012


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Rupture conventionnelle du contrat de travail : informations pratiques
Bertrand Vorms

La loi de modernisation du marché du travail du 25 juin 2008 a introduit, en droit social, une innovation en autorisant désormais la rupture du contrat « d’un commun accord » entre les parties.
Cette nouvelle voie, dite « rupture conventionnelle », obéit à un régime autonome dont l’objectif est, en particulier, de s’assurer que le salarié ne sera pas lésé, d’une part, et que, d’autre part, sa volonté d’interrompre la relation contractuelle n’a pas été viciée. Il est donc prudent de rappeler par écrit au salarié qu’il a la faculté de recueillir des informations et avis nécessaires à sa décision, notamment en contactant le service public de l’emploi.
Cette rupture obéit à une procédure qu’il convient de respecter :
Bien que, la plupart du temps, précédée de discussions informelles, la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail ne débute qu’à compter d’un premier entretien, qui peut être provoqué par l’employeur ou par le salarié, mais qui doit faire l’objet d’une lettre d’invitation à discuter de cette éventualité. Le salarié doit recevoir l’information qu’il a la faculté de se faire assister, à cette occasion, dans les mêmes conditions que lors d’un entretien préalable au licenciement. L’employeur ne peut être assisté par un représentant de son organisation patronale (à l’exclusion de qui que ce soit d’autre, notamment avocat, expert-comptable, etc.), qu’à la condition que le salarié le soit. La loi ne fixe pas de délai entre la date de la convocation et celle de l’entretien, mais il est recommandé de respecter plusieurs jours (pour mémoire, en cas de licenciement : cinq jours ouvrables minimum).
Ce rendez-vous a pour objectif d’engager des pourparlers et d’aborder les conditions, la procédure et les conséquences, en particulier pécuniaires, de cette rupture. Doit notamment être exposé au salarié :
- qu’il bénéficiera d’une indemnité au moins égale à l’indemnité de licenciement résultant de l’application de la convention collective (si celle-ci est supérieure à l’indemnité légale prévue par les articles L. 1234-9 et R. 1234-9 du code du travail),
- que la rupture conventionnelle lui ouvre droit à une couverture d’assurance chômage, dans les conditions de droit commun, et il est prudent de lui expliquer le mécanisme du délai de carence qui retarde sa prise en charge, compte tenu de la perception d’une indemnité de rupture conventionnelle.
En fonction de sa situation, il est également nécessaire d’aborder, le sort du droit individuel à la formation, l’instauration possible d’un délai de préavis, le devenir de l’éventuelle clause de non concurrence, des régimes complémentaires d’assurance maladie ou de prévoyance, celui des avantages en nature, etc.
Il est important, pour l’employeur, de conserver une trace des informations données, et il est souhaitable de remettre au salarié contre décharge, un document abordant ces différents points.
Ces questions peuvent également faire l’objet d’entretiens intermédiaires, dont l’employeur devra se ménager la preuve de l’existence et du contenu, avant que les parties ne constatent, à l’occasion d’un rendez-vous ultime, la persistance de leur accord pour mettre un terme au contrat, entériné par la signature d’une convention de rupture.
Aucun délai n’est fixé entre le premier et le dernier entretien, mais si les parties ne se rencontrent que deux fois, il est recommandé de prévoir un temps de réflexion minimum de huit jours, pour permettre au salarié, éventuellement, de se renseigner par lui-même.
La convention de rupture résulte obligatoirement de la signature d’un formulaire Cerfa (téléchargeable), qu’il convient de renseigner de manière exhaustive. Il doit être établi en trois exemplaires, chaque partie en conservant au moins un. A compter de la date de signature de ce document, s’ouvre un délai de rétractation de quinze jours calendaires (tous les jours comptent), ce dont le salarié doit avoir été informé, offrant la faculté à chacune des parties de renoncer à la rupture, sans avoir à invoquer de motif, sous réserve d’en aviser l’autre par lettre recommandée AR ou remise en mains propres contre décharge.
Passé ce délai de quinze jours, une demande d’homologation au Directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle doit être adressée par la partie la plus diligente par courrier RAR, auquel est annexé un exemplaire du formulaire de convention de rupture.
L’administration en accusera réception aux deux parties, précisant la date à laquelle le délai d’instruction de la demande d’homologation expirera. Elle dispose, en effet, de quinze jours ouvrables pour vérifier le respect des conditions légales et s’assurer de la liberté du consentement des deux parties. Le défaut de réponse vaut homologation implicite (sauf pour les salariés « protégés »). Au plus tôt le lendemain de cette homologation (expresse ou tacite), la convention de rupture est définitive et le contrat peut être résilié.
L’employeur doit remettre au salarié, au moment de son départ de l’entreprise :
- un certificat de travail,
- une attestation pôle emploi (ex attestation Assedic),
- un reçu pour solde de tout compte,
- le dernier bulletin de paie, accompagné du règlement correspondant à son salaire, augmenté de l’indemnité conventionnelle de rupture.
Dernière innovation : douze mois après l’homologation de la rupture conventionnelle, celle-ci devient incontestable puisque le délai de recours contentieux devant le Conseil de prud’hommes, seule juridiction compétente, est alors expiré.
Ce nouveau mode de rupture du contrat de travail connaît un succès certain puisque, selon les statistiques de la DARES, plus de 130 000 demandes ont été homologuées entre juin 2008 et juillet 2009, le taux de refus se situant aux alentours de 15 %.
Reste que la rupture conventionnelle n’est pas possible dans un certain nombre de situations (salarié dont le contrat de travail est suspendu pour motif lié à la maladie ou à la maternité, contrat à durée déterminée, existence d’un contentieux entre les parties, licenciement économique…), de sorte qu’elle doit être maniée avec prudence : l’annulation de l’homologation, par le Conseil de prud’hommes, permet au salarié d’obtenir la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, accompagné de l’allocation d’indemnités conséquentes.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2010


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Validité de la rupture conventionnelle : différend entre les parties et délais (Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 3 juillet 2013, n° 12-19268)
Céline Hullin

La Cour de cassation dans un arrêt du 3 juillet 2013 confirme sa position selon laquelle « l’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail […] » (en ce sens également Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 26 juin 2013, n° 12-15208).

Telle n’a pas toujours été la solution retenue par la juridiction suprême puisque dans un arrêt du 11 février 2009 elle cassait et annulait la décision rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence déboutant une salariée de ses demandes d’indemnités au titre de la rupture de son contrat de travail aux motifs qu’un différend opposait les parties sur l’exécution et la rupture du contrat (Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 11 février 2009, n° 08-40095). En effet, la Cour de cassation jugeait auparavant que ce mode de rupture n’était possible que lorsque le caractère consensuel était incontestable, ce qui ne pouvait être le cas en présence d’un litige entre l’employeur et l’employé.

 

Elle rappelle également que « L’article L. 1237-12 du code du travail n’instaure pas de délai entre, d’une part, l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d’autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l’article L. 1237-11 du code du travail […] ».

 

La convention de rupture peut donc être signée dès l’entretien préalable, le consentement des parties étant protégé par le délai de rétractation de quinze jours, prévu à l’article L. 1237-13 du code du travail, débutant à compter de la date de signature.
La Lettre du Cabinet - Janvier 2014


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