Base de données - Réparation

Complications d’une cure d’hypertrophie mammaire : l’hôpital n’est pas responsable, même sans information complète sur les risques
(Cour adm. d’appel de Lyon, 6ème ch., arrêt du 3 novembre 2009, n° 08LY00799)
Isabelle Lucas-Baloup

Intéressant arrêt en ce qu’il rappelle successivement quelques principes jurisprudentiels régulièrement mis en œuvre à l’hôpital public, à partir de la demande d’une patiente atteinte d’une hypertrophie mammaire bilatérale sur mastose fibro-kystique, qui, sur le conseil de son gynécologue et après consultation de plusieurs médecins, a décidé de recourir à une cure d’hypertrophie mammaire avec résection des zones de mastose, qui a notamment permis de vérifier l’absence de toute lésion suspecte de malignité ; l’intervention a été conduite dans les règles de l’art, mais les experts ont constaté une complication connue : hématome bilatéral prédominant du coté droit, qui a été correctement gérée de telle sorte que les mastodynies ont presque entièrement disparu. L’arrêt juge en conséquence qu’il n’existe aucune faute dans le suivi des soins et l’administration du service hospitalier et déboute la patiente en rappelant notamment :
- qu’il n’existe pas en cette matière d’obligation de résultat et que le CHU de Grenoble n’a pas engagé sa responsabilité du seul fait qu’une complication soit intervenue ;
- qu’un chirurgien n’est pas tenu de réaliser des clichés photographiques avant/après l’opération ;
- que, lorsque l’acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l’art, comporte des risques connus de décès ou d’invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que toutefois la faute commise par les praticiens de l’hôpital en n’assurant pas une information complète du patient n’entraîne pour celui-ci que la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé ; que la réparation du dommage en résultant doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis, compte tenu du rapprochement entre, d’une part, les risques inhérents à l’intervention et, d’autre part, les risques en cas de renoncement à ce traitement ; que, si l’expert a relevé que la patiente avait consulté plusieurs médecins, et notamment discuté avec le praticien qui l’a opérée, le CHU de Grenoble n’établit pas pour autant qu’une information sur les risques de complication lui aurait alors été fournie ; que, toutefois, alors que, d’une part, l’opération se justifiait par l’état de la patiente et n’était pas, contrairement à ce qu’il est allégué, purement esthétique, et que, d’autre part, la complication qui est survenue n’était pas sérieuse et pouvait être prise en charge de telle sorte que son état soit amélioré et que les séquelles soient extrêmement limitées, la patiente ne peut être regardée comme ayant perdu une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé si elle avait reçu une information complète ;
La patiente doit donc être entièrement déboutée de ses demandes contre l’hôpital.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Le refus de soins du patient ne peut réduire la réparation de son dommage (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 janvier 2015, n° 13-21.180)
Charlotte Paillet
Suite à deux interventions chirurgicales subies dans une clinique, un patient présente une hyperthermie indiquant un état infectieux. Deux jours plus tard, et contre les indications de son médecin, il quitte l’établissement pour retourner à son domicile. Le mois suivant, son état s’aggrave et une septicémie par streptocoque à l’origine d’atteintes secondaires à l’épaule, au foie et au cœur, est diagnostiquée. En l’absence de cause étrangère, l’établissement de santé engage sa responsabilité conformément aux dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.
La clinique demande à la Cour la réduction du préjudice : elle admet être responsable d’une partie du dommage, mais conteste être à l’origine de l’entier dommage, le refus de soins adopté par le patient sur le fondement de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique l’ayant aggravé. L’expert affirmait d’ailleurs dans son rapport que s’il avait été procédé immédiatement au traitement de l’infection, celle-ci se serait résorbée dans un délai de 15 à 30 jours. Selon la clinique, ce comportement est d’autant plus critiquable que la victime exerçait, au moment des faits, une profession de santé et avait par conséquent pleinement conscience de la nécessité des traitements et des risques encourus. Pour ces motifs, la clinique sollicite de la Cour d’être condamnée à payer uniquement l’indemnisation du préjudice résultant de l’infection nosocomiale « normalement traitée ».
Sur le fondement des articles 16-3 du code civil, L. 1142-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique, la Cour de cassation rejette les demandes de l’établissement de santé :
« Le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection. »
La Haute juridiction considère que si le patient a été amené à opposer un refus de soins, c’est uniquement parce qu’il avait en premier lieu contracté une infection relevant de la responsabilité de l’établissement. La Cour avait déjà adopté une position similaire : « l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 19 juin 2003, n° 00-22302). La Lettre du Cabinet - Septembre 2015


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