Base de données - Référé

Suspension en référé d’une autorisation délivrée à un établissement de santé par l’ARH
(arrêt Conseil d’État, 9 juillet 2007, n° 297001)
Benoît Marcheteau

Depuis 2000, le juge administratif est, à l’instar de son homologue de l’ordre judiciaire, doté d’importants pouvoirs en référé. Parmi ceux-ci, le référé-suspension a connu un franc succès auprès des justiciables dans la mesure où il permet, dans des délais très courts, de paralyser les effets d’une décision administrative par ailleurs contestée au fond. L’article L. 521-1 du code de justice administrative exige cependant que le requérant démontre qu’il existe une forte probabilité que l’acte de l’administration est entaché d’illégalité, et surtout que l’urgence justifie la suspension de celui-ci. Difficile à démontrer, cette dernière condition est remplie lorsqu’il est fait état d’une atteinte grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre (CE, Section, 19 janvier 2001, Conféd. nat. des radios libres). En revanche, le juge administratif évite en pratique de remettre en cause en référé les décisions des autorités sanitaires.
Il est donc intéressant de signaler un arrêt du 9 juillet 2007 aux termes duquel le Conseil d’Etat, à la demande d’une clinique, a prononcé la suspension de l’exécution d’une décision de l’ARH ayant autorisé une clinique concurrente à exercer l’activité de soins et de réadaptation fonctionnelle polyvalente.
Dans cette affaire, l’autorisation obtenue en 2006 par la clinique E. avait été contestée par l’établissement concurrent F., qui, après avoir lui-même déposé une demande en ce sens en 2005, puis en 2006, s’était vu opposer un refus par l’autorité administrative.
La Haute Assemblée fit droit par cet arrêt à la requête en référé-suspension en jugeant notamment que la condition d’urgence était bien remplie, eu égard au faisceau de circonstances suivantes : l’autorisation accordée à E. pour une durée de 5 ans, empêchait D. d’en obtenir une pendant le même laps de temps, selon la procédure normale, aucune des conditions pour pouvoir présenter une demande dérogatoire ne pouvaient en l’espèce être alléguée, la clinique requérante s’était conformée aux plages de demandes d’autorisation et n’avait fait preuve d’aucune négligence, la suspension de l’autorisation n’était pas de nature à porter atteinte aux intérêts de la santé publique. Tout est cependant question d’espèce, l’urgence étant appréciée au vu des circonstances précises des dossiers soumis au juge.
Qu’elle effraie ou qu’elle rassure, cette décision du Conseil d’Etat démontre que le référé-suspension est une arme redoutable eu égard aux effets concrets (« paralysie » d’un acte administratif) qui s’y attachent.
Les établissements de santé ne sont donc pas dépourvus de moyens juridiques face aux autorités sanitaires, comme le rappelle ici avec force le juge administratif.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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