Base de données - Redevance

Expertise sur le montant de la redevance entre clinique et médecins libéraux : demande de récusation tardive
(TGI de Tours, ordonnance de référé, 24 février 2009, Clinique de l’Alliance)
Isabelle Lucas-Baloup

Quatre anesthésistes s’opposent à une clinique au sujet du coût des prestations facturé par cette dernière. Un expert comptable est désigné en référé, procède à sa mission et présente aux parties un pré-rapport à la lecture duquel la clinique demande au juge de « constater l’incompréhension manifeste par l’expert désigné des problématiques particulières liées au fonctionnement d’un établissement de santé et, en conséquence, de constater qu’il n’offre pas les garanties de connaissance et de compétence suffisantes pour l’accomplissement de sa mission et de le récuser pour désigner un autre technicien. »
Le juge des référés rappelle que « la récusation doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée dès que la partie a connaissance de sa cause » et « que le désaccord de la clinique avec les avis de l’expert ne saurait constituer une cause de récusation », que la procédure installée avec légèreté par la clinique, peu après le dépôt du pré-rapport d’expertise, a manifestement un objet dilatoire, constitue un abus de procédure qui cause aux médecins un préjudice réparé par une indemnité à chacun d’entre eux.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


Mots clefs associés à cet article :
Anesthésie Clinique Expertise Médecins Récusation Redevance

Voir le contenu de l'article [+]
Forfait sécurité dermatologie (FSD) = 35 € : une référence pour la « redevance pour actes externes »
Isabelle Lucas-Baloup

Le FSD créé par la CCAM version 16, entrée en vigueur le 28 mai 2009, pourra servir d’élément de comparaison pour le calcul de la redevance pour « actes externes » dont la détermination oppose en ce moment de nombreux établissements aux opérateurs.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


Mots clefs associés à cet article :
Actes externes Forfait sécurité dermatologie (FSD) Redevance

Voir le contenu de l'article [+]
Harcèlement de la clinique pour augmenter la redevance contractuelle d’un chirurgien : manquement condamnable
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 13 mars 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Il est impossible d’écrire cette Lettre du Cabinet sans rencontrer une opportunité de commenter un ou plusieurs arrêts récents portant sur les relations économiques chroniquement conflictuelles entre médecins libéraux et cliniques privées et plus particulièrement sur le partage des coûts et charges des moyens et services offerts aux premiers.
En l’espèce, la clinique, qui prélevait une redevance forfaitaire convenue sur les honoraires médicaux en rémunération de l’encaissement de ceux-ci et de la mise à disposition des moyens techniques et humains nécessaires à l’activité professionnelle considérée, a fait savoir, par une lettre circulaire envoyée aux médecins, qu’elle facturerait désormais à leur coût réel les prestations fournies, en précisant que les refus entraîneraient la transmission des dossiers au conseil de l’ordre des médecins et une réduction des services rendus à proportion des sommes effectivement versées. Un chirurgien, contestant ces nouvelles modalités de calcul, a fait savoir qu’il mettait fin à ses interventions, sous préavis d’un an et a assigné la clinique en rupture fautive, après vaine tentative de conciliation.
C’est cette fois le chirurgien qui gagne, et, comme c’est la Cour de cassation qui condamne, je vous invite à lire intégralement les quelques alinéas décisifs : « Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir dit la clinique responsable de la rupture du contrat d’exercice et tenue d’en indemniser le préjudice aux conditions contractuellement arrêtées, alors, selon le moyen, que, lorsqu’un contractant résilie unilatéralement un contrat, sans avoir saisi la justice d’une demande en résiliation aux torts de son contractant, seul le comportement d’une gravité particulière de ce contractant justifie que la rupture du contrat puisse lui être imputée ; qu’en l’espèce, pour imputer la rupture du contrat à la clinique, la cour d’appel a considéré qu’en modifiant le contrat, elle s’était rendue coupable d’un manquement contractuel qui justifiait que lui soit imputée la rupture ; qu’en statuant ainsi, après avoir constaté que le chirurgien avait pris l’initiative de la rupture par un courrier (...), et n’avait pas saisi la justice d’une demande de résiliation du contrat aux torts de la clinique, sans relever l’existence d’un comportement d’une particulière gravité de la clinique, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1184 du code civil ; Mais attendu que la cour a relevé, outre l’acharnement de la clinique à adresser périodiquement au chirurgien les factures contestées, concrétisant ainsi sa décision de modifier unilatéralement une clause substantielle du contrat d’exercice, les tracas ainsi provoqués et peu compatibles avec la sérénité indispensable à l’activité chirurgicale, ainsi que le respect néanmoins par l’intéressé d’un préavis ; que de ces constatations, elle a pu déduire un manquement d’une gravité suffisante pour permettre au praticien de mettre licitement fin au contrat sans saisine préalable de la juridiction compétente ». La Cour de cassation confirme l’arrêt à titre principal, qu’elle ne casse qu’au regard des dispositions de l’arrêt ayant refusé au chirurgien le rachat de ses actions aux conditions contractuelles.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007
Voir le contenu de l'article [+]
Légalité du droit d'apport pour obtenir l'exclusivité
(Arrêt du 18 octobre 2005, Cour de cassation, 1ère chambre)
Isabelle Lucas-Baloup

Un néphrologue avait payé 900 000 F pour obtenir, dans un centre de dialyse, un contrat d'exclusivité. Trois ans à peine plus tard, le centre rompt le contrat d'exercice. La Cour d'appel juge que la résiliation n'était pas abusive, la faculté étant expressément ouverte à chacune des parties de mettre fin au contrat : une mésintelligence grave opposait le médecin et le centre, ce dernier ayant par ailleurs respecté le préavis stipulé.
Les magistrats d'Aix-en-Provence avaient aussi débouté le néphrologue de sa demande en restitution des 900 000 F. Le médecin soutenait que ce versement était illicite en ce qu'il ne lui assurait pas l'exclusivité de l'exercice de la néphrologie que les patients demeurant libres d'appeler un médecin de leur choix au sein du centre d'hémodialyse, ce qui, d'après le praticien, privait de cause à la contrepartie le paiement de l'indemnité.
La Cour de cassation confirme l'arrêt d'Aix-en-Provence en jugeant : "Il résulte des constatations faites que l'avantage concédé trouvait à s'appliquer chaque fois que le malade ne faisait choix d'aucun médecin, de sorte qu'il existait une contrepartie contractuelle".
Cet arrêt présente un intérêt général qu'il convient de souligner tout particulièrement, à une époque où les médecins rechignent à verser un droit en contrepartie des contrats d'exercice privilégié qu'ils sollicitent.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2005


Mots clefs associés à cet article :
Contrat Exclusivité Redevance

Voir le contenu de l'article [+]
Les assistants collaborateurs des masseurs kinésithérapeutes ne sont pas forcément des salariés
(Cour de cassation, ch. soc., 25 mars 2009, n° 07-44.069)
Isabelle Lucas-Baloup

Un assistant collaborateur libéral revendiquait la requalification de son contrat en salariat, en soutenant que le premier mettait à la disposition du second le cabinet et le matériel technique nécessaires à l’exercice de sa profession, moyennant des redevances mensuelles calculées sur le montant des honoraires perçus, la convention signée entre les deux interdisant à l’assistant collaborateur de se constituer une clientèle personnelle.
La Cour de cassation le déboute en reprenant les critères habituels caractérisant l’existence ou l’absence d’un lien de subordination. En l’espèce, le collaborateur n’exerçait pas son activité dans le cadre d’un service organisé, avec règlement intérieur, dans lequel il se serait intégré, mais dans un cabinet dont les modalités de fonctionnement avaient été discutées et définies dans un contrat conclu en 2001, les horaires de travail des deux masseurs kinésithérapeutes avaient été définis après concertation entre les parties et non imposées et l’assistant était immatriculé à titre personnel auprès de l’Urssaf. Ce dernier ne rapportait donc pas la preuve qu’il n’exerçait pas son activité en parfaite indépendance mais sous les ordres, les directives et le contrôle du senior, conditions indispensables pour relever du salariat.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
Voir le contenu de l'article [+]
Les redevances versées par les médecins ne sont pas exonérées de TVA
(Cour administrative d’appel de Douai, 2ème ch., arrêt du 27 mars 2007 (Cour administrative d’appel de Marseille, 4ème ch., arrêt du 29 mai 2007)
Isabelle Lucas-Baloup

Régulièrement, des cliniques et/ou des médecins tentent de plaider que les redevances que les seconds versent aux premières en contrepartie de la mise à disposition de moyens matériels et humains devraient être exonérées de TVA comme relevant de soins médicaux à la personne, eux-mêmes exonérés, position qu’avec constance et détermination la jurisprudence condamne.
Deux nouveaux exemples :
Le premier concerne une action dont la Cour administrative d’appel de Douai déboute la société demanderesse, spécialisée dans le traitement des malades du cancer, disposant des autorisations sanitaires nécessaires à l’acquisition des appareils et les mettant à la disposition de radiothérapeutes en contrepartie d’une redevance, aux termes du raisonnement ci-après : « Considérant qu’en vertu de l’article 256 du code général des impôts : « I. Sont soumises à la TVA les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. » Qu’aux termes de l’article 261 du CGI : « Sont exonérés de la TVA : (...) 4. (...) 1°bis les frais d’hospitalisation et de traitement, y compris les frais de mise à disposition d’une chambre individuelle, dans les établissements de santé (...) » ; Qu’aux termes de l’article 13 de la 6ème directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : « A. Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général : 1. Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : (...) b) l’hospitalisation et les soins médicaux, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées (...) » ; que l’exonération de l’hospitalisation, des soins médicaux et des opérations qui leur sont étroitement liées prévue par les dispositions précitées de l’article 13 de la 6ème directive a été instituée dans un but d’intérêt général, pour permettre un accès des patients aux soins hospitaliers ; que les dispositions précitées de l’article 261 du CGI, prises pour la transposition de cette directive, s’appliquent aux frais d’hospitalisation et de traitement supportés par les patients ; Considérant qu’il résulte de l’instruction que, dans deux centres qu’elle exploite, la société I-N met à disposition de praticiens spécialisés dans le traitement de tumeurs cancéreuses par radiothérapie, des appareils de radiothérapie ainsi qu’une assistance de personnel médical qualifié ; qu’en contrepartie de la mise à disposition par le contribuable de ces moyens techniques et en personnel, les praticiens s’acquittent d’une redevance calculée sur la base des honoraires payés par les patients ; que les honoraires acquittés par les patients, qui rémunèrent non seulement les actes de soins accomplis par les praticiens mais également le coût de la mise à disposition à ces médecins des locaux, matériels et personnels, sont exonérés de la TVA ; Considérant que la mise à disposition des moyens techniques et en personnel aux praticiens ne présente pas, en soi, la nature d’une hospitalisation ou de soins médicaux, ni celle d’une opération étroitement liée à l’acte de soin au sens de la 6ème directive dès lors que seul l’usage, dans l’exercice de son art par le médecin, des moyens techniques ainsi mis à disposition, fait l’objet d’un prix acquitté par le patient ; que la fourniture des moyens techniques à titre onéreux présente le caractère d’une opération taxable par nature au sein du I de l’article 256 du CGI ; que les dispositions de l’article R. 162-33 du code de la sécurité sociale relatif à la composition des tarifs d’hospitalisation invoquées par le contribuable sont sans incidence sur le bien fondé de l’imposition au regard de la loi fiscale, seule applicable ; qu’ainsi qu’elle l’indique elle-même la société I-N se trouve placée dans une situation différente des centres de radiologie-scanner dont le prix des forfaits techniques, directement acquitté par le patient, est exonéré ».
Deuxième arrêt : la Cour administrative d’appel de Marseille rejette la requête d’une clinique prétendant ne pas soumettre à TVA les redevances perçues de ses médecins. L’arrêt reprend approximativement les mêmes arguments : « Considérant que la redevance forfaitaire litigieuse reversée par les praticiens constitue la contrepartie de la mise à leur disposition des moyens nécessaires au suivi administratif et comptable de leur activité dans l’établissement ainsi qu’à l’exercice, de manière générale, de leur art, tels que matériels, locaux et personnel ; que la Clinique ne donne aucun élément précis concernant les modalités de fixation des redevances forfaitaires demandées aux praticiens de nature à établir qu’elles correspondraient à des prestations de services s’inscrivant dans le cadre précis de la fourniture des services d’hospitalisation et de soins à des malades et constituant des étapes indispensables dans le processus de ces services pour atteindre les buts thérapeutiques poursuivis par ces derniers ou correspondraient, même en partie, à une facturation de frais d’hospitalisation ou de soins dont l’établissement n’aurait pas déjà obtenu le remboursement par le biais des recettes, exonérées de TVA, qu’elle a directement perçues des patients ; (...) que le système mis en place par les autorités compétentes en matière de tarifs et de remboursements des frais d’hospitalisation et de soins n’oblige pas, contrairement aux allégations de la requérante, à regarder les prestations couvertes par la redevance litigieuse comme des accessoires indissociables de l’hospitalisation elle-même et comme entrant dans l’opération globale d’hospitalisation ; que par suite les sommes ainsi reversées au titre de prestations de service rendu par la clinique aux praticiens ne peuvent être regardées comme entrant dans le champ d’exonération visé aux articles 13 A § 1b) de la 6ème directive et 261-4-1° du code général des impôts et doivent être soumises à la TVA en vertu des dispositions du I de l’article 256 dudit code ».

La Lettre du Cabinet - Septembre 2007


Mots clefs associés à cet article :
Médecins Radiothérapie Redevance Statut fiscal TVA

Voir le contenu de l'article [+]
Locaux mis à disposition par la Clinique aux Médecins : bail ou pas ?
(Cour d’appel de Rouen, arrêt du 7 octobre 2010, Clinique des Ormeaux ; Cour de cassation, 3ème ch. civ., arrêt du 14 septembre 2010, Clinique du Libournais)
Isabelle Lucas-Baloup

Le sujet a généré déjà de la jurisprudence et çà continue : il convient d’être extrêmement vigilant aux mots utilisés lorsqu’un établissement de santé privé met à la disposition de médecins des locaux pour l’exercice de leur spécialité, en présence d’un contrat d’exercice libéral, écrit ou verbal.


Dans la première affaire, la redevance fixée par l’assemblée générale de la Clinique était fixée pour les actes facturés via le bordereau 615 (aujourd’hui S 3404) et prévoyait « un loyer pour la mise à disposition des locaux sans mise à disposition de personnel ».


Contrairement à ce qu’avait jugé le tribunal d’instance du Havre, il existait donc un bail verbal concernant les locaux à usage professionnel, indépendamment du contrat d’exercice libéral. La Cour de Rouen juge en conséquence que le tribunal d’instance était compétent, alors que ce dernier avait renvoyé la cause devant le tribunal de grande instance.


On connait les conséquences du bail professionnel : sa durée, son renouvellement relèvent d’un statut d’ordre public. Si la Clinique est fondée alors à facturer « un loyer » (et non une indemnité d’occupation pour la mise à disposition de locaux accessoires au contrat d’exercice libéral), en revanche elle perd sa liberté de récupérer les locaux du seul chef de la résiliation du contrat d’exercice libéral. Elle peut donc se retrouver, en attendant l’expiration de la durée en cours du bail professionnel, tenue de respecter la présence d’un médecin qui pourra continuer à consulter dans les lieux, alors que son contrat d’exercice libéral a été résilié…


Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, la situation contractuelle entre la Clinique et le médecin avait été déstabilisée par une cession du fonds de commerce de la Clinique, sans reprise des conventions d’exercice antérieurement conclues. Les Hauts magistrats confirment l’arrêt de la Cour de Bordeaux et jugent que « le praticien se trouvant maintenu dans les lieux à compter du 26 février 2002 et continuant de bénéficier de certains services, une convention locative s’était ainsi nouée entre les parties, et la Clinique, en désaccord avec sa locataire sur le montant d’un nouveau loyer, avait, en la changeant de local dans des conditions anormales, en la privant des services annexes qui lui étaient, jus-qu’à cette date, assurés et en lui notifiant, le 9 juillet 2004, d’avoir à quitter les lieux au plus tard le 1er septembre suivant, a manqué à ses obligations contractuelles et en devait réparation. » Le médecin reçoit donc des dommages-intérêts.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2010


Mots clefs associés à cet article :
Bail Clinique Locaux Loyer Redevance

Voir le contenu de l'article [+]
Redevance : quelques précisions jurisprudentielles
Bertrand Vorms

La redevance n'est licite qu'à la condition que les dépenses, qui en constituent la contrepartie, correspondent, tant par leur nature que par leur coût, à un service rendu au médecin et qu'elles ne soient pas couvertes par les tarifs versés par les caisses d'assurance maladie (notamment Cass. civ. 1ère, 5 novembre 1996, RD sanit. soc. 1997. 338).
Cette position de la Haute juridiction, fondée sur l'article L. 4113-5 du code de la santé publique, n'a pas tari le contentieux, nombre de questions restant en suspens :

1. Quid de la distinction coût du service/valeur du service ?

Le 20 mai 2003 (Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, Juris-Data n° 019207), la Cour de cassation s'est prononcée sur la question de la légitimité de la répercussion, sur les médecins, du coût d'une prestation estimée, par expertise judiciaire, excessive au regard de sa valeur : une clinique mettait à la disposition de radiologues l'intégralité des matériels qu'elle-même louait auprès de deux sociétés. Les médecins payaient une redevance à leurs yeux trop élevée (75 % de l'intégralité de leurs honoraires, initialement, ramenée à 50 % de ceux générés par l'activité d'échographie) et avaient obtenu la désignation d'un expert-comptable, chargé de s'assurer que le montant payé était en adéquation avec le coût des prestations fournies.
L'établissement produisait, comme justificatifs, les factures réglées par lui. L'expert, ayant constaté que les sociétés loueuses étaient animées par le couple propriétaire de la clinique, et qu'elles lui refacturaient, annuellement, plus d'un tiers de la valeur d'achat des matériels, conduisant à leur amortissement sur 3 ans, a considéré que la valeur du service était manifestement surévaluée. La juridiction de première instance, puis la Cour d'appel, ont alors condamné la clinique à rembourser aux radiologues l'excédent.
La Cour de cassation censure cette décision, en reprochant aux juges du fond d'avoir retenu des motifs "qui ne prennent pas en compte les montants établis des loyers supportés par la clinique pour mettre le matériel radiologique à la disposition des praticiens, alors que la redevance n'est indue qu'autant qu'elle excède le coût réel des dépenses effectivement engagées".
Que doit-on en conclure : que les juges, saisis sur le fondement de l'action en répétition de l'indu, n'ont pas à se prononcer sur le caractère légitime ou non des dépenses supportées par la clinique dès lors qu'elle en justifie.

2. Une redevance sous-évaluée est-elle possible ?

Un établissement de santé s'était engagé à mettre à la disposition d'un médecin des moyens, en contrepartie d'une redevance maximale de 10 % des honoraires. Croyant pouvoir s'appuyer sur la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la nécessité d'aligner la redevance sur le coût réel des services, la clinique avait facturé des montants excédant le plafond convenu.
Le praticien l'a assignée en résiliation de son contrat, aux fins d'obtenir des dommages et intérêts, arguant d'une violation d'une de ses clauses essentielles, ce dont il fut débouté.
La clinique avait, quant à elle, demandé aux juges du fond de lui donner raison, puisqu'elle démontrait supporter, pour le compte du médecin, des dépenses supérieures aux prévisions contractuelles. La Cour d'appel de Rennes ne lui ayant pas donné satisfaction, elle a saisi la Cour de cassation, qui a rejeté son pourvoi par arrêt du 20 mai 2003 (Cass. 1ère civ., 20 mai 2003, Juris-Data n° 019030), en soulignant que :
"Si, en dérogation de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique, dont le but est la protection du médecin contre l'atteinte à la rémunération de son activité, le partage de ses honoraires avec une personne ne remplissant pas les conditions requises pour l'exercice de sa profession est permis, dans la seule mesure où la redevance ainsi réclamée correspond exclusivement, par sa nature et son coût, à un service rendu au praticien, la volonté des parties leur permet néanmoins de convenir d'un prix inférieur." La Haute juridiction semble donc redonner ses pleins pouvoirs à l'autonomie de la volonté des parties. Son raisonnement ne peut être critiqué dès lors que, manifestement, elle n'était saisie que sur le fondement de l'article L. 4113-5 du code de la santé publique, protecteur de l'indépendance du praticien. Les dirigeants des cliniques pourront s'en désoler, cette décision renforçant le déséquilibre existant dans leurs rapports avec les médecins, puisque :
- si la redevance est surévaluée, le praticien a la faculté de demander sa réduction, alors que, si elle est sous-évaluée, la clinique ne peut, aux termes de cet arrêt, arguer de la nécessaire adéquation de la redevance au coût des services rendus, pour exiger sa réévaluation ;
- le délai de prescription de l'action en remboursement du médecin est de 30 ans, alors que la clinique, si elle réunit les conditions juridiques pour imposer une augmentation, ne peut réclamer un complément que sur une période maximum de cinq ans (art. 2277 du code civil).
Relevons, néanmoins, qu'il n'est pas certain que la décision de la Cour de cassation aurait été identique si elle avait été saisie sur le fondement de l'article L. 4113-6 du code de la santé publique, qui interdit le fait, pour tout médecin, de recevoir "des avantages en nature en espèce, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des entreprises assurant des prestations, produisant ou commercialisant des produits pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale", même s'il n'existe pas de jurisprudence publiée sur cette question.

3. Que couvrent les tarifs alloués aux cliniques ? La question des recettes en atténuation :

La Cour d'appel de Montpellier, statuant comme juridiction de renvoi, après censure, par la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 5 novembre 1996 précité), de la décision qu'elle avait rendue le 31 mai 1994, s'est prononcée, par arrêt inédit et pour la première fois à notre connaissance, sur la question de ce qu'il est convenu d'appeler les "recettes en atténuation".
Dans ce litige, des anesthésistes-réanimateurs soutenaient que l'essentiel des prestations que leur fournissait la clinique étaient couvertes par les différents tarifs versés par les caisses d'assurance maladie. Ils en concluaient qu'elles ne pouvaient, dès lors, leur être refacturées. L'établissement, quant à lui, affirmait que les tarifs étant volontairement amputés, au moment de leur fixation, par les organismes sociaux, ils n'avaient pas vocation à l'indemniser, intégralement, du coût des services dont bénéficiaient les praticiens.
L'article R. 162-33 du code de la sécurité sociale prévoit, en effet, que :
"Les tarifs d'hospitalisation et de responsabilité doivent tenir compte du fait qu'une part des frais professionnels des praticiens et auxiliaires médicaux normalement couverte par les honoraires est supportée par l'établissement, notamment par la mise à la disposition de personnels, locaux et matériels".
Sur ce fondement, les autorités tarifaires considèrent qu'il appartient aux cliniques de percevoir des médecins une redevance pour parvenir à un équilibre budgétaire, les seuls tarifs alloués n'ayant pas vocation à le permettre. C'est ce qui ressortait de la circulaire de la CNAMTS du 14 septembre 1994, encore aujourd'hui, utilisée en cas de création d'un établissement. Cela apparaît, également, à la lecture de la circulaire ministérielle (DHOS/F3/2002/409) du 18 juillet 2002, relative aux fonds pour la modernisation des cliniques privées, en particulier de son annexe II.
En l'espèce, la longue expertise judiciaire a permis de constater que la caisse compétente avait pris en compte, pour la fixation des forfaits de l'établissement, des recettes devant provenir de la participation financière des praticiens "dans une proportion supérieure à celle appliquée aux anesthésistes par la clinique". La Cour a donc jugé que la redevance était légitime, quand bien même l'essentiel des prestations fournies par la clinique aux anesthésistes "sont comprises dans le forfait de salles d'opération et donc prises en charge par les organismes sociaux au titre des tarifs de responsabilité", en considérant que "cette prise en charge n'est pas totale, par application de la règle des recettes en atténuation".
Les organismes sociaux estiment, en effet, que la participation des médecins doit couvrir l'ensemble des frais supportés par l'établissement en leurs lieu et place, puisqu'ils sont déjà payés via leurs honoraires à ce titre. Les recettes attendues par l'établissement à cette fin doivent donc figurer à son budget.
Est-ce à dire que, systématiquement, les établissements de santé sont fondés à facturer aux médecins une redevance minimale de 10 % de leurs honoraires ? Cela constituerait, nous semble-t-il, une conclusion contestable. Encore faudra-t-il à la clinique démontrer qu'elle ne perçoit pas des sommes concourant à atteindre le seuil théorique de 10 % préconisé par la circulaire CNAM… qui n'a pas valeur législative.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2004


Mots clefs associés à cet article :
Redevance T2A

Voir le contenu de l'article [+]
Redevance des biologistes aux cliniques privées
(TGI Paris, ord. de référé, 10 juillet 2014)
Isabelle Lucas-Baloup

   L’ordonnance prononcée pendant l’été par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris mérite d’être reproduite partiellement, en raison de ses conséquences pratiques dans les relations laboratoires de biologie médicale/établissements de santé privés :

   « La SA Orpéa exploite des résidences pour personnes âgées et des cliniques en France. Elle a lancé le 11 mars 2014 un appel d’offres privé auprès des laboratoires de biologie médicale aux fins de sélectionner ceux qui seraient amenés à effectuer des prestations dans les maisons de retraite et les cliniques. Les syndicats reprochent à Orpéa d’avoir sollicité de la part des laboratoires des ristournes, alors que celles-ci sont interdites par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique. (…) Il résulte des pièces produites que le 11 mars 2014, Orpéa a lancé un appel d’offres à destination des laboratoires de biologie médicale et il lui est reproché d’avoir adressé un mail aux pétitionnaires rédigé en ces termes : « Afin que votre offre soit complète, merci de bien vouloir, s’il vous plaît, préciser le pourcentage de redevance prévu. ». Les syndicats en concluent qu’en formant cette demande, Orpéa viole les dispositions de l’article L. 6211-21 du CSP en ce qu’elle sollicite de la part des laboratoires des ristournes, alors que celles-ci sont prohibées, les tarifs devant être exclusivement facturés au tarif de la nomenclature des actes de biologie médicale, comme le rappelle expressément le ministère des affaires sociales et de la santé dans un courrier du 4 octobre 2013 produit aux débats. Orpéa réplique qu’elle n’a jamais sollicité de ristourne, mais qu’elle a demandé le pourcentage de redevance offert pour répondre aux services qu’elle propose aux laboratoires en application de l’article 11 du cahier des charges de l’appel d’offres. (…) Il est expressément précisé au cahier des charges que le montant de la redevance sera fixé d’un commun accord entre la SA Orpéa et le laboratoire. Le pourcentage de redevance, tel que sollicité a priori par Orpéa, ne peut donc pas être la contrepartie des services rendus, puisque ceux-ci ne sont pas connus, ni chiffrés, établissement par établissement, ce qui ne met pas en mesure le laboratoire pétitionnaire de préciser le montant de la contrepartie financière des services rendus. (…) Orpéa réplique qu’une régularisation mensuelle, trimestrielle ou annuelle de la redevance s’effectuera en fonction du coût effectif des prestations rendues en cours d’année. Mais cette régularisation n’est pas prévue au cahier des charges. Il n’y est pas plus fait allusion par Orpéa lorsqu’elle a sollicité des laboratoires qu’ils indiquent le pourcentage de la redevance qu’ils proposaient. »

 

   L’ordonnance poursuit sa motivation : « La demande du pourcentage de redevance, telle qu’elle a été formulée, sans aucune réserve et sans autre précision, s’apparente en conséquence à une demande de ristourne, d’autant que le cahier des charges indique expressément que la redevance sera fixée d’un commun accord entre Orpéa et le laboratoire, et non uniquement par le laboratoire, avant même que sa candidature soit retenue à la suite de l’appel d’offres. (…) La violation de la loi portant réforme de la biologie médicale constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser. (…) Le juge des référés peut imposer à Orpéa de ne pas signer de convention nouvelle qui porterait la mention d’un taux de redevance qui ne serait pas la contrepartie de services rendus précisément définis. »

 

   C’est ce que décide la Présidente du Tribunal, en se fondant sur les articles L. 6211-21 et L. 4113-5 du CSP.

 

   Une décision dont devront tenir compte les cliniques et les biologistes dans la fixation du montant de redevances qui ont souvent été surévaluées en biologie, lorsque la clinique fournit peu de prestations réelles, ou lorsqu’elle loue, avec un bail, les locaux dans lesquels est installé le laboratoire, qui paie en contrepartie déjà un loyer et des charges. La redevance a alors pour principale contrepartie la gestion des honoraires en tiers payant pour les patients hospitalisés ou ambulatoires, ce qui, lorsque la prestation est forfaitisée, ne dépasse guère 5%. 

 

   Il peut être utile de rappeler ici que le Conseil d’Etat avait, par arrêt du 7 mai 2013 (n° 364833) déjà jugé qu’en dehors des exceptions prévues par le code de la santé publique, la facturation des examens de biologie médicale n’est susceptible de donner lieu à aucune forme de remise de la part des entités en assurant l’exécution. « Dès lors, lorsqu’un pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence afin d’attribuer un marché de prestation d’analyses médicales, le critère du prix des prestations prévues par la nomenclature des actes de biologie médicale est dépourvu de toute pertinence pour départager les offres. », pour confirmer une ordonnance de référé du Tribunal administratif de Paris annulant une procédure d’appel d’offres en prestations d’analyses de biologie médicale lancée par le département et la ville de Paris.

 

   Les biologistes qui ont payé des redevances supérieures au coût réel des prestations fournies par l’établissement de santé privé peuvent agir en répétition du trop-perçu par la clinique à ce titre, et ainsi obtenir le remboursement de l’indu pendant les 5 dernières années, comme tout praticien peut le faire en ce qui concerne sa propre redevance. Le juge saisi vérifie alors si les prestations correspondent bien, tant par leur nature que par leur coût, à un service rendu au médecin, et si le coût de tout ou de certaines d’entre elles n’est pas assumé par un organisme de sécurité sociale et ce quand bien même serait fixé dans le contrat d’exercice une clause d’évaluation forfaitaire de la redevance, exprimée en pourcentage du montant conventionnel des actes médicaux effectués.

 

   Une expertise est souvent ordonnée.

 

   Cf. par exemple : Cour d’appel Orléans, 2 décembre 2013, n° 12/03286.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014
Voir le contenu de l'article [+]
Redevance des biologistes aux cliniques privées
(Cour d'appel de Paris, pôle 1. ch. 2, arrêt du 9 juin 2016, n° 374)
Isabelle Lucas-Baloup

    Redevance autorisée ou ristourne/remise prohibée ? Entre le possible et l’illégal… Là est la question, question de mesure et de contreparties, question aussi de vocabulaire, de termes manifestement dévoyés, selon qu’on y met de la déontologie ou de la politique de santé, de l’équilibre économique, ou encore du contractuel qui tente de respecter des ordonnances réformant la biologie et des lois qui les annulent puis d’autres les restaurant, le tout en quelques années perturbées, bref le droit ou l’interdiction de payer quelque chose et combien à un établissement de santé quand on est biologiste c’est pas facile à déterminer. Alors, quand la jurisprudence s’en mêle (en deux mots mais pas toujours), on ne peut s’empêcher de regarder de plus près, vous vous souvenez de Michel Audiard « quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute »…

 

   La Cour de Paris vient de donner raison à plusieurs syndicats de biologistes qui avaient contesté, avec succès déjà en référé (voir notre précédent commentaire dans La lettre du Cabinet de septembre 2014) les demandes de la société Orpéa, dans le cadre d’un appel d’offres. L’arrêt, rendu le 9 juin 2016,  retient : « En demandant aux laboratoires de biologie de lui proposer à l’avance un pourcentage de redevance à lui rétrocéder, alors même que les prestations et services n’ont pas encore été rendus et que seul l’établissement concerné est en mesure de communiquer le coût de ces services permettant aux parties de fixer le montant de la redevance, la SA Orpéa a manifestement sollicité une ristourne prohibée par l’article L. 6211-21 du code de la santé publique alors que la facturation des examens de biologie médicale n’est susceptible de donner lieu à aucune forme de remise, sauf exceptions prévues dans le CSP de la part des entités en assurant l’exécution. »

 

   Redevance, ristourne, remise… en quelques lignes on saisit que les affaires qui vont être jugées ensuite ne seront pas simplifiées par cette jurisprudence qui pourtant interpelle les acteurs du marché de la biologie médicale en établissements de santé et le sujet continue à occuper les esprits concernés, diverses juridictions et autres chambres disciplinaires tant de l’Ordre des pharmaciens que des médecins devant trancher entre des positions antagonistes, chacun reprenant au soutien de son dossier certaines des grandes étapes protéiformes qui ont précédé le droit actuel, notamment :

 

§  L’article L. 6211-21 du CSP, dans sa version postérieure à la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 : « Sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de groupements hospitaliers de territoire et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale. ».

 

§  On se souvient que l’ancien article L. 6211-6 du CSP, abrogé par l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale, autorisait les laboratoires à consentir des ristournes sur les tarifs de la nomenclature dans le cadre de conventions passées notamment avec les établissements de santé publics ou privés, ce qui permettait indirectement des économies pour l’assurance maladie de près de 50 millions d’euros d’après le ministère de la santé cité par Mme Ségolène Neuville, député, dans son rapport n° 724 (Assemblée Nationale) du 13 février 2013 au nom de la Commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant réforme de la biologie médicale, commentant le « retour aux ristournes » adopté par l’article 58 de la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012.

 

§  Ce rapport contenait par ailleurs, en page 39, une affirmation bien intéressante sur la portée de la énième réforme : « On peut s’interroger sur l’effet de cet article sur les contrats en cours. En l’absence de disposition spécifique, le principe qui s’applique en matière contractuelle est la survie de la loi du contrat. Toutefois, le renouvellement d’un contrat en cours s’opère en principe dans les conditions prévues par la loi du jour où il intervient. En l’espèce, les ristournes accordées en vertu de contrats signés alors qu’elles étaient autorisées, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2010, ainsi que dans la période courant entre l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi, doivent pouvoir continuer à être pratiquées jusqu’à l’expiration de ces contrats. ». Dont acte Madame le Député : les contrats à durée indéterminée signés dans ces conditions peuvent perdurer après l’entrée en vigueur de la réforme de la biologie médicale par la loi n° 2013-442 du 30 mai 2013 dont l’article 6 a de nouveau prohibé les ristournes dans la rédaction nouvelle de l’article L. 6211-21 susvisé.

 

§  Mais l’encadrement est bien moins libéral que celui envisagé par M. Michel Ballereau dans son Rapport à Mme Roselyne Bachelot alors ministre de la santé, du 23 septembre 2008, qui commentait « La suppression des ristournes », en son § 6.1. par : « Cette suppression des ristournes pour la biologie médicale n’emporte pas pour autant la suppression de toute négociation financière lors du passage d’une convention entre établissements de santé et laboratoires de biologie médicale privés ou publics ou entre laboratoires de biologie médicale, privés, publics ou publics et privés. De nombreux sujets peuvent faire l’objet de discussions et de négociations comme le transport des échantillons biologiques ou encore leur conservation, […]. »

 

§  L’indignation de certains fut telle qu’une question prioritaire de constitutionnalité a été posée, sur requête de la Selas Bio Dômes Unilabs, par le Conseil d’Etat (7ème sous-sect, 1er octobre 2014, n° 382500) au Conseil constitutionnel aux fins de savoir si le nouvel article L. 6211-21 ne porte pas atteinte notamment à la liberté d’entreprendre ; ce à quoi « les sages du Palais Royal » ont répondu par la négative le 5 décembre 2014 (QPC n° 2014-434) en retenant que « ces dispositions n’entraînent pas une atteinte à la liberté d’entreprendre disproportionnée au regard des objectifs poursuivis ». Ernest Hemingway a raison : « La sagesse des vieillards, c’est une grande erreur. Ce n’est pas plus sages qu’ils deviennent, c’est plus prudents. »

 

§  Pendant ce temps-là, à Luxembourg, la 9ème chambre du Tribunal de l’Union Européenne juge l’affaire T-90/11 - qui oppose l’Ordre national, le Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens et le Conseil central de la section G du même ordre, à la Commission Européenne, sur plainte initiale soutenue par Labco, dans le cadre d’une demande de réduction de l’amende de 5 millions d’euros infligée à l’Ordre français par la Commission, en sanction de l’infraction commise à l’article 101 du TFUE pour avoir pris des décisions ayant pour objet d’imposer des prix minimaux sur le marché français des analyses de biologie médicale et des décisions visant à imposer des restrictions au développement des groupes de laboratoires sur ce marché -, et prononce son célèbre arrêt du 10 décembre 2014, de 65 pages dans la version française, dont je recommande la lecture intégrale (sur http://curia.europa.eu) à quiconque s’intéresse au droit de la concurrence en matière de biologie médicale en France, le format de la présente Lettre du Cabinet ne me permettant pas d’en extraire tous les attendus parfaitement utiles à la réflexion qui nous occupe.

 

§  Le 26 janvier 2016, les députés Jean-Louis Touraine et Arnaud Robinet ont déposé leur Rapport d’information de la Commission des affaires sociales (Assemblée Nationale, n° 3441), dans lequel on peut notamment lire que « Les dérogations à l’interdiction des ristournes constituent encore une pierre d’achoppement » et « une question qui fait encore débat », mais les rapporteurs « n’estiment pas nécessaire de revenir sur une disposition dont les enjeux ont été largement débattus lors de l’examen de la loi de 2013 ». Ils ajoutent (page 38) que « certains marchés publics conclus avant l’entrée en vigueur de la loi courent toujours : de facto, les établissements de santé bénéficient toujours des ristournes préalablement négociées. Cette situation tend à se normaliser au fur et à mesure des renouvellements de marchés. ». Dont acte à nouveau et merci pour eux MM. les Députés.

 

   Les laboratoires de biologie médicale sont exploités par des pharmaciens et des médecins, qui relèvent, en France, d’institutions ordinales différentes. Il est interdit par la déontologie des médecins de consentir « toute ristourne en argent ou en nature, toute commission à quelque personne que ce soit » (article R. 4127-24 CSP), mais néanmoins les spécialistes qui interviennent en établissements de santé privés sont autorisés à payer à l’établissement de santé dans lequel ils interviennent, une redevance, licite à la condition que les dépenses, qui en constituent la contrepartie, correspondent, tant par leur nature que par leur coût, à un service rendu au médecin et qu’elles ne soient pas couvertes par les tarifs versés par les caisses d’assurance maladie, notamment dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A) (jurisprudence constante depuis un arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 1996, RDSS 1997, 338) et nombreux arrêts visant l’article L. 4113-5 du code de la santé publique. L’indépendance professionnelle du médecin pas plus que la qualité des soins qu’il prodigue ne sont par principe compromises parce qu’il règle périodiquement à la Clinique où il exerce une facture pour son occupation des locaux et du personnel mis à sa disposition, comme des consommables qu’il utilise.

 

   La Cour de cassation a même validé le paiement d’une indemnité, un droit d’apport ou droit d’entrée, en contrepartie de la signature d’un contrat conférant l’exclusivité de sa discipline au médecin spécialiste concerné.

 

   Les mêmes opérations sont considérées, si le spécialiste exerce la biologie médicale, au contraire comme des contraintes financières ou commerciales prohibées par l’article R. 4235-18 du CSP s’il est pharmacien, parce que « portant atteinte à son indépendance »…

 

   Ainsi, ce qui est obligatoire pour un médecin spécialiste non biologiste exerçant dans un établissement de santé privé, serait interdit en droit de la biologie ? Cela est contestable, puisque la facturation des actes de biologie au tarif de la nomenclature par le LBM n’empêche pas ce dernier qui respecte l’article L. 6211-21 en ne concédant aucune « ristourne » ou « remise » sur le tarif de la nomenclature, à payer à l’établissement la contrepartie des moyens qu’il met à sa disposition pour exercer son art libéral, comme le font les autres médecins en toute légalité, contrôlée via des expertises judiciaires lorsque le montant de la redevance apparaît s’éloigner du coût réel des prestations dont ils bénéficient. La remise, ou la ristourne, constituent des actes aujourd’hui prohibés, mais la prise en charge par un LBM du coût des prestations que lui sert l’hôpital privé ne constitue pas par principe une remise ni une ristourne sur le tarif de la nomenclature, il convient de distinguer avec discernement les définitions respectives et de requalifier parfois des opérations légalement mises en œuvre mais mal dénommées.

   D’une manière générale, la « ristourne » est une diminution du prix convenu, que le droit du commerce connait bien (cf. circulaire du 16 mai 2003 relative à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs), c’est aussi une restitution partielle du prix payé, souvent qualifiée en droit de affaires de « marge arrière ». Le droit de la concurrence analyse en permanence les différentes techniques de promotion qui ont pour objectif d’accroître le chiffre d’affaires d’une entreprise et la réglementation est sous-tendue par deux principes essentiels : la liberté des prix et la loyauté de la concurrence (cf. JurisClasseur Concurrence, fasc. 905 : Promotion des ventes par les prix), alors que les « rabais ou remises » désignent généralement les diminutions de prix consenties en faveur des consommateurs. Singulièrement, ristournes, rabais et remises sont employés dans le débat concernant les relations entre biologistes et établissements de santé avec une confusion qui ignore la réalité de la « cause » au sens juridique du terme de la convention passée, alors que les innombrables débats judiciaires sur la « redevance » ou la « participation aux frais » supportée par les autres spécialistes (= non biologistes) au sein des mêmes établissements de santé privés, n’ont pas été pollués par cette confusion…  

 

    Quid du coût de la gestion des bordereaux de facturation S 3404 par les établissements de santé privés, du suivi du paiement, des éventuelles relances des caisses tiers payants et de la distribution des honoraires via le compte mandataire de la Clinique si elle en est chargée ? La redevance est souvent justifiée, à la hauteur de son coût réel, même s’il est pour des raisons pratiques forfaitisé, avec l’aval de la Cour de cassation.

 

   Toute relation économique entre un laboratoire de biologie médicale et un établissement de santé ne relève pas de la concurrence déloyale ni de l’atteinte à l’indépendance professionnelle des pharmaciens et médecins qui consentent à facturer et/ou à payer le juste prix des prestations réalisées ou de celles obtenues de la Clinique, en toute transparence économique.

 

   Un autre sujet de discussion est relatif aux actes non facturés au tarif plein de la nomenclature parce que non réalisés par le personnel du LBM, par exemple la prise en charge partielle de la phase pré-analytique si l’établissement de santé privé pratique lui-même les actes de prélèvements sanguins par son propre personnel ? Il serait singulier d’affirmer que la réduction alors consentie par le LBM à hauteur de cette partie de la phase pré-analytique de l’acte qu’il n’a pas réalisée constituerait une « ristourne prohibée » alors qu’il ne s’agit que de l’absence de facturation d’un acte qui n’a pas été effectué par le personnel du laboratoire. Le LBM ne serait-il pas plus condamnable s’il facturait 100% du tarif de la nomenclature pour un acte partiellement non réalisé, c’est-à-dire ce que les sections d’assurances sociales de l’Ordre des médecins qualifient et sanctionnent « acte fictif néanmoins facturé » et dont les tribunaux des affaires de sécurité sociales ordonnent « la répétition d’indus » ?

 

   Comme souvent, les principes sont agités et le droit positif tend à s’imposer sans discernement rigoureux ; les volte-face successives du Parlement exposent à des sanctions inadaptées tant les biologistes que les établissements qui, sur le terrain, ne sont pas systématiquement animés de mauvais sentiments corporatistes mais essaient de mettre en œuvre un équilibre économique au sein de leurs relations contractuelles qu’il devient difficile de définir tant le corpus légal et réglementaire est protéiforme.

 

   Demain, c’est-à-dire à compter du 1er octobre 2016, le code civil réformé par l’ordonnance n° 216-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats offrira de nouvelles opportunités d’intervention du juge pour réparer le préjudice en cas d’abus dans la fixation du prix (article 1165 nouveau) et le droit commun des contrats viendra à son tour influencer le droit spécial des conventions entre les biologistes et les établissements de santé.

   Les acteurs de ce marché doivent donc réfléchir à l’opportunité soit de signer des contrats avant le 1er octobre, qui perdureront en étant soumis au droit actuel, soit de différer leur adoption en tenant compte de l’ensemble des éléments opposables après cette date. Le choix n’est pas facile. On vit une époque formidable !

La Lettre du Cabinet - Août 2016
Voir le contenu de l'article [+]
Redevance et coût de la permanence des soins
(arrêt Cour de Paris, Pôle 2, 2ème ch., 7 juin 2018, n° 16/13180)
Isabelle Lucas-Baloup

   Voici un arrêt bien intéressant à plus d’un titre. Le conflit oppose une clinique psychiatrique à un médecin psychiatre, mais certains alinéas de la décision de la Cour de Paris concernent tout aussi bien les cliniques médico-chirurgicales et les autres médecins spécialistes :

 

Délais de prescription de la demande de remboursement : 5 ou 30 ans ?

      L’arrêt analyse d’abord la recevabilité de l’action engagée pour obtenir le remboursement de redevances que le médecin prétendait excessives par rapport au coût des services mis à disposition par la clinique, prescription par 5 ans (comme le revendiquait la clinique) ou 30 ans (comme s’en prévalait le médecin) ?

   La prescription dite « extinctive » s’entend d’un délai au-delà duquel un justiciable ne peut plus agir valablement pour défendre ses droits. Avant une réforme introduite par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, le délai était de 30 ans lorsque le demandeur et le défendeur étaient liés par un contrat, par exemple un contrat d’exercice libéral de la médecine entre un praticien et un établissement de santé privé. La réforme a réduit de 30 ans à 5 ans ce délai, qui court à compter du jour où le créancier a connu les faits lui permettant d’exercer le droit, dans un article 2224 du code civil ainsi libellé : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

   La loi s’applique dès sa promulgation mais des dispositions transitoires ont été prévues :

  • quand une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne : donc si l’assignation pour réclamer une redevance excessive a été introduite avant le 19 juin 2008, la période sur laquelle on calcule la redevance indue à rembourser demeure de 30 ans ;
  • en l’absence de procédure engagée avant la réforme, la durée totale du délai de prescription ne peut dépasser la durée prévue par la loi antérieure, c’est-à-dire 30 ans, calculée depuis les actes concernés. Dès lors, quand la prescription a été réduite de 30 à 5 ans, on compute les 5 ans à compter du 19 juin 2008, mais le délai total ne peut pas excéder 30 ans. Exemple : Une action se prescrit par 30 ans à compter du 30 avril 2006 ; le délai aurait dû expirer le 30 avril 2036. En exécution de la nouvelle loi, c’est un nouveau délai de 5 ans qui a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 et de ce fait la prescription sera acquise le 19 juin 2013.

   La Cour rappelle, dans cet arrêt du 7 juin 2018, que l’action en répétition de redevances indûment prélevées au regard du contrat d’exercice libéral conclu entre une clinique et un médecin ne constitue par une action en répétition de loyers, de fermages ou de charges locatives (comme le soutenait la Clinique) de sorte qu’une telle action était prescrite par 30 ans antérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme de la prescription intervenue par la loi du 17 juin 2008 ayant réduit à 5 ans la prescription de droit commun. Il en résulte que l’action engagée par le médecin, par assignation du 17 juin 2013 soit moins de 5 ans après la loi nouvelle, portant sur des redevances versées par lui pendant les années 1989 à 2004 n’était pas prescrite au jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et est recevable.

   Le médecin avait également formulé une demande en paiement au titre du coût de la permanence médicale qu’il avait assurée au sein de la Clinique, alors que la loi de l’époque ne l’imposait pas. La Cour juge que « le coût de la permanence médicale se calculant annuellement et comprenant la rémunération de vacations effectuées par périodicités, nuit, jour férié ou dimanche, la demande en paiement est soumise à la prescription de l’article 2227 du code civil qui s’applique aux actions en paiement « généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts » et confirme sur ce point le jugement qui avait justement retenu que l’action du psychiatre relevait de la prescription trentenaire prévue à l’article 2262 ancien du code civil, ce délai étant applicable aux actions de nature contractuelle ou quasi-contractuelle.

 

Au fond, sur la permanence médicale

   L’arrêt rappelle qu’aux termes de l’article D. 6124-472 du code de la santé publique tel que résultant du décret du 29 mars 1956, il était prévu qu’un médecin ou un interne devait se trouver en permanence dans les maisons de santé pour maladie mentale, de sorte qu’il appartenait aux établissements psychiatriques et à leurs médecins de mettre en place une permanence médicale qui pouvait être assurée par des médecins généralistes ou des internes en médecine, a fortiori également par des médecins psychiatres. Ce texte a été modifié par un décret du 7 novembre 2006 qui prévoit qu’un médecin qualifié en psychiatrie doit se trouver en permanence dans l’établissement, sauf la possibilité pour l’établissement de solliciter une dérogation auprès de l’ARS pour mettre en place une astreinte psychiatrique et une prise en charge médicale des pathologies somatiques, mais cette disposition nouvelle n’est pas applicable en l’espèce puisque le médecin concerné avait quitté la clinique depuis le 1er septembre 2004. Au sein de cette Clinique, la permanence médicale avait toujours été assurée par un médecin psychiatre, avant même la modification apportée par le décret de 2006, les praticiens ayant, dans le cadre d’une société de fait existant entre eux, assumé, soit personnellement, soit financièrement, les gardes sur place de nuits, de dimanches et de jours fériés. Même si les contrats conclus entre la Clinique et les psychiatres y exerçant prévoyaient que les médecins devaient « assurer la continuité des soins et répondre en permanence à toute astreinte de garde et d’urgence », l’arrêt confirme la position du jugement de première instance « ayant justement analysé ces stipulations contractuelles en retenant qu’elles visent à assurer « la continuité des soins », obligation rappelée à l’article R. 4127-47 du CSP comme répondant au suivi du patient, différente de celle de la « permanence des soins » et que le système d’astreinte de garde et d’urgence diffère d’un système de permanence sur place du praticien en ce qu’il ne lui impose pas de présence physique dans l’établissement en dehors des heures et jours ouvrablesDès lors elles ne s’entendent pas comme imposant au psychiatre contractant d’assurer la permanence médicale des nuits, dimanches et jours fériés imposée par le décret de 1956. Au demeurant, le Dr X. expose à bon droit que, même si les stipulations contractuelles devaient être interprétées comme mettant à sa charge la permanence médicale au sein de l’établissement, ces dispositions seraient nulles et de nul effet au regard de l’intégration du coût de la permanence médicale dans le prix de journée versé à la clinique et de l’application de l’article L. 4113-5 du CSP. »

   La Cour ajoute : « Par ailleurs, c’est en vain que la Clinique prétend que la permanence médicale incomberait aux médecins comme relevant de leur obligation de délivrance des soins médicaux et serait incluse dans l’honoraire de surveillance servi aux praticiens en application de l’article 20 de la NGAP. En effet, l’acte correspondant aux honoraires de surveillance est un acte individualisé, effectif, répondant à une nécessité thérapeutique et ne peut être assimilé à une permanence médicale assurée sur l’ensemble des malades d’un établissement. La surveillance médicale visée à l’article 20 de la NGAP consiste pour le médecin à surveiller régulièrement l’état de santé du malade et non à assurer la surveillance médicale de celui-ci à tout instant de la journée et de la nuit et les honoraires forfaitaires de surveillance versés aux psychiatres exerçant à titre libéral ne recouvrent nullement la surveillance médicale nocturne des malades qui relève de la seule responsabilité de l’établissement de soins et donc le coût est inclus dans le prix de journée. »

   Le médecin est bien fondé à calculer son indemnisation en se fondant sur le montant des honoraires de garde, affectés d’un coefficient d’érosion monétaire pour la période de 1989 à 1993 et d’un coefficient de revalorisation de 20% à partir de juillet 2002, à raison de la revalorisation des honoraires médicaux intervenue en juin 2002. L’indemnisation du médecin doit être égale à son appauvrissement de sorte que la Clinique est condamnée à lui verser 275 912 €.

 

Chambre de garde

   La Clinique est condamnée à rembourser au médecin la redevance qu’elle lui a fait supporter pour mise à disposition d’une chambre de garde de 23 m2.

 

Redevance forfaitaire de 10% excessive

   La Cour rappelle à la Clinique qu’ « Au regard de l’article L. 4113-5 du code de la santé publique, un établissement de santé ne peut réclamer au médecin exerçant dans ses locaux que le coût des prestations effectivement fournies de sorte que le praticien est fondé à demander la révision du taux de la redevance à un niveau qui la rende égale au coût des prestations effectivement assurées par l’établissement à son profit. »

   L’arrêt expose que la Clinique ne produisait pas de justificatifs des sommes facturées et « se contentait d’affirmer qu’elle a appliqué le taux contractuel de 10% alors qu’il lui incombe de prouver que le montant des redevances correspond à des prestations effectivement fournies. »

   C’est donc en parfaite conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation que la Cour de Paris condamne la Clinique également sur ce point, à rembourser au médecin la redevance payée à la hauteur de la partie non justifiée.

    Là encore le principe n’est pas cantonné aux redevances payées par les médecins psychiatres.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2018


Mots clefs associés à cet article :
Permanence des soins Redevance

Voir le contenu de l'article [+]
Redevance et répétition d'indu
(arrêt du 5 octobre 2017 de la Cour d'appel de Montpellier, 1ère ch. D, n° 16/08920)
Isabelle Lucas-Baloup

Des radiologues titulaires de contrats individuels d’exercice avec une clinique de Perpignan contestent le montant de la redevance qu’ils servent à la clinique, laquelle est défaillante dans la preuve des charges qu’elle supporte malgré les demandes répétées des médecins de connaître le détail du coût qu’elle leur facture en petit matériel, accueil des patients, service de facturation et de recouvrement des honoraires, consommables, mise à disposition de personnel. Une transaction finit par intervenir dans laquelle les parties se mettent d’accord pour une expertise amiable et désignent à cette fin un tiers, qui dépose un rapport montrant que les radiologues ont trop payé. Néanmoins, la clinique ne rembourse pas l’indu déterminé par l’expert-comptable, tout en reconnaissant une différence de 241 000 € entre le coût facturable et la redevance facturée ainsi que le caractère d’ordre public de la règle commandant que la redevance ne peut excéder le coût des services, expose l’arrêt.

Les radiologues ayant créé entre eux une société civile de moyens, ils choisissent d’assigner la clinique en paiement au nom de la SCM. Celle-ci est déclarée irrecevable à agir, en raison que chaque radiologue est individuellement lié à la clinique par un contrat d’exercice privilégié. Même si la clinique avait pris l’habitude de facturer la redevance à la SCM, par pure commodité précise l’arrêt, « celle-ci se chargeant concrètement de la répartition de la charge entre ses différents adhérents et de son recouvrement au profit de la clinique, les seuls débiteurs de l’obligation de payer la redevance litigieuse sont les praticiens concernés. » La SCM n’avait donc ni qualité, ni aucun intérêt personnel à agir en répétition du trop-versé, elle est déboutée. L’action doit être intentée par les radiologues concernés. 

La Lettre du Cabinet - Janvier 2018


Mots clefs associés à cet article :
Redevance Répétition d'indus

Voir le contenu de l'article [+]
Redevances en biologie médicale
(arrêt Cour de cassation, 1ère civ., 9 juin 2017, n° 16-22094, Orpéa)
Isabelle Lucas-Baloup

Suite et fin du feuilleton sur la légalité de la demande, par la société Orpéa, dans un appel d’offres privé, aux laboratoires candidats de préciser le pourcentage de redevance qu’ils entendaient verser et leur indiquant que l’absence d’une telle mention empêcherait la présence de leurs dossiers au premier tour de sélection, ce qui revient à solliciter une ristourne pourtant prohibée par l’article L. 6211-21 du CSP, soutenaient plusieurs syndicats de biologistes. Nos précédentes éditions de la Lettre du Cabinet (septembre 2014 et août 2016) avaient rapporté l’état du droit, l’ordonnance de référé du 10 juillet 2014 et l’arrêt du 9 juin 2016 déboutant Orpéa de son appel. La société, qui exploite divers établissements sanitaires et médico-sociaux a également été déboutée de son pourvoi, par un arrêt du 9 juin 2017 de la Cour de cassation on ne peut plus clair malgré une lecture qui réclame un peu de concentration : « Attendu que, selon l’article L. 6211-21 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, sous réserve des coopérations dans le domaine de la biologie médicale menées entre des établissements de santé dans le cadre de conventions, de groupements de coopération sanitaire ou de communautés hospitalières de territoire, et sous réserve des contrats de coopération mentionnés à l’article L. 6212-6 du code précité, les examens de biologie médicale sont facturés au tarif des actes de biologie médicale fixé en application des articles L. 162-1-7 et L. 162-1-7-1 du code de la sécurité sociale ; que cette disposition interdit aux laboratoires de biologie médicale de consentir des ristournes lors de la facturation de leurs examens consistant, selon l’article L. 6211-1 du CSP, en des actes médicaux, et n’autorise le paiement de redevances à des établissements sanitaires et médico-sociaux qu’à la condition que celles-ci constituent exclusivement une contrepartie des prestations fournies pour la réalisation de tels examens ; « Et attendu que l’arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que la demande concernant le pourcentage de redevance a été adressée par la société Orpéa aux laboratoires avant que les services qui leur seraient rendus n’aient été déterminés et chiffrés, établissement par établissement, alors que seul l’établissement concerné est en mesure d’en communiquer le coût, et que cette demande, formulée de manière abstraite, n’a été assortie d’aucune réserve ni précision ; qu’il ajoute que les échanges écrits entre la société et divers laboratoires ayant accédé à sa demande, révèlent que certaines propositions de redevances étaient fondées sur le chiffre d’affaires qui serait réalisé par les laboratoires auprès des établissements de la société, laissant ainsi la possibilité à cette dernière de négocier le pourcentage de la redevance proposé ; que, de ces énonciations et constatations, la cour d’appel a pu déduire que la société avait méconnu les dispositions de l’article L. 6211-1 du CSP et causé un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser ; […] Par ces motifs : rejette le pourvoi. » Cet arrêt permet aux LBM qui, par erreur compte tenu de l’évolution compliquée du droit de la biologie médicale depuis plusieurs années, auraient accepté contractuellement de payer des redevances aux établissements de santé ou sanitaires d’un montant supérieur au strict coût réel des « prestations fournies pour la réalisation des examens » de négocier un avenant, voire de réclamer sur cinq ans la répétition de l’indu, c’est-à-dire la différence entre le coût réel des prestations pouvant être légalement facturées et les sommes effectivement payées par le LBM, même en exécution d’un contrat signé. La jurisprudence est constante sur ce point, voir notamment un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse (2ème ch.) 20 juin 2006 : « la convention ne saurait interdire au laboratoire de soutenir que, compte tenu des prestations effectivement fournies par la Clinique le taux de 10 % fixé pour le calcul de la redevance est excessif au regard des dispositions de l’article L. 6211-6 du code de la santé publique ; que ces prestations se limitent en effet à la fourniture d’un local exigu et à la mise à disposition de secrétaires médicales mais ne comprennent pas la gestion des honoraires de biologie via le bordereau 615 [aujourd’hui S 3404] et qu’il est établi par voie d’attestations que les prélèvements étaient réalisés de jour comme de nuit par le personnel du laboratoire et non par des infirmières de la clinique ». Dans ce dossier, j’avais obtenu le remboursement par la clinique de la différence entre 10 % et le montant bien inférieur correspondant à la réalité des prestations fournies dans l’intérêt du Laboratoire. Voir également un arrêt de la Cour d’appel de Montpellier (1ère ch.) du 14 mars 2006, saisie sur renvoi de la Cour de cassation, ayant prononcé la nullité du contrat fixant la redevance à 10 % du chiffre d’affaires au profit d’une maison de retraite, en ordonnant la répétition des sommes indument payées par le laboratoire d’analyses médicales.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2017
Voir le contenu de l'article [+]
T2A, quelles incidences possibles sur la redevance ?
Bertrand Vorms

Les relations financières entre médecins et cliniques (la redevance) avaient connu, ces dernières années, un certain apaisement après une crise aiguë et l'inflation de procédures judiciaires conduisant, pour la plupart, à des expertises.
Les principes généraux d'identification des prestations susceptibles de faire l'objet d'une refacturation par les établissements, la diffusion, dans les milieux professionnels concernés, d'informations tirées de ces expertises et relatives aux modalités de détermination de clés de répartition, et la multiplication des arrêts de la Cour de cassation encadrant strictement les conditions juridiques de cette redevance, avaient conduit, chacun, dans une bonne intelligence des relations contractuelles, à évaluer le montant de la redevance due par les professionnels de santé et correspondant au coût réel des prestations à eux servies et non prises en charge par les régimes d'assurance maladie.
L'entrée en vigueur de la T2A va-t-elle bouleverser cet équilibre que d'aucun assimilerait plus à un cessez le feu qu'à un véritable traité de paix ?
Le manque de lisibilité de l'entrée en vigueur de la T2A sur la gestion des établissements de santé, les errements du pouvoir législatif et réglementaire dans la publication des nombreux décrets et arrêtés accompagnant cette réforme, ne permettent pas, aujourd'hui, de se faire une idée précise de l'incidence de l'entrée en vigueur de la T2A sur cette question.
Un point, notamment, risque de poser difficulté pour les raisons suivantes : antérieurement, et jusqu'à récemment, les établissements de santé facturaient, en sus des différents tarifs qui leur étaient applicables, le coût des prothèses, implants et autres produits et prestations figurant sur une liste arrêtée par application de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale. Le praticien pouvait donc, relativement librement, en faire le choix, sans que sa décision médicale n'ait d'incidence sur le budget de l'établissement : ce dernier réglait l'implant au fournisseur, sur la base du tarif fixé, et était remboursé par les régimes d'assurance maladie. L'entrée en vigueur de la T2A procède d'une logique toute différente : le nouvel article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale dispose que ce n'est que par dérogation que certains des produits et prestations susmentionnés peuvent faire l'objet d'une prise en charge en sus des GHS (Groupe Homogène de Séjour), la liste de ces produits et prestations n'étant pas identique à l'ancienne LPPR de l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
C'est ainsi que, par arrêté du Ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, en date du 2 mars 2005, a été fixée "la liste des produits et prestations mentionnés à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale pris en charge en sus des prestations d'hospitalisation", concomitamment à un autre arrêté emportant radiation d'un certain nombre d'autres de l'ancienne liste des produits et prestations remboursables prévus à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.
Dès lors, les prothèses ou implants qui ne figurent pas sur cette nouvelle liste sont réputés inclus dans le GHS perçu par l'établissement, ce qui peut avoir une incidence importante sur les relations économiques entre médecins et cliniques : les établissements pourraient inciter les médecins à prescrire en fonction de critères tenant compte à la fois du service médical rendu et de considérations économiques, ce qui, compte tenu de leurs règles d'organisation et de gestion, n'est pas scandaleux en soi mais s'oppose à la logique purement médicale des praticiens qui peuvent, au cas par cas, justifier avoir recours à un dispositif médical très coûteux, qui pénalisera le budget de la clinique.
Ainsi, si la T2A aura pour effet de permettre au régime d'assurance maladie de faire des économies de remboursement de certains produits et prestations présumés inclus dans les GHS et non pris en charge de manière autonome, il n'en demeure pas moins que cette dépense de santé est bien réelle et que se posera, nécessairement, la question de l'imputabilité finale de ce surcoût : au patient, via la facturation, par les médecins qui le peuvent, d'un dépassement ? au médecin prescripteur, au travers d'une augmentation de la redevance ? ou à l'établissement, payeur initial.
Il n'apparaît pas douteux que, compte tenu du très faible taux de rentabilité (lorsqu'ils sont rentables) d'un certain nombre d'établissements de santé, ces derniers refuseront d'être les débiteurs d'une charge financière directement liée à l'exercice, par le médecin, du choix des dispositifs médicaux qu'il utilise.
A suivre.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


Mots clefs associés à cet article :
Redevance T2A

Voir le contenu de l'article [+]