Base de données - Faute

Accouchement, paralysie du plexus brachial : la Cour de cassation exige la démonstration d’une faute
(arrêt du 27 juin 2006, 1ère ch. civile, Cour de cassation, Juris-Data 2006-034299)
Isabelle Lucas-Baloup

Une complication malheureusement fréquente (« la terreur des obstétriciens » disent certains) : la dystocie des épaules, conséquence en l’espèce, d’après la cour d’appel, des manœuvres de traction effectuées par la sage-femme avant que n’arrive le gynécologue-obstétricien. Salariée, sa faute engage la responsabilité de la clinique, d’après la décision attaquée.
Pour la Cour de cassation, la démonstration n’est pas établie que les lésions sont imputables à faute à la sage-femme, l’arrêt de Fort-de-France condamnant la clinique est cassé et l’affaire renvoyée devant la cour de Basse-Terre.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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Chirurgie du canal carpien : absence d’information sanctionnée sur les risques de la chirurgie sous endoscopie
(arrêt Cour adm. d’appel de Bordeaux, 1er juillet 2008, n° 07BX00334)
Isabelle Lucas-Baloup

Opérée dans le service de chirurgie orthopédique d’un centre hospitalier, sous endoscopie, pour un syndrome du canal carpien de sa main droite, la plaignante est victime d’une lésion de quatre fascicules du nerf médian droit, dont deux ont été sectionnés. Il en est résulté une perte de sensibilité de quatre doigts, compliqués d’un syndrome algo-dystrophique affectant le poignet.
L’expert nommé n’a pas relevé de fautes du chirurgien, qui a manipulé les instruments utilisés conformément aux règles de l’art. En revanche, la responsabilité de l’hôpital est retenue en raison de son absence de preuve d’avoir informé la malade sur le risque encouru, dans les termes suivants : « Considérant que Mme X soutient que si elle avait été correctement informée des risques présentés par la technique endoscopique, elle aurait choisi l’autre technique opératoire, dite à ciel ouvert ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment d’une étude de l’ANAES [aujourd’hui la HAS] sur la comparaison de ces deux techniques chirurgicales, que si celles-ci présentent globalement la même efficacité et la même sécurité d’utilisation, la chirurgie sous endoscopie présente un risque spécifique de section du nerf médian ; que ce risque, en l’absence d’urgence rendant impossible l’information préalable, devait être porté à la connaissance de la patiente ; que l’hôpital n’ayant pas établi avoir informé Mme X, ce manquement est de nature à engager sa responsabilité. »
La faute commise a entraîné une perte de chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé et la réparation du dommage résultant de cette perte de chance est fixée à 50% (IPP 35% = 45 000 €, soit 22.500 € à Mme X, souffrances physiques de 3 sur une échelle de 7 = 5 000 € : 2, préjudice esthétique de 2 sur 7 = 2 500 € : 2 ; préjudice d’agrément de 10 000 € :2).

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Chirurgie réfractive au laser : responsabilité pour faute du chirurgien
(Cour d’appel de Rennes, 7ème ch., 22 avril 2009, JurisData n° 2009-376928)
Isabelle Lucas-Baloup

A l’occasion d’une chirurgie réfractive au laser destinée à corriger la myopie d’un patient, le chirurgien ophtalmologiste a interrompu son intervention arguant d’une défaillance de la lame de coupe. La preuve de ce dysfonctionnement du matériel n’est pas rapportée dès lors d’une part que le signalement de matériovigilance n’a pas été produit, d’autre part que le médecin n’a pas cru utile d’informer le fournisseur du matériel du dysfonctionnement de la lame de coupe compte tenu des risques encourus par les autres malades et qu’enfin la feuille d’intervention ne fait aucunement mention d’un incident dû à la lame.
Dans ces conditions, l’arrêt considère que la blessure à l’œil subie par la victime ne peut avoir pour origine qu’une erreur de manipulation ou un défaut de précision du geste médical. Le patient est déclaré bien fondé en sa demande en responsabilité pour faute du chirurgien.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009
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Comment responsabiliser les patientes qui ne respectent pas les recommandations ?
(arrêt Cour administrative d’appel de Douai, 18 décembre 2018, n° 16DA02538)
Isabelle Lucas-Baloup

   Cet arrêt est particulièrement intéressant car il sanctionne le comportement de la parturiente (obèse + diabète) qui n’a pas respecté les « consignes d’hygiène alimentaire et d’activité physique » pendant sa grossesse, l’exposant ainsi au risque rencontré de complication de son accouchement. Elle recherche la responsabilité des soignants (l’hôpital). La Cour de Douai lui répond : vous êtes personnellement responsable de 50% de perte de chance d’éviter la paralysie du plexus brachial de votre enfant.

  

   Au-delà du cas spécifique, c’est évidemment un sujet éthique de fond qui est abordé : peut-on, faut-il, responsabiliser par la voie judiciaire la population dûment informée des risques de son comportement à l’égard de son état de santé mais qui demeure inefficace à corriger ses mauvaises habitudes ?

 

 

1.         L’arrêt d’espèce :

 

   Le 10 avril 2012, Mme B.. a accouché de son 3ème enfant au CH de Valenciennes. Dystocie des épaules, pas d’anoxie cérébrale mais paralysie obstétricale du plexus brachial.

   Par un jugement du 9 novembre 2016, le tribunal administratif de Lille a estimé que le dommage était partiellement imputable à la réalisation par la sage-femme d’une manœuvre contre-indiquée de rotation paradoxale de la tête fœtale par la sage-femme et a retenu la responsabilité du CH à hauteur de 40% du dommage, avec une provision sur indemnités jusqu’à la consolidation à la fin de la croissance de l’enfant. Les parents, l’hôpital et la CPAM font appel.

 

   L’arrêt expose :

 

« En ce qui concerne les fautes imputables à l’établissement :

« En premier lieu, il résulte de l’expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) et de celle réalisée à la demande de l’assureur de Mme B… que la dystocie des épaules est imprévisible, sauf dans les cas de diabète maternel associé à une macrosomie, c’est-à-dire un poids excessif du fœtus, les risques de macrosomie étant eux-mêmes fonction de l’obésité de la mère et multipliés par deux ou trois lorsque s’y ajoute une prise de poids significative en cours de grossesse. En l’espèce, Mme B… souffrait d’obésité morbide, avait pris environ 30 kg au cours de sa grossesse et souffrait d’un diabète maternel. Elle présentait ainsi des facteurs de risques permettant de craindre une macrosomie fœtale et, si celle-ci était avérée, de survenance d’une dystocie des épaules lors de l’accouchement. Toutefois, l’échographie fœtale réalisée le 6 avril 2012 avait permis d’évaluer le poids du fœtus à 4 080 grammes, alors que Mme B… avait mis au monde sans aucune difficulté, deux ans auparavant et dans un contexte pondéral analogue, un enfant dont le poids était de 4 030 grammes. Si I… présentait en réalité à la naissance un poids de 5 080 grammes, cette différence s’explique par la marge d’erreur très importante qui affectait l’examen échographique. Compte tenu de ces éléments, les experts s’accordent à considérer qu’aucun motif sérieux n’imposait d’envisager une césarienne, geste qui présente, en outre, un caractère de dangerosité accru en cas d’obésité maternelle. Il s’ensuit que M. E… et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que l’absence de recours à une césarienne, qui aurait selon eux permis d’éviter la survenance de la paralysie obstétricale du plexus brachial de leur fils survenue lors de l’accouchement par voie basse, était constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes.

 

« En second lieu, il résulte de l’instruction et il est constant que la dystocie des épaules a été diagnostiquée à neuf heures cinquante. La sage-femme a aussitôt procédé à une tentative de manœuvre dite de Mac Roberts, comportant une hyper-flexion des cuisses de la parturiente et l’exercice d’une importante pression sus-pubienne, sans obtenir l’expulsion du fœtus. L’extraction a été réalisée à neuf heure cinquante-cinq grâce à une manœuvre dite de Jacquemier, consistant à dégager le bras postérieur de l’enfant, d’abord tentée par l’obstétricien seul, puis réussie avec l’aide d’une infirmière. L’ensemble de ces manœuvres, qui ont abouti à la naissance d’un enfant exempt d’anoxie cérébrale, relève d’une prise en charge conforme aux règles de l’art. Toutefois, le partogramme renseigné par la sage-femme comporte également, après le relevé de l’échec de la manœuvre de Mac Roberts, l’indication “essai rotation paradoxale”. Il en résulte que la sage-femme a tenté de réaliser ce geste, qui a en outre été décrit avec précision par M. E… durant les opérations d’expertise. Cette circonstance n’est pas contredite par l’instruction. En particulier, elle n’est pas démentie par l’absence de stigmates sur la tête du nouveau-né dès lors que ceux-ci, selon les experts désignés par la CRCI, sont inconstamment signalés dans l’observation néonatologique. Selon les deux rapports d’expertise, un tel geste, susceptible en cas de dystocie des épaules de provoquer des dilacérations voire un arrachement des racines du plexus brachial, était très dangereux pour le fœtus et formellement contrindiqué. Sa réalisation revêt, par suite, et malgré le contexte d’urgence dans lequel il est intervenu, le caractère d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes. »

 

« En ce qui concerne le lien de causalité :

« Il résulte des deux rapports d’expertise que des lésions du plexus brachial étaient constituées avant même l’identification d’une dystocie des épaules, en raison du phénomène d’étirement du plexus brachial par propulsion fœtale entravée lors des efforts d’expulsion, principale cause des paralysies obstétricales du plexus brachial, et qu’elles ont vraisemblablement été aggravées par la réalisation fautive d’une rotation paradoxale de la tête fœtale. L’expert missionné par l’assureur souligne la difficulté d’évaluer la perte de chance d’éviter le dommage résultant de cette manœuvre, estimant que celle-ci peut raisonnablement être qualifiée d’importante, “à hauteur d’environ 50 %”. Compte tenu, toutefois, des conditions dans lesquelles le geste fautif a été réalisé, en particulier de la rapidité avec laquelle l’expulsion du fœtus a pu être obtenue à compter du moment où la dystocie a été diagnostiquée, il y a lieu d’évaluer à 30 % la part prise par la manœuvre de rotation de la tête fœtale dans la constitution des lésions dont I… E… est atteint.

 

« Toutefois, il résulte du rapport des experts désignés par la CRCI qu’une prise de poids de 14 kg multiplie par 2 à 3 l’incidence de la macrosomie chez la patiente obèse. Selon les indications figurant dans ce rapport, corroborées par celles données par l’expert désigné par l’assureur de la famille, la macrosomie associée au diabète maternel, dont Mme B… était atteinte, est un facteur aggravant du risque de dystocie des épaules, dont la paralysie obstétricale du plexus brachial est une complication classique. Selon l’expert désigné par l’assureur de la famille, l’importance du poids du fœtus accroît également le risque de constitution, avant le constat de la dystocie, d’un phénomène de propulsion fœtale entravée. La non observance par Mme B… des consignes d’hygiène alimentaire et d’activité physique, en favorisant une prise de poids d’environ 30 kg au cours de la grossesse et en multipliant ainsi le risque de macrosomie du fœtus, avait entraîné une perte de chance d’éviter la paralysie obstétricale du plexus brachial associée dans le cas de I… E… à la dystocie des épaules, ainsi que ses complications. Il y a lieu dévaluer à 50% cette perte de chance initiale, à raison de laquelle la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes ne saurait être engagée.

 

« Il résulte de ce qui a été dit aux trois points précédents que la part des préjudices dont l’indemnisation doit être mise à la charge du centre hospitalier de Valenciennes s’établit à 15%. »

 

 

2.         Responsabiliser la population par la voie judiciaire ?

 

   Depuis quelques années la jurisprudence évolue vers une prise en considération du comportement de la personne qui recherche la responsabilité des soignants et hôpitaux dans des cas où elle a elle-même contribué à créer son propre préjudice. Du point de vue de la responsabilité des soignants, on ne peut que saluer ces jurisprudences et regretter qu’elles ne soient pas suffisamment diffusées dans le grand public.

   Mais, plus généralement, notamment en éthique médicale, responsabiliser les patients pose le problème de la qualité de la prévention et de la gestion des risques en politique de santé publique et de l’information de la population sur les risques encourus.

     En ce qui concerne l’estimation des probabilités de survenue de risques, les médecins sont considérés en général comme les experts, les personnes les mieux informées, en particulier par les études épidémiologiques et autres publications auxquelles ils ont accès dans leurs spécialités respectives. Mais les études portent sur une collectivité, le médecin s’adresse à un être humain singulier ce qui, déjà, rend difficile l’évaluation du risque individuel.

   Toute la population en France aujourd’hui a entendu les principaux messages de santé publique sur le risque pour la santé de consommer de l’alcool, de fumer du tabac ou d’autres produits, ou encore sur les risques multiples de l’obésité sur la santé humaine, pour ne reprendre que ces exemples majeurs. Pour autant, l’information reçue ne conduit manifestement pas à éradiquer complètement les risques concernés.

   Chacun ne tire donc pas un parti suffisant des informations largement diffusées pour améliorer sa santé ou pour éviter certains risques clairement énoncés.    

   Grâce au colloque singulier, le médecin va compléter l’information grand public et tenter de l’appliquer à son patient, en passant du risque général à l’évaluation des risques individuels.

   En application du code de la santé publique, le médecin est débiteur à cet égard d’une obligation de quasi-résultat dans la preuve de la qualité et de la quantité d’information communiquée à son patient :

 

  • Article L. 1110-1 : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible. »
  • Article L. 1111-2 : « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.  (…)

 

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

 

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. (…)

 

Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l'information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.

 

En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. (…). »

 

   Compte tenu du nombre impressionnant de colloques et publications déjà intervenus sur la question de tenter de déterminer si les médecins ont suffisamment de disponibilité, à l’hôpital ou en exercice libéral, pour se livrer à l’information exhaustive requise par l’article L. 1110-1 « sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus », je n’insiste pas.

 

   Mais la question de la preuve devient substantielle quand, comme dans cet arrêt du 18 décembre 2018, la Cour d’appel fixe la responsabilité de la parturiente à hauteur de 50% du préjudice subi notamment par l’enfant, en retenant comme lien de causalité « la non observance par Mme B.. des consignes d’hygiène alimentaire et d’activité physique, en favorisant une prise de poids d’environ 30 kg au cours de la grossesse et en multipliant ainsi le risque de macrosomie du fœtus, entrainant une perte de chance d’éviter la paralysie obstétricale du plexus brachial associée à la dystocie des épaules ainsi que ses complications. »

   On ignore si Mme B... saisira le Conseil d’Etat à l’encontre de cette décision très récente, et on y sera attentif, mais la violation d’une recommandation de comportement implique évidemment, en droit, la preuve de l’information effective sur le contenu de la recommandation violée et sur ses conséquences et risques fréquents ou graves preuve à la charge du médecin (article L. 1110-1), ou sinon la preuve d’une présomption d’information opposable, ici il faudrait démontrer une information de santé publique que Mme B.. ne pourrait ignorer, pour justifier que son comportement puisse constituer un fait matériel susceptible de la rendre personnellement responsable de 50% de la perte de chance d’accoucher sans la complication de paralysie du plexus brachial de l’enfant, objet du contentieux.

   Dans les principes de mise en œuvre de la responsabilité de chacun à l’occasion de l’apparition d’un dommage, les soignants et établissements de santé, mais également les caisses d’assurance maladie, ne peuvent qu’être satisfaits de voir engager même partiellement la responsabilité personnelle du sujet dont le comportement a favorisé l’apparition de la complication. Mais la rigueur du droit français des obligations ne pourra se contenter de l’affirmation, comme en l’espèce : « il résulte du rapport des experts désignés par la CRCI que …», sans que les éléments permettant d’évaluer « à 50% cette perte de chance initiale » soient énoncés dans l’arrêt avec précision.

   Il va en effet immanquablement s’ouvrir une évolution délicate de la jurisprudence sur le périmètre de l’information opposable, opposable aux soignants c’est devenu classique, mais désormais également opposable aux patients, dont les juges et avant eux les experts vérifieront la compliance personnelle aux recommandations reçues. Nous connaissions la « compliance », la conformité d’une opération avec les règles qui lui sont applicables afin d’en garantir l’efficacité, la compliance aux règles juridiques, fiscales, comptables, financières, toujours précédée d’une étude de faisabilité écrite qui décrit les modes opératoires possibles d’une opération économique par exemple.

   Chacun va découvrir prochainement les effets de l’absence de compliance de son comportement personnel avec les recommandations de santé publique, avec pour sanction l’absence de prise en charge du coût économique provoqué par l’infraction aux règles dites opposables. La société française s’est déjà interrogée sur la prise en charge coûteuse de faits « imputables à faute » aux citoyens : pour ne prendre qu’un exemple, les lois Montagne 1 et 2 permettent la facturation des moyens de secours mis en œuvre souvent en hélicoptère pour sauver des skieurs victimes d’avalanches s’étant mis en danger « hors-pistes ».

   Demain, il est probable que l’alcoolique verra réduite la prise en charge économique de son cancer du foie par sa caisse d’assurance maladie, parce que les messages sur les « repères en matière d’alcool » communiqués par l’agence Santé Publique France ont été visionnés par des milliers de youtubeurs qui, parfaitement alertés, auraient dû se mettre immédiatement à l’Evian. Peut-être les pouvoirs publics vont-ils  responsabiliser par un effet direct sur son portefeuille la ménagère qui continue à nourrir ses enfants avec des produits cancérigènes en les rendant obèses, sans prendre en considération le « nutri-score sur la face avant des produits nutritionnels », ni imposer à sa progéniture et à elle-même les 10 000 pas et 5 fruits et légumes recommandés, quels que soient en la matière sa situation socioprofessionnelle et son éventuel « contexte de restriction budgétaire » tout aussi respectable pourtant que celui subi par le ministère de la Santé. Il est probable également que la carte Vitale d’un retraité refusera la prise en charge des médicaments qu’il réclame faute d’avoir été vacciné contre la grippe malgré la campagne diffusée par le ministère de la santé et les émissions de Michel Cymès pour les téléspectateurs de France Télévision.

   On pourrait ainsi critiquer à l’envie la jurisprudence, les efforts des pouvoirs publics, la pratique des médecins et des établissements de soins, c’est facile. Ce qui l’est moins, en période de crise économique majeure de l’assurance maladie, c’est de déterminer avec discernement, lucidité, humanité et éthique, la définition du comportement « hors-pistes » au regard de ses effets sur la santé et des éventuelles sanctions à mettre en œuvre pour y remédier.

   On sait que skier ou marcher c’est bon pour la santé, que boire de l’alcool, fumer, manger des plats industriels sucrés et bourrés d’additifs chimiques, c’est mauvais qu’on soit enceinte, comme Mme B.., ou pas. Mais il faudra aux pouvoirs publics prohibitionnistes être beaucoup plus nuancés et pertinents pour justifier auprès de chacun la place du curseur qui définit les limites et les conséquences du hors-pistes. Avec toutes conséquences de droit, notamment sur le libre arbitre et sur la liberté des personnes à disposer d’elles-mêmes.

Gynéco-Online - février 2019


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Accouchement Diabète Faute Obésité Parturiente

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Condamnation solidaire d’une clinique pour les fautes de l’orthopédiste non assuré
(arrêt Cass. civ. 1ère, 6 décembre 2007)
Isabelle Lucas-Baloup


Un médecin libéral dans une clinique commet des fautes grossières (pratique une ostéosynthèse d’une fracture infectée) dont le patient réclame réparation. Il assigne également la clinique, qui n’a commis aucune faute en lien de causalité direct avec le dommage.


Néanmoins, la Cour d’appel de Lyon (arrêt du 1er décembre 2005, n° 04/05893, 1ère chambre civ.) puis la Cour de cassation condamnent in solidum la clinique à indemniser le patient pour « n’avoir pas vérifié qu’il était dûment assuré, alors que cette assurance était prévue dans le contrat d’exercice » et juge « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. »
Les établissements de santé privés accueillant des praticiens libéraux sont bien fondés à leur réclamer périodiquement la preuve qu’ils sont dûment assurés pour leur exercice dans la discipline effectivement pratiquée, en portant particulièrement attention aux actes dits « frontière »...

La Lettre du Cabinet - Janvier 2008
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Décision n° 2010-2 QPC du 11 juin 2010 du Conseil constitutionnel : sur la loi « anti-jurisprudence Perruche »
Isabelle Lucas-Baloup

Depuis le 1er mars 2010, les justiciables peuvent solliciter que soient déférées au Conseil constitutionnel, sous certaines conditions, par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, des dispositions législatives qu’ils considèrent porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, selon la procédure de « question prioritaire de constitutionnalité » (QPC). Parmi la soixantaine de QPC dont il a à connaître actuellement, le Conseil s’est prononcé, par décision du 11 juin 2010, sur la conformité à la Constitution de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, concernant le droit, pour les parents de l’enfant atteint d’un handicap non décelé pendant la grossesse, d’obtenir réparation au titre des charges particulières découlant de ce handicap tout au long de la vie de l’enfant et le droit, pour l’enfant né atteint d’un handicap ou d’une affection qui n’a pas été décelée pendant la grossesse de sa mère, d’être indemnisé.

Le sujet a déjà défrayé les chroniques et fait l’objet d’un dossier documentaire très complet sur le site web du Conseil constitutionnel(a). En résumant à l’extrême, on peut ainsi présenter le problème :

? Une femme enceinte est fondée à bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse en cas de forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic (article L. 2213-1 du code de la santé publique).
? Le Conseil d’Etat a jugé, le 14 février 1997 (jurisprudence C.H. Nice/Quarez), que l’hôpital avait commis une faute en n’informant pas Madame Quarez, dont l’enfant était atteint de trisomie 21, que les résultats de l’amniocentèse, qui n’avaient fait état d’aucune anomalie, pouvaient être affectés d’une marge d’erreur, et que cette faute d’information était la cause directe des préjudices résultant pour les parents de l’infirmité dont était atteint leur enfant, indemnisant tout autant le préjudice moral que les troubles dans leurs conditions d’existence qu’enfin « les charges particulières notamment en matière de soins et d’éducation spécialisée » découlant de cette infirmité.
? La Cour de cassation , le 17 novembre 2000 (jurisprudence Perruche), a considéré que les fautes commises par le médecin et le laboratoire avaient empêché Madame Perruche d’exercer son choix d’interrompre sa grossesse afin d’éviter la naissance d’un enfant atteint d’un handicap ; elle a reconnu à l’enfant un droit à réparation du préjudice résultant de son handicap et causé par les fautes retenues, jurisprudence confirmée par trois arrêts de l’assemblée plénière du 13 juillet 2001. Pourtant, et sans entrer dans la polémique, on peut convenir que le handicap de l’enfant n’avait pas pour cause la faute du médecin mais bien une infirmité congénitale.
? On se souvient du débat philosophico-juridico-politico-déontologique et éthique, mais également sociologique et religieux, provoqué notamment par la mise en oeuvre du « droit de ne pas naître » et de l’augmentation immédiate et vertigineuse des primes d’assurance de responsabilité civile des obstétriciens, puis de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, dite Kouchner, interdisant à l’enfant de réclamer en justice la réparation du préjudice « du seul fait de sa naissance » et limitant la réparation possible au préjudice directement provoqué par l’acte médical fautif ou son rôle aggravant ou la privation de mesures susceptibles de l’atténuer.
? Ces dispositions ont été modifiées et codifiées par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, à l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, soumettant la prise en charge des personnes handicapées à la solidarité nationale (en instaurant une prestation de compensation qui complète le régime d’aide sociale) et déclarant le droit nouveau immédiatement applicable aux instances en cours .
? Un débat judiciaire est alors né, portant tant sur la rétroactivité de la loi à des dommages antérieurs à sa promulgation que sur le caractère limité de la compensation au titre de la solidarité nationale et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), saisie par des familles privées de pouvoir revendiquer le bénéfice des jurisprudences Quarez et Perruche, a prononcé deux arrêts, le 6 octobre 2005 (Draon et Maurice c/ France), concluant à la violation de la Convention européenne des droits de l’homme (article 1er du protocole n° 1).
? Depuis, la Cour de cassation continue à appliquer la jurisprudence Perruche lorsque l’enfant handicapé est né avant la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 si l’action en justice n’a été intentée qu’après cette date et si le dommage s’est révélé avant le 7 mars 2002 (arrêts des 30 octobre 2007 et 8 juillet 2008), tout comme le Conseil d’Etat (arrêt du 24 février 2006).
? Saisi par le Conseil d’Etat, dans une instance introduite par la mère d’un garçon né en 1995, atteint d’une myopathie de Duchenne, qui avait été déboutée de sa demande en indemnisation « en raison de l’erreur de diagnostic commise par le laboratoire de biochimie génétique de l’Hôpital Cochin en 1992 » sur le risque encouru de transmettre cette maladie à un enfant de sexe masculin, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision n° 2010-2 du 10 juin 2010 :

--> déclaré conformes à la Constitution les dispositions relatives à l’interdiction faite à l’enfant de réclamer la réparation d’un préjudice du fait de sa naissance, et à la limitation du préjudice indemnisable décidée par le législateur, qui ne revêt pas un caractère disproportionné au regard des buts poursuivis ; 

--> considéré « qu’en subordonnant à l’existence d’une faute caractérisée la mise en oeuvre de la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse, le législateur a entendu prendre en considération, en l’état des connaissances et des techniques, les difficultés inhérentes au diagnostic médical prénatal ; qu’à cette fin, il a exclu que cette faute puisse être présumée ou déduite de simples présomptions ; que la notion de « faute caractérisée » ne se confond pas avec celle de faute lourde ; que, par suite, eu égard à l’objectif poursuivi, l’atténuation apportée aux conditions dans lesquelles la responsabilité de ces professionnels et établissements peut être engagée n’est pas disproportionnée » ; 

--> jugé que « les parents peuvent obtenir l’indemnisation des charges particulières résultant, tout au long de la vie de l’enfant, de son handicap lorsque la faute a provoqué directement ce handicap, l’a aggravé ou a empêché de l’atténuer ; qu’ils ne peuvent obtenir une telle indemnisation lorsque le handicap n’a pas été décelé avant la naissance par suite d’une erreur de diagnostic ; que dès lors la différence instituée entre les régimes de réparation correspond à une différence tenant à l’origine du handicap » ;

--> en revanche, le Conseil constitutionnel a décidé que le 2 du paragraphe II de l’article 2 de la loi du 11 février 2005, appliquant le droit nouveau aux instances non jugées de manière irrévocable à la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, est contraire à la Constitution, en ce que ces dispositions sont relatives au droit d’agir en justice de l’enfant né atteint d’un handicap, aux conditions d’engagement de la responsabilité des professionnels et établissements de santé à l’égard des parents, ainsi qu’aux préjudices indemnisables lorsque cette responsabilité est engagée.

En conséquence, seul le dispositif de droit transitoire qui rendait applicable la loi nouvelle à toutes les instances dans lesquelles il n’avait pas été jugé de manière irrévocable sur le principe de l’indemnisation, est déclaré inconstitutionnel.

Dès lors, le délai de prescription de 10 ans (à compter de la consolidation du dommage, art. L. 1142-28, CSP) pour engager l’action ne démarrant qu’à l’âge de 18 ans, les procédures en indemnisation soumises au droit commun (= jurisprudences Perruche et Quarez) pourront être lancées au moins encore jusqu’en 2002 + 18 + 10 = 2030.

(a) cf. www.conseil-constitutionnel.fr

(b) les textes légaux et les jurisprudences sont disponibles sur www.legifrance.gouv.fr

(c) article L. 114-5, code de l’action sociale et des familles :
« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.
« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.
« Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »
article L. 114-1 : « [...] Les dispositions de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles tel qu’il résulte du 1 du présent II sont applicables aux instances en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 précitée, à l’exception de celles où il a été irrévocablement statué sur le principe de l’indemnisation. [...]»

Gynéco Online - Septembre 2010
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Dystocie des épaules pendant l’accouchement : Responsabilité de l’obstétricien
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 5 novembre 2009, n° 08-17.104)
Isabelle Lucas-Baloup

Faut-il décider de pratiquer un accouchement par césarienne en cas de simple suspicion de macrosomie sous peine d’être condamné à réparer les conséquences d’une atteinte sévère du plexus brachial ? Allant à l’encontre du rapport d’expertise, cet arrêt répond par l’affirmative. La parturiente, 27 ans, avait déjà donné naissance à un premier enfant de 4,3 kg par les voies naturelles et était suivie régulièrement avant l’accouchement du second, le 16 juin 1996. L’expert avait retenu que, pendant la surveillance de la grossesse, plusieurs examens cliniques consciencieux permettaient de suspecter une macrosomie fœtale, notamment une hauteur utérine plus importante que la moyenne (40 cm au lieu de 33 cm en moyenne), surcharge pondérale de la mère, échographie permettant de penser que le poids de l’enfant serait voisin de 4 kg « sans être proche de 5 kg », et enfin diagnostic tardif, quelques jours avant l’accouchement, d’un diabète gestationnel. La Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour de Marseille qui a condamné le gynécologue-obstétricien pour faute ayant entraîné pour la mère une perte de chance de bénéficier d’une césarienne prophylactique et chiffré cette perte de chance à 50% du préjudice ordonnant le paiement d’une provision de 25 000 € à valoir sur l’indemnisation du préjudice corporel de l’enfant et de 5 000 € en réparation du préjudice moral personnel de la mère.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009
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Licenciement d'aides-soignantes pour rumeur malsaine
(Cour d'appel Montpellier, 10 novembre 2004)
Isabelle Lucas-Baloup

L'arrêt considère que la Clinique a justifié le licenciement de deux aides-soignantes qui, à plusieurs reprises, ont affirmé qu'une de leurs collègues avait obtenu un poste définitif rapidement pour avoir couché avec le directeur. Il était établi que ces insinuations sur les raisons de l'embauche de leur collègue, dont le sens et le contenu ne sont pas contestés, ont présenté un caractère répété et ont ainsi alimenté au sein de l'établissement une rumeur particulièrement malsaine et perturbatrice. Le fait de répandre sur le lieu de travail de tels propos, à la teneur précise et vulgaire, ne saurait être qualifié de plaisanterie anodine, en ce qu'ils portent directement atteinte à la dignité des personnes visées, qu'ils sont de nature à nuire à leur réputation et, qu'au surplus, ils mettent en cause la probité de la politique de recrutement de l'employeur. Néanmoins, eu égard à l'ancienneté des salariées, à leur fonction, aux mises au point rapidement intervenues, il y a lieu de considérer que cette faute ne rendait pas impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée d'un préavis.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Aide-soignant Faute Licenciement Prud'hommes

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Licenciement d’une sage-femme inapte pour refus d’acceptation d’un reclassement : clinique condamnée
(Cour de cassation, ch. soc., 20 mai 2009, n° 07-44.272, Clinique Lafourcade)
Bertrand Vorms

Encore une illustration de la distinction importante entre modification du contrat de travail et changement des conditions de travail : le refus injustifié par le salarié des postes de reclassement proposés par l’employeur après déclaration d’inaptitude n’est pas nécessairement constitutif d’une faute : s’ils entraînent modification du contrat de travail (en l’espèce, changement de fonctions), l’employeur ne peut procéder au licenciement pour faute, mais uniquement en le fondant sur l’impossibilité de procéder au reclassement (l’article L. 1226-12 du code du travail).
Il pourrait en aller différemment si les postes proposés n’emportaient qu’un simple changement des conditions de travail.
Autre enseignement de l’arrêt, qui n’est qu’une confirmation : le fait de procéder à un licenciement pour un motif disciplinaire (faute grave), interdit au juge de le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En l’absence de faute, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à indemnité.

La Lettre du Cabinet - Juin 2009


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Clinique Faute Inaptitude Licenciement Prud'hommes Sage-femme

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L’Ordre des médecins de Lorraine rejette la plainte de l’ARS contre le chirurgien cardiaque du CH de Metz
(Décision de la Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins de Lorraine, 23 novembre 2011)
Isabelle Lucas-Baloup

A l’issue d’une campagne médiatique odieuse, pendant laquelle certains ont cru devoir le traiter de serial killer et le directeur de l’Agence Régionale de Santé de Lorraine stigmatiser des statistiques de mortalité et de morbidité inadaptées à une évaluation sérieuse de la qualité des soins au sein du service de chirurgie cardiaque du CHR de Metz, mon Cabinet se réjouit, après avoir assuré la défense du chirurgien, activement soutenu également par un comité de soutien composé de centaines de familles reconnaissantes et de nombreux confrères de l’Hôpital et de la région témoignant de la qualité humaine et professionnelle du chirurgien cardiaque, de la décision prononcée fin novembre aux termes de laquelle la plainte de l’ARS de Lorraine est rejetée, faute de preuve des manquements imputés à charge.

La Lettre du Cabinet - Décembre 2011


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ARS chirurgie cardiaque Faute

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Nouvel arrêt sur la perte de chance : vers une réparation partielle du préjudice
Isabelle Lucas-Baloup

Une fois de plus, la Haute Juridiction vient encore de juger le préjudice :
« Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d’un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l’établissement et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d’éviter que ce dommage soit advenu ; la réparation qui incombe à l’hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l’ampleur de la chance perdue ».

En l’espèce, il résultait des pièces du dossier et notamment des rapports d’expertise que le traite-ment inadapté de l’infection pulmonaire dont était atteint le patient n’a entraîné pour l’intéressé qu’une perte de chance d’échapper à l’aggravation fatale de son état.

Les jurisprudences tant administra-tive que civile sont constantes et identiques sur cette question, ainsi que l’illustre l’arrêt récent d’une Cour d’appel en ces termes : « Le Tribunal a donc décidé à bon escient que si la cause du préjudice subi par Monsieur B. était l’accident cardiaque lui-même, la rapidité insuffisante des soins consécutifs au défaut de surveillance avait occasionné une perte de chance d’éviter le préjudice. Cette perte de chance dont les implications sur l’état de santé de Monsieur B. ne peuvent être déterminées avec précision a été justement évaluée à la moitié du préjudice résultant de la complication post-opératoire survenue ».

La Cour a confirmé la responsabilité in solidum du médecin anesthésiste et de la Clinique de la perte de chance subie par le patient (Cour d’appel de Toulouse 1ère chambre section 1, arrêt du 19 novembre 2007, n° 06/05345, notamment).

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Mai-juin 2008
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Responsabilité pénale des médecins : le lien de causalité entre la faute et le dommage non démontré conduit à la relaxe
(Cassation criminelle, 22 mars et 5 avril 2005)
Isabelle Lucas-Baloup

La revue Droit Pénal (juillet-août 2005) vient de publier deux arrêts récents de la Cour de cassation avec un commentaire du Doyen Michel Véron qui insistent à bon escient sur un élément incontournable de la responsabilité pénale pour homicide ou blessures involontaires : celui de la certitude du lien de causalité entre les fautes imputées au médecin et le dommage subi par la victime.
Dans la première affaire, après une intervention chirurgicale (cancer du côlon, ablation de la tumeur), les experts avaient constaté un certain nombre d'anomalies au cours des soins et du suivi médical, qui, prises isolément, n'auraient pas été de nature à entraîner la mort mais qui ont abouti à une complication postopératoire fatale (septicémie), dont la prise en charge a été tardive et inadaptée, les chances de survie de la patiente s'en trouvant amoindries. Le chirurgien était donc relaxé du chef d'homicide involontaire puisque, si la patiente avait été privée d'une chance de survie, il n'existait pas de relation certaine de causalité entre son décès et les anomalies médicales constatées.
Dans la seconde affaire, un patient de 41 ans est admis aux urgences d'un hôpital pour hémorragie digestive aiguë. Il subit une fibroscopie gastrique révélant un ulcère au niveau du 2ème duodénum et est immédiatement vu par les chirurgiens qui décident de ne pas intervenir immédiatement et de poursuive la réanimation. Ils continuent à temporiser puis l'état s'aggravant décident d'intervenir. Le malade présente alors un arrêt cardio-respiratoire. Il est "récupéré" puis opéré mais ne reprendra pas connaissance et décède quelques semaines plus tard. Les experts et contre-experts se sont accordés pour conclure qu'une décision chirurgicale aurait dû être prise au vu des résultats de l'endoscopie et que, si l'hémorragie avait été arrêtée plus tôt, le choc cardio-respiratoire aurait pu être évité. Le gastro-entérologue et les chirurgiens sont condamnés en raison de "fautes essentielles et déterminantes qui ont directement causé le décès, dû à l'état d'hypoxémie ayant provoqué l'arrêt cardio-respiratoire à l'origine d'une décérébration irréversible, le processus mortel étant engagé avant même la décision de procéder à l'intervention chirurgicale".
Ce sont deux bonnes illustrations de la réforme du code pénal opérée par la loi du 10 juillet 2000 qui distingue désormais selon que :
- le prévenu a causé directement le dommage : une simple faute d'imprudence ou de négligence suffit, ainsi qu'en cas de simple manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou par un décret,
- ou a seulement créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage : l'article 121-3 du code pénal exige alors une faute "caractérisée" ou la "violation manifestement délibérée" de l'obligation légale ou réglementaire.
Il nous est agréable de citer le Professeur Véron soulignant que "La loi opère une distinction relative à la nature de la faute en exigeant une faute plus grave en cas de causalité indirecte qu'en cas de causalité directe. Mais cette distinction ne se retrouve pas lorsqu'il s'agit d'apprécier les conséquences des fautes commises. Dans un cas comme dans l'autre la responsabilité pénale ne peut être retenue que si les fautes des prévenus ont une relation de causalité certaine avec le dommage, que celle-ci soit directe ou indirecte. En matière pénale, on ne peut se contenter de probabilités ou de possibilités. Il faut des certitudes et la relaxe s'impose en cas de doute."
La défense des médecins poursuivis pénalement doit développer impérativement ces causes de relaxe, après avoir exigé que la mission des experts les conduise à ventiler, dans leurs rapports, les causes et les effets.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2005


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Faute Lien de causalité Médecins Preuve

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Rétinopathie diabétique œdémateuse proliférante : faute de surveillance « La surcharge du cabinet ne constitue pas une excuse »
(Arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civile, 6 octobre 2011, n° 10-21.212, 917)
Isabelle Lucas-Baloup

La Cour de cassation confirme un arrêt de la Cour de Versailles, ayant engagé la responsabilité d’un ophtalmologiste qui suivait habituellement son patient et qui « avait refusé d’avancer le rendez-vous fixé au mois de mai 2003, sans prendre la peine de diriger son patient vers un autre confrère, quand la surcharge des cabinets ne constituait pas une excuse, le médecin devant réserver les cas d’urgence ».
La faute de surveillance a entraîné une perte de chance pour le patient de recevoir un traitement au laser plus précoce et d’éviter les séquelles dont il est atteint.

SAFIR - Mars 2012


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Faute Ophtalmologie Perte de chance Rétinopathie

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Suicide par pendaison dans une clinique psychiatrique : faute dans la prise en charge du patient
(arrêt du 19 septembre 2006, 1ère ch. civile, cour d’appel de Chambéry, Juris-Data n° 313537)
Isabelle Lucas-Baloup

L’arrêt mentionne :
« Attendu que les cliniques psychiatriques sont tenues d’une obligation de surveillance particulièrement renforcée compte tenu de l’état des malades qu’elles accueillent, de manière à assurer au maximum leur sécurité, les exigences afférentes à cette obligation étant fonction de l’état du patient.
« Attendu que, le 2 avril 2003, M. C. rédigeait un courrier dans lequel il retraçait les difficultés de son existence, notamment le recours aux drogues et à l’alcool et exprimait un grand désarroi, du désespoir et la très mauvaise image qu’il avait de lui ; [...]
« Que, dans ce contexte, la précaution aurait voulu que les objets susceptibles de lui permettre d’intenter à sa vie lui soient retirés, ce qui n’a pas été le cas puisque la mort est intervenue par pendaison avec un fil électrique. »

La Lettre du Cabinet - Décembre 2006
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Un salarié peut en traiter un autre de « pitbull » sans être licencié pour faute grave
(Cour de cassation, ch. soc., arrêt du 23 septembre 2009, n° 08-41.715)
Isabelle Lucas-Baloup

Un employé administratif traite, un matin à 8h45, une collègue de « pitbull » devant une cliente de la polyclinique et en présence d’autres salariés et de visiteurs. Il est licencié pour faute grave, s’agissant d’une « race de chiens de combat des plus décriée, véhiculant dans le grand public une image de laideur, d’agressivité et de violence ». La cour d’appel de Montpellier juge le licenciement bien fondé. Pas la Cour de cassation qui, au contraire, considère que ce qualificatif « ne pouvait justifier la rupture immédiate du contrat de travail du salarié ».

La Lettre du Cabinet - Décembre 2009


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Faute Licenciement Prud'hommes Salarié

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Une réforme envisagée du droit de l’infection nosocomiale ? Les réflexions du rapport Alain Vasselle
Isabelle Lucas-Baloup

Le rapport de Monsieur Alain Vasselle, sénateur, sur « la politique de lutte contre les infections nosocomiales » (Office Parlementaire d’Evaluation des Politiques de Santé, document n° 3188 Assemblée Nationale et n° 422 Sénat), mentionne, eu égard à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 telle qu’elle a été réformée par celle du 30 décembre 2002 : « Après quatre années de mise en œuvre, il est encore difficile d’établir un bilan au plan du droit. Le nouveau mécanisme de réparation des infections nosocomiales est utile et intéressant. Il n’est probablement pas encore parfait et pourrait être amélioré ».
Puis, en page 92 offre une voie de réflexion qui consiste, en harmonie avec ce que je revendique notamment dans ces colonnes en permanence :
- à revenir à un régime de responsabilité pour faute, de droit commun, à l’occasion duquel l’assureur n’assumerait que la responsabilité des infections nosocomiales fautives « par exemple celles liées à un non respect de la réglementation applicable en matière de lutte contre les infections nosocomiales et cela quel que soit le degré de gravité du dommage »,
- « les infections nosocomiales obéiraient à un régime de présomption de faute ». Le professionnel ou l’établissement de santé pourrait s’exonérer de sa responsabilité par la preuve de l’absence de faute, en démontrant le respect des règles d’hygiène et d’asepsie,
- avec réintroduction de la prise en charge de l’infection nosocomiale non fautive par la solidarité nationale, de manière à ne pas laisser tomber un patient atteint par un acte lié aux soins qui, pourtant, n’a pas pour origine la faute des services de santé.
Puisse 2008 voir progresser cette « troisième » voie de réflexion du rapport Alain Vasselle qui m’apparaît frappé au coin du bon sens du droit « légitime » tant pour les soignants que pour les patients.
Dans ce premier numéro d’HMH de l’année, je formule des vœux à cette fin

Revue Hygiène en Milieu Hospitalier - Janvier-Février 2008
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