Base de données - SELARL

Conditions d’autorisation multisites d’une SELARL : quelques précisions du Conseil d’Etat
(Conseil d’Etat, 23 mars 2011, n° 339086)
Jonathan Quaderi

Par un arrêt du 23 mars 2011, le Conseil d’Etat, appelé à se prononcer sur la légalité d’une décision de la formation restreinte du Conseil national de l’Ordre des médecins faisant, notamment, injonction à une SELARL de cesser son activité sur un des trois sites au titre desquels elle était régulièrement inscrite au Tableau de l’Ordre, a apporté deux séries de précisions sur l’application de l’article R. 4113-23 du code de la santé publique.
En premier lieu, la Haute juridiction a confirmé sa compétence en la matière en faisant valoir que, « à la nature d’une décision prise pour l’inscription au Tableau, celle par laquelle les instances de l’Ordre se prononcent sur la conformité des statuts des sociétés demandant leur inscription au Tableau de l’Ordre aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l’exercice de la profession ; qu’il en est ainsi notamment des décisions par lesquelles le Conseil national de l’Ordre des médecins apprécie si les lieux d’exercice d’une société d’exercice libéral de médecins répondent aux conditions fixées à l’article R. 4113-23 du code de la santé publique ».
En second lieu, le juge administratif a purement et simplement censuré la décision querellée au motif que les dispositions de l’article dont s’agit « impliquent, indépendamment de la condition d’intérêt des malades, soit que la société d’exercice libéral utilise des équipements implantés sur différents sites, soit qu’elle mette en œuvre des technologies spécifiques [mais en aucun cas] une condition liée à l’utilisation d’équipements particuliers, [comme le prévoit] l’article R. 4127-85 du même code […] pour les médecins exerçant à titre individuel sur un site distinct ».
Le Conseil d’Etat conclut, en conséquence, que le CNOM « ne pouvait légalement soumettre l’exercice [de ladite société] à une telle condition ».
Cet arrêt sera bien utile pour les demandeurs de sites distincts, membres de sociétés d’exercice libéral.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2011


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SELARL Sites distincts

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Conflit entre ophtalmologistes membres d’une SELARL, exclusion abusive, valeur des parts
(Arrêt Cour d’appel Saint-Denis de la Réunion, chambre civile, 12 juin 2009, n° 08/0172)
Isabelle Lucas-Baloup

La vie en société, d’exercice libéral, ne constitue pas toujours un long fleuve tranquille. Les Docteurs K et L.G avaient constitué une SELARL, dont le premier détenait 75% du capital et le second 25%. Le Docteur K était gérant. Les deux médecins ont commencé à se fâcher à l’occasion d’une modification de la répartition du capital, puis une assemblée générale a prononcé l’exclusion du Dr L.G « pour diverses imputations relevant de qualification pénale » précise l’arrêt. Un administrateur provisoire a été nommé, des plaintes pénales et ordinales déposées et une action au fond engagée sur la régularité de l’assemble générale ayant prononcé l’exclusion. Puis la SELARL a été déclarée en redressement judiciaire.
Un premier jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Pierre a condamné le Dr K à payer au Dr L.G 50 000 € à titre de rachat des parts sociales, 30 000 € à titre de dommages-intérêts pour exclusion abusive et 15 000 € pour rupture abusive de négociations.
L’arrêt prononcé par la Cour de Saint-Denis confirme le jugement et mentionne tout spécialement que les parts de SELARL doivent être évaluées à la date de l’exclusion et non à la date de l’arrêt.

SAFIR - Avril 2011


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Exclusion d'un associé Ophtalmologie SELARL Valeur des parts

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Cotisations du cogérant majoritaire de SELARL
(arrêt Cour de cassation, 2ème ch., 31 mai 2018, n° 17-17.518)
Isabelle Lucas-Baloup

   Quand plusieurs cogérants détiennent ensemble plus de la moitié du capital social d’une SARL, idem pour une SELARL, ils sont tous qualifiés gérants majoritaires et relèvent du régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants (dit TNS, régime des travailleurs non-salariés), géré depuis le 1er janvier 2018 par le régime Sécurité Sociale des Indépendants et non plus par le RSI (ancien régime social des indépendants).

   Un membre minoritaire, voire non associé, d’un collège de gérance majoritaire, ne peut échapper à ce régime et revendiquer le statut de salarié : la condition tenant à l’absence de participation majoritaire s’apprécie au niveau du collège de gérance et non au niveau de chacun de ses membres, vient de juger la 2ème chambre de la Cour de cassation, comme l’avait fait avant elle la chambre sociale.

   Donc pour faire simple :

  • gérant unique, associé détenant plus de 50% du capital à lui tout seul à gérant majoritaire : TNS (nouvelle Sécurité Sociale des Indépendants, ex RSI)
  • cogérant, associé ou pas, l’ensemble des cogérants détenant plus de 50% du capital à gérant majoritaire = TNS (idem ex RSI)
  • gérant unique, associé détenant moins de 50% du capital à gérant minoritaire : « assimilé-salarié » (régime général de la Sécurité sociale)
  • cogérant, associé ou pas, l’ensemble des cogérants détenant moins de 50% du capital à gérant minoritaire = « assimilé-salarié » (idem)
  • le gérant égalitaire est traité comme le gérant minoritaire et considéré comme un « assimilé-salarié ».
La Lettre du Cabinet - Septembre 2018


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Cogérant Cotisation SELARL

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Pas de chirurgie réfractive en cabinet de ville ? (décision du CNOM, 26 juin 2014)
Isabelle Lucas-Baloup

   Une SELARL d’ophtalmologie sollicite une autorisation de site distinct, sur le fondement de l’article R. 4113-23 du code de la santé publique :

« Le lieu habituel d’exercice d’une société d’exercice libéral de médecins est celui de la résidence professionnelle au titre de laquelle elle est inscrite au tableau de l’ordre. Toutefois, dans l’intérêt de la population, la société peut être autorisée à exercer son activité sur un ou plusieurs sites distincts de sa résidence professionnelle :

 

1° lorsqu’il existe dans le secteur géographique considéré une carence ou une insuffisance de l’offre de soins préjudiciable aux besoins des patients ou à la permanence des soins ; ou

 

2° lorsque les investigations et les soins à entreprendre nécessitent un environnement adapté, l’utilisation d’équipements particuliers, la mise en œuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants. (...) »

 

   L’Ordre national confirme la décision de rejet de la demande prononcée par le Conseil départemental de l’Ordre des médecins. Sur le critère géographique, le motif n’est pas spécialement intéressant, en revanche l’Ordre national des médecins motive le refus en ce qui concerne la mise en œuvre de techniques spécifiques et l’utilisation d’équipements particuliers qui n’existaient pas localement ainsi qu’il suit :

 

« La SELARL a indiqué pouvoir au sein de ce site disposer de matériel de laser pour réaliser notamment des actes de chirurgie de la presbytie. Ces actes réalisés dans le cadre de la chirurgie réfractive sont des actes chirurgicaux. Dès lors, cette chirurgie, effectuée sans hébergement, relève des dispositions applicables en matière de chirurgie ambulatoire ; la chirurgie ambulatoire ne peut être réalisée que dans des établissements de santé ou dans des structures de soins alternatives à l’hospitalisation rattachées aux établissements de santé et il n’est pas avancé que la SELARL bénéficie d’une autorisation d’exercice en qualité d’établissement de santé au site envisagé.

 

« En conséquence, il y a lieu de considérer que l’exercice de la chirurgie réfractive envisagé par la SELARL dans une structure qui n’a pas la qualité d’établissement de santé ne répond pas aux conditions posées à l’article R. 4113-23 du code de la santé publique selon lesquelles le médecin doit notamment justifier de la qualité et de la sécurité des soins. »

 

   L’autorisation est à obtenir de l’Agence régionale de santé et transforme le cabinet d’ophtalmologie en établissement de santé privé doté d’une autorisation d’activité de chirurgie, prévue à l’article L. 6122-1 du code de la santé publique, avec toutes les charges et obligations d’une clinique privée, si l’autorisation est consentie ce qui est rare car les syndicats représentatifs d’établissements de santé publics et privés donnent un avis négatif à l’occasion de la procédure préalable à la décision du directeur de l’ARS, préférant conserver en leur sein cette activité de chirurgie ambulatoire, pour laquelle ils facturent à l’assurance maladie des forfaits de séjour et de soins fixés par un tarif calculé d’après les GHS (groupes homogènes de séjour) dans le cadre de la tarification à l’activité (T2A).

 

   La Cour de cassation refuse la prise en charge des interventions relevant des alternatives à l’hospitalisation réalisées en cabinet de ville, en application de l’article L. 162-21 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, et a cassé un jugement du TASS de Cahors auquel les hauts magistrats faisaient grief « de ne pas avoir recherché si le cabinet d’ophtalmologie dans lequel le chirurgien pratiquait des opérations de la cataracte sous anesthésie locale par instillation de collyre constituait un établissement de santé soumis à autorisation » (cf. arrêt Cassation, 2ème ch. civ. 20 mai 2010, n° 09-14-145).

 

   Un autre ophtalmologiste a été condamné pénalement (cf. arrêt Cass. ch. crim, 9 mai 2007) pour avoir exploité un « centre d’ophtalmologie autonome », en application de l’article L. 6125-1 du code de la santé publique : « Le fait d'ouvrir ou de gérer un établissement de santé privé ou d'installer dans un établissement privé concourant aux soins médicaux des équipements matériels lourds définis à l'article L. 6122-14 en infraction aux dispositions des articles L. 6122-1 et L. 6122-7 est puni de 150000 euros d'amende.Est puni de la même peine le fait de passer outre à la suspension ou au retrait d'autorisation prévus à l'article L. 6122-13.En cas de récidive, la peine peut être assortie de la confiscation des équipements installés sans autorisation. »

 

   On se souvient que Madame Bachelot, ancien ministre de la Santé, avait annoncé pendant deux ans la promulgation d’une réforme du droit des autorisations d’établissements de soins, prévoyant des autorisations adaptées aux centres autonomes (en ophtalmologie mais également en gastro-entérologie, en médecine et petite chirurgie esthétique), réforme ajournée grâce au lobbying des syndicats d’établissements de santé. Madame Touraine, qui vient d’être reconduite dans sa mission dans le nouveau Gouvernement de M. Valls, réouvrira-t-elle le dossier, rien n’est sûr…

 

   L’acuité du problème n’échappera à personne : il est mis à la disposition du consommateur, dans certains centres autonomes de spécialistes, des matériels, du personnel et une organisation des soins d’une qualité parfois supérieure à ce qu’on trouve dans des établissements de santé publics ou privés, dument autorisés pour l’activité de soins « chirurgie », mais sans service spécialisé dans la discipline concernée. Un sujet qu’il convient de traiter avec discernement, dans l’intérêt supérieur des patients. Evidemment.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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Cabinet de ville Chirurgie réfractive SELARL Sites distincts

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Réforme des sociétés des professionnels de santé (SELARL, SELAS, SCP, SEP, SCM) par l’ordonnance du 8 février 2023
Isabelle Lucas-Baloup

Le Gouvernement ayant été habilité, par l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, à prendre, par voie d’ordonnance, toutes dispositions relevant du domaine de la loi permettant notamment de « clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé » et de faciliter le développement et le financement de ces structures d’exercice des professions libérales « à l’exclusion de toute ouverture supplémentaire à des tiers extérieurs à ces professions du capital et des droits de vote », l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées a été publiée au Journal Officiel le 9 février.


Elle comprend 6 livres et 135 articles et abroge, à effet du 1er septembre 2024 :
− la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles,
− et la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL).


L’ordonnance concerne toutes les professions libérales qu’elle répartit en « trois familles » :
« 1° la famille des professions de santé réunit les professions libérales réglementées mentionnées à la 4ème partie législative du code de la santé publique ainsi que les biologistes médicaux ;
2° la famille des professions juridiques ou judiciaires, dont la liste est précisée par décret ;
3° la famille des professions techniques et du cadre de vie réunit les autres professions libérales réglementées. »
 

Voici ci-après quelques premiers commentaires sur la portée de cette ordonnance pour les sociétés relevant de la « famille des professions de santé », c’est-à-dire notamment les :
− médecins,
− pharmaciens et médecins biologistes,
− chirurgiens-dentistes,
− sage-femmes,
− infirmiers,
− masseurs-kinésithérapeutes.

1. Sociétés civiles professionnelles (SCP) :
Le Livre II de l’ordonnance (articles 5 à 14) reprend la loi n° 66-879 sur les SCP qu’elle abroge, majoritairement à droit constant.
Rares sont les constitutions actuelles de SCP de professionnels de santé, qui s’orientent majoritairement vers les sociétés d’exercice libéral plus attrayantes dès lors qu’elles permettent une plus grande liberté statutaire (notamment les SELAS). Les règles stables qui président au fonctionnement des SCP demeurent, tel que le vote des associés selon le principe un associé = une voix, quel que soit le nombre de parts sociales qu’il détient.
Deux innovations somme toute mineures :
− Alors qu’une SCP doit être créée avec au moins deux associés personnes physiques, l’article 27 1er alinéa permet de ne pas dissoudre la SCP en raison du décès, de l’incapacité ou du retrait de la SCP d’un associé, ou s’il est frappé d’une interdiction définitive d’exercer sa profession. La SCP peut donc devenir unipersonnelle, alors qu’elle ne peut pas être créée avec un seul associé (sous réserve des décrets à intervenir et des statuts).
− Lorsque toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, la dissolution n’intervient pas de plein droit mais peut être demandée par tout intéressé si la situation n’a pas été régularisée dans les 2 ans. Le tribunal judiciaire peut accorder un délai de 3 ans pour régulariser.


2. Sociétés en participation des professions libérales (SEP) :
Beaucoup de professionnels de santé exercent en commun avec comme instrument juridique une convention, voire un règlement intérieur, qui décrit les obligations respectives des professionnels (cf. par exemple le contrat d’exercice en commun publié sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins). En pratique, il s’ajoute à ce contrat la constitution d’une société en participation, particulièrement lorsque les praticiens mettent en commun, totalement ou partiellement, leurs honoraires. Lorsque les professionnels concernés exerçaient comme personnes physiques, ils soumettaient leurs relations aux articles 1871 à 1873 du code civil. Les problèmes sont advenus lorsque certains d’entre eux ont constitué des sociétés d’exercice, souvent des sociétés d’exercice libéral unipersonnelles (SELURL), SELARL ou SELAS, venues se substituer à la personne physique initiale. L’article 22 de la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL limitait aux personnes physiques la capacité des professionnels libéraux à créer entre eux une SEP, excluant dès lors les personnes morales. Pendant un certain temps, les Ordres des professions concernées ont néanmoins approuvé ces structures, sans appliquer strictement l’article 22, ce qui a changé récemment, contraignant les personnes physiques et morales concernées à constituer des groupements d’intérêt économique (GIE) aux lieu et place des SEP.
A compter du 1er septembre 2024, le problème sera écarté puisque l’article 34 de l’ordonnance prévoit que les SEP pourront être constituées « entre personnes physiques ou morales ».


3. Sociétés civiles de moyens (SCM) :
Aucun changement, l’article 38 de l’ordonnance est identique à l’article 36 de la loi du 29 novembre 1966, article unique régissant les SCM, qui demeurent un parfait outil juridique pour mettre en commun des services (locaux, matériels et agencements, personnel salarié) entre professionnels de santé exerçant une même profession ou des professions de santé différentes (SCM entre médecins, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, infirmiers et autres dans une même unité géographique par exemple), avec une relative liberté de rédaction des statuts et des règles de fonctionnement. Un même professionnel de santé peut être associé dans plusieurs SCM.


4. Sociétés d’exercice libéral (SEL) :
Les articles 40 à 79 au sein du Livre III de l’ordonnance traitent de la détention du capital et des droits de vote et du fonctionnement en général des sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) et autres sociétés d’exercice moins utilisées telles que les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. Le Chapitre II est spécialement consacré aux professions de santé.
Des règles sont édictées, très proches de celles de la loi abrogée de 1990, avec une constante qui oblige à être réservé sur les nouvelles société d’exercice libéral : les décrets à intervenir pour chaque profession, qui ne sont pas encore publiés à la date des présentes observations, pourront imposer des modalités d’exercice qui impacteront sensiblement certains des principes imposés par l’ordonnance du 8 février 2023.
En l’état de cette dernière, on peut d’ores et déjà commenter les dispositions ci-après :

− Définition du professionnel exerçant :
C’est une notion fondamentale puisqu’elle se retrouve dans les règles de détention du capital et des droits de vote. L’article 5 de la loi de 1990 visait les « professionnels en exercice » : pas de réforme majeure sur ce sujet. Un débat a néanmoins eu lieu sur l’intérêt de choisir la notion « d’associé professionnel exerçant » plutôt que celle de « professionnel exerçant », permettant notamment de discriminer l’exercice des collaborateurs libéraux ou salariés au sein de la SEL, sans en être « associés », tout comme sur l’intérêt de faire disparaître la notion de « membre » de la SEL, terme dépourvu de définition en droit des sociétés.
L’article 3 de l’ordonnance donne, ce qui est nouveau, une définition du professionnel exerçant : « Au sens de la présente ordonnance, on entend par professionnel exerçant la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère. La seule réalisation d’actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant. »
L’ordonnance ne définit pas en revanche ce principe d’indépendance, commun à l’ensemble des professions libérales réglementées, souvent caractérisé par sa finalité de garantir la capacité à prendre des décisions professionnelles libres de toute influence extérieure, ce dont se déclarent privés certains professionnels de santé dans des structures dont la gouvernance, sous l’empire actuel de la loi de 1990, les excluent en pratique du pouvoir de décider souverainement de leurs conditions, moyens et liberté d’exercice, notamment lorsque des comités (de direction, de stratégie ou autres) confisquent – au profit d’associés non exerçant - le droit de décider d’une manière indépendante malgré que ces professionnels exerçant demeurent sur le papier majoritaires en capital. Les associés de SEL de biologie médicale relevant de groupes financiers ou industriels expriment fréquemment leurs désillusions sur le sujet.
Dès lors, lorsque l’article 40 de l’ordonnance prévoit « Au moins un professionnel exerçant au sein de la société en est associé, directement ou par l’intermédiaire d’une société de participations financières de professions libérales » (SPFPL), et que l’article 46 impose que « plus de la moitié du capital social et des droits de vote est détenue, soit directement soit par l’intermédiaire d’une SPFPL, par des professionnels exerçant au sein de la société », l’indépendance professionnelle n’est pas garantie d’une manière incontournable, d’autant que l’article 46 est introduit par « sous réserve des dispositions propres à chaque famille de professions », que fixeront les décrets à intervenir.
Enfin, le professionnel exerçant étant une personne physique, on aurait pu s’interroger, compte tenu de la rédaction des articles 3 et 46, sur la possibilité de laisser perdurer les SEL ayant comme associés exerçant uniquement des sociétés d’exercice, elles ne sont pas rares en pratique chez les médecins notamment. La réponse est prévue à l’article 69 :
« Par dérogation à l’article 46, plus de la moitié du capital social de la SEL peut aussi être détenue :
✓ par tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la société ou par toute personne morale exerçant l’objet social de la société,
✓ par des SPFPL, à condition que la majorité du capital et des droits de vote de celles-ci soit détenue par tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL ou par toute personne morale, établis en France ou par une personne européenne au sens de l’article 4, exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL faisant l’objet d’une prise de participations»,
✓ avec faculté d’écarter ces dispositions par décret « afin de tenir compte des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres. »

En l’état de l’ordonnance, hors décrets d’application à intervenir dont on ignore à ce jour le contenu, au sein des professions de santé il est donc possible que d’autres SEL et/ou des SPFPL soient majoritaires en capital et droits de vote d’une SEL à condition qu’elles aient pour associés des professionnels de la même profession que celle exercée par la SEL même s’ils n’exercent pas dans celle-ci, ce que refusaient auparavant certains ordres. Attendons les décrets par profession de santé.

− Détention du capital et des droits de vote :
Pas de changement majeur.
Le nouvel article 47 ne prévoit pas la possibilité pour des personnes autres que :
✓ les professionnels exerçant au sein de la SEL, pour plus de la moitié du capital et des droits de vote, de l’article 46,
et, au titre du complément :
✓ des personnes physiques professionnels exerçants ou des personnes morales exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL ;
✓ pendant un délai de 10 ans, des associés personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette profession au sein de la société,
✓ les ayants droit des personnes physiques professionnels exerçants pendant un délai de 5 ans suivant leur décès,
✓ une SPFPL,
✓ des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la même famille que celle mentionnée dans l’objet social,
✓ des personnes européennes dont l’activité constitue l’objet sociale de la SEL (sous réserves),

de détenir le capital social et les droits de vote, mais c’est à l’article 70 qu’on trouve, pour les professions de santé, sous réserve des décrets à intervenir, des personnes autres que celles ci-dessus qui pourront détenir « une part qu’ils [les décrets] fixent, inférieure à la moitié du capital des sociétés constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés à forme anonyme. Toutefois, ces personnes ne peuvent détenir individuellement plus du quart du capital. »

La loi de 1990 prévoyait à ce titre, en son article 6 III. 1° : « Toutefois, pour celles de ces sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, la part du capital pouvant être détenue par toute personne ne peut dépasser le quart de celui-ci. »

Que signifie « individuellement » dans l’article 70 de l’ordonnance ? On aurait compris que des tiers (par exemple des holdings ou autres sociétés commerciales, relevant ou non de groupes financiers/industriels/fonds de pension ou d’investissement et autres) réalisent un tour de table pour investir ensemble à hauteur au maximum de 25% du capital (pour obtenir des droits financiers supérieurs qui rémunèreront leur investissement), mais la détention « individuelle » (et non « collective ») de plus du quart du capital, par « des personnes autres que celles mentionnées aux articles 46 et 47 » de l’ordonnance, est particulièrement troublante et méritera d’être explicitée par les auteurs du texte tenus par l’article 7 de la loi d’habilitation n° 2022-172 du 14 février 2022 à ne faciliter le développement et le financement des SEL qu’en excluant « toute ouverture supplémentaire à des tiers extérieurs à ces professions du capital et des droits de vote » (cf. premier paragraphe du présent commentaire), mis à part le cas des SEL sous forme de sociétés en commandite par actions qui font l’objet de dispositions particulières (dernier alinéa de l’article 70).
Là encore les décrets d’application aux professions de santé seront à scruter pour mesurer la portée de cette disposition singulière.

- Actions de préférence et droit de vote double :
Aucun droit de vote double ne peut être attribué aux actions des SEL constituées sous la forme de SARL, de SAS ou de SA, lorsqu’elles sont détenues par des actionnaires autres que des professionnels exerçants réalisant leur activité au sein de la SEL.
L’article 71, réservé aux professions de santé, ajoute que « Lorsque les statuts prévoient qu’il est créé ou que pourront être créées des actions à droit de vote double, celles-ci sont attribuées à tous les actionnaires ayant la qualité de professionnel exerçant et réalisant leur activité au sein de la société. Il peut être prévu que cette attribution est suspendue à la condition d’une ancienneté dans l’actionnariat qui ne pourra dépasser deux années » et qu’en cas de cession des actions à droit de vote double elles perdent cette qualité si le bénéficiaire n’est pas un professionnel en exercice au sein de la société.
Ces dispositions vont contraindre certaines SEL à revoir la distribution d’ores et déjà opérée dans leur capital d’actions de préférence bénéficiant à des actionnaires non professionnels exerçants.


- Vote de certaines résolutions réservé aux professionnels exerçants :
L’article 56 prévoit que seuls les professionnels exerçant au sein de la SEL prennent part aux délibérations sur les « conventions réglementées », lorsqu’elles portent sur les conditions dans lesquelles ils exercent leur profession :
✓ dans une société à responsabilité limitée (article 223-19 du code de commerce), donc dans une SELARL,
✓ dans une société anonyme (articles 225-38, -40, - 86 et -88), donc dans une SELSA,
✓ dans une société en commandite par actions (article 226-10), dans une SELCA,
✓ dans une société par actions simplifiée (article 227-10), donc une SELAS.

C’est tout l’objet des contentieux portant sur les conventions d’exercice entre les SEL et leurs dirigeants sociaux (définis aux articles susvisés du code de commerce pour chaque type de sociétés), conclues à des « conditions normales ou courantes » contestées au sein d’une même SEL entre les associés (par exemple des rémunérations de vacations à des tarifs différents selon les professionnels exerçants, ou de prise en charge des cotisations sociales obligatoires pour certains, pas pour d’autres, des volumes inégaux de frais de réception ou de congrès, supportés ou pas par la SEL, des avantages en nature tels que véhicules d’entreprise et autres).

Mais actuellement ces conflits portent le plus souvent sur des conventions signées entre la SEL et certains actionnaires, par exemple des personnes morales non exerçant ayant investi dans la SEL et disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, imposant, en vertu de leurs pouvoirs au sein de la gouvernance, des conventions de prestations de services, de fourniture de locaux, de matériels et ou de personnel, à des tarifs largement supérieurs au coût réel desdites prestations et fournitures, que les professionnels exerçants ont parfois intérêt à contester.

L’article 56 de l’ordonnance confère ainsi aux seuls professionnels exerçants le droit de vote sur les « conditions dans lesquelles ils y exercent leur profession », ce qui évidemment appelle une discussion sur le périmètre de ces contrats : jusqu’où est-on, directement ou indirectement ?, dans le cadre de l’exercice de la profession lorsqu’il s’agit de conventions de prestations et de fournitures, imposées par un groupe d’investisseurs et contestées par les professionnels exerçants… Le sujet n’est pas nouveau, les mêmes dispositions étaient prévues à l’article 12 de la loi de 1990, mais les professionnels exerçants qui se plaignent de telles conventions onéreuses pour la SEL au profit du Groupe auquel ils ont cédé (en raison d’actes sous seings privés contenant des clauses les qualifiant « strictement confidentiels » assorties d’importantes indemnités en cas de divulgation à quiconque jusques et y compris parfois aux autorités ordinales) leur liberté de gérer n’ont pas toujours le réflexe d’utiliser les moyens juridiques à leur disposition pour les contester efficacement en temps opportun.


- Location de parts ou d’actions :
Rien de nouveau à l’article 72 : les parts sociales ou les actions peuvent être louées mais seulement à des professionnels salariés ou des collaborateurs libéraux en exercice au sein de la SEL, qui en deviennent alors associés. Une occasion de rappeler que le bail de parts de SELARL ou d’actions de SELAS, comme la cession de titres assortie d’une clause de rachat, dite en pratique de « réméré », parfaitement légale et organisée par les articles 1659 et suivants du code civil, ou encore la mise à disposition pour une durée déterminée d’une part ou action en industrie, constituent des instruments utiles permettant d’organiser une période probatoire avec un candidat professionnel avant de l’agréer définitivement comme associé au capital de la SEL ou encore d’éviter, dans des professions de santé où l’offre et la demande rendent le recrutement compliqué, de lui conférer un statut de « remplaçant » qui ne remplit pas toujours les conditions réglementaires de ce statut (notamment le professionnel remplacé ne doit pas travailler en même temps que son remplaçant), et ce à plus forte raison lorsque l’administration fiscale tente comme elle le fait actuellement de soumettre à la TVA à 20% les honoraires rétrocédés dans le cadre des contrats de remplacement de professionnels de santé ce qui est totalement nouveau et fermement contesté par les professionnels concernés.

- Agrément des cessions de parts ou actions à de nouveaux associés :
Des règles impératives (la plupart à droit constant compte tenu de l’ancien article 10 de la loi de 1990 dont seul le dernier alinéa n’a pas été repris ce qui simplifie le système) sont prévues pour agréer les nouveaux associés de SEL :
✓ SELARL : l’article 75 prévoit une majorité des associés représentant, au moins, les ¾ des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la SELARL ;
✓ SELSA : l’article 76 exige « nonobstant toute disposition contraire prévue par les statuts ou par une disposition législative » que les cessions d’actions de sociétés d’exercice libéral à forme anonyme soient soumises à un agrément préalable donné selon les statuts :
1° soit par les 2/3 des actionnaires ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la SEL,
2° soit par les 2/3 des membres du conseil de surveillance ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société s’il s’agit d’une société avec directoire et conseil de surveillance, ou par les 2/3 des membres du conseil d’administration ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société s’il s’agit d’une société anonyme avec conseil d’administration ;
✓ SELAS : l’article 77 prévoit que l’agrément de nouveaux associés d’une société par actions simplifiée est donné par les associés exerçant leur activité au sein de la SELAS à la majorité des 2/3 ;
✓ SELCA : l’article 79 de l’ordonnance continue à imposer l’agrément de nouveaux actionnaires commanditaires par les associés commandités à la majorité des 2/3.

- Gouvernance :
A l’instar de l’ancien article 12 de la loi de 1990, les mandats des dirigeants sociaux sont réservés aux professionnels exerçants :
✓ SELARL : les gérants doivent être des associés exerçant leur activité au sein de la société (article 58) ;
✓ SELSA : les membres du directoire, le président du conseil de surveillance ainsi que 2/3 au moins des membres du conseil de surveillance sont des associés exerçant leur activité au sein de la société, comme les directeurs généraux, le président du conseil d’administration ainsi que les 2/3 au moins des membres du conseil d’administration, selon les modalités d’organisation (article 59) ;
✓ SELAS : le président et les dirigeants des SELAS doivent également exercer leur activité au sein de la société, prévoit l’article 61 de l’ordonnance (le périmètre de la qualification de « dirigeant » demeure un sujet de contestation, compte tenu de certaines rédactions de statuts de SELAS à ce titre) ;
✓ SELCA : le gérant, le président du conseil de surveillance ainsi que 2/3 au moins des membres du conseil de surveillance des sociétés en commandite par actions sont des associés exerçant leur activité au sein de la société (article 62).

Ces dispositions existaient sous l’empire de la loi de 1990 mais n’ont pas empêché certains dirigeants sociaux protégés juridiquement de signer notamment dans des pactes d’associés des obligations précises et contraignantes imposées par des associés minoritaires en capital social et droits de vote mais contractuellement souverains dans la gestion de certaines SEL.

- Dispositions diverses à définir par les décrets à intervenir :
L’ordonnance laisse aux décrets à intervenir notamment :
✓ les effets de l’interdiction temporaire d’exercer la profession dont la société ou un associé serait frappé (article 45),
✓ les conditions d’exclusion éventuelle d’un associé (article 45),
✓ le nombre de sociétés constituées pour l’exercice d’une même profession libérale réglementée dans lesquelles une même personne physique ou morale peut prendre des participations, directes ou indirectes (article 74),
✓ les catégories de personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas devenir associées d’une SEL (article 48),
✓ les conditions dans lesquelles les associés peuvent mettre des sommes à la dispositions de la société, au titre de comptes d’associés, montant maximum et conditions applicables au retrait (article 73).

- Retrait de la SEL :
A défaut de dispositions prévoyant les modalités de retrait dans les lois et règlements particuliers à chaque profession, les statuts de la SEL peuvent prévoir les modalités de retrait des associés (article 57).

- Information et contrôle des ordres professionnels :
C’est un sujet sur lequel les décrets propres à chaque profession contiennent actuellement des dispositions particulières. L’ordonnance du 8 février 2023 oblige d’une manière générale et opposable à tous une communication minimum dans les termes ci-après prévus à l’article 44 et ce immédiatement sans attendre l’entrée en vigueur des autres dispositions de l’ordonnance le 1er septembre 2024 :
Sans préjudice des dispositions spécifiques à chaque profession, et étant prévu que, pour chaque profession, les modalités d’application de cette procédure d’information peuvent être précisées par décret, une fois par an la société adresse à l’autorité compétente en matière d’agrément ou d’inscription à l’ordre professionnel dont elle relève :
✓ un état de la composition de son capital social et des droits de vote afférents,
✓ une version à jour de ses statuts,
✓ les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé.
Pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, l’article L. 4113-9 du code de la santé publique prévoyait déjà, avant l’ordonnance commentée, que ces professionnels en exercice « doivent communiquer au conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent les contrats et avenants ayant pour objet l'exercice de leur profession ainsi que, s'ils ne sont pas propriétaires de leur matériel et du local dans lequel ils exercent ou exerceront leur profession, les contrats ou avenants leur assurant l'usage de ce matériel et de ce local. Les mêmes obligations s'appliquent aux contrats et avenants ayant pour objet de transmettre sous condition résolutoire la propriété du matériel et du local. Elles ne s'appliquent pas aux contrats conformes à un contrat-type soumis à l'approbation des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. La communication prévue ci-dessus doit être faite dans le mois suivant la conclusion du contrat ou de l'avenant, […]. Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes exerçant en société doivent communiquer au conseil de l'ordre dont ils relèvent, outre les statuts de cette société et leurs avenants, les conventions et avenants relatifs à son fonctionnement ou aux rapports entre associés. Ces communications doivent être faites dans le mois suivant la conclusion de la convention ou de l'avenant. Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4124-6. »

Dès lors, les nouvelles dispositions annoncées par certains comme une avancée significative permettant de salutaires contrôles ordinaux ne sont pas aussi majeures qu’on pourrait le laisser penser.

Là encore les décrets à intervenir reprendront ou iront plus loin que les obligations réglementaires actuelles, prévues par exemple pour ces trois professions de santé à l’article R. 4113-5 du CSP : « La société communique au conseil départemental de l'ordre, dans le délai d'un mois, tous contrats et avenants dont l'objet est défini aux premier et second alinéas de l'article L. 4113-9. Elle communique également, dans le même délai, le règlement intérieur lorsqu'il a été établi après la constitution de la société. »

Mais surtout l’efficacité de cette communication dépendra de la volonté des Ordres des professions de santé de s’impliquer plus ou moins dans le contrôle des conditions d’exercice au sein des SEL.

Sur ce point, les doctrines sont différentes d’un Ordre professionnel à un autre, et au sein d’une même profession, d’un Ordre départemental à un autre… Des statuts, des règlements intérieurs, des conventions entre associés ou avec des tiers, font l’objet d’un avis favorable dans certains départements et sont rejetés dans d’autres, peut-on observer sur le terrain.

Après communication, certaines réponses ordinales sont dument étayées par une analyse rigoureuse des documents soumis, de la loi de 1990 et de ses décrets d’application, avec déjà une demande de communication des pactes d’associés au sein desquels l’Ordre curieux et consciencieux découvrira l’interposition d’un comité stratégique par exemple au sein duquel les associés exerçants sont minoritaires, ce qui permet de contourner les principes d’indépendance au profit d’un investisseur qui officiellement ne dispose que d’une société commerciale à hauteur de 25% parfaitement autorisée dans le capital de la SEL, ne permettant pas de démontrer l’atteinte à l’indépendance des professionnels exerçants. Il n’est toujours pas prévu de communiquer les droits financiers, différents des droits de vote.

Combien de professionnels exerçants signent également, hors toute communication à l’Ordre, des promesses unilatérales de vente et d’achat permettant à l’investisseur de se débarrasser très facilement d’un professionnel qui n’est plus désiré au sein de la SEL ?

(voir d’autres illustrations dans un précédent article de la rubrique juridique de Gyneco Online « La radiologie phagocytée par les financiers », mars 2021).

Certains ordres départementaux retournent les statuts et autres contrats en invitant les parties à diligenter toutes corrections pour les rendre conformes aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. D’autres ne contrôlent que l’essentiel, parfois même sans déceler de graves infractions apparentes dans la rédaction qui constitueront des nids à contentieux après l’inscription de la SEL au tableau et son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié un excellent Guide des statuts de SELARL de médecins, avec des statuts-types contenant des clauses dites « essentielles », qui méritera d’être mis à jour mais n’a malheureusement jamais publié un travail équivalent pour les SELAS beaucoup plus nombreuses dans les constitutions actuelles que les SELARL.

L’article L. 4121-2 du code de la santé publique prévoit le périmètre des missions des Ordres des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes : « veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire, ou de la profession de sage-femme et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1. Ils contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins. Ils assurent la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme. »

Mais dans la pratique quotidienne, on constate – notamment à l’occasion des séances de tentatives de conciliation (article R. 4127-56) - que les Ordres professionnels ne souhaitent pas s’impliquer dans les relations qui relèvent du droit des sociétés ou du droit civil. Les plaintes soumises aux chambres disciplinaires révèlent parfois également des déceptions de professionnels qui espéraient que leur Ordre s’impliquerait dans le respect de la loi et de la réglementation lorsqu’ils sont victimes d’infractions au droit des SEL, mais souvent le sujet est écarté comme relevant du tribunal judiciaire.

Il y a donc ici matière à réflexion sur le rôle des Ordres des professionnels de santé et sur la formation des conseillers ordinaux qui traditionnellement intervenaient plus volontiers sur les aspects déontologiques et éthiques, mais auxquels l’ordonnance du 8 février 2023 ajoute, en obligeant les professionnels à diverses communications, une obligation de s’immiscer plus dans ce contrôle des conventions. En l’état des textes, lorsque l’indépendance du professionnel est compromise, l’Ordre doit assurer sa défense ainsi qu’il est prévu à l’article L. 4121-2 du CSP. Mais lorsqu’il est question de violations de la loi de 1990, puis à compter du 1er septembre 2024 de l’ordonnance commentée, sans atteinte manifeste à l’indépendance du professionnel, une plus grande marge de liberté est laissée aux institutions ordinales pour se saisir ou au contraire pour écarter ces missions nouvelles. C’est pourquoi les positions officielles que les divers Ordres afficheront après la publication des décrets à intervenir sont attendues avec impatience.


5. Sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) :
Des commentaires ultérieurs seront consacrés - dans la rubrique juridique de Gyneco Online - aux SPFPL qui font l’objet des articles 110 à 128 de l’ordonnance du 8 février 2023.


Entrée en vigueur de l’ordonnance :
Sauf l’obligation de communication immédiate aux Ordres professionnels des documents visés à l’article 44, l’ordonnance entrera en vigueur le 1er septembre 2024 (article 134) et les SEL et SPFPL disposeront alors d’un an pour se mettre en conformité, donc jusqu’au 1er septembre 2025.
Néanmoins, les associés disposeront de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur des décrets relatifs aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévus aux articles 48, 69 et 70 pour se mettre en conformité (cf. article 55).

La réforme étant opérée par ordonnance, celle-ci devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé devant le Parlement dans le délai de six mois à compter de sa publication (délai fixé par l’article 7 II de la loi d’habilitation n° 2022-172 du 14 février 2022). En application de l’article 38 de la Constitution de la Cinquième République française, l’ordonnance devient caduque si le projet de loi de ratification n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elle ne peut être ratifiée que de manière expresse. A l’expiration de ce délai de six mois, l’ordonnance ne pourra plus être modifiée que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
 

Gynéco-online - avril 2023


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SELARL : ordre du jour des AG
Isabelle Lucas-Baloup

   Les assemblées générales de SELARL sont soumises, pour leur fonctionnement, au droit des sociétés de droit commun (article 1832 code civil), au droit des sociétés d’exercice libéral (loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et décret d’application aux professions médicales, codifié aux articles R. 4113-1 et suivants du code de la santé publique) et au droit des sociétés à responsabilité limitée (articles L. 223-1 et suivants et R. 223-1 et suivants du code de commerce). Les statuts doivent respecter ces dispositions.

   Un décret n° 2018-146 du 28 février 2018 est entré en vigueur le 1er avril 2018 permettant à un ou plusieurs associés détenant au moins un vingtième des parts sociales du capital de faire inscrire des points ou des projets de résolution à l’ordre du jour de n’importe quelle assemblée de la SELARL (nouvel article R. 223-20-3 du code de commerce, principe déjà prévu par l’article L. 223-27 du même code, qui attendait ce décret pour s’appliquer).

   L’article R. 223-20-3 prévoit : « La demande d’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée de points ou de projets de résolution par un ou plusieurs associés détenant au jour de l’envoi de cette demande au moins un vingtième des parts sociales est adressée à la société par lettre RAR ou courrier électronique avec accusé de réception, 25 jours au moins avant la date de l’assemblée. La demande d’inscription d’un point à l’ordre du jour est motivée. La demande d’inscription de projets de résolution est accompagnée du texte de ces projets, lesquels peuvent être assortis d’un bref exposé des motifs. Dès lors qu’il a été satisfait aux obligations prévues aux alinéas précédents, les points et les projets de résolution sont inscrits à l’ordre du jour et sont soumis, pour ce qui concerne les projets, au vote de l’assemblée. »

   Cette faculté s’applique même si elle n’est pas prévue aux statuts et toute clause contraire est « réputée non écrite ».

   Le décret ne règle pas tous les problèmes. Ces textes protecteurs des associés minoritaires sont destinés à s’appliquer lorsqu’il existe un conflit entre associés. Quand tout va bien dans le meilleur des mondes, les associés se contentent d’en parler entre eux en temps utile et le gérant qui convoque officiellement l’assemblée inscrit spontanément ce qui lui a été demandé par ses confrères, sans qu’il y ait matière à s’intéresser aux dispositions réglementaires coercitives.

   Dans des SELARL de professionnels médicaux ou paramédicaux où règnent non pas la confraternité mais des guerres picrocholines, le délai de 25 jours peut s’avérer difficile à respecter si le gérant ne communique pas à l’avance la date prévue pour la prochaine assemblée. Il convient en conséquence de s’y prendre à l’avance, en demandant au gérant la date de la prochaine assemblée et, dans le doute, l’inscription des résolutions à la prochaine assemblée, quelle qu’en soit la date.

   Pour des raisons plus comptables et fiscales que juridiques, il est fréquent que tous les associés d’une SELARL soient cogérants. Ce texte n’est alors pas restrictif puisqu’un cogérant peut lui-même provoquer une consultation des associés, même s’il n’est pas titulaire d’1/5ème des parts sociales.

   L’article 812 du code de procédure civile permet, sur simple requête présentée au président du tribunal de grande instance pour les SELARL, de faire nommer un huissier de Justice qui pourra enregistrer l’intégralité des débats si cela apparaît nécessaire, dans les hypothèses particulières où les échanges entre collègues méritent qu’un tiers non impliqué dans les débats en consigne le contenu.

La Lettre du Cabinet - Septembre 2018


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