Base de données - Etat civil

Enfant né de deux parents du même sexe ?
Isabelle Lucas-Baloup

Ce qui est impossible en raison des lois de la nature l’est-il en droit français ?

Tout peut évoluer, et les débats récents sur l’homoparentalité ont conduit à ce que certains appellent de leurs vœux « le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant » pendant que d’autres qualifient « excès pernicieux » les revendications des premiers.

Cette rubrique étant consacrée au juridique, et non à l’éthique à la philosophie ou à la biologie de la conception humaine, c’est sans autres commentaires que ceux dédiés à la jurisprudence, que sont évoqués ci-après deux arrêts récents de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation :

M. X., de nationalité française, et M. Y., de nationalité britannique, demeurant tous deux au Royaume-Uni, ont, après avoir obtenu l’agrément des services sociaux britanniques, adopté, par décision du 18 juillet 2008, A. Z., né en 1998, puis ils ont sollicité l’exequatur de cette décision en France.

Dans le même temps, deux hommes de nationalités française et canadienne, vivant ensemble depuis 1997 à Montréal (Canada), ont accueilli, en 2005, en vue de son adoption, un enfant âgé de 3 ans, dont la Chambre de la jeunesse de la Cour de Québec a prononcé l’adoption conjointe. Comme les anglo-saxons susvisés, ce couple homoparental a lui aussi sollicité l’exequatur du jugement en France.

Dans les deux affaires, la Cour d’appel de Paris a accueilli cette demande, en 2011. Mais l’article 346 de notre code civil prévoit : « Nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux […]. »

Par deux arrêts du 7 juin 2012, la Cour de cassation casse et annule :

- pour le couple franco-canadien, elle retient :

« Attendu que le Procureur général près la Cour d’appel de Paris fait grief à l’arrêt d’accueillir cette demande, alors selon le moyen, que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes si ce n’est par deux époux, de sorte qu’en reconnaissant l’adoption conjointe par deux personnes non mariées, la Cour d’appel a violé l’article 346 du code civil, dont les dispositions relèvent de l’ordre public international français.

« Mais attendu que l’article 346 du code civil, qui réserve l’adoption conjointe à des couples unis par le mariage, ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français ; que le grief n’est pas fondé ;

« Mais, vu l’article 3 du code civil, ensemble l’article 509 du code de procédure civile, ainsi que l’article 310 du code civil ;
« Attendu que pour ordonner l’exequatur du jugement, l’arrêt retient que cette décision, qui prononce l’adoption par un couple non marié et partage l’autorité parentale entre les membres de ce couple, ne heurte aucun principe essentiel du droit français et ne porte pas atteinte à l’ordre public international ;

« Attendu, cependant, qu’est contraire à un principe essentiel du droit français de la filiation, la reconnaissance en France d’une décision étrangère dont la transcription sur les registres de l’état civil français, valant acte de naissance, emporte inscription d’un enfant comme né de deux parents du même sexe ;

« Qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher, ainsi qu’il lui incombait, si la transcription du jugement sur les registres de l’état civil français n’aurait pas pour effet d’inscrire cet enfant comme étant né de deux parents du même sexe, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

« Par ces motifs :

« Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 février 2011, entre les parties, par la Cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Versailles […] »


- pour le couple franco-britannique, elle juge :

« […] Mais attendu que l’article 346 du code civil qui réserve l’adoption conjointe à des couples unis par le mariage ne consacre pas un principe essentiel reconnu par le droit français ; que le grief n’est donc pas fondé ;

« Mais, vu l’article 509 du code de procédure civile, ensemble l’article 310 du code civil ;

« Attendu qu’est contraire à un principe essentiel du droit français de la filiation, la reconnaissance en France d’une décision étrangère dont la transcription sur les registres de l’état civil français, valant acte de naissance, emporte inscription d’un enfant comme né de deux parents du même sexe ;

« Attendu que pour ordonner l’exequatur du jugement étranger, l’arrêt retient que cette décision, qui prononce l’adoption par un couple non marié et qui partage l’autorité parentale entre les membres de ce couple, ne heurte aucun principe essentiel du droit français et ne porte pas atteinte à l’ordre public international ;

« Qu’en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, cette adoption avait pour effet de rompre les liens de filiation antérieure de l’enfant de sorte que la transcription de la décision étrangère sur les registres de l’état civil français emporterait inscription de l’enfant comme étant né de deux parents de même sexe, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;

« Par ces motifs,

« Casse et annule, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 février 2011 tel que rectifié le 31 mars 2011, entre les parties, par la Cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel de Versailles […] »

Versailles. Versailles. Deux minutes d’arrêts…
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Gynéco Online - Décembre 2012


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Adoption Etat civil Homoparentalité Homosexuel Mariage Ordre public

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GPA et état civil : quoi ma mère, qu’est-ce qu’elle a ma mère…
(arrêt du 29 novembre 2017, Cour de cassation, 1ère ch. civ, n° 16-50061)
Isabelle Lucas-Baloup

Selyan est né d’une gestation pour autrui (GPA) à Kiev (Ukraine), de M. X et Mme Y, tous deux de nationalité française. Les époux ont sollicité la transcription de l’acte de naissance de l’enfant sur les registres de l’état civil consulaire français. L’Ambassade de France à Kiev a sursis à la transcription et a avisé le Procureur de la République de Nantes, qui lui-même est demeuré dans l’attente d’instructions de la Chancellerie, si bien que les parents ont assigné le Procureur devant le Tribunal de grande instance de Nantes aux fins de voir ordonner la transcription de l’acte de naissance de Selyan sur les registres de l’état civil français. Un premier jugement a fait droit à la demande de transcription, le Procureur a interjeté appel, la Cour de Rennes a confirmé le jugement (arrêt du 12 décembre 2016).

Le Procureur a saisi la Cour de cassation qui vient, par un arrêt du 29 novembre 2017, de confirmer la transcription à l’égard du père, mais casse et annule l’arrêt de la Cour de Rennes en ce qu’il a ordonné la transcription en désignant Mme Y en qualité de mère, après avoir constaté qu’elle n’a pas accouché de l’enfant.

Cet arrêt permet quelques observations sur la reconnaissance de la filiation de l’enfant né d’une GPA à l’étranger :

La jurisprudence a longtemps considéré qu’il était contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public en application des articles 16-7 (Toute convention portant sur la procréation ou la gestion pour le compte d’autrui est nulle) et 16-9 (Les dispositions du présent chapitre sont d’ordre public) du code civil.

Lorsque la GPA a lieu à l’étranger et que les parents veulent revenir avec l’enfant en France, ils demandent une transcription de l’état civil étranger sur l’état civil français au Service central d’état civil (SCEC) à Nantes, qui met en œuvre alors l’article 47 du code civil : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »

La Cour de cassation s’est d’abord opposée à la transcription d’un acte de naissance d’un enfant né par GPA à l’étranger en utilisant la notion de « fraude à la loi » caractérisée par la réalisation d’une GPA dans un pays tiers où elle est autorisée. La Cour interdisait en conséquence à une convention de GPA de produire des effets, et l’acte de naissance étranger d’un enfant né d’une GPA ne pouvait être transcrit à l’état civil français, même si le père et la mère figurant sur l’acte étaient bien le père biologique et la femme ayant accouché (par opposition à la mère dite d’intention).

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, arrêts Menesson et Labassée, 26 juin 2014) a jugé que l’interdiction de la GPA n’est pas contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que le refus de transcrire un acte de naissance établi à l’étranger au motif que cette naissance est le fruit d’une GPA est compatible avec le droit au respect de la vie familiale. En revanche, la CEDH a considéré que le refus de transcrire la filiation des enfants à l’égard du père biologique, telle qu’elle apparait sur l’acte étranger, constitue une atteinte disproportionnée à la vie privée des enfants, vie privée protégée par l’article 8 de la Convention : chacun doit pouvoir établir les détails de son identité d’être humain, ce qui comprend sa filiation.

Par un revirement de jurisprudence très commenté, la Cour de cassation a donc, en assemblée plénière du 3 juillet 2015, écarté la théorie de la fraude faisant échec à la transcription de l’acte de naissance et a cassé l’arrêt qui écartait la demande de transcription au seul motif que la naissance était l’aboutissement d’un processus comportant une convention de GPA. Mais les cas tranchés ne concernaient pas des parents d’intention.

La France a de nouveau été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, 21 juillet 2016), avant d’opérer une reconnaissance partielle de la filiation de l’enfant né de GPA. Par cinq arrêts du 5 juillet 2017 (n° 824 à 828) : la filiation paternelle des enfants nés de GPA a été reconnue, mais les arrêts ont refusé la filiation maternelle.

Pour la filiation paternelle : dans les arrêts du 5 juillet 2017 comme dans celui du 29 novembre, la Cour de cassation retient que la convention de gestation pour autrui conclue à l’étranger ne fait pas obstacle à la transcription de l’acte à l’état civil français dès lors que l’acte de naissance n’est ni irrégulier ni falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, s’agissant de la désignation du père.

En revanche, pour la filiation maternelle : il est retenu que « la réalité » de l’article 47 du code civil doit être la réalité de l’accouchement, seul critère de la maternité. Il reste à la mère d’intention la possibilité d’adopter l’enfant de son conjoint.

En 2018 doivent se tenir les états généraux de la bioéthique, confiés par le législateur au Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE), préalablement à la révision de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique. Dans son dernier avis n° 126 du 15 juin 2017, le CCNE a conclu ses travaux par les recommandations ci-après concernant la GPA :

  • "Le CCNE est favorable à l’élaboration d’une convention internationale pour l’interdiction de la GPA et particulièrement attaché à l’effort diplomatique ; dans le même sens que le rapport d’information concernant la GPA remis à la Présidence du Sénat du 17 février 2016, il recommande l’engagement de négociations internationales, multilatérales.
  • "Concernant la reconnaissance de la filiation d’un enfant né par GPA à l’étranger, lorsqu’est établie par un état civil probant une filiation biologique avec au moins l’un des parents français, le CCNE soutient le choix de la délégation d’autorité parentale en faveur du parent d’intention n’ayant pas de lien biologique avec l’enfant, car elle respecte la réalité des conditions de sa naissance.
  • "Il recommande, dans les cas de suspicion concernant la réalité de la filiation biologique d’un enfant né par GPA à l’étranger, que puisse être réalisée une vérification de la filiation génétique par un test ADN avant la transcription d’état civil étranger en état civil français de l’enfant, pour vérifier qu’il existe un lien biologique avec au moins l’un des parents d’intention. Le résultat et la situation devraient être soumis à examen. Au cas où se confirmerait un soupçon de trafic d’enfant, ce dernier pourrait être confié à des fins d’adoption.
  • "Il recommande par ailleurs que l’état civil des enfants garde la trace et le nom de tous les intervenants à la convention de gestation et que les enfants aient accès au contrat qui a permis leur naissance, aux fins de pouvoir « construire leur identité » et reconstituer l’ensemble de leur histoire." 

Par une note d’information du 29 novembre 2017, le Ministère des solidarités et de la santé a invité les agences régionales de santé, les CHU et les espaces de réflexion éthique régionaux et interrégionaux à participer à la mise en œuvre des espaces de réflexion, concomitants des travaux d’élaboration du projet de loi.

La Lettre du Cabinet - Janvier 2018


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Transsexualisme et changement de prénom Arrêts récents
Isabelle Lucas-Baloup

L’article 60 du code civil prévoit que « Toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander à changer de prénom. La demande est portée devant le juge aux affaires familiales à la requête de l’intéressé ou, s’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur en tutelle, à la requête de son représentant légal. L’adjonction ou la suppression de prénoms peut pareillement être décidée. Si l’enfant est âgé de plus de 13 ans, son consentement personnel est requis. »

Les changements de prénoms interviennent notamment en cas de transsexualisme mais aussi d’intersexualisme ou d’hermaphrodisme. La modification du prénom sur les registres de l’état civil est souvent la conséquence d’un changement de sexe. La jurisprudence française avait beaucoup résisté aux demandes de changement de prénom liées au transsexualisme et il a fallu la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (Strasbourg) pour violation de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en 1992, pour que la Cour de cassation admette la modification de l’état civil après une métamorphose thérapeutique, sur le fondement du principe du respect dû à la vie privée prévu à l’article 9 du code civil.

Quelques jurisprudences récentes : 

- Arrêt Cour d’appel de Versailles, 1ère chambre 1ère section, 2 février 2012 (n° 10/04968) :

« Considérant qu’aux termes d’un rapport d’expertise parfaitement argumenté, le Professeur L. répond à la question de savoir s’il est possible ou non de déterminer le sexe d’Isabelle L. "que les avis concordants des psychiatres, du gynécologue et de l’endocrinologue ainsi que la période de suivi et de traitement qui, débutée en 2008, se poursuit actuellement de façon stable, à la satisfaction de Mme L., incitent à considérer qu’il s’agit bien d’une dysphorie de genre du sexe biologique féminin vers le sexe masculin."

« Qu’il conclut "qu’à ce jour, en l’état actuel de données dont nous disposons, Mme L. peut être considérée comme appartenant au plan psychologique, comportemental et dans son apparence extérieure, au sexe masculin".

« Considérant que l’ensemble des éléments du dossier ainsi que les conclusions péremptoires du Professeur L. justifient, conformément au principe du respect dû à la vie privée posé par les articles 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil de faire droit à la demande de modification de sexe et de prénom comme le demande l’appelante. » 


- Arrêt Cour d’appel de Nancy, 3ème chambre civile, 2 septembre 2011 (n° 11/02099, 09/02179) :

« Attendu que l’état civil d’une personne doit indiquer le sexe dont elle a l’appartenance.

« Attendu que la demande de changement d’état civil ne peut se fonder sur la notion de possession d’état, déjà invoquée dans les premières conclusions de l’appelant ; qu’il sera rappelé aux termes de l’arrêt du 11 octobre 2010, il a été expressément indiqué par la Cour que le fait que la personne appartienne au sexe féminin aux yeux des tiers compte tenu de son comportement social et de l’apparence qu’elle donne en faisant établir la plupart des documents de la vie courante sous un prénom féminin en l’espèce Delphine, ne peut valoir preuve d’un changement irréversible de son sexe de nature à justifier une telle demande ;

« Attendu que la modification d’état civil n’impose pas nécessairement que soient avérées chez la personne qui la sollicite des transformations de nature chirurgicale et donc une opération de "réassignation sexuelle" mais que soit établi le caractère irréversible du processus de changement de sexe engagé ;

« Qu’invité par la Cour à justifier médicalement des conséquences du traitement d’hormonothérapie auquel il se soumet depuis 5 ans, Thierry R.-G. a produit aux débats deux certificats médicaux, l’un du Docteur G., psychiatre, qui indique que "Delphine R.-G. a eu un traitement hormonal depuis 4 ans, est en inversion de genre depuis cette date, ceci de façon irréversible" ; que ce médecin ajoute qu’elle ne présente pas de troubles psychiatriques ;

« Qu’un second certificat médical du Docteur A., médecin traitant généraliste, confirme que le traitement hormonal substitutif féminisant a induit des modifications corporelles féminines parfaitement avérées ;

« Que ces constatations médicales et les termes mêmes employés par ces médecins, établissent le caractère irréversible du changement entrepris et des modifications du métabolisme qui en résultent ; qu’il convient donc […] de faire droit à la demande de changement de sexe ;

« Attendu que, par application de l’article 60 du code civil, toute personne qui justifie d’un intérêt légitime peut changer de prénom ; que le changement de sexe et la mention dans l’acte de naissance du sexe féminin rend légitime le changement de prénom masculin en un prénom féminin Delphine ; qu’il convient de faire droit à la demande. » 

- Arrêt Cour d’appel de Rennes, 6ème chambre, 7 juin 2011 (n° 10/03953) :

« Il résulte des pièces médicales versées aux débats que Monsieur H. présente un trouble de l’identité sexuelle, qu’il vit "sous habitus féminin", qu’il est animé de la volonté de changer de sexe et qu’il a entrepris des traitements pour mettre en harmonie son corps et son sentiment d’appartenir au sexe féminin.

« Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que depuis de nombreuses années il se comporte comme une femme dont il a l’apparence et est connu sous le nom de Janie H.

« Si Monsieur H. n’est pas allé jusqu’au bout de sa démarche en ne subissant pas de "réassignation chirurgicale", ainsi que le Tribunal l’a indiqué dans sa décision, il convient d’observer que la demande de changement d’état civil est fondée dès lors que les traitements hormonaux destinés à opérer une transformation physique ou physiologique ont entraîné un changement de sexe irréversible, même si l’ablation des organes génitaux n’a pas été réalisée.

« Il apparaît à la Cour que Monsieur H. qui présente le syndrome de transsexualisme ne possède plus à la suite du traitement subi tous les caractères de son sexe et a pris une apparence physique le rapprochant de l’autre sexe auquel correspond son comportement social et que sa transformation est irréversible.

« Dès lors, en application du principe du respect dû à la vie privée, il est bien fondé à demander que son état civil indique le sexe dont il a l’apparence. » 

- Arrêt Cour d’appel de Lyon, 2ème chambre, 14 février 2011 (n° 10/01752) :

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. demande à pouvoir substituer, à son prénom, celui de Myriam ; qu’il indique être connu sous ce prénom depuis de nombreuses années tant sur le plan personnel que sur le plan administratif, ce dont il justifie par des attestations et la production de divers documents et factures, ainsi que de l’intitulé de son compte bancaire où il figure sous les vocables de Madame Myriam D. ;

« Attendu que la question d’un intérêt légitime envisagée au regard d’un usage prolongé pourrait effectivement être débattue ;

« Mais attendu que cette question se heurte à un principe d’ordre public dans la mesure où l’attribution du prénom est étroitement liée au sexe ; que le sexe et le prénom sont des identifiants de l’identité d’une personne et constituent des mentions substantielles qui doivent conserver un caractère de permanence ; que l’identité ne peut recevoir de modification que dans des circonstances strictement limitées par la loi ;

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. a été enregistré à l’état civil comme étant de sexe masculin ; qu’il invoque un état de transsexualisme le conduisant à revendiquer un prénom qui soit en conformité avec ses aspirations et son comportement social, orientés vers la féminité ;

« Mais attendu qu’il n’y a pas de requête en modification de l’état civil, s’accompagnant d’une demande de changement de prénom pour mettre précisément l’identité en conformité avec l’état civil ; que Monsieur Jean-Michel D.C. ne justifie pas de démarches médicales en vue d’une transformation irréversible des caractères morphologiques et sexuelles pour changer de sexe ; qu’il produit un seul certificat médical, d’un médecin généraliste, indiquant qu’il suit ?avec son endocrinologue, Madame Myriam D., qui me dit souffrir d’un syndrome de transsexualité à évaluer?, que cette formulation vague et imprécise, qui se contente de rapporter les doléances d’un patient sans conclure par un diagnostic, ne présente pas un caractère suffisant pour considérer que le requérant est engagé dans un processus médical ;

« Attendu que c’est à bon droit que le premier juge a débouté Monsieur Jean-Michel D.C. de sa demande, faute d’éléments médicaux pour justifier la mise en conformité de son identité avec un état civil autre que celui enregistré lors de sa naissance ;

« Mais attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. justifie d’un intérêt légitime à modifier son prénom dans la mesure où l’apparence physique féminine qu’il s’est donnée et son comportement social suscitent des interrogations par rapport à son prénom masculin ; qu’il souhaite, pour mener une vie tranquille et discrète, ne pas donner prise à de telles interrogations qui peuvent faire douloureusement intrusion dans son intimité et sa vie privée ;

« Qu’il formule en appel une demande subsidiaire pour substituer à son prénom celui de "Camille" qui peut être porté par un homme ou une femme, sans que cela suscite de la curiosité ; qu’en outre, ce prénom le rattache étroitement à des liens familiaux puisqu’il est celui de sa grand-tante ;

« Attendu que Monsieur Jean-Michel D.C. présente bien un intérêt légitime en raison des inconvénients d’ordre psychologique résultant du port d’un prénom qui ne correspond pas à l’aspect extérieur de sa personne ; qu’il sera fait droit à sa demande de pouvoir substituer à son prénom "Jean-Michel" celui de "Camille". »

Attention donc à la manière dont les médecins rédigent les certificats médicaux utiles et demandés à l’occasion de procédures de changement d’état civil…

Gynéco Online - Avril 2012
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