Cataractes opérées en dehors d’un établissement de santé : pas de prise en charge par la CPAM

Titre complément
(Arrêt Cour de cassation, 2ème chambre civile, 20 mai 2010, n° 09-14.145)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

La Cour de cassation annule un jugement du TASS de Cahors, qui avait ordonné la prise en charge, par la CPAM locale, d’une intervention chirurgicale de la cataracte réalisée par un chirurgien ophtalmologiste en son cabinet libéral en ville, en retenant :
« que le conseil régional de l’ordre des médecins du Limousin avait, après une visite du cabinet médical du Dr Y., vérifié que les moyens en matériel et en personnel de la structure correspondaient aux besoins des interventions chirurgicales qui y étaient réalisées, que les obligations de prudence et de comportement étaient respectées par le praticien, que la caisse n’établissait pas que les conditions avaient changé et que tous les patients dépendant du cabinet avaient été remboursés jusqu’à l’automne 2006 et depuis juin 2008, de telles incohérences administratives ne pouvant être opposées aux assurés qui doivent bénéficier sur l’ensemble du territoire d’une égalité de traitement ».
La Cour de cassation ne partage pas cette opinion et, très classiquement !, rappelle que la prise en charge est prévue et organisée par les articles L. 162-21 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, et les articles L. 6111-1 et -2 et L. 6122-1 du code de la santé publique et « qu’en vertu du premier de ces textes, l’assuré ne peut être couvert de ses frais de traitement dans les établissements de santé de toute nature que si ces établissements sont autorisés à dispenser des soins aux assurés sociaux ; qu’il résulte de la combinaison de trois derniers que constituent des établissements de santé soumis à autorisation de l’agence régionale d’hospitalisation [aujourd’hui de santé] les structures alternatives à l’hospitalisation qui ont pour objet de dispenser avec ou sans hébergement des soins de courte durée en chirurgie ou des soins de chirurgie ambulatoire. » L’arrêt conclut qu’en se déterminant comme il l’a fait le jugement, sans rechercher si le cabinet d’ophtalmologie du Dr Y., dans lequel il pratiquait des opérations de la cataracte sous anesthésie locale par instillation de collyre, constituait un établissement de santé soumis à autorisation, n’a pas donné de base légale à sa décision. L’affaire est envoyée au TASS d’Agen.

--> Les ophtalmologistes doivent être prudents dans la position qu’ils adoptent au regard de leur exercice de la chirurgie (mais où commence et où s’arrête la définition de l’acte chirurgical, c’est tout le problème non parfaitement réglé à ce jour, en droit). Il convient de se souvenir à ce titre de la condamnation, par la chambre criminelle de la Cour de cassation, d’un ophtalmologiste qui exploitait un « centre d’ophtalmologie autonome » jugé coupable du délit prévu et réprimé à l’article L. 6125-1 du code de la santé publique visant le fait d’ouvrir ou de gérer, sans l’autorisation prévue à l’article L. 6122-1 du même code, un établissement de santé défini par les articles L. 6111-1 et L. 6111-2.
(cf. site web lucas-baloup.com, La Lettre du Cabinet de septembre 2007, archives, « ophtalmologie », arrêt du 9 mai 2007).
Madame Bachelot, ancien ministre de la Santé, a annoncé pendant au moins deux ans, la promulgation d’une réforme du droit des autorisations, avec la possibilité d’autorisations adaptées aux centres autonomes (qui existent aussi dans d’autres spécialités que l’ophtalmologie, telles que les centres d’explorations en gastro-entérologie, les centres de médecine esthétique, etc.), mais il semble que le lobbying des établissements de santé autorisés par les ARS ait été efficace pour s’opposer à la publication de ce texte.

Source
SAFIR - Avril 2011