Dommage intervenu dans le cadre de l’activité libérale d’un ophtalmologiste à l’hôpital. Conditions de la responsabilité du CHU non réunies en raison du matériel utilisé Notion nouvelle de « données avérées de la science »

Titre complément
(Arrêt Cour administrative d’appel de Bordeaux 18 mars 2008, n° 06BX01825)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

Brûlure rétinienne par photo-traumatisme intervenue en raison de la lumière émise par le microscope utilisé lors de l’opération de la cataracte nucléaire par phakoémulsification subie en 1998, dans le service libéral d’un ophtalmologiste PH en CHU.

Apparition des premiers symptômes de l’affection quelques jours après l’intervention.

Rappel par l’arrêt du droit applicable :
« Les rapports qui s’établissent entre un patient et un praticien hospitalier autorisé, par convention avec l’établissement public de santé dont il dépend, à y exercer une activité libérale en sus de son service, suivant les modalités définies par ces dispositions, relèvent du droit privé ; ledit établissement public ne saurait, dès lors, être rendu responsable des dommages causés à ce patient, ainsi admis dans ses services à titre privé, lorsque de tels dommages trouvent leur origine dans un agissement prétendument fautif imputé au praticien en cause ; sa responsabilité peut en revanche être engagée lorsque les dommages invoqués ont pour cause un mauvais fonctionnement du service public, résultant soit d’une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l’hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, pour les besoins de leur exercice libéral, soit d’une mauvaise installation des locaux, soit enfin de la défaillance des produits et appareils de santé ; dans ce dernier cas, la responsabilité du service public hospitalier peut être recherchée en l’absence même de toute faute de sa part, sans préjudice d’un éventuel recours en garantie contre le fabricant du produit ou appareil défectueux, et sans qu’y fasse obstacle ce régime spécial de responsabilité étant distinct du régime général de responsabilité du fait des produits défectueux dont les principes résultent de la directive communautaire n° 85/374 du 25 juillet 1985 actuellement transposée en droit interne par les articles 1386-1 et suivants du code civil, la circonstance que le fabricant du matériel en cause peut être identifié ; »

Il est finalement jugé que l’appareil utilisé était de conception ancienne n’ayant pu être équipé, lors de sa révision en 1997, du modulateur recommandé notamment par une circulaire ministérielle du 11 juin 1996. « Toutefois, l’intensité lumineuse du microscopie opératoire en cause ne révèle pas une défaillance de l’appareil et n’a pas été, lors de l’intervention, supérieure aux données fournies par son fabricant ; »
Son utilisation pour les besoins d’opérations de cette nature n’était pas contraire aux normes en vigueur et demeurait compatible avec les données avérées de la science. Il ne saurait dès lors être regardé, nonobstant la disponibilité, sur le marché de l’équipement médical, de matériels plus perfectionnés, comme présentant un défaut de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire. » 

-->  Il est intéressant de lire que la juridiction administrative fait référence aux « --onnées avérées de la science ». On se souvient que le code de déontologie médicale fait obligation aux ophtalmologistes de donner des soins « consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » (article R. 4127-32, code de la santé publique).

-- > C’est dans la loi du 4 mars 2002 (loi dite Kouchner) qu’on trouve pour la première fois la notion de « connaissances médicales avérées », à l’article L. 1110-5 du code de la santé publique : « Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. » 


-->  Dans chaque cas, ce sont les experts nommés qui informent la juridiction saisie de l’état de l’art, ce qui peut évidemment générer des discussions techniques, médicales et plus généralement scientifiques sur ce qui est « avéré », « acquis », « actuel » ou obsolète…

Source
SAFIR - Mars 2009