Echographies fœtales

Titre complément
(arrêt du 16 janvier 2013)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

On se souvient des jurisprudences Quarez et Perruche, puis de la décision du 11 juin 2010 du Conseil Constitutionnel sur la conformité à la Constitution de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles, commentée sur ce site (cf. Rubrique juridique, septembre 2010, « Affaire Perruche, suite… et fin ? ») :

L’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles :

« Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance.

« La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer.

« Lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée, les parents peuvent demander une indemnité au titre de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait inclure les charges particulières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. La compensation de ce dernier relève de la solidarité nationale. »

fait déjà l’objet d’applications jurisprudentielles et la Cour de cassation vient de se prononcer en rejetant le pourvoi engagé à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 15 décembre 2011, également commenté sur ce site il y a un an (« Agénésie non diagnostiquée : indemnité aux parents », janvier 2012).

Il est intéressant de connaître la motivation retenue par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 janvier 2013, pour rejeter le pourvoi engagé par les médecins condamnés :

« Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, du 15 décembre 2011), que, le 13 mai 2005, Mme X… a accouché d’une fille prénommée Tifanny présentant une agénésie de l’avant-bras droit, qu’au cours de sa grossesse, elle avait fait l’objet de trois échographies, la première pratiquée le 16 novembre 2004 par M. Y…, les deux autres les 26 janvier et 30 mars 2005, par M. Z…, tous deux médecins échographistes ; que M. et Mme X… ont recherché la responsabilité des deux praticiens ;

« Sur le moyen unique du pourvoi principal :

« Attendu que M. Z… fait grief à l’arrêt de le condamner in solidum avec M. Y…, à réparer le préjudice moral subi par M. et Mme X…, alors, selon le moyen, que la responsabilité d’un professionnel de santé envers les parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse suppose la commission d’une faute caractérisée ; que, s’agissant d’une échographie, la faute caractérisée est celle qui, par son intensité et son évidence, dépasse la marge d’erreur habituelle d’appréciation, compte tenu des difficultés inhérentes au diagnostic anténatal ; qu’en l’espèce, en affirmant que M. Z… avait commis une faute caractérisée sans préciser en quoi la mention dans le compte-rendu de l’échographie de l’existence de membres supérieurs du fœtus dépassait la marge d’erreur habituelle d’appréciation pour un examen qui comporte une irréductible part d’aléa, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Mais attendu que la Cour d’appel a relevé que M. Z… avait indiqué, dans son compte-rendu écrit du 26 janvier 2005, que les membres étaient « visibles avec leurs extrémités » ; qu’elle a pu en déduire que cette affirmation constituait une faute qui, par son intensité et son évidence, était caractérisée au sens de l’article précité ; que le moyen n’est pas fondé ;

« Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches :

« Attendu que M. Y… reproche également à l’arrêt de le condamner à l’égard de M. et Mme X…, alors, selon le moyen :

« 1°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. Y…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, sans indiquer en quoi, compte tenu de l’état de développement du fœtus, peu avancé lors de la première échographie, cette erreur constituait une faute caractérisée, compte tenu des difficultés et de la marge d’erreur inhérentes à ce type d’examen, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« 2°/ que la responsabilité d’un professionnel de santé ne peut être engagée à l’égard des parents d’un enfant né avec un handicap qu’en cas de faute caractérisée ; qu’en se bornant à énoncer que M. Y…, qui avait affirmé de façon erronée que l’enfant avait ses deux mains, avait commis une faute caractérisée, motif pris qu’il s’était montré négligent et trop hâtif dans son examen, sans relever aucun élément permettant d’établir que M. Y… n’aurait pas consacré à l’examen médical tout le temps et l’attention que celui-ci requérait, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles ;

« Mais attendu que la Cour d’appel, qui a déduit l’existence d’une faute caractérisée au sens de l’article précité, de la constatation que M. Y… avait affirmé, dans le compte-rendu écrit de l’examen, la présence de deux mains, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;

« Par ces motifs :

« Rejette le pourvoi ;

« Condamne MM. Z… et Y… aux dépens ; »

Source
Gynéco Online - Mars 2013