Infections nosocomiales : responsabilités encourues(Conseil constitutionnel, arrêt du 1er avril 2016, n° 2016-531 et Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 14 avril 2016, n° 14-23909)

Auteur(s)
Claire Périllaud
Contenu

    Le 6 janvier 2016, la Cour de cassation a saisi le Conseil Constitutionnel d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) relative à l’article L. 1142-1 alinéa 2 du code de la santé publique qui prévoit que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins est responsable des dommages résultant d’infections nosocomiales, même sans faute, sauf s’il rapporte la preuve d’une cause étrangère. Alors, qu’à l’inverse, le professionnel de santé libéral verra sa responsabilité engagée en matière d’infection nosocomiale en cas de faute de sa part.

   La question était donc de savoir si l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 « La loi […] doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » n’était pas violé.

   Le 1er avril 2016, le Conseil Constitutionnel, après avoir rappelé que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente les situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et/ou l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit, considère qu’il existe « au sein d’un établissement, service ou organisme de santé une prévalence des infections nosocomiales supérieure à celle constatée chez les professionnels de santé exerçant en ville, tant en raison des caractéristiques des patients accueillis et de la durée de leurs séjours qu’en raison de la nature des actes pratiqués et de la spécialité des agents pathogènes de ces infections ». Le Conseil Constitutionnel retient que le législateur a entendu prendre en compte les spécificités des risques en milieu hospitalier et que, dès lors, la différence de traitement qui découle des conditions d’engagement de la responsabilité pour les dommages résultant d’infections nosocomiales repose sur une différence de situation et qu’il n’y a pas de méconnaissance de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

   Le Conseil Constitutionnel juge donc conforme à la Constitution le deuxième alinéa de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

   Cet avis du Conseil constitutionnel ne modifie pas la définition de la cause exonératoire entendue strictement par la Cour de cassation comme le confirme l’arrêt du 14 avril 2016 qui considère que, même si l’infection avait pu être provoquée par la pathologie de la patiente, cette infection demeurait consécutive aux soins dispensés au sein de la Clinique et ne procédait pas d’une circonstance extérieure à l’activité de cet établissement. Celui-ci devait donc répondre des conséquences de l’infection nosocomiale contractée par la patiente, conséquences dommageables qui en l’espèce étaient partagées pour moitié entre l’établissement de santé privé et le médecin dans la mesure où ce dernier avait commis une faute, dans les faits de l’arrêt une négligence coupable à l’égard du malade, qui avait été à l’origine d’un retard préjudiciable dans le traitement de l’infection aggravant les séquelles de la patiente mais non à l’origine exclusive de l’infection nosocomiale.

Source
La Lettre du Cabinet - Août 2016
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