Base de données - Deuxième avis

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2ème avis en médecine : totale indépendance (Cassation, 1ère ch. civ., 30 avril 2014, n° 13-14288)
Jonathan Quaderi

   Une patiente consulte un gynécologue en 2002 afin d’obtenir un deuxième avis, à la suite de la suspicion de léiomyosarcome annoncée par un autre gynécologue, lequel est au contraire rassurant avec un diagnostic moins sévère. L’anapath écarte également le sarcome en janvier 2003. La patiente retarde l’intervention jusqu’en 2004 et décède en 2009 d’un sarcome avec métastases pulmonaires après chimiothérapie intensive et plusieurs interventions chirurgicales.

   La Cour d’appel de Riom avait débouté le veuf de son action en dommages intérêts pour perte de chance contre le gynécologue ayant donné le 2ème avis, par un arrêt du 16 janvier 2013 (qui n’a pas été publié ce qui empêche de connaître le détail de l’évolution des faits dans cette très intéressante affaire, les arrêts de cassation étant très réduits évidemment dans leur exposé puisque la Cour suprême juge en droit et ne réapprécie pas les faits). Toujours est-il que, par la décision commentée prononcée le 30 avril 2014, la Cour de cassation confirme l’arrêt de Riom et déboute le veuf de son pourvoi en jugeant que :

 

« Un médecin, tenu, par l’article R. 4127-5 du code de la santé publique, d’exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science. »

 

   La Cour de cassation est rarement saisie des responsabilités encourues en cas de deuxième avis médical, et la position de l’expert en l’espèce selon laquelle il conviendrait, dans un souci de prudence, de s’aligner sur le diagnostic le plus sévère, peut conduire à la mise en œuvre abusive de ce qu’on qualifie, dans d’autres domaines, le devoir de précaution.

 

   Dans cette affaire, le 2ème avis, rassurant, était erroné, puisque l’évolution a montré le retard exposé au lancement des traitements. Mais il était intéressant que, sur des faits montrant l’erreur du deuxième consultant, la Cour de cassation réaffirme la liberté d’appréciation dans le cadre du 2ème avis. Le détail des investigations conduites n’étant pas publié, il ne peut être commenté c’est dommage.

 

   Cette jurisprudence confirme la responsabilité autonome de chaque médecin dans le cadre de son exercice, en toute indépendance, avec la liberté de diagnostic et de prescription que le code de déontologie lui assure.
La Lettre du Cabinet - Septembre 2014


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Tumeur de l’utérus : deuxième avis
(arrêt Cour de cassation, 1ère ch. civ., 30 avril 2014, n° 13-14288)
Isabelle Lucas-Baloup
   Brigitte X consulte en 2002 un gynécologue, le Dr Y, afin d’obtenir un deuxième avis, à la suite d’une suspicion de léiomyosarcome avancée par un autre gynécologue le Dr Z lequel a recommandé une hystérectomie. Cette intervention a été retardée par la patiente jusqu’en 2004 au vu du diagnostic erroné moins sévère du Dr Y après des résultats différents d’anatomopathologie.

 

   La patiente étant décédée en 2009, son époux lance une procédure contre le Dr Y pour avoir été à tort rassurant sur l’absence de pathologie suspecte, en arguant d’une perte de chance de guérison ou à tout le moins de chance de retarder l’issue fatale due à un sarcome avec métastases pulmonaires après chimiothérapie intensive et plusieurs interventions chirurgicales.

 

   Deux rapports d’expertise établissent que l’indication d’une hystérectomie aurait dû être posée début 2003 et qu’il n’y a pas eu de réunion de concertation pluridisciplinaire qui n’existait pas à l’époque à Vichy. L’un des experts avait conclu qu’en cas de discordance des avis, il appartenait nécessairement au Dr Y de retenir le prélèvement donnant le diagnostic le plus sévère par principe de prudence.

 

   Le Dr Y mis en cause par le veuf soutenait que cette position rendrait au final inutile la consultation d’un second médecin et que le Dr D, anatomopathologiste, avait écarté en janvier et février 2003 la suspicion initiale de sarcome faite fin 2002 après avoir demandé des colorations spéciales, soulignant que les examens ultérieurs, notamment ceux des tissus après les interventions d’octobre et novembre 2004, n’ont pas démontré de signe flagrant de malignité et qu’enfin Brigitte X était suivie par un médecin traitant à même de prendre le rôle de coordonnateur si nécessaire. Lors de la découverte du nodule en novembre 2004, le Dr Y a orienté la patiente sur le Dr B, radiologue spécialisé en pneumologie pour qu’il lui donne son avis, mais la patiente ne l’a pas consulté immédiatement, ne prenant rendez-vous avec un autre radiologue qu’en décembre 2005 qui découvre le sarcome métastasique.

 

   La Cour d’appel de Riom avait débouté le veuf de son action en dommages intérêts contre le gynécologue ayant donné le 2ème avis, par un arrêt du 16 janvier 2013 (qui n’a pas été publié ce qui empêche de connaître le détail de l’évolution des faits dans cette très intéressante affaire, les arrêts de cassation étant très réduits évidemment dans leur exposé puisque la Cour suprême juge en droit et ne réapprécie pas les faits). Toujours est il que, par la décision commentée prononcée le 30 avril 2014, la Cour de cassation confirme l’arrêt de Riom et déboute le veuf de son pourvoi en jugeant que :

 

 

 

« Un médecin, tenu, par l’article R. 4127-5 du code de la santé publique, d’exercer sa profession en toute indépendance, ne saurait être lié par le diagnostic établi antérieurement par un confrère, mais doit apprécier, personnellement et sous sa responsabilité, le résultat des examens et investigations pratiqués et, le cas échéant, en faire pratiquer de nouveaux conformément aux données acquises de la science. »

 

 

 

   L’arrêt de la Cour de Riom est donc confirmé en ce qu’il avait jugé que le Dr Y n’a pas commis de faute à l’origine du retard de traitement de Brigitte X et qu’il n’avait pas manqué de prudence et de diligence en ne privilégiant pas le prélèvement qui donnait le diagnostic le plus sévère, sans violer l’article L. 1142-1 du code de la santé publique, qui prévoit, depuis la loi Kouchner, qu’il n’y a pas de responsabilité médicale sans faute en cette matière.

 

   Cet arrêt doit être signalé car la Cour de cassation est rarement saisie des responsabilités encourues en cas de deuxième avis médical, et la position de l’expert selon laquelle il convient, dans un souci de prudence, de s’aligner sur le diagnostic le plus sévère, peut conduire à la mise en œuvre abusive de ce qu’on qualifie, dans d’autres domaines, le devoir de précaution. En l’espèce, le 2ème avis, rassurant, était erroné, puisque les avis convergent sur le retard exposé au lancement des traitements. Mais il était utile que, sur des faits montrant l’erreur du deuxième consultant, la Cour de cassation réaffirme cependant la liberté d’appréciation dans le cadre du 2ème avis. Le détail des investigations conduites n’étant pas publié, il ne peut être commenté c’est dommage.

 

   Cette jurisprudence confirme la responsabilité autonome de chaque médecin dans le cadre de son exercice, en toute indépendance, avec la liberté de diagnostic et de prescription que le code de déontologie aujourd’hui codifié dans le code de la santé publique lui assure.
Gynéco Online - Juin 2014


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