Accouchement, paralysie du plexus brachial : indemnisation par l’ONIAM

Titre complément
(arrêt Cour de cassation, 1ère chambre civile, 19 juin 2019, n° 18-20883)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

Saisie par l’ONIAM, la Cour de cassation a rejeté, par arrêt du 19 juin 2019, un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 7 juin 2018, lequel exposait les faits :

« Le 19 juin 2010, Madame Z. accouche de son 4ème enfant dans une clinique de Nice. L’enfant présentant une dystocie des épaules, le Docteur G., gynécologue-obstétricien, effectue des manœuvres obstétricales. A sa naissance, l’enfant présente une paralysie du plexus brachial droit, objectivée par un premier électromyogramme réalisé le 6 septembre 2010 puis par un second examen identique le 21 octobre suivant. Une intervention chirurgicale le 30 novembre 2010 suivie de séances de rééducation n’ont pu améliorer l’état de santé de l’enfant.

« Une expertise est ordonnée en 2012 confiée à un gynécologue-obstétricien et à un chirurgien pédiatre, aux fins notamment de caractériser l’éventuelle existence d’une faute et de déterminer les préjudices subis par l’enfant.

« Les experts déposent leur rapport en juillet 2013 en concluant à l’inexistence d’une faute à l’encontre du Docteur G. et à aucun dysfonctionnement imputable à l’établissement de soins niçois.

« Devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’ONIAM ne discutait plus que si l’accouchement par voie basse ne constitue pas en soi un acte médical, les manœuvres effectuées par la sage-femme et le gynécologue-obstétricien lors de l’accouchement sont nécessairement regardées comme tel. Mais il contestait le lien de causalité entre les manœuvres obstétricales et le plexus brachial.

 Selon les données de l’expertise, en raison d’efforts expulsifs insuffisants, alors que la présentation de l’enfant droite supérieure était engagée, le Docteur G. a appliqué une ventouse « au détroit moyen sans problème particulier ». Il est indiqué « qu’au décours du dégagement la tête fœtale est restée bloquée à la vulve et le chirurgien a diagnostiqué une dystocie des épaules ». Il a placé les jambes de la patiente en hyperflexion, selon la manœuvre dite de Mc Roberts en demandant à la sage-femme d’exercer une pression sus pubienne. En utilisant la manœuvre dite de Jacquemier, il a ensuite recherché le bras droit postérieur qui était très haut. Cette manœuvre s’est avérée difficile mais le bras a été extrait ce qui a permis la naissance de l’enfant qui pesait 3,650 kg et qui a été pris en charge dans la soirée par le service de pédiatrie en raison du défaut de mobilisation du membre supérieur droit. Après des séances de kinésithérapie, ce diagnostic a été confirmé par un électromyogramme montrant une paralysie complète du deltoïde et du biceps.

« Les experts ont écrit que le défaut de mobilisation du membre supérieur droit a évoqué « une paralysie obstétricale du plexus brachial droit par traumatisme obstétrical » et ajouté en commentaire que « la dystocie des épaules correspond à la situation où la tête fœtale ayant franchi la vulve, les épaules ne s’engagent pas. Il s’agit d’une urgence obstétricale rare » qui se produit dans 0,3 % des accouchements et qui est « le plus souvent imprévisible. Cette complication est à risque majeur pour l’enfant » comme notamment la lésion du plexus brachial. Pour faire face à la dystocie, les experts expliquent que de nombreuses manœuvres sont décrites dont « les plus fréquemment utilisées sont celles qu’a réalisées le Docteur G. Comme la manœuvre de Mc Roberts ou celle de Jacquemier difficiles à réaliser « mais habituellement préconisées face à cette urgence obstétricale ».

« La dystocie des épaules est donc une présentation fœtale qui nécessite des manœuvres urgentes pour permettre l’expulsion de l’enfant et c’est donc la réalisation de ces manœuvres, dont la manœuvre de Jacquemier, au cours de laquelle une traction est exercée sur les racines du plexus et sur la tête fœtale, qui a engendré la paralysie du plexus brachial.

« Le lien de causalité entre les manœuvres obstétricales, pour lesquelles les experts n’ont relevé aucune anomalie dans la prise en charge du Docteur G., et le plexus brachial que le petit Ryan a présenté à sa naissance, est donc établi.

« L’ONIAM soutient que le poids de la maman (100 kg au jour de l’accouchement pour 1,60 m) qu’il qualifie de surpoids, aurait augmenté les risques de dystocie des épaules pour l’enfant. Cependant les experts ont relaté toutes les phases, suivis et tests biologiques de la grossesse, sans souligner que l’état de santé ou le poids de la maman aurait constitué des facteurs d’un tel risque pour l’enfant, dont ils notent qu’il « ne présentait pas au cours de sa vie intra utérine et au moment précis de sa naissance d’anomalies qui auraient pu interférer sur la paralysie obstétricale et sur le déroulement des faits. Les experts ont précisément répondu à la question soulevée par l’ONIAM en indiquant qu’il « est unanimement reconnu que la prédiction de la dystocie des épaules est très aléatoire et cet événement demeure dans la grande majorité des cas imprévisible ». »

Saisie de cet arrêt, la Chambre civile de la Cour de cassation retient :

« Attendu qu’il résulte de l’article L. 1142-1, II, du code de la santé publique que, lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I de ce texte, ou celle d’un producteur de produits n’est pas engagée, l’ONIAM doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation de dommages résultant directement d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la condition qu’ils présentent un caractère d’anormalité au regard de l’état de santé du patient comme de l’évolution prévisible de cet état ; que, lorsque les conséquences de l’acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l’absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; que, pour apprécier le caractère faible ou élevé du risque dont la réalisation a entrainé le dommage, il y a lieu de prendre en compte la probabilité de survenance d’un événement du même type que celui qui a causé le dommage et entraînant une invalidité grave ou un décès ;

« Attendu qu’après avoir énoncé que le risque issu de la réalisation des manœuvres obstétricales, constitué par la paralysie du plexus brachial, est notablement moins grave que le décès possible de l’enfant, l’arrêt retient que, si l’élongation du plexus brachial est une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie sont beaucoup plus rares, entre 1 % et 2,5 % de ces cas, de sorte que la survenance du dommage présentait une faible probabilité ; que la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a exactement déduit, sans se contredire, que l’anormalité du dommage était caractérisée, et que, par suite, l’ONIAM était tenu à indemnisation au titre de la solidarité nationale ; que le moyen n’est pas fondé ; »

On en conclut que si l’élongation du plexus brachial constitue une complication fréquente de la dystocie des épaules, les séquelles permanentes de paralysie sont beaucoup plus rares, entre 1 et 2,5 % de ces cas, de sorte que la survenance du dommage présentait une faible probabilité. Dans ces conditions, l’anormalité du dommage est caractérisée et l’ONIAM est tenu à indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Source
Gynéco-Online