Décompression médullaire : responsabilité du neurochirurgien

Titre complément
(arrêt du 10 janvier 2019, Cour d'appel de Douai, 3ème ch., n° 17/05210)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

   Intervention sur C6-C7 par un neurochirurgien pour hernie discale, contusion médullaire, invalidité de 2ème catégorie, traitements antidouleurs lourds, séances de neurostimulation et de rééducation. Expertise et contre-expertise aux conclusions différentes, la 1ère écarte l’aléa thérapeutique en considérant que la contusion médullaire lors de l’ablation d’une hernie discale est évitable et qu’elle constitue un accident médical en rapport direct avec une maladresse opératoire. Le 2ème rapport d’expertise manifeste un désaccord avec le premier et vise une ischémie médullaire pouvant être le fait d’une contusion médullaire liée à un traumatisme durant l’extraction de la hernie, d’un accident de décompression médullaire, ou bien encore une origine artérielle tel qu’un spasme d’une artère à destinée médullaire, cette lésion s’étant produite au cours de l’opération sans qu’elle relève d’une faute du praticien, complication rare redoutée des neurochirurgiens, l’état de fragilité de la moelle jouant peut-être un rôle selon la durée et l’intensité de la compression.

   La Cour retient que si les experts adoptent des conclusions diamétralement contraires « force est d’observer que la lecture de leurs écrits respectifs ne révèle en rien la présence chez le patient d’une particularité anatomique autre que la hernie à opérer, aucune anomalie rendant l’atteinte inévitable ne pouvant être retenue », si bien que l’arrêt conclut que le neurochirurgien intervenu « ne démontre pas l’une des occurrences qui lui permettraient de renverser la présomption de faute et de voir qualifier les suites de l’opération chirurgicale de son patient d’aléa thérapeutique si bien que sa responsabilité est à cette occasion dûment engagée comme l’ont à juste titre retenu les premiers juges du TGI de Dunkerque dont la décision sera sur ce point confirmée ». Sont ordonnés des dommages et intérêts tenant compte du déficit fonctionnel provisoire et permanent, du besoin d’assistance d’une tierce personne, du remplacement du véhicule automobile, de la gêne éprouvée au cours de la maladie traumatique à l’occasion de l’accomplissement des gestes courants de la vie quotidienne, du préjudice sexuel, des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d’agrément, du préjudice d’affection des proches, outre évidemment la créance de l’organisme social, de la perte de gains professionnels et des frais judiciaires et d’expertise exposés pour faire valoir ses droits.

Source
La Lettre du Cabinet - Décembre 2019