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Le Gouvernement ayant été habilité, par l’article 7 de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, à prendre, par voie d’ordonnance, toutes dispositions relevant du domaine de la loi permettant notamment de « clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé » et de faciliter le développement et le financement de ces structures d’exercice des professions libérales « à l’exclusion de toute ouverture supplémentaire à des tiers extérieurs à ces professions du capital et des droits de vote », l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées a été publiée au Journal Officiel le 9 février.


Elle comprend 6 livres et 135 articles et abroge, à effet du 1er septembre 2024 :
− la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles,
− et la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL).


L’ordonnance concerne toutes les professions libérales qu’elle répartit en « trois familles » :
« 1° la famille des professions de santé réunit les professions libérales réglementées mentionnées à la 4ème partie législative du code de la santé publique ainsi que les biologistes médicaux ;
2° la famille des professions juridiques ou judiciaires, dont la liste est précisée par décret ;
3° la famille des professions techniques et du cadre de vie réunit les autres professions libérales réglementées. »
 

Voici ci-après quelques premiers commentaires sur la portée de cette ordonnance pour les sociétés relevant de la « famille des professions de santé », c’est-à-dire notamment les :
− médecins,
− pharmaciens et médecins biologistes,
− chirurgiens-dentistes,
− sage-femmes,
− infirmiers,
− masseurs-kinésithérapeutes.

1. Sociétés civiles professionnelles (SCP) :
Le Livre II de l’ordonnance (articles 5 à 14) reprend la loi n° 66-879 sur les SCP qu’elle abroge, majoritairement à droit constant.
Rares sont les constitutions actuelles de SCP de professionnels de santé, qui s’orientent majoritairement vers les sociétés d’exercice libéral plus attrayantes dès lors qu’elles permettent une plus grande liberté statutaire (notamment les SELAS). Les règles stables qui président au fonctionnement des SCP demeurent, tel que le vote des associés selon le principe un associé = une voix, quel que soit le nombre de parts sociales qu’il détient.
Deux innovations somme toute mineures :
− Alors qu’une SCP doit être créée avec au moins deux associés personnes physiques, l’article 27 1er alinéa permet de ne pas dissoudre la SCP en raison du décès, de l’incapacité ou du retrait de la SCP d’un associé, ou s’il est frappé d’une interdiction définitive d’exercer sa profession. La SCP peut donc devenir unipersonnelle, alors qu’elle ne peut pas être créée avec un seul associé (sous réserve des décrets à intervenir et des statuts).
− Lorsque toutes les parts sociales sont réunies en une seule main, la dissolution n’intervient pas de plein droit mais peut être demandée par tout intéressé si la situation n’a pas été régularisée dans les 2 ans. Le tribunal judiciaire peut accorder un délai de 3 ans pour régulariser.


2. Sociétés en participation des professions libérales (SEP) :
Beaucoup de professionnels de santé exercent en commun avec comme instrument juridique une convention, voire un règlement intérieur, qui décrit les obligations respectives des professionnels (cf. par exemple le contrat d’exercice en commun publié sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins). En pratique, il s’ajoute à ce contrat la constitution d’une société en participation, particulièrement lorsque les praticiens mettent en commun, totalement ou partiellement, leurs honoraires. Lorsque les professionnels concernés exerçaient comme personnes physiques, ils soumettaient leurs relations aux articles 1871 à 1873 du code civil. Les problèmes sont advenus lorsque certains d’entre eux ont constitué des sociétés d’exercice, souvent des sociétés d’exercice libéral unipersonnelles (SELURL), SELARL ou SELAS, venues se substituer à la personne physique initiale. L’article 22 de la loi du 31 décembre 1990 sur les SEL limitait aux personnes physiques la capacité des professionnels libéraux à créer entre eux une SEP, excluant dès lors les personnes morales. Pendant un certain temps, les Ordres des professions concernées ont néanmoins approuvé ces structures, sans appliquer strictement l’article 22, ce qui a changé récemment, contraignant les personnes physiques et morales concernées à constituer des groupements d’intérêt économique (GIE) aux lieu et place des SEP.
A compter du 1er septembre 2024, le problème sera écarté puisque l’article 34 de l’ordonnance prévoit que les SEP pourront être constituées « entre personnes physiques ou morales ».


3. Sociétés civiles de moyens (SCM) :
Aucun changement, l’article 38 de l’ordonnance est identique à l’article 36 de la loi du 29 novembre 1966, article unique régissant les SCM, qui demeurent un parfait outil juridique pour mettre en commun des services (locaux, matériels et agencements, personnel salarié) entre professionnels de santé exerçant une même profession ou des professions de santé différentes (SCM entre médecins, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes, infirmiers et autres dans une même unité géographique par exemple), avec une relative liberté de rédaction des statuts et des règles de fonctionnement. Un même professionnel de santé peut être associé dans plusieurs SCM.


4. Sociétés d’exercice libéral (SEL) :
Les articles 40 à 79 au sein du Livre III de l’ordonnance traitent de la détention du capital et des droits de vote et du fonctionnement en général des sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), des sociétés d'exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) et autres sociétés d’exercice moins utilisées telles que les sociétés anonymes et les sociétés en commandite par actions. Le Chapitre II est spécialement consacré aux professions de santé.
Des règles sont édictées, très proches de celles de la loi abrogée de 1990, avec une constante qui oblige à être réservé sur les nouvelles société d’exercice libéral : les décrets à intervenir pour chaque profession, qui ne sont pas encore publiés à la date des présentes observations, pourront imposer des modalités d’exercice qui impacteront sensiblement certains des principes imposés par l’ordonnance du 8 février 2023.
En l’état de cette dernière, on peut d’ores et déjà commenter les dispositions ci-après :

− Définition du professionnel exerçant :
C’est une notion fondamentale puisqu’elle se retrouve dans les règles de détention du capital et des droits de vote. L’article 5 de la loi de 1990 visait les « professionnels en exercice » : pas de réforme majeure sur ce sujet. Un débat a néanmoins eu lieu sur l’intérêt de choisir la notion « d’associé professionnel exerçant » plutôt que celle de « professionnel exerçant », permettant notamment de discriminer l’exercice des collaborateurs libéraux ou salariés au sein de la SEL, sans en être « associés », tout comme sur l’intérêt de faire disparaître la notion de « membre » de la SEL, terme dépourvu de définition en droit des sociétés.
L’article 3 de l’ordonnance donne, ce qui est nouveau, une définition du professionnel exerçant : « Au sens de la présente ordonnance, on entend par professionnel exerçant la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistrée en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère. La seule réalisation d’actes de gestion ne confère pas la qualité de professionnel exerçant. »
L’ordonnance ne définit pas en revanche ce principe d’indépendance, commun à l’ensemble des professions libérales réglementées, souvent caractérisé par sa finalité de garantir la capacité à prendre des décisions professionnelles libres de toute influence extérieure, ce dont se déclarent privés certains professionnels de santé dans des structures dont la gouvernance, sous l’empire actuel de la loi de 1990, les excluent en pratique du pouvoir de décider souverainement de leurs conditions, moyens et liberté d’exercice, notamment lorsque des comités (de direction, de stratégie ou autres) confisquent – au profit d’associés non exerçant - le droit de décider d’une manière indépendante malgré que ces professionnels exerçant demeurent sur le papier majoritaires en capital. Les associés de SEL de biologie médicale relevant de groupes financiers ou industriels expriment fréquemment leurs désillusions sur le sujet.
Dès lors, lorsque l’article 40 de l’ordonnance prévoit « Au moins un professionnel exerçant au sein de la société en est associé, directement ou par l’intermédiaire d’une société de participations financières de professions libérales » (SPFPL), et que l’article 46 impose que « plus de la moitié du capital social et des droits de vote est détenue, soit directement soit par l’intermédiaire d’une SPFPL, par des professionnels exerçant au sein de la société », l’indépendance professionnelle n’est pas garantie d’une manière incontournable, d’autant que l’article 46 est introduit par « sous réserve des dispositions propres à chaque famille de professions », que fixeront les décrets à intervenir.
Enfin, le professionnel exerçant étant une personne physique, on aurait pu s’interroger, compte tenu de la rédaction des articles 3 et 46, sur la possibilité de laisser perdurer les SEL ayant comme associés exerçant uniquement des sociétés d’exercice, elles ne sont pas rares en pratique chez les médecins notamment. La réponse est prévue à l’article 69 :
« Par dérogation à l’article 46, plus de la moitié du capital social de la SEL peut aussi être détenue :
✓ par tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la société ou par toute personne morale exerçant l’objet social de la société,
✓ par des SPFPL, à condition que la majorité du capital et des droits de vote de celles-ci soit détenue par tout professionnel exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL ou par toute personne morale, établis en France ou par une personne européenne au sens de l’article 4, exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL faisant l’objet d’une prise de participations»,
✓ avec faculté d’écarter ces dispositions par décret « afin de tenir compte des nécessités propres à chaque profession et dans la mesure nécessaire au bon exercice de la profession concernée, au respect de l’indépendance de ses membres ou de ses règles déontologiques propres. »

En l’état de l’ordonnance, hors décrets d’application à intervenir dont on ignore à ce jour le contenu, au sein des professions de santé il est donc possible que d’autres SEL et/ou des SPFPL soient majoritaires en capital et droits de vote d’une SEL à condition qu’elles aient pour associés des professionnels de la même profession que celle exercée par la SEL même s’ils n’exercent pas dans celle-ci, ce que refusaient auparavant certains ordres. Attendons les décrets par profession de santé.

− Détention du capital et des droits de vote :
Pas de changement majeur.
Le nouvel article 47 ne prévoit pas la possibilité pour des personnes autres que :
✓ les professionnels exerçant au sein de la SEL, pour plus de la moitié du capital et des droits de vote, de l’article 46,
et, au titre du complément :
✓ des personnes physiques professionnels exerçants ou des personnes morales exerçant la profession constituant l’objet social de la SEL ;
✓ pendant un délai de 10 ans, des associés personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette profession au sein de la société,
✓ les ayants droit des personnes physiques professionnels exerçants pendant un délai de 5 ans suivant leur décès,
✓ une SPFPL,
✓ des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la même famille que celle mentionnée dans l’objet social,
✓ des personnes européennes dont l’activité constitue l’objet sociale de la SEL (sous réserves),

de détenir le capital social et les droits de vote, mais c’est à l’article 70 qu’on trouve, pour les professions de santé, sous réserve des décrets à intervenir, des personnes autres que celles ci-dessus qui pourront détenir « une part qu’ils [les décrets] fixent, inférieure à la moitié du capital des sociétés constituées sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés à forme anonyme. Toutefois, ces personnes ne peuvent détenir individuellement plus du quart du capital. »

La loi de 1990 prévoyait à ce titre, en son article 6 III. 1° : « Toutefois, pour celles de ces sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, la part du capital pouvant être détenue par toute personne ne peut dépasser le quart de celui-ci. »

Que signifie « individuellement » dans l’article 70 de l’ordonnance ? On aurait compris que des tiers (par exemple des holdings ou autres sociétés commerciales, relevant ou non de groupes financiers/industriels/fonds de pension ou d’investissement et autres) réalisent un tour de table pour investir ensemble à hauteur au maximum de 25% du capital (pour obtenir des droits financiers supérieurs qui rémunèreront leur investissement), mais la détention « individuelle » (et non « collective ») de plus du quart du capital, par « des personnes autres que celles mentionnées aux articles 46 et 47 » de l’ordonnance, est particulièrement troublante et méritera d’être explicitée par les auteurs du texte tenus par l’article 7 de la loi d’habilitation n° 2022-172 du 14 février 2022 à ne faciliter le développement et le financement des SEL qu’en excluant « toute ouverture supplémentaire à des tiers extérieurs à ces professions du capital et des droits de vote » (cf. premier paragraphe du présent commentaire), mis à part le cas des SEL sous forme de sociétés en commandite par actions qui font l’objet de dispositions particulières (dernier alinéa de l’article 70).
Là encore les décrets d’application aux professions de santé seront à scruter pour mesurer la portée de cette disposition singulière.

- Actions de préférence et droit de vote double :
Aucun droit de vote double ne peut être attribué aux actions des SEL constituées sous la forme de SARL, de SAS ou de SA, lorsqu’elles sont détenues par des actionnaires autres que des professionnels exerçants réalisant leur activité au sein de la SEL.
L’article 71, réservé aux professions de santé, ajoute que « Lorsque les statuts prévoient qu’il est créé ou que pourront être créées des actions à droit de vote double, celles-ci sont attribuées à tous les actionnaires ayant la qualité de professionnel exerçant et réalisant leur activité au sein de la société. Il peut être prévu que cette attribution est suspendue à la condition d’une ancienneté dans l’actionnariat qui ne pourra dépasser deux années » et qu’en cas de cession des actions à droit de vote double elles perdent cette qualité si le bénéficiaire n’est pas un professionnel en exercice au sein de la société.
Ces dispositions vont contraindre certaines SEL à revoir la distribution d’ores et déjà opérée dans leur capital d’actions de préférence bénéficiant à des actionnaires non professionnels exerçants.


- Vote de certaines résolutions réservé aux professionnels exerçants :
L’article 56 prévoit que seuls les professionnels exerçant au sein de la SEL prennent part aux délibérations sur les « conventions réglementées », lorsqu’elles portent sur les conditions dans lesquelles ils exercent leur profession :
✓ dans une société à responsabilité limitée (article 223-19 du code de commerce), donc dans une SELARL,
✓ dans une société anonyme (articles 225-38, -40, - 86 et -88), donc dans une SELSA,
✓ dans une société en commandite par actions (article 226-10), dans une SELCA,
✓ dans une société par actions simplifiée (article 227-10), donc une SELAS.

C’est tout l’objet des contentieux portant sur les conventions d’exercice entre les SEL et leurs dirigeants sociaux (définis aux articles susvisés du code de commerce pour chaque type de sociétés), conclues à des « conditions normales ou courantes » contestées au sein d’une même SEL entre les associés (par exemple des rémunérations de vacations à des tarifs différents selon les professionnels exerçants, ou de prise en charge des cotisations sociales obligatoires pour certains, pas pour d’autres, des volumes inégaux de frais de réception ou de congrès, supportés ou pas par la SEL, des avantages en nature tels que véhicules d’entreprise et autres).

Mais actuellement ces conflits portent le plus souvent sur des conventions signées entre la SEL et certains actionnaires, par exemple des personnes morales non exerçant ayant investi dans la SEL et disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, imposant, en vertu de leurs pouvoirs au sein de la gouvernance, des conventions de prestations de services, de fourniture de locaux, de matériels et ou de personnel, à des tarifs largement supérieurs au coût réel desdites prestations et fournitures, que les professionnels exerçants ont parfois intérêt à contester.

L’article 56 de l’ordonnance confère ainsi aux seuls professionnels exerçants le droit de vote sur les « conditions dans lesquelles ils y exercent leur profession », ce qui évidemment appelle une discussion sur le périmètre de ces contrats : jusqu’où est-on, directement ou indirectement ?, dans le cadre de l’exercice de la profession lorsqu’il s’agit de conventions de prestations et de fournitures, imposées par un groupe d’investisseurs et contestées par les professionnels exerçants… Le sujet n’est pas nouveau, les mêmes dispositions étaient prévues à l’article 12 de la loi de 1990, mais les professionnels exerçants qui se plaignent de telles conventions onéreuses pour la SEL au profit du Groupe auquel ils ont cédé (en raison d’actes sous seings privés contenant des clauses les qualifiant « strictement confidentiels » assorties d’importantes indemnités en cas de divulgation à quiconque jusques et y compris parfois aux autorités ordinales) leur liberté de gérer n’ont pas toujours le réflexe d’utiliser les moyens juridiques à leur disposition pour les contester efficacement en temps opportun.


- Location de parts ou d’actions :
Rien de nouveau à l’article 72 : les parts sociales ou les actions peuvent être louées mais seulement à des professionnels salariés ou des collaborateurs libéraux en exercice au sein de la SEL, qui en deviennent alors associés. Une occasion de rappeler que le bail de parts de SELARL ou d’actions de SELAS, comme la cession de titres assortie d’une clause de rachat, dite en pratique de « réméré », parfaitement légale et organisée par les articles 1659 et suivants du code civil, ou encore la mise à disposition pour une durée déterminée d’une part ou action en industrie, constituent des instruments utiles permettant d’organiser une période probatoire avec un candidat professionnel avant de l’agréer définitivement comme associé au capital de la SEL ou encore d’éviter, dans des professions de santé où l’offre et la demande rendent le recrutement compliqué, de lui conférer un statut de « remplaçant » qui ne remplit pas toujours les conditions réglementaires de ce statut (notamment le professionnel remplacé ne doit pas travailler en même temps que son remplaçant), et ce à plus forte raison lorsque l’administration fiscale tente comme elle le fait actuellement de soumettre à la TVA à 20% les honoraires rétrocédés dans le cadre des contrats de remplacement de professionnels de santé ce qui est totalement nouveau et fermement contesté par les professionnels concernés.

- Agrément des cessions de parts ou actions à de nouveaux associés :
Des règles impératives (la plupart à droit constant compte tenu de l’ancien article 10 de la loi de 1990 dont seul le dernier alinéa n’a pas été repris ce qui simplifie le système) sont prévues pour agréer les nouveaux associés de SEL :
✓ SELARL : l’article 75 prévoit une majorité des associés représentant, au moins, les ¾ des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la SELARL ;
✓ SELSA : l’article 76 exige « nonobstant toute disposition contraire prévue par les statuts ou par une disposition législative » que les cessions d’actions de sociétés d’exercice libéral à forme anonyme soient soumises à un agrément préalable donné selon les statuts :
1° soit par les 2/3 des actionnaires ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la SEL,
2° soit par les 2/3 des membres du conseil de surveillance ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société s’il s’agit d’une société avec directoire et conseil de surveillance, ou par les 2/3 des membres du conseil d’administration ayant la qualité de professionnel exerçant au sein de la société s’il s’agit d’une société anonyme avec conseil d’administration ;
✓ SELAS : l’article 77 prévoit que l’agrément de nouveaux associés d’une société par actions simplifiée est donné par les associés exerçant leur activité au sein de la SELAS à la majorité des 2/3 ;
✓ SELCA : l’article 79 de l’ordonnance continue à imposer l’agrément de nouveaux actionnaires commanditaires par les associés commandités à la majorité des 2/3.

- Gouvernance :
A l’instar de l’ancien article 12 de la loi de 1990, les mandats des dirigeants sociaux sont réservés aux professionnels exerçants :
✓ SELARL : les gérants doivent être des associés exerçant leur activité au sein de la société (article 58) ;
✓ SELSA : les membres du directoire, le président du conseil de surveillance ainsi que 2/3 au moins des membres du conseil de surveillance sont des associés exerçant leur activité au sein de la société, comme les directeurs généraux, le président du conseil d’administration ainsi que les 2/3 au moins des membres du conseil d’administration, selon les modalités d’organisation (article 59) ;
✓ SELAS : le président et les dirigeants des SELAS doivent également exercer leur activité au sein de la société, prévoit l’article 61 de l’ordonnance (le périmètre de la qualification de « dirigeant » demeure un sujet de contestation, compte tenu de certaines rédactions de statuts de SELAS à ce titre) ;
✓ SELCA : le gérant, le président du conseil de surveillance ainsi que 2/3 au moins des membres du conseil de surveillance des sociétés en commandite par actions sont des associés exerçant leur activité au sein de la société (article 62).

Ces dispositions existaient sous l’empire de la loi de 1990 mais n’ont pas empêché certains dirigeants sociaux protégés juridiquement de signer notamment dans des pactes d’associés des obligations précises et contraignantes imposées par des associés minoritaires en capital social et droits de vote mais contractuellement souverains dans la gestion de certaines SEL.

- Dispositions diverses à définir par les décrets à intervenir :
L’ordonnance laisse aux décrets à intervenir notamment :
✓ les effets de l’interdiction temporaire d’exercer la profession dont la société ou un associé serait frappé (article 45),
✓ les conditions d’exclusion éventuelle d’un associé (article 45),
✓ le nombre de sociétés constituées pour l’exercice d’une même profession libérale réglementée dans lesquelles une même personne physique ou morale peut prendre des participations, directes ou indirectes (article 74),
✓ les catégories de personnes physiques ou morales qui ne peuvent pas devenir associées d’une SEL (article 48),
✓ les conditions dans lesquelles les associés peuvent mettre des sommes à la dispositions de la société, au titre de comptes d’associés, montant maximum et conditions applicables au retrait (article 73).

- Retrait de la SEL :
A défaut de dispositions prévoyant les modalités de retrait dans les lois et règlements particuliers à chaque profession, les statuts de la SEL peuvent prévoir les modalités de retrait des associés (article 57).

- Information et contrôle des ordres professionnels :
C’est un sujet sur lequel les décrets propres à chaque profession contiennent actuellement des dispositions particulières. L’ordonnance du 8 février 2023 oblige d’une manière générale et opposable à tous une communication minimum dans les termes ci-après prévus à l’article 44 et ce immédiatement sans attendre l’entrée en vigueur des autres dispositions de l’ordonnance le 1er septembre 2024 :
Sans préjudice des dispositions spécifiques à chaque profession, et étant prévu que, pour chaque profession, les modalités d’application de cette procédure d’information peuvent être précisées par décret, une fois par an la société adresse à l’autorité compétente en matière d’agrément ou d’inscription à l’ordre professionnel dont elle relève :
✓ un état de la composition de son capital social et des droits de vote afférents,
✓ une version à jour de ses statuts,
✓ les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé.
Pour les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, l’article L. 4113-9 du code de la santé publique prévoyait déjà, avant l’ordonnance commentée, que ces professionnels en exercice « doivent communiquer au conseil départemental de l'ordre dont ils relèvent les contrats et avenants ayant pour objet l'exercice de leur profession ainsi que, s'ils ne sont pas propriétaires de leur matériel et du local dans lequel ils exercent ou exerceront leur profession, les contrats ou avenants leur assurant l'usage de ce matériel et de ce local. Les mêmes obligations s'appliquent aux contrats et avenants ayant pour objet de transmettre sous condition résolutoire la propriété du matériel et du local. Elles ne s'appliquent pas aux contrats conformes à un contrat-type soumis à l'approbation des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. La communication prévue ci-dessus doit être faite dans le mois suivant la conclusion du contrat ou de l'avenant, […]. Les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes exerçant en société doivent communiquer au conseil de l'ordre dont ils relèvent, outre les statuts de cette société et leurs avenants, les conventions et avenants relatifs à son fonctionnement ou aux rapports entre associés. Ces communications doivent être faites dans le mois suivant la conclusion de la convention ou de l'avenant. Les dispositions contractuelles incompatibles avec les règles de la profession ou susceptibles de priver les contractants de leur indépendance professionnelle les rendent passibles des sanctions disciplinaires prévues à l'article L. 4124-6. »

Dès lors, les nouvelles dispositions annoncées par certains comme une avancée significative permettant de salutaires contrôles ordinaux ne sont pas aussi majeures qu’on pourrait le laisser penser.

Là encore les décrets à intervenir reprendront ou iront plus loin que les obligations réglementaires actuelles, prévues par exemple pour ces trois professions de santé à l’article R. 4113-5 du CSP : « La société communique au conseil départemental de l'ordre, dans le délai d'un mois, tous contrats et avenants dont l'objet est défini aux premier et second alinéas de l'article L. 4113-9. Elle communique également, dans le même délai, le règlement intérieur lorsqu'il a été établi après la constitution de la société. »

Mais surtout l’efficacité de cette communication dépendra de la volonté des Ordres des professions de santé de s’impliquer plus ou moins dans le contrôle des conditions d’exercice au sein des SEL.

Sur ce point, les doctrines sont différentes d’un Ordre professionnel à un autre, et au sein d’une même profession, d’un Ordre départemental à un autre… Des statuts, des règlements intérieurs, des conventions entre associés ou avec des tiers, font l’objet d’un avis favorable dans certains départements et sont rejetés dans d’autres, peut-on observer sur le terrain.

Après communication, certaines réponses ordinales sont dument étayées par une analyse rigoureuse des documents soumis, de la loi de 1990 et de ses décrets d’application, avec déjà une demande de communication des pactes d’associés au sein desquels l’Ordre curieux et consciencieux découvrira l’interposition d’un comité stratégique par exemple au sein duquel les associés exerçants sont minoritaires, ce qui permet de contourner les principes d’indépendance au profit d’un investisseur qui officiellement ne dispose que d’une société commerciale à hauteur de 25% parfaitement autorisée dans le capital de la SEL, ne permettant pas de démontrer l’atteinte à l’indépendance des professionnels exerçants. Il n’est toujours pas prévu de communiquer les droits financiers, différents des droits de vote.

Combien de professionnels exerçants signent également, hors toute communication à l’Ordre, des promesses unilatérales de vente et d’achat permettant à l’investisseur de se débarrasser très facilement d’un professionnel qui n’est plus désiré au sein de la SEL ?

(voir d’autres illustrations dans un précédent article de la rubrique juridique de Gyneco Online « La radiologie phagocytée par les financiers », mars 2021).

Certains ordres départementaux retournent les statuts et autres contrats en invitant les parties à diligenter toutes corrections pour les rendre conformes aux dispositions légales et réglementaires en vigueur. D’autres ne contrôlent que l’essentiel, parfois même sans déceler de graves infractions apparentes dans la rédaction qui constitueront des nids à contentieux après l’inscription de la SEL au tableau et son immatriculation au registre du commerce et des sociétés.

Le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié un excellent Guide des statuts de SELARL de médecins, avec des statuts-types contenant des clauses dites « essentielles », qui méritera d’être mis à jour mais n’a malheureusement jamais publié un travail équivalent pour les SELAS beaucoup plus nombreuses dans les constitutions actuelles que les SELARL.

L’article L. 4121-2 du code de la santé publique prévoit le périmètre des missions des Ordres des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes : « veiller au maintien des principes de moralité, de probité, de compétence et de dévouement indispensables à l'exercice de la médecine, de l'art dentaire, ou de la profession de sage-femme et à l'observation, par tous leurs membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie prévu à l'article L. 4127-1. Ils contribuent à promouvoir la santé publique et la qualité des soins. Ils assurent la défense de l'honneur et de l'indépendance de la profession médicale, de la profession de chirurgien-dentiste ou de celle de sage-femme. »

Mais dans la pratique quotidienne, on constate – notamment à l’occasion des séances de tentatives de conciliation (article R. 4127-56) - que les Ordres professionnels ne souhaitent pas s’impliquer dans les relations qui relèvent du droit des sociétés ou du droit civil. Les plaintes soumises aux chambres disciplinaires révèlent parfois également des déceptions de professionnels qui espéraient que leur Ordre s’impliquerait dans le respect de la loi et de la réglementation lorsqu’ils sont victimes d’infractions au droit des SEL, mais souvent le sujet est écarté comme relevant du tribunal judiciaire.

Il y a donc ici matière à réflexion sur le rôle des Ordres des professionnels de santé et sur la formation des conseillers ordinaux qui traditionnellement intervenaient plus volontiers sur les aspects déontologiques et éthiques, mais auxquels l’ordonnance du 8 février 2023 ajoute, en obligeant les professionnels à diverses communications, une obligation de s’immiscer plus dans ce contrôle des conventions. En l’état des textes, lorsque l’indépendance du professionnel est compromise, l’Ordre doit assurer sa défense ainsi qu’il est prévu à l’article L. 4121-2 du CSP. Mais lorsqu’il est question de violations de la loi de 1990, puis à compter du 1er septembre 2024 de l’ordonnance commentée, sans atteinte manifeste à l’indépendance du professionnel, une plus grande marge de liberté est laissée aux institutions ordinales pour se saisir ou au contraire pour écarter ces missions nouvelles. C’est pourquoi les positions officielles que les divers Ordres afficheront après la publication des décrets à intervenir sont attendues avec impatience.


5. Sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL) :
Des commentaires ultérieurs seront consacrés - dans la rubrique juridique de Gyneco Online - aux SPFPL qui font l’objet des articles 110 à 128 de l’ordonnance du 8 février 2023.


Entrée en vigueur de l’ordonnance :
Sauf l’obligation de communication immédiate aux Ordres professionnels des documents visés à l’article 44, l’ordonnance entrera en vigueur le 1er septembre 2024 (article 134) et les SEL et SPFPL disposeront alors d’un an pour se mettre en conformité, donc jusqu’au 1er septembre 2025.
Néanmoins, les associés disposeront de 2 ans à compter de l’entrée en vigueur des décrets relatifs aux exigences de détention du capital et des droits de vote prévus aux articles 48, 69 et 70 pour se mettre en conformité (cf. article 55).

La réforme étant opérée par ordonnance, celle-ci devra faire l’objet d’un projet de loi de ratification déposé devant le Parlement dans le délai de six mois à compter de sa publication (délai fixé par l’article 7 II de la loi d’habilitation n° 2022-172 du 14 février 2022). En application de l’article 38 de la Constitution de la Cinquième République française, l’ordonnance devient caduque si le projet de loi de ratification n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elle ne peut être ratifiée que de manière expresse. A l’expiration de ce délai de six mois, l’ordonnance ne pourra plus être modifiée que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif.
 

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Décryptage avec Isabelle Lucas-Baloup, le partenaire des acteurs de santé.
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Depuis une vingtaine d’années, toutes les entreprises de santé y passent en coupes réglées. Les cliniques privées d’abord, vendues à des groupes relevant de fonds de pension ou d’investissement internationaux qui excellent dans la pratique des LBO du « private equity ». Le nombre d’établissements à but lucratif détenus par quelques groupes préoccupe l’Autorité de la concurrence qui s’emploie à chasser les positions dominantes locorégionales « susceptibles d’affecter le bien-être des patients en réduisant leur liberté de choix et la qualité de l’offre de soins disponible ». Les chirurgiens propriétaires de leurs cliniques ont cédé la place à de nouveaux directeurs à l’œil rivé sur leurs tableaux Excel de taux d’occupation et de rentabilité. Idem dans les EHPAD, à l’ingénierie financière élaborée, dont la concentration conduit à des excès malheureusement pas de confort pour les résidents scandaleusement nourris au niveau 0 de la gastronomie. Les profits réalisés en font un des Eldorado parmi les plus convoités aujourd’hui par les fonds d’investissement puisque s’inscrivant dans le secteur médico-social français le plus rentable. Pas besoin de commenter l’évolution des parts de marché et du reste à charge, qui ont en commun d’augmenter, comme le vieillissement de la population qu’on invite à s’installer, quand les établissements et les listes d’attente sont saturés, dans les filiales du Maghreb ou de l’Europe de l’Est.

   Aujourd’hui, les financiers s’intéressent aux établissements privés spécialisés dans le SSR[1] et la  psychiatrie. Les opérations sur l’immobilier de ces structures de santé sont également pertinemment orchestrées entre les acteurs du marché.

    Concomitamment à leur implication dans les établissements de santé, les financiers envahissent les spécialités médicales et pharmaceutiques à plateaux techniques onéreux. On a d’abord assisté à la restructuration capitalistique des laboratoires de biologie médicale. Le coût exorbitant des procédures d’accréditation, le prix du renouvellement des automates, la baisse de la nomenclature et l’augmentation de l’âge des biologistes historiquement propriétaires de leurs cabinets, les ont conduits à accepter des fusions-acquisitions au profit d’industriels et groupes financiers offrant des prix de parts sociales ou actions de leurs sociétés d’exercice qu’ils ne pouvaient raisonnablement refuser faute de successeurs professionnels capables d’investir à ce niveau tant les valorisations ont monté (on a vu jusqu’à 4 fois le chiffre d’affaires du cabinet). Une gymnastique juridique savante pour contourner les impératifs de la loi sur les sociétés d’exercice libéral (SEL) a permis là encore le développement de la biologie médicale industrielle, au détriment des professionnels « associés » ultra-minoritaires dont l’indépendance – pourtant garantie par la loi et leur code de déontologie - a totalement disparu en pratique à l’arrivée des capitaux extérieurs. Les LBM indépendants qui résistent et se battent pour le maintien de leur autonomie doivent en outre faire face à des pratiques concurrentielles souvent déloyales, sans toujours avoir la disponibilité et la trésorerie pour lancer les actions judiciaires et disciplinaires que le comportement de certains groupes mériterait.  

    Actuellement, après les centres dentaires, ce sont les cabinets médicaux d’anatomo-pathologie, les plateaux techniques de radiothérapie, de médecine nucléaire et d’imagerie médicale que ciblent des groupes extérieurs toujours plus enclins à développer leurs investissements dans des secteurs de la santé stables et à fort potentiel de rentabilité.

 

L’imagerie médicale dans l’œil du cyclone « capital investissement » :

   A l’instar de ce qui s’est passé pour leurs amis biologistes, nombre de radiologues cèdent au chant des sirènes et en même temps leur cabinet à des entités diverses, parfois non encore inscrites au registre du commerce et des sociétés mais pourtant présentées comme des équipes de « radiologues compétents et expérimentés qui se consacrent désormais à la gestion des cabinets de leurs confrères dans leur intérêt supérieur ». Une surévaluation des actifs cessibles des médecins vulnérables, la capacité offerte comme un avantage de réinvestir le prix de vente dans les structures de l’acquéreur aussi nébuleuses soient-elles, le refus ou la difficulté des plus jeunes à emprunter pour s’impliquer dans l’économie du cabinet et dans la reprise de sa gestion, conduisent les plus anciens au bord de la retraite et de la crise de nerfs à vendre au plus offrant, craignant de fermer la porte en bradant à un broker le matériel à un prix proche de l’euro symbolique tout en supportant le coût des licenciements des secrétaires et des manipulateurs.

Si le vendeur cesse d’exercer, son principal souci est le montant du prix de vente. En revanche, lorsqu’il envisage de continuer à pratiquer au sein de la structure à laquelle il cède les éléments de son patrimoine professionnel, il doit poser, avant de signer une lettre d’intention (la fameuse L.O.I. qui l’empêchera de regarder ce qu’on lui propose ailleurs en raison de ses clauses d’exclusivité de négociation), quelques questions au groupe candidat à l’acquisition, afin d’obtenir immédiatement des informations essentielles pour apprécier, au bon moment, la qualité du candidat et du projet présentés :

  • l’organigramme du groupe : pour savoir si le radiologue vendeur a affaire à un investisseur extérieur au milieu de la radiologie, un financier, un fonds de pension ou d’investissement, ou au contraire à un groupe de confrères qui souhaitent se développer,
  • les statuts de la société non exerçante et la répartition de son capital : les financiers se cachent derrière des sociétés par actions simplifiées (les SAS) qui laissent une grande liberté de rédaction et d’adoption d’obligations qui leur sont totalement favorables et confiscatoires des droits essentiels des associés professionnels exerçants et qui s’emboîtent les unes dans les autres au gré de contrats de prestations de services onéreux, de filiales, de holding, etc.

Ce sont là deux points majeurs à vérifier avant de signer toute lettre d’intention ou d’intérêt. Ensuite, le candidat va demander de nombreux documents au cabinet vendeur, qui ne doit pas pour autant manquer de son côté d’obtenir rapidement d’autres informations précises du groupe candidat, notamment :

  • les statuts ou le projet de statuts de la société à intégrer s’il entend continuer à pratiquer,
  • l’existence ou non d’un pacte d’actionnaires et son contenu éventuel, systématiquement piégeant pour les minoritaires,
  • les modalités de calcul du prix de cession : des cédants s’engagent auprès d’un candidat plutôt que les autres en raison d’un prix supérieur aux offres concurrentes lequel va fondre dès la mise en œuvre de formules mathématiques incompréhensibles au premier abord  de calcul du « prix définitif » à la date de réalisation de l’opération voire payable les années suivantes ; il arrive en effet que le prix ne soit pas réglé en totalité à la date de cession du cabinet mais sur plusieurs années avec une obligation pour le radiologue « racheté » s’il continue à exercer de réaliser un certain montant de recettes annuelles en dessous duquel il sera privé d’encaisser « le solde du prix de vente », complément de l’acompte ou du prix de base payé à la signature du Protocole,
  • les détails du projet, holding ou pas, combien d’actions et de quelle nature obtient le radiologue vendeur dans la SELAS dans laquelle il est admis ? Existe-t-il des actions de préférence ? Dans l’affirmative quels avantages confèrent-elles, en sachant que les actions de préférence peuvent signifier « préférence négative », des pertes de pouvoir, par exemple une limitation du droit de vote de leurs titulaires. Les actions de préférence confèrent le plus souvent des droits de vote double ou des dividendes supplémentaires, qui ne sont que rarement concédés aux radiologues rachetés, auxquels on propose plus volontiers des actions ordinaires s’ils ne réinvestissent pas leur prix de vente dans le groupe acquéreur ; si bien que sous l’apparence d’une SELAS[2] démocratique se cache un système ôtant tout pouvoir de gestion aux titulaires des actions ordinaires ;
  • s’il existe une holding, SPFPL[3] ou autre, les cédants sont-ils invités à y obtenir des actions, à quel niveau et à quel prix ? Les considérations fiscales ne doivent pas être négligées ;
  • dans nombre de SELAS, du chef du contrôle des droits financiers par la société non exerçante, les dividendes remontent dans la holding et les radiologues associés exerçants dans la SEL n’en voient pas la couleur ; parfois, il est mentionné dans le pacte d’associés qu’il ne sera délivré aucun dividende pendant une période de croissance de plusieurs années au sein de la SELAS ;
  • en cas de demande de scanner/IRM, voir comment les radiologues vendeurs demeurent éligibles aux fruits de leur exploitation, comment récupérer leur part de bénéfices sur forfaits techniques fréquemment confisqués au motif d’une structuration du groupe qui éloigne de la distribution du résultat d’exploitation les radiologues qui les ont générés par leur travail intellectuel ; il faut alors comparer le bénéfice/risque d’investir dans des sociétés qui portent le matériel, les autorisations des ARS et les frais d’exploitation. Certains opérateurs se sont spécialisés dans l’investissement dans ce type de structures, achètent les plateaux techniques des cabinets d’imagerie médicale pour les relouer ensuite aux radiologues vendeurs en en assurant la gestion opérationnelle, le plus souvent à des tarifs évidemment non favorables aux médecins exerçants ;
  • en ce qui concerne la gouvernance, on rencontre souvent, lorsque le groupe discrimine droits de vote et droits financiers, une concentration des pouvoirs dans une structure, comité de direction, ou comité stratégique peu importe le vocabulaire, au sein de laquelle les décisions sont prises, mais les cédants minoritaires, même présents, n’ont aucune influence sur les décisions. En fait, c’est la holding ou société extérieure financière qui gouverne, avec un médecin nommé président pour que la SELAS soit présentable à l’Ordre des médecins, mais sans autres pouvoirs que ceux que lui confère le comité de direction ou le comité stratégique au sein duquel le pacte d’associés assure la maîtrise du pouvoir aux financiers. Ce comité non seulement décide de tout mais a seul compétence pour convoquer les assemblées générales, si bien que les médecins exerçants perdent toute indépendance, n’ont souvent pas accès aux comptes de la SELAS et leurs voix ne pèsent rien au sein de la gouvernance. Si le radiologue vendeur est en fin de carrière et travaille seulement quelques années, il supportera la situation, mais ce sera moins acceptable pour un plus jeune médecin n’ayant pas imaginé en entrant dans de telles structures qu’il y serait privé de ses droits les plus élémentaires, comme par exemple la perte de la protection réglementaire au moment d’une procédure d’exclusion de la SELAS, remplacée par des clauses à la faveur du groupe dans un contrat d’exercice entre la SELAS et le radiologue qu’il n’a légalement aucune obligation de signer, sa seule qualité d’associé professionnel exerçant lui permettant de pratiquer l’imagerie médicale sans nécessité de signer un contrat supplémentaire entre la SELAS et lui-même, qui pourtant lui a été présenté comme indispensable avant son agrément ;
  • le règlement intérieur est également à analyser, tant il peut être confiscatoire de droits au détriment des associés minoritaires exerçants ;
  • le projet médical, la capacité des médecins exerçants à poursuivre ou pas des activités qu’ils diligentaient dans leur précédent cabinet,
  • les modalités de rémunération des vacations et leur nombre annuel, la prise en charge ou pas par la SELAS des charges sociales, des cotisations à l’Ordre, des assurances, des frais professionnels.

Bref, entrer en négociation aujourd’hui avec un acquéreur de cabinets d’imagerie médicale impose des précautions, de la patience, et, à défaut d’expérience, d’être bien entouré par un expert-comptable et un avocat spécialisés pour lire entre les lignes des contrats savamment préparés par des cabinets d’affaires rompus à ce type d’opérations.

Mais, je le répète, il convient pour le radiologue de déterminer rapidement avec qui il entre en négociation :

  • des confrères loyaux dont le projet consiste à accroître leur périmètre d’intervention locorégional afin d’être suffisamment dotés de fonds propres pour perdurer, avec lesquels il pourra continuer un exercice confraternel de son cœur de métier avec des droits et des devoirs équilibrés dans le respect de la déontologie médicale,
  • ou à des investisseurs externes à la profession qui ont pour obsession la progression à tout prix de leur part de marché et du niveau des bénéfices à distribuer avec comme projet à moyen terme la revente du groupe avec la meilleure plus-value possible, laquelle ne sera pas partagée, quelques années plus tard, avec le radiologue ultra-minoritaire et démotivé pour avoir perdu son indépendance et la maîtrise de son outil de travail.

Un groupe de financiers tentant avec une agressivité stupéfiante de se développer dans le paysage français de l’imagerie médicale a voulu imposer récemment à un de mes clients un pacte d’associés aux termes duquel, quelles que soient les circonstances, le radiologue était privé de communiquer avec autrui y compris l’Ordre des médecins, sur tout fait relatif à son exercice au service d’une structure complexe au sein de laquelle il perdait tous ses droits, sauf celui de remplir les vacations imposées avec des normes de rendement aux antipodes de la déontologie médicale et clairement incompatibles avec l’épanouissement professionnel.

Pas la peine de dénoncer la déshumanisation de la radiologie médicale qui se profile dans ce type de structures, elle est déjà requalifiée par ces acteurs sans scrupules « adaptabilité à l’évolution scientifique et économique », la téléimagerie et l’intelligence artificielle remplaçant avantageusement soutiennent-ils le colloque singulier entre le radiologue faillible du 20ème siècle et son patient de demain. C’est donc aujourd’hui qu’il convient de s’en soucier et de privilégier les groupes d’imagerie médicale à taille humaine en tentant de se prémunir contre les effets pervers des clauses notamment dites de drag along, qui contraignent les associés minoritaires à céder leurs actions en cas d’offre de rachat de 100% du capital par un tiers non désiré.

Quand bien même le pire n’est jamais certain, la financiarisation galopante du secteur mérite bien, du côté des radiologues vendeurs, un peu de prudence, de réflexion, voire de résistance, avant le clic du doigt sur le clavier qui délivrera une signature électronique dont il est préférable que les effets soient parfaitement connus et anticipés aux fins que le consentement du radiologue ne soit pas vicié. Information, consentement, des obligations que les médecins connaissent bien dans leurs relations avec chacun de leurs patients, mais qu’ils négligent - de temps en temps - lorsqu’il s’agit de la défense de leurs propres intérêts.  

 

[1] soins de suite et de réadaptation

[2] société d’exercice libéral de médecins par actions simplifiée

[3] société de participations financières de professions libérales

 

 L’article R. 4127-35 du code de la santé publique impose au médecin « une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il lui propose » et l’article R. 4127-34 l’oblige à formuler ses « prescriptions avec toute la clarté indispensable, de veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et de s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution ».
   Vaste programme à une époque où le paternalisme éclairé du médecin de nos ancêtres, qui suffisait grâce à une relation de confiance bilatérale à les convaincre de la pertinence et de l’efficacité du diagnostic et du traitement prescrit, est remplacé par une méfiance du consommateur de soins à l’égard de son spécialiste si celui-ci n’a pas suffisamment verbalisé la liste des symptômes à prendre en considération pendant l’anamnèse tels qu’énumérés sur des sites de vulgarisation de qualité hétérogène explorés par l’internaute avant la consultation « en présentiel ».
  L’information « instinctive » de l’homme de l’art a vécu, les Facultés de médecine initient des DIU de « stratégies de communication des médecins dans la relation médecin-patient » - ou « patient/médecin » ? – le titre annonce lui-même les digressions et polémiques engendrées par le nouveau débat contradictoire qui a définitivement remplacé l’information bienveillante de celui qui, pendant le colloque singulier, seul savait.
  Le médecin demeure soumis à une obligation de moyens en ce qui concerne le résultat de son intervention, mais n’est-il pas tenu d’une obligation de résultat dans le respect de ses obligations en termes de communication sur ce que la loi Kouchner du 4 mars 2002, elle a donc déjà bientôt 20 ans, organisait à l'article L. 1111-2 du CSP : « le droit d’être informé sur son état de santé, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus » aux fins de garantir « la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » (article L. 1110-5).
  À 25 € la consultation, les champions de la communication médicale doivent gérer la forme – qui évidemment n’exclut pas le fond – avec rapidité et efficacité, sous peine d’avoir à réparer le nouveau « préjudice moral d’impréparation » inventé par la Cour de cassation pour indemniser le patient qui n’a pas bien compris, ou qui a oublié, et qui met judiciairement au défi son médecin d’apporter la preuve qu’il l’avait expressément prévenu de tel risque (même s’il ne s’est pas réalisé) car, mieux informé, il aurait renoncé à l’acte ou serait allé voir ailleurs… Nous vivons désormais les belles heures du deuxième avis, voire du troisième et du quatrième car le patient finit toujours par trouver le praticien qui lui dit ce qu’il a envie d’entendre. Sur les réseaux sociaux et blogs pas toujours bien intentionnés à l’égard de la communauté médicale il pourra alors discréditer anonymement et librement un spécialiste qui n’a pourtant pas démérité, sans que ce dernier puisse s’y opposer : la Cour de cassation n’a pas encore inventé les moyens rapides de faire cesser une diffamation par « avis » diffamatoire sur Google, il faut des mois pour obtenir l’identité de l’auteur de la déloyauté qui se cache sous un pseudonyme et des années pour encaisser un euro symbolique d’indemnité sensée réparer une « atteinte à l’honneur et à la probité » du praticien. Ici comme ailleurs, dans notre société moderne du grand bavardage fuligineux, les menteurs ne sont pas toujours les payeurs.
  En routine, la solution pour le médecin est simple : croiser les doigts chaque matin pour que le patient malintentionné, voire le quérulent processif, celui qui a compris qu’il est plus facile d’attaquer un médecin que pour celui-ci de se défendre contre des affirmations aberrantes, ne croise pas le chemin de son cabinet. Les codes de déontologie jouent leur rôle à l’égard des professionnels lourdement sanctionnés en cas de faux-pas ou de manquement à l’éthique. En contrepartie, ces mêmes professionnels n’ont que le droit commun et l’article 1240 du code civil pour agir contre leurs détracteurs malhonnêtes : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »        
  Développer les écrits contractuels pour se protéger est chronophage. Tout enregistrer n’est pas autorisé et compliqué à archiver. Les bonnes pratiques de communication et de télécommunication entre le médecin et son patient évoluent, les excès sont parfois partagés, les accès à l’information ne sont plus réservés à la consultation médicale, les patients-experts se multiplient, mais statistiquement la compétence, l’écoute et l’empathie du médecin continuent à servir l’intérêt supérieur du patient. Dans ce couple incontournable, à chacun de déterminer comment il met en œuvre sa propre lucidité.

 

« Moi si j’attrape le virus j’veux le traitement du professeur marseillais, pas vous Maître ? ». Voilà comment, en achetant dimanche matin mon poisson pour la semaine, j’ai pris conscience que les controverses scientifiques n’agitent plus seulement la communauté médicale dans les revues à comité de lecture et les congrès spécialisés des sociétés savantes. Là où avant le débat portait sur l’intérêt d’écailler la daurade, aujourd’hui on prend position, c’est nouveau, sur la qualité des prescriptions d’une sommité internationale en microbiologie ; chacun y va de son commentaire et se positionne radicalement.

   Mine de rien, on passerait de l’evidence based medecine à la prescription populaire. Le Président de la République se déplace lui-même pour rencontrer in situ le Professeur Raoult. Les réseaux sociaux non confinés, qui ont remplacé le café du commerce fermé pour état d’urgence sanitaire, s’enflamment, le vocabulaire aussi, comme souvent dans une caricature binaire : « remède miracle » ou « fake news ». Les journalistes opposent dans des « éditions spéciales » l’expérience sur le terrain en région PACA incarnée par un savant échevelé et atypique qui caractérise brutalement le droit de chacun à choisir son traitement, à l’élégance de la mise en œuvre maîtrisée d’essais randomisés en double aveugle versus placebo au CHU d’Angers et à l’AP-HP, donc au nord de la Loire, où on pratique des études qui prennent du temps, dans le respect immarcescible des recommandations et contraintes réglementaires. Bref, une fois de plus la France « en guerre » est coupée en deux.

Au cœur de cette polémique singulière, il peut être utile au médecin de ville d’apprécier juridiquement s’il peut ou s’il doit, ou pas, prescrire un traitement médical précoce du covid-19 associant hydroxychloroquine et azithromicyne, ou l’association lopinavir/ritonavir en l’état des publications légales, réglementaires et médico-scientifiques.

 

 Liberté de prescription du médecin :

La liberté de prescription est consacrée par tous les codes de déontologie (« logos » discours et « déontos » ce qu’il faut faire) médicale depuis 1947. L’article 8 du dernier d’entre eux (décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004) prévoyait : « Dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. ». Le principe demeure sous l’article R. 4127-8 du code de la santé publique, mais un peu modifié puisqu’il est ajouté parmi les limites, après la loi : « et compte tenu des données acquises de la science », un concept que la jurisprudence doit définir au regard du droit des patients à recevoir des soins « les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées » comme il est écrit à l’article L.1110-5 du même code depuis la Loi Kouchner (2002). Mais revenons à la liberté de prescription : l’article L.162-2 du code de la sécurité sociale rappelle qu’elle relève des principes déontologiques « fondamentaux », au même titre que le libre choix du médecin par le malade, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade et la liberté d’installation du médecin.

Comme la France est le pays des Libertés, affirmées par les parlementaires mais très vite encadrées par les ministères, sont apparues rapidement « les restrictions au principe de la liberté de prescription, dans l’intérêt de la santé publique », par voie de décrets dans une démarche vivement contestée par la communauté médicale que le Conseil d’Etat a néanmoins validée dans un arrêt Syndicat des médecins d’Aix du 16 février 1996.

La liberté de prescription a ainsi été écartée notamment pour les médicaments soumis à la réglementation des substances vénéneuses, puis pour les médicaments soumis à prescription restreinte.

Aucun texte n’interdisait purement et simplement à un médecin de prescrire un médicament en dehors du champ de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’AFSSAPS, devenue l’ANSM, dans les conditions des article L. 5121-8 et R. 5142-20 à -29 du code de la santé publique, prévoyant aussi des autorisations temporaires d’utilisation délivrées par l’Agence, pour effectuer des prescriptions hors AMM - ATU dites « de cohorte » ou de « pré-AMM » - lorsque le laboratoire invoquait des résultats d’essais thérapeutiques laissant présumer fortement l’efficacité et la sécurité du médicament. Des ATU dites « nominatives » permettaient par ailleurs aux médecins d’obtenir à leur demande une autorisation pour des malades nommément désignés et de prescrire un médicament sans AMM en cas de maladie grave ou rare lorsqu’il n’existait pas de traitement approprié, mais « sous la responsabilité du médecin traitant » (article L. 5121-12, CSP). Une procédure particulière était également prévue pour utiliser des médicaments en cours d’essais cliniques dans le cadre de la recherche biomédicale (décret n° 90-872 du 27 septembre 1990). Mais ces procédures d’ATU ne sont pas applicables à des médicaments ayant déjà reçu une AMM dans une ou d’autres indication(s).

C’est dans ce contexte légal et réglementaire que les médecins ont développé des prescriptions en dehors des AMM, en exposant leur responsabilité civile, pénale et disciplinaire dès que le traitement s’avère discutable à l’égard du patient, soit qu’il lui ait été proposé comme salutaire ou sans danger un remède ou un procédé insuffisamment éprouvé (article R. 4127-39 CSP) en lui faisant alors courir un risque injustifié (article R. 4127-40), soit qu’il ait été prescrit en dehors des fameuses « données acquises » de la science (article R. 4127-32). Jusqu’en 2011, la prescription hors AMM relevait de la liberté de prescription et n’était pas expressément autorisée sans être pour autant interdite.

Plusieurs lois ont successivement modifié le régime des prescriptions hors AMM : la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, intervenue dans le contexte de l’affaire du Médiator, a d’abord développé des charges opposables aux laboratoires qui doivent contribuer au bon usage des médicaments qu’ils commercialisent en veillant à ce qu’ils soient prescrits conformément à leur autorisation (AMM, ATU, AIP, enregistrement ou RTU), en prenant toutes les mesures d’information vis-à-vis des prescripteurs et en informant l’ANSM lorsqu’ils constatent des prescriptions non conformes au bon usage de leurs spécialités.

Aujourd’hui, après notamment l’entrée en vigueur de l’article 65 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale, le médecin doit observer, pour prescrire à un patient un médicament hors AMM, l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique rédigé dans les termes ci-après :

« I.- Une spécialité pharmaceutique peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l’absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, sous réserve qu’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) établie par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l’utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d’utilisation. Lorsqu’une telle recommandation temporaire d’utilisation a été établie, la spécialité peut faire l’objet d’une prescription dans l’indication ou les conditions d’utilisation correspondantes dès lors que le prescripteur juge qu’elle répond aux besoins du patient. La circonstance qu’il existe par ailleurs une spécialité ayant fait l’objet, dans cette même indication, d’une autorisation de mise sur le marché, dès lors qu’elle ne répondrait pas aux besoins du patient, ne fait pas obstacle à une telle prescription.

   En l’absence de recommandation temporaire d’utilisation dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées, une spécialité pharmaceutique ne peut faire l’objet d’une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché qu’en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation temporaire d’utilisation et sous réserve que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique de son patient. 

« II.- Les recommandations temporaires d’utilisation mentionnées au I sont établies pour une durée maximale de trois ans, renouvelable. Elles sont mises à la disposition des prescripteurs par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou par l’entreprise qui assure l’exploitation de la spécialité concernée.

« III.- Le prescripteur informe le patient que la prescription de la spécialité pharmaceutique n’est pas conforme à son autorisation de mise sur le marché, le cas échéant, de l’existence d’une recommandation temporaire d’utilisation, des risques  encourus et des contraintes et des bénéfices susceptibles d’être apportés par le médicament et porte sur l’ordonnance la mention : « Prescription hors autorisation de mise sur le marché » ou, le cas échéant, « Prescription sous recommandation temporaire d’utilisation ».

   Il informe le patient sur les conditions de prise en charge, par l’assurance maladie, de la spécialité pharmaceutique prescrite dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées.

   Il motive sa prescription dans le dossier médical du patient, sauf lorsqu’il existe une autre spécialité comparable disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou lorsqu’il existe suffisamment de recul sur les conditions d’utilisation de cette spécialité dans cette indication.

« IV.- Les recommandations temporaires d’utilisation mentionnées au I sont établies après information du titulaire de l’autorisation sur le marché. 

   Les recommandations temporaires d’utilisation sont élaborées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. Concernant les maladies rares, l’Agence visée à l’article L. 5311-1 élabore les recommandations temporaires d’utilisation en s’appuyant notamment sur les travaux des professionnels de santé prenant en charge ces pathologies et, le cas échéant, les résultats des essais thérapeutiques et les protocoles nationaux de diagnostics et de soins.

   Ces recommandations sont assorties d’un protocole de suivi des patients, qui précise les conditions de recueil des informations concernant l’efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d’utilisation de la spécialité par le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou l’entreprise qui l’exploite. Le protocole peut comporter l’engagement, par le titulaire de l’autorisation, de déposer dans un délai déterminé une demande de modification de cette autorisation. Il peut être dérogé à l’obligation d’un protocole de suivi des patients prévue au présent alinéa lorsqu’il existe une autre spécialité comparable disposant d’une autorisation de mise sur le marché ou lorsqu’il existe suffisamment de recul sur les conditions d’utilisation de cette spécialité dans cette indication.

« V.- Le ministre chargé de la santé ou le ministre chargé de la sécurité sociale peut saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’une demande d’élaboration d’une recommandation temporaire d’utilisation. »

 

Schématiquement, on peut résumer ainsi les conditions de prescription hors AMM :

Principe :  La prescription d’une spécialité pharmaceutique doit être conforme à son AMM ou ATU.

Dérogations : La prescription non conforme à l’AMM est possible :

1er cas : RTU publiée par l’ANSM dans l’indication :

  • en l’absence de spécialité (disposant d’une AMM ou ATU dans l’indication ou les conditions d’utilisation considérées)
    • de même principe actif,
    • de même dosage,
    • et de même forme pharmaceutique,
  • et si le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique et son patient.

 

2ème cas : pas de RTU publiée par l’ANSM dans l’indication :

  • en l’absence d’alternative médicamenteuse appropriée,
  • il faut que le prescripteur juge indispensable, au regard des données acquises de la science, le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l’état clinique et son patient.

En l’absence de RTU, le prescripteur supporte donc la charge de la preuve des données acquises de la science qui l’ont conduit à juger « indispensable » cette prescription dans l’intérêt du patient.

 

Les recommandations temporaires d’utilisation (RTU) :

L’article R. 5121-76-1 du code de la santé publique prévoit que les RTU sont élaborées par l’ANSM lorsque deux conditions sont réunies :

  • l’existence d’un besoin thérapeutique dans l’indication concernée,
  • et un rapport bénéfice/risque du médicament présumé favorable.

Les RTU, très peu nombreuses, sont publiées sur le site de l’ANSM, qui ne mentionne l’existence d’aucune à la date de rédaction de cette note (14 avril 2020) pour le traitement du covid-19.

 

Prescription de l’hydroxychloroquine (Plaquenil)

et de l’association lopinavir/ritonavir (Karetra) :

   Le Parlement, par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 dite d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a ajouté au code de la santé publique un chapitre « Etat d’urgence sanitaire » puis a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de covid-19 pour une durée de deux mois (article 4).

Trois décrets n° 2020-293 du 23 mars, n° 2020-314 du 25 mars et n° 2020-337 du 26 mars 2020 sont intervenus, au visa de cette loi, pour aboutir à une version consolidée de l’article 12-2 du premier d’entre eux ainsi rédigée :

« Par dérogation à l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, l'hydroxychloroquine et l'association lopinavir/ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile. Ces prescriptions interviennent, après décision collégiale, dans le respect des recommandations du Haut conseil de la santé publique et, en particulier, de l'indication pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe.

Les médicaments mentionnés au premier alinéa sont fournis, achetés, utilisés et pris en charge par les établissements de santé conformément à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique.

Ils sont vendus au public et au détail par les pharmacies à usage intérieur autorisées et pris en charge conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale. Le cas échéant, ces dispensations donnent lieu à remboursement ou prise en charge dans ce cadre sans participation de l'assuré en application des dispositions de l'article R. 160-8 du même code. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est chargée, pour ces médicaments, d'élaborer un protocole d'utilisation thérapeutique à l'attention des professionnels de santé et d'établir les modalités d'une information adaptée à l'attention des patients.

Le recueil d'informations concernant les effets indésirables et leur transmission au centre régional de pharmacovigilance territorialement compétent sont assurés par le professionnel de santé prenant en charge le patient dans le cadre des dispositions réglementaires en vigueur pour les médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché.

La spécialité pharmaceutique PLAQUENIL©, dans le respect des indications de son autorisation de mise sur le marché, et les préparations à base d'hydroxychloroquine ne peuvent être dispensées par les pharmacies d'officine que dans le cadre d'une prescription initiale émanant exclusivement de spécialistes en rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie ou dans le cadre d'un renouvellement de prescription émanant de tout médecin. […] »

 

Disponibles uniquement sur prescription médicale :

  • l’hydroxychloroquine (commercialisée depuis 60 ans en France sous le nom de Plaquenil, laboratoire Sanofi Aventis) est indiquée, dans le cadre de son AMM, dans le traitement de certaines maladies articulaires d’origine inflammatoire, telles que la polyarthrite rhumatoïde, du lupus et en prévention des lucites (allergies au soleil). Elle est différente de la Nivaquine (à base de chloroquine, laboratoire Sanofi Aventis) indiquée dans le traitement et la prévention du paludisme, dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, de certaines formes du lupus et des lucites ;
  • l’association fixe lopinavir/ritonavir (disponible en spécialité de référence Kaletra du laboratoire Abbvie et son générique Mylan) est indiquée, dans le cadre de son AMM, dans le traitement de l’infection à VIH-1, chez l’adulte et le jeune enfant dans le cadre de multithérapies antirétrovirales.

    L’article 12.2 susvisé du décret du 23 mars 2020, dans sa version consolidée, vise pour ces médicaments prescrits pour soigner les patients covid-19 un protocole d'utilisation thérapeutique à l'attention des professionnels de santé établi par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Deux protocoles d’utilisation thérapeutique ont donc été publiés par l’ANSM le 30 mars 2020, disponibles sur le site de l’Agence (www.ansm.sante.fr), le premier concernant « hydroxychloroquine et infection par le coronavirus SARS-CoV-2 (maladie covid-19) », le second « lopinavir/ritonavir et infection par le coronavirus SARS-CoV-2 (maladie covid-19) ».

Le Haut Conseil de la Santé Publique a communiqué son avis le 23 mars 2020 (disponible sur le site www.hcsp.fr). En ce qui concerne l’étude menée au sein de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille (Pr Raoult), il souligne qu’il s’agit d’une étude observationnelle sur 26 patients hospitalisés pour covid-19 et que « ses résultats doivent être considérés avec prudence en raison du faible effectif de l’étude, incluant en partie des patients asymptomatiques, de l’absence de bras témoin, du critère de jugement uniquement virologique (pas de données cliniques). Ils ne permettent pas de conclure à l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine ou de l’association hydroxychloroquine + azithromycine, mais demandent à être confirmés (ou infirmés) ». Ces faiblesses justifient, en raison du « très faible niveau de preuve de l’étude », la poursuite de la recherche clinique.

   Le Conseil d’Etat a statué, après la publication du décret du 23 mars 2020, en référé, sur une demande d’injonction au Gouvernement de saisir sans délai l’ANSM en vue de l’élaboration d’une recommandation temporaire d’utilisation destinée à permettre la prescription, y compris sans admission à l’hôpital autrement, le cas échéant, qu’en ambulatoire, de la spécialité Plaquenil aux patients manifestant des symptômes d’atteinte par le covid-19 sans attendre le développement d’une détresse respiratoire.

Par une ordonnance de référé du 28 mars 2020 (n° 439765), le Conseil d’Etat a jugé « qu’il résulte de l’instruction que les études à ce jour disponibles souffrent d’insuffisances méthodologiques.  En particulier, l’étude observationnelle menée à l’institut hospitalo-universitaire de Marseille, qui a permis de constater une diminution ou une disparition de la charge virale pour 13 patients après six jours de traitement, portait sur 26 patients, dont 6 n’ont pas été analysés – 3 ayant été admis en réanimation, un étant décédé et 2 ayant arrêté le traitement dont un en raison d’effets indésirables – et ne comportait pas de groupe témoin comparable. L’existence d’une différence significative n’a pas été confirmée par les résultats, très récemment diffusés, d’une autre étude, réalisée en Chine du 6 au 25 février 2020 et portant sur 30 patients hospitalisés présentant une forme modérée de la maladie, qui relève que 13 des 15 patients auxquels était administré de l’hydroxychloroquine avaient une charge virale négative au 7ème jour, pour 14 des 15 patients du groupe témoin. En outre, ces études ne permettent pas de conclure à l’efficacité clinique de l’hydroxychloroquine. Or, l’essai clinique européen « Discovery », dont les premiers résultats seront connus dans une dizaine de jours et qui doit inclure, ainsi que l’a indiqué à l’audience le représentant du ministre des solidarités et de la santé, des patients pour lesquels le traitement est initié suffisamment tôt pour apprécier l’incidence de la molécule sur l’évolution de la maladie, permettra de recueillir des résultats plus significatifs. […]. »

Le Conseil d’Etat conclut : « Par les décrets des 25 et 26 mars 2020, le Premier ministre a permis la prescription de l’hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19 pris en charge dans un établissement de santé, sous la responsabilité du médecin prescripteur et dans le respect des recommandations du Haut Conseil de la Santé Publique, notamment quant au développement de la pathologie. Il a en revanche limité l’usage de la spécialité pharmaceutique en médecine de ville, en interdisant sa dispensation en pharmacie d’officine en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché. De telles mesures, entrant dans le champ des dispositions de l’article L. 3131-5 du code de la santé publique et conformes aux préconisations du Haut Conseil de Santé Publique, à défaut de « données acquises de la science » à ce jour, sont susceptibles d’évolution dans des délais très rapides, conformément aux déclarations du ministre des solidarités et de la santé, au vu des premiers résultats de l’essai clinique européen. Dans ces conditions, le choix de ces mesures ne peut être regardé, en l’état de l’instruction, comme portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie et au droit de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu’appréciés par le médecin. […] Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions des requérants tendant à ce que le juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, ordonne la suspension de l’exécution de l’article 12-2 du décret du 23 mars 2020, enjoigne au ministre chargé de la santé de saisir l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’une demande d’élaboration à très bref délai d’une recommandation temporaire d’utilisation destinée à sécuriser l’usage du Plaquenil en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché et enjoigne au gouvernement de prendre les mesures nécessaires à la production et à la constitution de stocks d’hydroxychloroquine et d’azithromycine doivent être rejetées.»

Dès lors, à la date du 14 avril 2020 de rédaction de la présente note, les textes habituels, rappelés supra, qui gouvernent en France la prescription des médicaments et la faculté pour le médecin, en vertu de sa liberté de prescription encadrée mais réelle, de sortir du cadre stricto sensu de l’AMM, même en l’absence de RTU (recommandation temporaire d’utilisation), sont écartés grâce à la capacité conférée au gouvernement par la loi ayant déclaré l’état d’urgence sanitaire. Les dispositions nouvelles imposées par voie de décrets, réglementent la prescription de l’hydroxychloroquine (Plaquenil) et l’association lopinavir/ritonavir (Karetra) sans viser expressément les textes relatifs aux :

  • médicaments réservés à l’usage hospitalier (articles R. 5121-82 et suiv. du CSP),
  • médicaments à prescription hospitalière (articles R. 5121-84 et suiv. du CSP),
  • médicaments à prescription initiale hospitalière (articles R. 5121-87 et suiv. du CSP),
  • médicaments à prescription réservée à certains médecins spécialistes (articles R. 5121-90 et suiv. du CSP),
  • médicaments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement (articles R. 5121-93 et suiv. du CSP),

mais l’article 12-2 sus-commenté produit les effets d’un tel classement…

   Le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, vient donc de juger que le critère des « données acquises de la science » fait défaut à ce jour. Or, en l’absence de RTU, le prescripteur a la charge de la preuve des données acquises de la science qui l’ont conduit à juger « indispensable » cette prescription.

      Il faut donc convenir que le médecin de ville qui prescrit aujourd’hui du Plaquenil et/ou du Kaletra pour le traitement du covid-19 en dehors du cadre réglementaire qui vient d’être décrit s’expose dangereusement à la mise en cause de sa responsabilité professionnelle (civile, pénale et disciplinaire). Le débat juridique pour ceux qui ce faisant invoquent « l’intérêt supérieur du patient » n’est pas gagné, dès lors que le paternalisme éclairé en vertu duquel un patient demandait à son médecin « prescrivez pour moi comme vous le feriez pour votre propre mère » est écarté clairement par une conception du devoir de précaution élargie bien au-delà du primum non nocere.

   Mais j’ai bien évidemment épargné à mon poissonnier tous ces détails sordides et, un peu, angoissants, il s’agit de mesures provisoires, n’est-pas ?  

Le Cabinet Lucas-Baloup a préparé pour vous un dossier « Protection des données » que les retardataires pourront mettre en œuvre afin de prouver, en cas de contrôle, être déjà engagés dans les formalités rendues obligatoires

à compter du 25 mai 2018