Résiliation brutale => dommages-intérêts payés par le médecin à la clinique

Titre complément
(Cour de cassation, 1ère ch. civ., arrêt du 12 juillet 2007)
Auteur(s)
Isabelle Lucas-Baloup
Contenu

La gravité du comportement d’une partie à un contrat permet à l’autre d’y mettre fin de façon unilatérale, mais à ses risques et périls. Le juge saisi ultérieurement décide souverainement si les manquements invoqués étaient (in)suffisamment graves pour justifier l’initiative litigieuse.
En l’espèce, un chirurgien quitte brutalement une clinique, sans respecter le préavis d’un an applicable et laisse sans suite la lettre recommandée de celle-ci lui enjoignant de reprendre ses activités. Il est condamné en appel à indemniser la clinique à hauteur de 200 000 € et se pourvoit devant la Cour de cassation, qui confirme au visa ci-après : « La cour, après avoir relevé que M. Y, qui avait suspendu ses interventions en raison d’un risque d’infection nosocomiale soulevé par lui et apparu inexistant au terme des analyses aussitôt diligentées, avait néanmoins persisté un temps dans son refus de reprendre son service et qu’il ne pouvait par ailleurs reprocher à sa clinique d’avoir imposé directement au personnel du bloc opératoire diverses mesures d’hygiène, a souverainement estimé que rien ne justifiait la rupture à laquelle il avait procédé au mépris du préavis contractuel d’un an auquel il était soumis ». La condamnation du chirurgien est donc confirmée par le rejet de son pourvoi.
Il est indispensable de s’assurer de la preuve de la gravité du motif provoquant le départ sans respect total du préavis, que l’on soit médecin ou établissement de santé. Les condamnations de praticiens ne sont plus rares et les ruptures sur un coup de tête coûtent cher à ceux qui ne sont pas capables, pendant le procès, d’établir la réalité des griefs qu’ils invoquent, de leur gravité et qu’ils en avaient vainement saisi la clinique qui n’y a pas remédié. Les attestations sont difficiles à obtenir quand on a quitté l’établissement, les confrères et le personnel, même s’ils étaient à l’époque témoins directs des manquements, rechignant à nuire à l’établissement dans lequel ils exercent encore, contrairement au demandeur. La rupture brutale doit donc être précédée de la constitution d’un solide dossier composé par exemples de mises en demeure, de constats d’huissier, d’une délibération sur le sujet de la conférence médicale, ou s’il s’agit d’un risque infectieux comme dans cette affaire, d’une saisine officielle du CLIN ; le médecin s’assurera d’obtenir les témoignages dont il aura besoin, avant d’envoyer sa lettre de résiliation. A défaut, il est conseillé de saisir à jour fixe (jugé dans les 3-4 mois suivants) le tribunal de grande instance aux fins d’obtenir une autorisation de résilier sans préavis, sur le fondement de l’article 1184 du code civil. Le risque est de ne pas obtenir un jugement favorable, ce qui ne coûte que les frais du procès et pas la réparation du préjudice (ici 200 000 €) causé à la clinique lorsqu’elle saisit elle-même ce tribunal qui estime insuffisante la gravité des manquements ! ILB

Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2007