Répétition d’indus et sanctions financières T2A : même combat !

Auteur(s)
Jonathan Quaderi
Contenu

Si, à ce jour, nous devions retenir, en matière de tarification à l’activité, un point commun entre, d’une part, les répétitions d’indus notifiées par les organismes d’assurance maladie et, d’autre part, les sanctions financières infligées par les Agences Régionales de Santé, celui-ci ne pourrait résider que dans l’engagement d’une procédure de contrôle à l’encontre des établissements de santé mais, en aucune manière, de la lecture des décisions de justice rendues dans ce domaine, pour le moins disparate, puisque parfois aux antipodes les unes des autres, nonobstant les interventions régulières, depuis l’été dernier, de la Cour de cassation qui, par des arrêts souvent ésotériques, tente d’harmoniser ce contentieux, généralement au détriment des prétendus débiteurs.
La tendance actuelle, contrairement aux indices boursiers pour le petit actionnaire, semble toutefois s’inverser dans la mesure, à force de rudes plaidoiries, plusieurs tribunaux des affaires de sécurité sociale et cours d’appel ont entendu et, en consé-quence, fait droit à leurs prétentions, un des premiers problèmes auxquels sont confrontés cliniques et hôpitaux : la carence, à tout le moins l’insuffisance patente et préjudiciable de mise à disposition des griefs médico-tarifaires articulés à leur encontre, rendant fréquemment impossible de formuler utilement leurs observations en défense.
Saisi d’un tel argument, expliqué en des termes clairs et précis, le juge bordelais a, le 26 mai dernier et à quatre reprises, annulé purement et simplement les actes édictés par les caisses au motif qu’il leur appartient de « rapporter la preuve du non-respect des règles de tarification et de prise en charge, puis à l’établissement de soins de discuter éventuellement de ces éléments de fait et de preuve, leur appréciation étant soumise au pouvoir souverain des juges du fond. [Qu’en l’espèce], force est de constater que [l’organisme] ne produit aucun document de nature à justifier le non-respect pour l’établissement de soins des règles de tarification et de prise en charge, notamment le non-respect d’une des trois conditions cumulatives posées par l’article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale. »
Dans le même sens, par un arrêt du 27 juin 2011, la Cour d’appel de Pau, en reprenant à la formule près la rédaction des écritures présentées dans l’intérêt de la clinique, a retenu que « le seul renvoi à l’existence d’un contrôle contradictoire et à un rapport de contrôle […] ne dispense pas l’organisme qui réclame le remboursement d’un indu, de préciser […] la cause des sommes réclamées dans les notifications et mises en demeure. La référence globale au non-respect d’un texte […] ne permet pas de retenir que l’établissement avait eu connaissance exacte de ce qui lui était reproché, et notamment, puisque l’article qui aurait été violé prévoit trois conditions cumulatives, de retenir qu’il avait identifié la ou les conditions que la caisse considérait comme n’étant pas remplies. Il résulte de cette situation que la lettre d’observations de [l’établissement] porte sur des observations générales, les notifications qui lui avaient été adressées ne lui permettant pas de répondre point par point, dossier par dossier, et d’apporter éventuellement, la preuve du bon choix de la tarification adoptée. »
Bien entendu, le Cabinet ne peut que se satisfaire de ce résultat, escompté depuis plusieurs années déjà, légitimement obtenu par une juste application de la règlementation en vigueur. La bataille n’est pour autant pas terminée et la résistance de certaines caisses et juridictions mérite, dans certains cas, d’être combattue.
Toutefois, il ne s’agit plus, uniquement, de contester la motivation des notifications d’indus pour obtenir l’annulation de prétendues créances et il appartient aux établissements concernés dans leur ensemble (aussi aux praticiens et médecins DIM) d’observer scrupuleusement, d’une part, les prescriptions existantes en matière de dossier médical du patient, en particulier codifiées à l’article R. 1111-12-2 du code de la santé publique ainsi que, d’autre part, celles figurant dans le Guide Méthodologique de Production des Résumés de Séjour du PMSI.
Sur le premier point, en effet, la Haute Juridiction a eu l’occasion, en ce début d’année, de préciser que les juges de premier degré ont pu déduire, sans dénaturation, que la clinique connaissait la nature, la cause et l’étendue de son obligation lorsque, par exemple, « la lettre recommandée de notification […] [faisait] état du contrôle sur site à l’origine de la constatation des facturations erronées par suite de l’inobservation des règles de tarification ou de facturation ainsi que du rapport subséquent adressé à la Clinique [indiquait] la somme globale correspondant à l’indu réclamé sur le fondement des dispositions expressément visées de l’article L. 133-4 du code de la sécurité sociale et [comportait] un tableau annexé fournissant les précisions nécessaires à la clinique quant à la période à laquelle [se rapportaient] les indus, quant à l’identification de chacun des patients concernés par les actes litigieux, quant au mandatement effectué pour chacun des actes en cours, quant au montant initial de facturation, au montant retenu après le contrôle et au montant de l’indu pris dossier par dossier, tous éléments de nature à permettre à la clinique de connaître le principe et les bases de calcul ayant permis de chiffrer l’indu en cause ainsi que son motif et de présenter utilement ses observations ; que ces différents éléments ont permis à la clinique dans son courrier en réponse de contester la remise en cause des GHS et de critiquer d’un point de vue médical et tarifaire la position de la caisse […] » ou, encore, « lors-que les conclusions des agents de contrôle ont été notifiées à la polyclinique, […] la caisse lui [ayant] notifié l’existence d’un indu […] par une lettre à laquelle était annexée un tableau mentionnant l’erreur de tarification relevée lors du contrôle opéré […] [lequel comportait], notamment, le nom du patient concerné, la date du séjour hospitalier, la date et le montant de la facturation et du remboursement litigieux, le montant de l’indu et le motif ayant conduit la caisse à considérer que la polyclinique avait commis une erreur ; que de ces constatations et énonciations le tribunal a exactement déduit que la notification de payer, qui faisait référence au contrôle au cours duquel avait pu être examiné contradictoirement le dossier médical du patient concerné, ainsi que la mise en demeure avaient permis à l’établissement de santé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de ses obligations. » (Cass. civ. 2, 12 mai 2011, n° 10-16165 ; 7 juillet 2011, n° 10-21579).
Sur le second point, et dans la mesure où certains organismes versent au-jourd’hui aux débats les fiches argumentaires dressées par les médecins-conseils du service médical et se prévalent d’une absence d’éléments figurant dans le dossier médical du patient pour retenir le caractère ambulatoire d’un séjour, nous ne pouvons que recommander vivement aux structures de soins de veiller attentivement à ce que tous les éléments visés par cette disposition réglementaire figurent dans le dossier dont s’agit puisque, à défaut et sur le fond, faute de pouvoir en rapporter la preuve contraire, les chances d’obtenir l’annulation des réclamations de certaines caisses risqueraient d’être amenuisées en cas de nécessité de produire de tels documents. Pour mémoire, et nonobstant les conclusions hâtives que certains ont pu tirer d’un arrêt de cassation du 3 juin 2010, aux termes duquel la Cour avait considéré qu’un tribunal ne saurait ordonner des mesures d’expertise sur le fondement de l’article L. 141-1 du code de la sécurité sociale lorsque « la contestation soulevée par la caisse [se rapporte] exclusivement à l’application des règles de tarification et de facturation des actes [et non à des considérations d’ordre médical], [de sorte qu’elle] n’entrait pas dans le champ d’application de la procédure de l’expertise médicale », n’interdisant toutefois pas tout recours à un tel moyen d’investigation, ces expertises sont demeurées régulièrement sollicitées par les magistrats, comme ceux composant la Cour d’appel de Versailles, qui, par un arrêt du 19 mai 2011, ont requis un complément d’expertise ou, encore, ceux composant le TASS de l’Aube, lesquels ont jugé, le 21 juin 2011, que « c’est au travers de chaque dossier médical concerné qu’il y a lieu de rechercher la réalité des conditions de facturation des GHS ; que […] s’agissant d’une condition médicale liée à la pathologie du patient, le tribunal est dans l’impossibilité de statuer sur le bien-fondé du GHS facturé ; qu’il importe en conséquence d’ordonner une expertise aux fins de déterminer pour [chaque] dossier concerné par le contrôle, si les cotations pratiquées étaient conformes à des GHM ouvrant droit à des GHS. Qu’il sera donc sursis, dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, sur l’ensemble des demandes au fond formées par les parties. » (cf. Cass. Civ. 2ème, 3 juin 2010, n° 09-16465 ; CA Versailles, 19 mai 2011, n°10/01298 ; TASS de l’Aube, 21 juin 2011, n° 20800021).
Nous attirons enfin plus particulièrement l’attention des médecins DIM sur le fait que les contrôles T2A portent dorénavant, de plus en plus, sur une recherche d’erreur de codage de leur part, qui contreviendrait aux dispositions inscrites dans le Guide Méthodologique de Production des Résumés de Séjour du PMSI en MCO, nouveau terrain de responsabilité et fondement d’indus, voire de sanctions financières sur lequel les juges n’ont pas eu particulièrement à connaître depuis l’instauration de la tarification à l’activité et, en conséquence, circonstance susceptible d’être, là encore, dans un premier temps, défavorable aux cliniques et hôpitaux.

Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2011