Le refus de soins du patient ne peut réduire la réparation de son dommage (Cour de cassation, 1ère Chambre civile, 15 janvier 2015, n° 13-21.180)

Auteur(s)
Charlotte Paillet
Contenu
Suite à deux interventions chirurgicales subies dans une clinique, un patient présente une hyperthermie indiquant un état infectieux. Deux jours plus tard, et contre les indications de son médecin, il quitte l’établissement pour retourner à son domicile. Le mois suivant, son état s’aggrave et une septicémie par streptocoque à l’origine d’atteintes secondaires à l’épaule, au foie et au cœur, est diagnostiquée. En l’absence de cause étrangère, l’établissement de santé engage sa responsabilité conformément aux dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.
La clinique demande à la Cour la réduction du préjudice : elle admet être responsable d’une partie du dommage, mais conteste être à l’origine de l’entier dommage, le refus de soins adopté par le patient sur le fondement de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique l’ayant aggravé. L’expert affirmait d’ailleurs dans son rapport que s’il avait été procédé immédiatement au traitement de l’infection, celle-ci se serait résorbée dans un délai de 15 à 30 jours. Selon la clinique, ce comportement est d’autant plus critiquable que la victime exerçait, au moment des faits, une profession de santé et avait par conséquent pleinement conscience de la nécessité des traitements et des risques encourus. Pour ces motifs, la clinique sollicite de la Cour d’être condamnée à payer uniquement l’indemnisation du préjudice résultant de l’infection nosocomiale « normalement traitée ».
Sur le fondement des articles 16-3 du code civil, L. 1142-1 et L. 1111-4 du code de la santé publique, la Cour de cassation rejette les demandes de l’établissement de santé :
« Le refus d’une personne, victime d’une infection nosocomiale dont un établissement de santé a été reconnu responsable en vertu du deuxième de ces textes, de se soumettre à des traitements médicaux, qui, selon le troisième, ne peuvent être pratiqués sans son consentement, ne peut entraîner la perte ou la diminution de son droit à indemnisation de l’intégralité des préjudices résultant de l’infection. »
La Haute juridiction considère que si le patient a été amené à opposer un refus de soins, c’est uniquement parce qu’il avait en premier lieu contracté une infection relevant de la responsabilité de l’établissement. La Cour avait déjà adopté une position similaire : « l’auteur d’un accident doit en réparer toutes les conséquences dommageables ; que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable » (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 19 juin 2003, n° 00-22302).
Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2015