PUPH et discipline ordinale

Titre complément
(arrêt Conseil d'Etat, 13 avril 2018, n° 406887)
Auteur(s)
Gabin Attia
Contenu

   « Comment qualifier au cours de la guerre entre Israël et Gaza la mort par bombardement classique de 22 membres d’une même famille ? S’agit-il d’un crime de guerre, d’un crime contre l’humanité, d’un génocide ? » Telle est la question posée en 2012 à des étudiants en médecine de l’université Paris-Diderot par leur professeur, par ailleurs praticien hospitalier. Un tollé d’une telle ampleur s’ensuit que ce dernier fait l’objet non seulement d’une enquête administrative des instances académiques mais également, sur plainte du conseil départemental de la ville de Paris de l’Ordre des médecins, de poursuites disciplinaires devant la chambre disciplinaire de première instance d’Île-de-France de l’Ordre des médecins.

   Le conseil départemental soulève deux griefs qui tiennent d’une part à la formulation du sujet d’examen et, d’autre part, aux propos tenus par le PUPH dans une tribune diffusée sur internet en 2014.

   Il est sanctionné d’un blâme en première instance et perd en appel, au motif que, bien que le premier grief soit reconnu infondé, ce n’est pas le cas du second tenant au libellé du sujet d’examen lequel suffit à justifier la sanction prononcée.

   Mais le Conseil d’Etat censure ce raisonnement : les faits reprochés à un praticien hospitalier professeur des universités, lorsqu’ils se rapportent aux activités exercées en cette dernière qualité et qu’ils sont indétachables des activités universitaires, ne peuvent être valablement poursuivis devant les instances disciplinaires ordinales.

   Il ne s’agit pas nécessairement d’une solution intuitive car les instances disciplinaires répriment habituellement tout « acte de nature à déconsidérer la profession » au sens de l’article R. 4127-31 du code de la santé publique ; pourtant, le Conseil d’Etat considère en l’espèce que le grief soulevé par le conseil départemental est irrecevable.

   La solution est néanmoins nécessaire. Ce moyen ne peut être examiné puisqu’il a trait à « la connotation politique du libellé d’un sujet d’examen » : le Conseil d’Etat, au visa de la Constitution et de l’article L. 952-2 du code de l’éducation, préserve l’indépendance des professeurs d’université qui a valeur de principe fondamental reconnu par les lois de la République (Conseil constitutionnel, 20 janvier 1984, n° 83-165 DC) en sauvegardant le périmètre d’intervention de l’instance spéciale de l’article L. 952-22 du code de l’éducation.

   La liberté d’expression d’un professeur d’université ne peut donc être indirectement bridée par les juridictions de son ordre professionnel : praticien hospitalier ou non, ce qui se passe à l’Université reste à l’Université.

   Prudence toutefois, car les juridictions disciplinaires conservent une compétence de principe pour l’ensemble des faits commis par les praticiens professeurs, tant qu’ils sont détachables des fonctions universitaires et de nature à déconsidérer la profession.   

Source
La Lettre du Cabinet - Septembre 2018